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Oiseau immonde fort commun en Égypte. Strabon dit qu’il est semblable à la cigogne, et que les uns sont blancs, et les autres noirs. Les Égyptiens adoraient ces oiseaux à cause qu’ils dévoraient les serpents, lesquels sans cela auraient inondé leur pays. Le terme hébreu janeschoph, que l’on a traduit par ibis, peut venir de nescheph, qui signifie les ténèbres ; ce qui est cause que Junius et Bochart, au lieu de l’ibis, entendent sous ce nom la chouette. Le syriaque le rend par un cygne, et l’arabe par nisus, qui est un aigle de mer.
On convient que l’ibis est de l’espèce des cigognes l’ibis blanc est une véritable cigogne ; le noir, qui est proprement l’ibis, est un oiseau propre à l’Égypte : il n’en sort point, et on dit même qu’il ne peut vivre hors de ce pays. De loin il parait tout noir, mais à le regarder de près il est de la couleur d’un vanneau ou d’un corbeau de bois, dont le pennage parait mêlé de vert et d’une couleur tirant sur le bleu, mêlé d’un peu de couleur pourpre. Son ventre et ses côtés sous les ailes sont blancs ; son bec est grand, robuste, et de couleur d’écarlate, aussi bien que ses jambes et ses pieds. Son bec est long d’environ huit doigts, son cou est de la longueur d’un pied ou de quatorze doigts, son corps et sa poitrine sont larges comme le dos d’une oie : lorsqu’il a sa tête sons les ailes, il a la forme d’un cœur.
L’ibis blanc est répandu dans toute l’Égypte, mais le noir ne se voit communément que vers Damiette. Les Égyptiens avaient tant de vénération pour l’ibis, que c’était parmi eux un crime capital d’en avoir tué un seul, même par mégarde. Cambyse, roi de Perse, qui n’ignorait pas leur superstition à cet égard, fit mettre devant son armée des ibis, pendant qu’il assiègeait Damiette. Les Égyptiens, n’osant tirer contre elles, ni par conséquent contre les ennemis, laissèrent prendre la ville, qui était comme la clé de toute l’Égypte. Non-seulement l’ibis mange les serpents volants, ou saraph, mais il les tue lorsqu’il en a mangé son soûl. Il mange aussi les œufs des serpents, et les porte à ses petits, qui en sont fort friands. Après la mort de l’ibis, les Égyptiens l’embaumaient pour le conserver, lui faisaient des espèces de funérailles, et lui rendaient de grands honneurs.
Ce qui est fort remarquable en cet oiseau, c’est que, encore qu’il soit aquatique et qu’il vive principalement autour du Nil, il n’entre pourtant jamais dans l’eau, et ne sait pas nager. On croit que c’est de l’ibis qu’on a appris l’usage des lavements, et non pas de la cigogne. Il fait ordinairement son nid sur les palmiers, pour éviter les chats. Les anciens ont écrit qu’il concevait par le bec, et même qu’il mettait bas ses œufs par là. Mais l’un et l’autre est également faux. Aldrovand rapporte que la chair de l’ibis est rouge, comme celle du saumon, qu’elle est douce, que sa peau est très-dure, et sent fort la sauvagine [Presque tous les voyageurs qui ont visité l’Égypte, dit Sonnini, se sont mépris sur la vraie nature de l’ibis, que les uns ont confondu avec la cigogne, d’autres avec quelques espèces de hérons, quelques-uns avec un vautour, etc. Ces méprises sont excusables, puisque l’on chercherait vainement de nos jours en Égypte une espèce qui y fut jadis si commune et tellement attachée à ce pays, que, suivant la croyance des anciens, tous les individus que l’on transportait au dehors se laissaient mourir de faim : accoutumés non-seulement à une protection spéciale, mais encore à des soins et à des ménagements particuliers, les ibis ne durent pas subsister longtemps, dès que ces égards eurent fait place à la persécution ; ceux qui ne furent pas victimes se retirèrent dans la basse Éthiopie, où ils jouissent de la tranquillité, et où M. le chevalier Bruce les a retrouvés.
C’est en effet à cet illustre voyageur anglais que l’on doit la connaissance exacte d’un oiseau au sujet duquel on n’était pas d’accord, parce qu’on ne le voyait plus dans les mêmes contrées qu’autrefois. Il porte dans sa nouvelle patrie le nom arabe d’abou-Hannis, c’est-à-dire, père de Jean, parce qu’il parait en plus grand nombre vers la fête de la Saint-Jean, époque à laquelle les pluies commencent en Abyssinie, et des vols innombrables d’oiseaux aquatiques se réunissent sur les bords du Nil.