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Chez les Hébreux, le larcin n’était pas puni de mort (Proverbes 6.30-31) : Ce n’est pas une grande faute qu’un homme dérobe pour avoir de quoi manger, lorsqu’il est pressé de la faim. S’il est pris, il rendra sept fois autant, et il donnera tout ce qui est dans sa maison. La loi (Exode 22.2) permettait de tuer le voleur nocturne, parce que l’on présumait qu’il en voulait à la vie autant qu’aux biens. Elle condamnait le simple voleur à rendre la chose au double (Exode 22.4). S’il avait pris un bœuf, il en rendait cinq ; s’il avait pris une brebis, il en rendait quatre (Exode 22.1 2 Samuel 12.6). Mais si la chose se trouvait encore en vie dans sa maison, il ne rendait que le double. S’il ne faisait pas la restitution, on saisissait ce qui était dans sa maison, on le mettait à l’enchère, et on le vendait lui-même, s’il n’avait pas de quoi payer (Exode 22.5). Le Sage, dans l’endroit que nous avons cité, semble dire que le voleur restituait sept fois la valeur de la chose : Reddet septuplum ; mais sept fois est mis pour plusieurs fois. Zachée s’engage à rendre le quadruple de ce qu’il peut avoir mal acquis Mais son emploi de publicain (Luc 19.8) ; mais c’est que les lois civiles condamnaient les receveurs des deniers publics à restituer au quadruple les fraudes et les vols qu’ils avaient faits. [Ces fonctionnaires étaient sans doute punis beaucoup plus sévèrement que les malheureux qui volaient pour ne pas mourir de faim].
Si le voleur, étant pris et conduit devant les juges, était interrogé juridiquement et interpellé au nom du Seigneur de déclarer le fait, s’il s’opiniâtrait à le nier, et qu’il fût ensuite convaincu de parjure, il était condamné à mort, non à cause du vol, mais à cause du parjure. Le complice ou le receleur du vol était soumis à la même peine, s’il ne découvrait pas la vérité devant les juges, en étant requis au nom du Seigneur. Si un homme cité en justice ne veut pas découvrir au juge ce dont il a été témoin, lorsqu’il en est conjuré au nom du Seigneur, il portera son iniquité (Lévitique 5.1) ; il sera puni du dernier supplice. Et Salomon (Proverbes 29.24) : Celui qui s’associe avec un voleur hait sa propre vie : il entend qu’on le prend à serment, et il ne le décèle point.
Les Israélites, étant sur le point de sortir de l’Égypte (Exode 11.2, Exode 21, Exode 22), empruntèrent de leurs voisins et de leurs voisines des habits précieux et des vases d’or et d’argent, et les emportèrent dans le désert. Je ferai que vous trouviez grâce aux yeux des Égyptiens, et que vous ne sortiez pas du pays les mains vides. Mais chaque femme demandera à sa voisine et à son hôtesse des vaisseaux d’or et d’argent et des vêtements précieux, et vous en revêtirez vos fils et vos filles, et vous dépouillerez l’Égypte. On demande si les Hébreux ont pu légitimement emprunter ainsi aux Égyptiens des choies qu’ils n’avaient nulle envie de leur rendre, et si dans cette occasion ils ne commirent pas un vol. On répond, 1° que Dieu, dans cette rencontre, dispensa les Hébreux de la loi qui défend le vol ; ou plutôt que, comme maître absolu de toutes choses, il transporta aux Hébreux la propriété des biens qui appartenaient aux Égyptiens. L’auteur du livre de la Sagesse insinue une autre raison (Sagesse 10.17), qui est que Dieu voulut dédommager les Hébreux des travaux qu’ils avaient soufferts dans l’Égypte, et leur permit de se payer par leurs propres mains, en retenant ce qu’ils avaient emprunté des Égyptiens. Cette voie de se dédommager, régulièrement, n’est pas permise. Mais, dans cette circonstance, n’ayant point de moyen de se faire rendre justice, et se trouvant autorisés par l’ordre de Diep, ils ont pu se servir de cette liberté.
D’autres regardent ceci non comme un vol, mais comme un bien acquis de bonne guerre. Les Égyptiens étaient les ennemis des Hébreux ; ils les persécutaient injustement depuis longtemps, et leur ôtaient les moyens de se défendre et de recouvrer leur liberté ; ils ont donc pu licitement les dépouiller de leurs biens par une ruse et une espèce de stratagème, en feignant de leur emprunter ce qu’ils ne devaient jamais rendre.
