A B
C D
E F
G H
I J
K L
M N
O P
Q R
S T
U V
W X
Y Z
Ou Éléazar, frère de Marie et de Marthe, demeurait avec ses sœurs à Béthanie, près de Jérusalem ; et Jésus-Christ lui faisait l’honneur d’aller quelquefois loger chez lui, lorsqu’il venait dans cette ville. Un jour que Jésus était au delà du Jourdain avec ses apôtres, Lazare tomba malade (Jean 11.1-3) ; et ses sœurs en donnèrent avis au Seigneur, en lui faisant dire : Celui que vous aimez est malade. Jésus répondit : Cette maladie ne va point à la mort ; mais elle n’est que pour la gloire de Dieu et de son Fils. Il demeura encore deux jours au même endroit ; et puis il dit à ses disciples que Lazare était endormi, et qu’il voulait l’aller éveiller. Il voulait dire qu’il était mort, et qu’il le ressusciterait. Jésus étant arrivé, qu’il y avait déj à quatre jours qu’il était dans le tombeau. Marthe ayant appris son arrivée, vint au-devant de lui, et lui dit ; Seigneur, si vous eussiez été ici, mon frère ne serait pas mort. Jésus lui répondit : Votre frère ressuscitera. Marthe répliqua : Je sais qu’il ressuscitera au dernier jour. Jésus lui dit : Je suis la résurrection et la vie ; celui qui croit en moi, quand il serait mort, vivra.
Peu de temps après, Marie vint aussi trouver Jésus, qui n’était pas encore entré dans le village ; et Jésus l’ayant vue qui pleurait, il frémit en son esprit, et se troubla lui-même.Puis il demanda : Où l’avez-vous mis ? On le mena au tombeau, et il pleura. Lorsqu’il y fut arrivé, il dit : ôtez la pierre qui ferme l’ouverture du tombeau. Marthe lui dit : Seigneur, il sent déj à mauvais ; car il y a quatre jours qu’il est là. Jésus répartit : Ne vous ai-je pas dit que si vous croyiez, vous verriez la gloire de Dieu ? On ôta donc la pierre ; et Jésus ayant rendu grâces à son Père de ce qu’il l’exauçait toujours, il cria à haute voix : Lazare, sortez dehors. À l’heure même le mort sortit, ayant les pieds et les mains liés de bandes, et le visage enveloppé d’un linge. Alors Jésus leur dit : Déliez-le, et le laissez aller.
Plusieurs Juifs, voyant cette œuvre divine, crurent en Jésus ; mais quelques-uns s’en allèrent raconter aux pharisiens ce que Jésus avait fait ; de sorte que ce miracle, qui s’était fait, pour ainsi dire, aux portes de Jérusalem, fit grand bruit ; et les prêtres résolurent de faire périr Jésus. Or Jésus sachant leurs mauvaises dispositions, se retira à Epbrem, sur le Jourdain, en attendant les moments marqués dans les décrets du Père céleste. [Voyez miracle et mon Histoire du Nouv. Testament, livre 4 chapitre 16 pages 137, col. 2 et suivants]
Six jours avant Pâques (Jean 12.1-3), Jésus vint de nouveau à Béthanie, où il avait ressuscité Lazare. On lui prépara à souper. Marthe servait. Lazare était un de ceux qui étaient à table avec lui ; et Marie oignit les pieds du Sauveur avec un parfum précieux. Les Juifs voyant que la résurrection de Lazare avait fait une grande impression dans l’esprit du peuple, prirent la folle résolution de le faire mourir, aussi bien que Jésus-Christ ; comme si le Sauveur, qui l’avait ressuscité mort, ne pouvait pas aussi le ressusciter tué. Ils exécutèrent leur mauvais dessein envers le Sauveur ; mais à l’égard de Lazare, l’histoire sainte ne nous dit pas ce qu’il devint. Saint Épiphane dit que la tradition était que Lazare avait trente ans, lorsque Jésus-Christ le ressuscita, et qu’il vécut encore trente ans. De sorte qu’il serait mort l’an 63 de l’ère vulgaire [On a fait bien des objections contre le miracle de la résurrection de Lazare ; Un auteur protestant les résume, et y répond de la manière suivante :
Ce miracle, le plus grand de tous, mit le comble à la gloire du Christ, et à la haine de ses ennemis (Jean 12.1), etc. Lazare était présent au souper ou Marie, sa sœur, oignit les pieds du Sauveur ; les Juifs accoururent en foule pour voir le ressuscité, et consternés de cette affluence, les principaux sacrificateurs eurent l’audace et la méchanceté de concevoir le projet de faire mourir Lazare ; mais leur fureur n’imposa point silence à la sincérité de la multitude, et la foule qui suivait Jésus lors de son entrée triomphante à Jérusalem, rendait témoignage à la résurrection de son ami.
