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Ville de la tribu de Benjamin (Josué 18.24), célèbre par plus d’un endroit. Elle donna naissance à Saül, premier roi d’Israël, d’où vient qu’on l’appelle assez souvent Gabaa de Saül, ou Gabaa, patrie de Saül.
Elle est aussi fameuse par ses crimes, et surtout par celui qu’elle commit envers la femme d’un jeune lévite qui était venu loger à Gabaa (vers l’an du monde 2591, Avant Jésus-Christ 1409, Avant l’ère vulgaire 1413). d’abord personne n’offrit le couvert à ces étrangers, et ils demeurèrent sur la place jusqu’à ce qu’un vieillard les priât de venir dans sa maison (Juges 19). À peine avaient-ils soupé, que ceux de la ville vinrent environner la maison du vieillard, demandant avec de grand cris qu’il fit Sortir ces gens qui étaient dans sa maison, disant qu’ils les voulaient connaître. Ils cachaient sous ce terme une action honteuse et abominable.
Le vieillard fit ce qu’il put pour les détourner de ce mauvais dessein ; et, voyant qu’ils ne l’écoutaient point, il leur dit : J’ai une fille qui n’est point mariée, et cet homme a sa femme, je les amènerai vers vous, et vous les aurez pour satisfaire votre passion. Je vous prie seulement de ne pas commettre à l’égard d’un homme un crime si détestable. En même temps, le lévite leur amena lui-même sa femme et l’abandonna à leurs outrages. Et après avoir abusé d’elle toute la nuit, ils la laissèrent ; et cette femme étant revenue à la maison où logeait son mari, elle tomba morte les bras étendus sur le seuil de la porte.
Son Mari l’ayant trouvée en cet état, la prit et l’emporta sur son âne dans sa maison, la coupa en douze morceaux, qu’il envoya à chacune des douze tribus d’Israël. Alors, onze tribus assemblées demandèrent que ceux de Benjamin leur livrassent les coupables, afin qu’on en fit un exemple. Mais, au lieu d’exécuter une chose si raisonnable, ils se mirent en état de défendre par les armes ceux de Gabaa ; d’où s’ensuivit une guerre qui faillit à ruiner entièrement la tribu de Benjamin.
Les Benjamites mirent sur pied une armée de vingt-cinq mille hommes, sans compter les habitants de Gabaa qui étaient au nombre de sept cents, combattant également de la main gauche comme de là droite, et si habiles frondeurs qu’ils auraient pu frapper un cheveu d’un coup de pierre (Juges 20.16). l’armée d’Israël était composée de quatre cent mille hommes ; elle s’assembla à Silo, où était l’arche du Seigneur, pour le consulter et savoir qui serait leur général. Le Seigneur répondit : Que Juda Soit votre général.
Le lendemain, dès la pointe du jour, les enfants d’Israël s’étant mis en campagne vinrent camper près de Gabaa, et commencèrent à battre la ville ; mais les Benjamites firent une sortie sur eux et leur tuèrent vingt-deux mille hommes. