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Secte des Juifs qui s’attachent principalement au texte et au sens littéral de l’Écriture, et qui sont opposés aux rabbanistes, qui font leur capital des traditions des anciens.
Voici de nouvelles recherches sur les karaïtes. Nous les tirons du Bulletin des sciences de Férussac (section de géographie, tome 17 pages 271-274. Paris, 1829). Elles sont intitulées Notice sur les Juifs karaites, et avaient paru d’abord dans les Archives du Nord (Sièverni Arkhif), mars 1827, n°6, page91. Cette Notice est signée N. de Rouquier, et nous la reproduisons telle qu’elle est dans le Bulletin.
« On trouve en Égypte, en Crimée, près de Kherson, éri Volhynie et en Lithuanie, une Secte de Juifs appelés karaïtes, et plus souvent karaïmes. Il en existait aussi en Espagne au douzième siècle ; mais ils en furent chassés par les intrigues des rabbinites. Plusieurs écrivains juifs et chrétiens, Trigland, Wolf, Schubart, Selden, un certain Salomon, auteur d’un ouvrage intitulé Arpirion, et Gustave Peringer, un de leurs coreligionnaires, que Charles II roi de Suède, envoya, en 1690, à la synagogue de Lithuanie en qualité de professeur de langues orientales nous ont laissé des documents sur l’origine de ces sectaires, sur leur histoire et leur organisation civile et religieuse. »
Les karaïtes tirent leur nom du mot harca, qui signifie écriture. Il paraît que cette dénomination leur fut donnée parce qu’ils s’attachent à la lettre seule de l’Écriture, et qu’ils n’adoptent pas, comme les autres Juifs appelés talmudistes, ou rabbinites, l’autorité du Talmud, ni les interprétations des rabbins. Aussi passent-ils dans l’opinion de ces derniers pour des hérétiques et pour avoir des règles communes avec les saducéens. Les karaïtes n’ont pas repoussé ce second reproche : ils avouent même qu’ils sont d’accord avec les saducéens, quant à l’observance des fêtes, et qu’ils partagent quelques-unes de leurs croyances religieuses. Cependant, des savants chrétiens, dont l’impartialité ne peut être suspectée, assurent que dans les siècles du moyen âge, ils avaient renoncé en grande partie à la doctrine des saducéens, et le père Bartolocci, auteur de la Bibliothèque rabbinique, les compare même aux Samaritains, et affirme qu’ils ne reconnaissent que cinq livres de Moïse. »
Outre les principaux points de dissidence dont il vient d’être question, les karaïtes diffèrent encore des rabbinites sous le rapport de la liturgie, du mode de circoncision, du régime alimentaire et de l’appréciation des degrés de parenté qui s’opposent au mariage. » Leurs lois civiles présentent aussi quelques caractères distinctifs. Elles permettent la polygamie, qui cependant est repoussée par leurs mœurs. Chez eux, comme chez les rabbinites, les fiançailles sont un lien aussi indissoluble que le mariage, et, pour le rompre, il faut se prévaloir des mêmes moyens que pour le divorce ; cependant, la fille mineure que son père a fiancée redevient libre, à son gré, si celui-ci meurt avant la conclusion du mariage. Les causes principales du divorce sont : la stérilité pendant dix ans, l’idiotisme et les défauts physiques notoires de la femme, tels que la cécité, la surdité, etc., l’inconduite du mari et son refus de satisfaire aux obligations du mariage.
Ils ne peuvent faire, ni par donations entre vifs, ni par testament, aucune disposition au préjudice de leurs héritiers ; il ne leur est pas non plus permis d’en avantager un, de préférence aux autres. Voici dans quel ordre se règlent les successions : 1° les fils 2° leur descendance masculine, 3° les filles, 4° leurs enfants indistinctement, 5° le père, 6° les oncles paternels, 7° les frères, 8° la mère. Les enfants naturels ne sont pas exclus, pourvu que la mère soit karaïte. Le mari ne peut jamais hériter de sa femme : seulement il est loisible à celle-ci de lui abandonner une certaine partie de sa dot. »
Morin, Grido, Wagenseil et presque tous les rabbinites prétendent que leur schisme ne date que de l’année 70 après Jésus-Christ : eux soutiennent, au contraire, qu’avant la destruction du premier temple de Jérusalem, ils existaient sous le nom de Société du fils de Jésudé, et que plus tard seulement on les désigna sous celui de karaïtes, pour les distinguer des talmudistes. À les en croire, le Christ serait issu d’une famille karaïte, et leurs princes, tout-puissants autrefois, auraient régné sur l’Égypte. D’après l’opinion de Scaliger, celle de Trigland et de Wolf, leur histoire présente trois époques : la première remonterait à Siméon-ben-Chétak, l’un d’eux, qui, forcé d’émigrer à Alexandrie pour éviter la persécution dirigée en 106 avant Jésus-Christ par Alexandre Janné contre tous les savants de ses États, revint à Jérusalem lorsque le danger fut passé, et commença à y prêcher sa doctrine : la seconde époque remonterait à Anan, qui en 750 après Jésus-Christ fut leur chef à Babylone : la troisième, enfin, à Hédélias ben-don Davis, qui, au quinzième siècle, fit le voyage de Lisbonne à Constantinople, dans l’intention de réunir ses coreligionnaires aux autres Juifs ; mais celui-ci, ayant échoué dans son projet, leur donna un code de lois qui, avec l’Adéreth, livre de morale fort estimé parmi eux, forma la base de leurs institutions. »
On n’a point de données historiques sur leur établissement en Pologne, où, d’après le recensement de 1790, ils forment une population de 4296 individus ; ou sait seulement qu’à différentes époques des priviléges leur furent accordés par Casimir 4. Sigismond I et Étienne Batori. Il semblerait cependant, d’après les traditions constantes de leurs synagogues, que les premières colonies qui s’établirent en Pologne y arrivèrent de la Crimée, sous la conduite du célèbre Witowt, grand-duc de Lithuanie. Ce qui pourrait corroborer cette opinion, c’est l’usage dans lequel ils sont d’employer le dialecte tartare dans la conversation, et de punir ceux qui commettent des fautes graves en leur battant la plante des pieds à la manière turque. Leur premier rabbin réside à Tchoufout-kale, près de la ville de Bakhtchisaraï en Crimée, et dans les occasions importantes, les karaïtes de Lutzk et de Trotzki ne manquent pas de recourir à ses lumières. »
Leur civilisation est en rapport avec celle des contrées qu’ils habitent. Quoique les rabbinites les accusent d’ignorance, ils possèdent néanmoins un nombre d’ouvrages suffisant pour le développement de leur éducation politique et religieuse. Au reste, si l’on ne voit pas que la science ait été portée chez, eux à un degré bien supérieur, du moins ne peut-on leur refuser le juste tribut d’éloges auquel ils ont droit par leur probité reconnue et leurs vertus sociales. Pauvres, mais laborieux, ils trouvent dans leur industrie assez de ressources pour fournir à l’entretien de leurs familles. La plupart sont voituriers ; quelques-uns aussi font le commerce en détail. Jamais ni les promesses, ni les menaces, n’ont pu les déterminer au vil métier de l’espionnage, et les archives de Pologne donnent la preuve qu’aucun d’eux, pendant l’espace de quatre siècles, n’a été poursuivi pour crime. En Gallicie, le gouvernement les a exemptés des charges supportées par les autres Juifs, et leur a accordé les mêmes droits qu’aux sujets chrétiens. »