Les preuves en sont toutes dans le récit ; c’est le plus grand miracle, c’est aussi le plus circonstancié ; une simple lecture en-trahie la conviction ; on sent que l’exégèse est inutile, et qu’un jugement droit suffit. Aussi, les peines que l’on s’est données, soit pour changer le miracle et n’y voir que la guérison d’une maladie ou la fin d’un évanouissement, sont incroya bles. Essayons d’exposer avec impartiatié comment, dans ce sens, on a arrangé les circonstances et expliqué les paroles. Il est bon quelquefois de voir l’erreur ; ensuite on reconnaît mieux la vérité. Jésus reçoit à Béthabara la nouvelle de la maladie de Lazare. Cette annonce l’a si peu inquiété, qu’il a dit à ses disciples : Cette maladie n’est point à la mort, en d’autres termes, n’est point mortelle, et qu’il est resté deux jours encore au delà du Jourdain. Le Christ n’a pu juger ainsi de l’état du malade, sans interroger en détail le messager ; hôte familier de la famille de Béthanie, il devait connaître la constitution de son ami ; ces raisons font croire qu’il n’a pas renvoyé le messager, sans le charger de rendre aux deux sœurs ses conseils sur les soins et les médicaments dont leur frère avait besoin. Il est vrai qu’en rassurant les inquiétudes de ses disciples par ce mot : La maladie n’est point mortelle, il ajoute : Elle est à la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu soit glorifié par elle ; mais cette parole signifie simplement : Je guérirai Lazare, ou bien ce n’est qu’une réflexion, un éclaircissement de l’historien, et non une parole du Christ. Avant de partir de Bétharaba, un second messager vint informer Jésus que Lazare était mort ; cette nouvelle l’inquiéta ; cependant il ne perdit pas tout espoir ; connaissant la constitution de Lazare et la nature de sa maladie, il se flatta qu’il était tombé en léthargie, et qu’il en reviendrait ; la preuve en est qu’il dit aux disciples : Lazare dort. Il ajoute : J’y vais pour l’éveiller, parce que s’il y avait en effet lé thargie, il pouvait l’en retirer à force de soins, selon les uns, par sa puissance, selon les autres ; mais si la mort intervenait, alors Jésus ne s’était point compromis, puisqu’il avait parlé de réveiller d’un évanouissement, non d’un trépas. On peut objecter que le Christ ensuite leur a dit ouvertement : Lazare est mort ; mais cette réplique peut être traduite ainsi : On m’a annoncé la mort de Lazare : et ceci confirme ce qui précède : Jésus n’a pas voulu communiquer d’abord à ses disciples la nouvelle telle qu’il l’avait reçue, parce qu’il la croyait fausse et voulait éviter de trop les affliger. Quand il dit :J’ai de la joie pour vous de ce que je n’y étais point, afin que vous croyiez, cela veut dire : Si pendant ce qui vient d’arriver, j’avais été présent à Béthanie, moi, l’ami de Lazare, votre foi aurait chancelé.
