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Les anciens donnaient le nom de lamies, de lemures, de larves et d’empuses, à certaines femmes, ou plutôt à certains démons qui, sous la figure de femmes attiraient par leurs caresses de jeunes enfants qu’elles dévoraient ensuite. Ces lamies n’ont apparemment jamais existé que dans l’imagination des nourrices et des femmes ; non plus que ces sorcières, qu’on dit qui vont la nuit au sabbat, transportées au travers des airs. Toutefois saint Jérôme n’a pas fait difficulté de se servir deee terme dans la Vulgate en deux endroits. Jérémie dans ses Lamentations (Lamentations 4.3) : Les lamies même, toutes-cruelles qu’elles sont, ont découvert leurs mamelles, et ont donné à têter à leurs petits. Mais la fille de mon peuple est aussi cruelle que l’autruche dans le désert. Le terme hébreu lhannim ; signifie un grand poisson, un dragon marin ; et il est très-croyable que saint Jérôme en cet endroit a voulu marquer le lamia, le chien marin, ou même la baleine, qui produisent leurs petits tout vivants, et qui les nourrissent de leur lait. Cela revient à la comparaison que fait Jérémie de la lamie à la fille de son peuple.
La lamie est un monstre marin si extraordinairement grand, qu’on en a vu qui pesaient jusqu’à trente mille livres, et qu’une charrette à dix chevaux avait peine à traîner. À Nice et à Marseille on a pris des lamies, dans l’estomac desquelles on a trouvé des hommes entiers, et même tout armés. Rondelet dit qu’il en a vu une en Saintonge qui avait la gueule si grande, qu’un homme gros et gras y fût aisément entré ; il ajoute que si on tient cette gueule ouverte avec un baillon, les chiens y entrent aisément pour manger ce qu’ils trouvent dans l’estomac. Gemer confirme la même chose, et en fait la même description. C’est le plus goulu de tous les poissons, et qui digère en moins de temps. La lamie a les dents grosses, âpres et aiguës ; de figure triangulaire, découpées comme une scie, disposées par six rangs, dont le premier se montre hors de la gueule ; celles du second sont droites, et les troisièmes sont tournées en dedans :
L’autre passage où il est parlé de la lamie est dans Isaïe (Isaïe 34.14). Ce prophète, suivant la Vulgate, dit que le pays d’Édom ou des Iduméens sera réduit en solitude ; que la lamie y couchera, et y trouvera son repos. L’Hébreu porte lilith, qui signifie, selon quelques-uns, la chouette, ou quelque autre oiseau de nuit. Les rabbins enseignent que Lilith était la première femme d’Adam, laquelle, s’étant prise de querelle avec son mari, prononça le nom de Jéhovah, qu’il n’est pas permis de prononcer, et aussitôt elle fut enlevée en l’air. Adam se plaignit à Dieu de la fuite de son épouse, et Dieu envoya trois anges après Lilith, pour lui ordonner de revenir ; sinon de la menacer qu’il lui mourrait tous les jours cent de ses enfants. Lilith refusa opiniâtrément de retourner avec son mari, et aima mieux consentir à la mort de ses enfants que de se réconcilier avec lui. Les trois anges l’ayant voulu contraindre à revenir, elle les pria de le laisser dans l’air, et leur promit de ne faire aucun mal aux enfants qui porteraient sur eux le nom de ces trois anges. De là vient que les Juifs pour garantir leurs enfants de la violence de cette mauvaise femme, ont accoutumé d’écrire sur un parchemin qu’ils mettent au cou de leurs enfants, ces noms : Sexoï, Sansénoï, Sammangéloph. Voyez ci-après Lilith.
La Fable dit que Lamie était une fort belle femme, qui ayant eu des enfants de Jupiter, Junon en conçut tant de dépit qu’elle lui procura des funestes couches, en sorte qu’elle mit ses enfants morts au monde. Lamie en fut si affligée, qu’elle devint extraordinairement laide, et que, parjaluusie, elle dévorait les enfants des autres. Il y a beaucoup d’apparence que le nom de latnia vient de l’hébreu laham, qui signifie dévorer. Il a encore cette signification dans l’Arabe.
Les Arabes content mille choses des lamies, des fées ou méduses, qu’ils croient être des dénions ou mauvais génies, du nombre de ceux à qui Dieu avait donné le gouvernement du monde, avant qu’il l’eût confié à Eblis qui, dans la suite, se révolta contre Dieu et fut précipité dans l’enfer. Ils croient que les anciens génies ou Dives, ou Ginns étaient niâtes et femelles ; les Dives étaient mâles, et les Péris les femelles. Les Péris sont d’une beauté extraordinaire et ne font point de mal ; au contraire les Dives sont laids et mauvais, et font ordinairement la guerre aux Péris. La nourriture de celles-ci sont des odeurs les plus excellentes ; leur pays est le Ginnistan, comme qui dirait la Féerie, le pays des génies, des fées ou des lamies. Ils disent que Salomon ayant eu l’avantage de vaincre une de ces lamies, l’employa à une infinité de choses merveilleuses et extraordinaires.