Le Maître des Sentences distingue ici les Israélites qui ont agi dans la simplicité de leur cœur, et obéi de bonne foi à l’ordre de Dieu, de ceux qui ont suivi le penchant de leur cupidité et de leur avarice. Les premiers sont excusés de péché par la droiture de leur intention ; mais non pas les seconds, qui étaient dans la disposition de voler les Égyptiens, s’ils l’avaient pu faire impunément, quand même Dieu ne leur aurait pas permis de rien emprunter d’eux. Saint Augustin raisonne à-peu-près de même dans le second livre contre Fauste le manichéen.
Saint Irénée remarque que les Égyptiens étaient redevables aux Hébreux, non-seulement de leurs biens, mais aussi de leur vie, à cause des bienfaits qu’ils avaient reçus du patriarche Joseph dans leur extrême nécessité. Les Israélites étaient injustement accablés d’une cruelle servitude dans l’Égypte. Les Égyptiens exerçaient contre eux toutes sortes de violences, et les accablaient de maux, jusqu’à leur rendre la vie ennuyeuse, à charge. Les Hébreux leur avaient bâti des villes, et avaient considérablement augmenté les biens de ces maîtres sans pitié, qui, au lieu de reconnaître ces services, voulaient encore leur ôter la vie. Quelle injustice y a-t-il donc que les Israélites aient pris une petite partie de tant de biens qu’ils avaient procurés aux Égyptiens, et s’ils ont reçu une petite récompense de tant de services qu’ils leur ont rendus ? Ils sortirent pauvres de l’Égypte, au lieu qu’ils auraient dû y amasser de très-grandes richesses, s’ils n’avaient pas été réduits en une injuste servitude ; et de même qu’un homme libre, qui aurait été enlevé et vendu pour esclave, pourrait sans injustice se remettre en liberté et se payer de ses travaux, en prenant à son maître une petite récompense de tous ses travaux ; ainsi les Israélites ont pu, en se retirant de l’Égypte, recevoir quelque petite chose en récompense de beaucoup qui leur était dû.
Les rabbins enseignent que les Égyptiens intentèrent autrefois un procès aux Israélites par devant Alexandre le Grand, pour leur faire restituer les vases d’or et d’argent que leurs ancêtres avaient autrefois emportés de l’Égypte. Alexandre donna jour aux parties pour exposer leurs demandes et pour entendre leurs raisons. Elles se rendirent en sa présence. Les Israélites reconnurent que leurs ancêtres avaient emprunté, et n’avaient pas rendu les vases d’or et d’argent des Égyptiens, et déclarèrent qu’ils étaient prêts à leur en faire la restitution, pourvu que de leur côté les Égyptiens leur payassent les travaux de plusieurs années, que leurs pères avaient travaillé pour eux en Égypte. Les Égyptiens, ayant ouï les demandes des Hébreux, n’osèrent attendre la sentence de leur juge, et se déportèrent de leurs demandes. Tertullien touche en passant cette ancienne tradition des Hébreux, dans ses livres contre Marcion. On peut voir sur la question que nous traitons ici saint Clément d’Alexandrie, livre 1 des Stromates saint Augustin contre Fauste, et dans ses questions sur l’Exode, Théodoret, question 23 sur l’Exode, et les commentateurs sur le chapitre 3 v. 21, 22 de l’Exode.
Si quelqu’un avait volé un Israélite libre ou esclave, et qu’il l’eût vendu à un autre, il était condamné à mort (Exode 21.16). L’Hébreu porte : Celui qui aura volé un homme, et l’aura vendu, et s’il est trouvé entre ses mains, il sera puni de mort. Mais on peut l’entendre ainsi avec Glassius : Celui qui aura volé un homme, soit qu’il l’ait vendu, ou qu’il l’ait encore entre ses mains, il sera puni de mort. Les Juifs ne croient pas que cette loi leur défende sous peine de mort ie vol d’un homme d’une autre nation, mais seulement le vol fait d’un Hébreu. Les lois athéniennes et les lois romaines punissaient aussi de mort le vol d’un homme.
On vendait les voleurs qui n’avaient pas de quoi restituer leur vol, on vendait aussi les enfants des débiteurs insolvables (2 Rois 4.1). Les rabbins enseignent qu’une femme qui était convaincue de vol ne pouvait jamais être vendue, et qu’on ne pouvait jamais vendre un Hébreu, à moins que, la chose qu’il avait volée n’excédât le prix de sa personne. S’il valait cent écus, on ne le vendait pas pour un vol de quatre-vingt-dix écus.