Enfin Jésus arrive à Béthanie… continuons cette pénible tâche ; Marthe dit au Christ ; Seigneur, si vous eussiez été ici, mon frère ne serait pas mort ; mais maintenant je sais que tout ce que vous demanderez à Dieu, Dieu vous l’accordera ; cela ne prouve aucunement que Marthe eût quelque espérance de la résurrection de Lazare ; sa première pensée a été de ne pas laisser au Christ le temps de croire que sa foi avait fléchi, et ces mots reviennent à ceux-ci : j’ai la même opinion de votre science qu’auparavant. En effet, Jésus ne songeait pas à rendre la vie à Lazare, puisqu’il répond à sa sœur : Votre frère ressuscitera, mot vague et général qui se rapporte à la résurrection universelle des corps ; aussi Marie l’a entendu ainsi en répondant : Je sais que mon frère ressuscitera au dernier jour. Quant à Marie, toute sa conduite montre qu’elle n’avait pas le moindre espoir du prodige. Comme elle, le Christ s’émeut et pleure ; aurait-il versé des larmes, s’il avait été sûr d’accorder un si grand bienfait à une famille désolée ; pouvait-il gémir d’une mort, au moment d’une résurrection ? Marthe, il est vrai, a dit : Le corps sent déjà ; mais comment le savait-elle ? elle l’a conjecturé, sans en étre sûre. Les quatre jours du sépulcre ne prouvent rien ; les exemples ne manquent pas de léthargies, qui ont duré aussi longtemps, et plus. La maladie dont Lazare serait mort, selon l’opinion commune, n’est point désignée, et, dans tout le récit, les hommes de l’art ne découvrent aucun signe de mort proprement dite. À l’observation de Marie, Jésus répond : Ne vous ai-je pas dit que si vous croyez, vous verrez la gloire de Dieu ? c’est qu’il espérait la fin naturelle de l’évanouissement, ou, selon d’autres, de le terminer par un miracle. La fraîcheur de la grotte, les émanations des aromates dont le corps était entouré, ont pu servir à ranimer les sens du malade, et le renouvellement de l’air, lorsque la pierre est enlevée, a pu déterminer l’instant du réveil. Au moment où l’on a ouvert la grotte, le Christ seul y est entré, ou seul y a regardé ; alors il a vu que la Providence avait rempli ses vœux, il a vu que Lazare vivait, il a rendu grâce, et ensuite il a invité son ami à sortir du sépulcre, en lui disant : Lazare, sortez dehors.
Nous oserons le dire, en bravant d’avance les récriminations ; voilà les jongleries de la science. Il n’y a pas de termes assez forts pour exprimer la profondeur d’absurdité que présente ce système, et il n’y a pas de meilleure démonstration de la vérité de la résurrection de Lazare, que ce résumé de l’opinion contraire. Certes, si les choses se sont ainsi passées, elles sont plus miraculeuses que le miracle. Quelle incohérence dans tout cet exposé ; de combien d’invraisemblances, de contradictions, de contresens, il fourmille ! Quel esprit faux, ou aveuglé par des idées systématiques, il faut avoir, pour disséquer ainsi une des plus belles pages de l’Évangile ! Quel déplorable abus de l’imagination et de l’érudition ! Tout est contre cette manière d’entendre le récit, jusqu’aux détails de philologie, jusqu’aux nuances de traduction : nous devons nous borner aux faits. Où trouve-t-on dans l’Évangile la moindre trace de ces prétendues questions sur la maladie de Lazare faites au messager, et des conseils dont Jésus l’aurait chargé sur le traitement à suivre ; un homme qu’on envoie remplir une telle commission, aurait-il été en état de donner des renseignements de ce genre, assez complets, assez exacts ? Si Jésus n’avait pas tout prévu, combien il s’exposait en affirmant que le danger n’était pas mortel ; s’il a pensé que cette léthargie aurait lieu, comment a-t-il tardé deux jours ; comment n’est-il pas parti immédiatement pour voiret soigner Lazare et conseiller ses sœurs, au lieu de se fier à l’ignorance d’un messager ? Les Juifs ensevelissaient promptement leurs morts ; comment Jésus, toujours dans la supposition de la léthargie, n’a-t-il pas craint, en tardant deux jours, qu’on ensevelirait son ami vivant encore ? Si la maladie n’était point mortelle, comment pouvait-elle étre à la gloire de Dieu, ainsi que Jésus l’annonce ; car cette parole tient évidemment à la première, et n’est point une réflexion déplacée de l’évangéliste. Luc second messager, indispensable à l’opinion que nous réfutons, est une fable inventée par ses auteurs, et dont il n’est pas dit un mot dans le récit. Combien il est plus simple de croire que le Christ attend la mort de Lazare, sait quand elle arrive, parce qu’il sait tout, et dit alors : Retournons en Judée ! L’expression : Lazare dort, est précisément celle dont le Christ s’est servi en parlant de la fille de Jaïrus (Matthieu 9.24. ; Marc 5.39 ; Luc 8.52), et la promesse, J’y vais pour l’éveiller, que l’on a vainement voulu traduire d’une manière moins positive, ne doit-elle pas évidemment suivre le sens des mots qui précèdent ? Quelle imprudence dans cette promesse, si Jésus n’était pas sûr d’avoir et l’occasion et le pouvoir de la remplir ? Pourquoi donner un espoir incertain ? Comment n’a-t-il pas plutôt annoncé simplement l’intention d’aller voir Lazare !
