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Ou Génésareth. Lac de Génésareth, le même que le lac de Tibériade, et la mer de Cinéreth, ou Cénéreth. Voyez Cénéreth.
Au mois d’octobre 1832, M. de Lamar tine contemplait avec admiration le lac de Génésareth, et il écrivait les lignes que je vais rapporter :
Nous remontâmes à cheval pour longer, jusqu’au bout de la mer de Tibériade, les bords sacrés du beau lac de Génésareth. La caravane s’éloignait en silence du village où nous avions dormi, et marchait sur la rive occidentale du lac, à quelques pas de ses flots, sur une plage de sable et de cailloux, semés çà et là de quelques touffes de lauriers-roses et d’arbustes à feuilles légères et dentelées qui portent une fleur semblable au lilas. À notre gauche, une chaîne de collines à pic, noires, dépouillées, creusées de ravines profondes, tachetées de distance en distance par d’immenses pierres éparses et volcaniques, s’étendait le long du rivage que nous allions côtoyer, et, s’avançant en promontoire sombre et nu à-peu-près au milieu de la mer, nous cachait la ville de Tibériade et le fond du lac du côté du Liban. Nul d’entre nous n’élevait la voix ; toutes les pensées étaient intimes, pressées et profondes, tant les souvenirs sacrés parlaient haut dans l’âme de chacun de nous. Quant à moi, jamais aucun lieu de la terre ne me parla au cœur plus fort et plus délicieusement. J’ai toujours aimé à parcourir la scène physique des lieux habités par les hommes que j’ai connus, admirés, aimés ou vénérés, parmi les vivants comme parmi les morts. Le pays qu’un grand homme a habité et préféré pendant son passage sur la terre m’a toujours paru la plus sûre et la plus parlante relique de lui-même, une sorte de manifestation matérielle de son génie, une révélation muette d’une partie de son âme, un commentaire vivant et sensible de sa vie, de ses actions et de ses pensées…
Mais ce n’était plus un grand homme ou un grand poee dont je visitais le séjour favori ici-bas ; c’était l’homme des hommes, l’homme divin, la nature et le génie de la vertu faits chair, la divinité incarnée, dont je venais adorer les traces sur les rivages mêmes où il en imprima le plus, sur les flots mêmes qui le portèrent, sur les collines où il s’asseyait, sur les pierres où il reposait son front. Il avait, de ses yeux mortels, vu cette mer, ces flots, ces collines, ces pierres ; ou plutôt cette mer, ces flots, ces collines, ces pierres l’avaient vu ; il avait foulé cent fois ce chemin où je marchais respectueusement ; ses pieds avaient soulevé cette poussière qui s’envolait sous les miens ; pendant les trois années de sa mission divine il va et vient sans cesse de Nazareth à Tibériade, de Jérusalem à Tibériade ; il se promène dans les barques des pêcheurs sur la mer de.Galilée ; il en calme les tempêtes ; il y monte sur les flots en donnant la main à son apôtre de peu de foi comme moi, main céleste dont j’ai besoin plus que lui dans les tempêtes d’opinions et de pensées plus terribles !
La grande et mystérieuse scène de l’Évangile se passe presque tout entière sur ce lac, et au bord de ce lac, et sur les montagnes qui entourent et qui voient ce lac. Voilà Emmaüs, où il choisit au hasard ses disciples parmi les derniers des hommes, pour témoigner que la force de sa doctrine est dans sa doctrine même, et non dans ses impuissants organes. Voilà Tibériade, où il apparut à saint Pierre, et fonda en trois paroles l’éternelle hiérarchie de son Église. Voilà Capharnaüm, voilà la montagne où il fait le beau sermon de la montagne ; voilà celle où lit prononce les nouvelles béatitudes selon Dieu ; voilà celle où il s’écrie : Misereor super turbam ! et multiplie les pains et les poissons, comme sa parole enfante et multiplie la vie de l’âme ; voilà le golfe de la pêche miraculeuse ; voilà tout l’Évangile enfin, avec ses paraboles touchantes et ses images tendres et délicieuses qui nous apparaissent telles qu’elles apparaissaient aux auditeurs du divin Maître, quand il leur montrait du doigt l’agneau, bercail, le bon pasteur, le lis de la vallée ; voilà enfin le pays que le Christ a préféré sur cette terre, celui qu’il a choisi pour en faire l’avant-scène de son drame mystérieux ; celui où, pendant sa vie obscure de trente ans, il avait ses parents et ses amis selon la chair ; celui où cette nature dont il avait la clef lui apparaissait avec le plus de charmes ; voilà ces montagnes où il regardait comme nous se lever et se coucher le soleil qui mesurait si rapidement ses jours mortels ; c’était là qu’il venait se reposer, méditer, prier et aimer les hommes et Dieu.