L’affirmation, qui suit et dissipe l’erreur des disciples : Lazare est mort, est formelle ; certes, si le Christ n’en avait pas été assuré, s’il avait cru son ami en léthargie, il se serait exprimé autrement. Je me réjouis d’avoir été absent de Béthanie, afin que vous croyiez, ne peut signifier : Votre foi aurait faibli, si ce malheur était arrivé en ma présence ; la tournure de l’original s’oppose à ce qu’on mette cette imprudente parole dans la bouche du Christ ; car les disciples auraient pu lui répondre : Pourquoi n’étiez-vous pas a Béthanie ; pourquoi avez-vous tardé deux jours ? L’entretien de Jésus et de Marthe est aussi faussement interprété que le reste ; quoi ! dans un moment pareil, Marthe n’aurait songé qu’à donner au Christ une bonne opinion de la constance de sa foi ? On ne se vante pas dans une douleur profonde ; l’idée, selon toutes les règles de la critique, est : Vous auriez guéri mon frère, mais vous pouvez nous le rendre encore dors, éprouvant sa foi en feignant de renvoyer son espérance au dernier jour, Jésus dit vaguement ; Votre frère ressuscitera ; elle répond, peut-être avec l’accent du désappointement : Je sais qu’il ressuscitera au dernier jour, et le Christ enfin ramène les pensées de Marthe sur l’instant présent et sur lui-même. L’objection tirée des larmes que répand le Sauveur, ne mérite pas d’être réfutée ; cependant elle est peut-être moins absurde encore, que cette supposition d’une si inconcevable hardiesse, que Marie parlait par conjecture des signes de dissolution que donnait le corps ; il est historiquement prouvé que l’usage des Juifs était de visiter les tombeaux, et d’y pleurer ; saint Jean (Jean 11.31) donne clairement à entendre que les sœurs de Lazare ont suivi cette coutume ; Marie explique et confirme ce qu’elle avance en ajoutant : Car le corps est là depuis quatre jours ; et l’on ose aujourd’hui soutenir qu’elle ignorait ce qu’il était si naturel qu’elle sût ! C’est alors que le Christ lui adresse cette parole : Ne vous ai-je pas dit que si vous croyez, vous verrez la gloire de Dieu ! Ici encore on a vainement voulu traduire d’une manière moine positive, moins formelle, moins précise et pour le fait promis et pour le moment indiqué ; le Christ, selon nos adversaires, espérait, ou commençait à espérer que Lazare reprendrait ses sens : s’il ne faisait que l’espérer, quelle énorme imprudence que de promettre si clairement devant cette multitude, qui n’était pas toute bien disposée en sa faveur (Jean 11.37), que l’on verrait la gloire de Dieu ; si, au contraire, le Christ alors était sûr de la résurrection de Lazare, on ne voit nullement d’où vient qu’il n’en ait pas été sûr dès le commencement. Les quatre jours de léthargie dans le sépulcre, l’effet salutaire de la tralcheur de la grotte et de la force des parfums, ne sont, si l’on ose ainsi s’exprimer, que des miracles humains, mis à la place des œuvres divines ; certes, il y avait là de quoi faire mourir, et non revivre. Que le Christ soit entré seul, ou que seul il ait regardé dans le sépulcre, ces conjectures imaginaires n’ont pas le moindre appui dans le récit ; au contraire, Jésus lève les yeux au ciel (Jean 11.44) au moment qu’on ouvre la tombe, et si l’on prend le mot de la résurrection pour une simple invitation de sortir du sépulcre, cela sept prouve que Jésus n’y était pas. Mais ce mot qu’il prononce à voix forte, après une prière calme et solennelle, ce mot est un ordre, un commandement, une parole de vie.
La seule objection, spécieuse en apparence, est que les trois premiers évangélistes n’ont rien dit de cet étonnant prodige. Diverses solutions sont proposées, que l’on doit réunir. Les auteurs sacrés n’ont pas formé le dessein d’écrire l’histoire complète du Christ, mais de rassembler un assez grand nombre de faits et de discours, pour faire connaltre en Jésus le Messie attendu ; or, les trois premiers ont rapporté la résurrection de la fille de Jaïrus, et saint Luc, en outre, celle de l’enfant de Naïm. Il paraît aussi que tous les trois se sont attachés à raconter le ministère de Jésus en Galilée, tandis que saint Jean s’occupe bien plus dans ses récits de Jérusalem et de ses environs. L’une des intentions de ce dernier était précisément de conserver la mémoire des événements que ses prédécesseurs avaient omis. La silence d’ailleurs n’est ni une objection ni un démenti ; il est contraire à toutes les lois de la critique historique de nier un fait, parce que tous les historiens ne l’ont pas transmis, et saint Luc, qui rapporte l’entretien du Christ avec les deux sœurs de Lazare, n’a certainement pas ignoré le prodige de sa résurrection. À ces réponses, il faut en joindre une qui les complète ; il est très-probable que Lazare vivait encore, lorsque les trois premiers évangélistes écrivaient ; les ennemis du Christ avaient formé, dès le miracle, le projet de faire mourir Lazare (Jean 12.10) ; on conçoit combien ce témoin gênait leur haine et leur incrédulité ; les évangélistes n’ont pas voulu le signaler à leur inimitié, et l’exposer à des persécutions et des périls, en rappelant le souvenir, accablant pour les Juifs, de sa résurrection.
Que dirons-nous encore, et quel faisceau de preuves se lie autour de cette belle vérité ! Tout le récit de ligne en ligne, les caractères intrinsèques d’un témoignage oculaire ; saint Jean dit à peine un mot de ce qui s’est passé à Béthanie avant l’arrivée du Christ, et raconte au long ce qui a suivi ce retour ; c’est ainsi que raconte un homme frappé de ce qu’il a vu, et indifférent au reste.
Un accord parfait règne entre la résurrection de Lazare, et tous les faits environnants, à Béthabara, à Béthanie, à Jérusalem. Les personnes sont nommées ; les lieux sont marqués ; les instants sont comptés ; la Providence est là partout I Les jours sont mesurés pour l’avantage de la foi ; nous courons auprès de nos amis, avant que leur tombe se ferme ; ami divin, Jésus tarde jusqu’à ce que la tombe de Lazare soit fermée ; la croix l’attend non loin de ce sépulcre qu’il vient ouvrir ; mais une résurrection préparera bien ses disciples à espérer la sienne ; il arrive, son ami n’est plus ; l’ensevelissement a eu lieu ; le corps se dispose à la dissolution ; une foule considérable remplit la maison mortuaire ; Jésus pleure avec la famille qui pleure ; devant tous ces témoins, il prononce un mot, et le mort se lève ! Si ce concours de circonstances n’est pas divin, que notre âme reste attachée à la poudre (Psaumes 119.25) ; si la puissance, la sagesse, la bonté du Christ se voient ici comme a l’œil, que Dieu la fasse revivre par sa parole ! »
Les Grecs disent que Lazare ressuscité mourut à Cytie, ville de Cypre, où l’on voyait son tombeau près les murs de la ville ; et qu’il y avait dans la même île quelques églises dédiées en son honneur. L’empereur Léon le Sage ayant fait bâtir une église à Constantinople en l’honneur de saint Lazare, vers l’an 890, envoya en Cypre, où l’on trouva son corps près de la ville de Cytie, dans un tombeau de marbre, dont l’inscription portait que c’était Lazare aimé de Jésus-Christ, et ressuscité par lui le quatrième jour.
D’autres veulent qu’après la mortde Notre-Seigneur, les Juifs aient pris Lazare, Marie et Marthe, ses sœurs, Joseph d’Arimathie et quelques autres, qu’ils les aient mis sur un vaisseau tout démâté, tout pourri et prêt à faire naufrage ; et qu’ils les aient exposés à la merci des flots sur la Méditerranée ; mais que, par une conduite particulière de la Providence, leur vaisseau vint prendre port à Marseille, où Lazare et ses sœurs étant débarqués, commencèrent à y répandre la lumière de l’Évangile. Que Lazare ayant été fait évêque de Marseille, y finit sa vie, par le martyre, après avoir gouverné cinquante ans cette Église. Mais les savants rejettent cette histoire, comme ayant été inconnue à tous les anciens, et n’ayant aucun des caractères de vérité capables de la faire recevoir. [Voyez Marthe].
L’Évangile (Luc 16.19-20) parle d’un pauvre nommé Lazare, tout couvert d’ulcères, qui demeurait couché à la porte d’un riche, et qui désirait de pouvoir se rassasier des miettes qui tombaient de sa table, sans qu’il se trouvât personne qui les lui donnât. Le riche était dans l’abondance, vêtu de pourpre et de lin, et se traitait tous les jours magnifiquement. Lazare étant mort, fut porté par les anges dans le sein d’Abraham. Le riche mourut aussi, et eut l’enfer pour sépulture. Lorsqu’il était dans les tourments, il vit de loin Lazare, qui était dans le sein d’Abraham, et il se mit à crier : Père Abraham, ayez pitié de moi, et envoyez Lazare, afin qu’il trempe le bout de son doigt dans l’eau pour me rafraîchir la langue. Mais Abraham lui répondit : Mon fils, souvenez-vous que vous avez reçu vos biens dans votre vie, et que Lazare n’y a eu que des maux. C’est pourquoi il est maintenant dans la consolation, et vous dans les tourments.
Les anciens et les nouveaux interprètes sont partagés sur la nature de ce que nous venons de raconter ; savoir si c’est une histoire ou une parabole. Saint Irénée, saint Ambroise, saint Grégoire le Grand, Tertullien, Euthyme, Luc de Bruges et quelques autres, croient que c’est une histoire. Le nom de Lazare et les diverses particularités que Jésus-Christ a eu soin de marquer, insinuent quelque chose de plus qu’une parabole. Mais saint Chrysostome, saint Cyrille d’Alexandrie, Théophylacte et la plupart des nouveaux interprètes tiennent que c’est une parabole. Enfin d’autres tiennent un milieu, et croient que ce n’est ni une simple parabole, ni une histoire parfaite ; mais que le fond est historique, et que le Sauveur l’a embelli par quelques circonstances qui ne sont que paraboliques. On peut consulter les commentateurs sur saint Luc 16.19-20, etc. On a donné à saint Lazare le nom de saint Ladre, et on a invoqué ce saint contre la lèpre : d’où vient aussi qu’on a donné aux lépreux le nom de ladres, et celui de ladreries aux léproseries, ou hôpitaux où l’on recevait et nourrissait les lépreux. Il y avait en France une infinité de ces léproseries dédiées à saint Lazare, à sainte Marthe et à sainte Madeleine. Parmi nous, de même que parmi les Hébreux, on séparait du commun du monde ceux qui étaient attaqués de la lèpre. Les causes des lépreux étaient commises au tribunal ecclésiastique. Le concile de Nougarot, en Armagnac, tenu en 1290, défend par son cinquième canon, de poursuivre les lépreux devant le juge laïque pour les actions personnelles, apparemment à cause qu’il n’était pas permis aux lépreux de se mêler parmi les autres hommes, de peur qu’ils ne leur communiquassent leur mal ; ou parce qu’ils étaient sous la protection de l’Église, qu’il les séparait du reste du peuple, par une cérémonie que nous lisons encore dans les rituels.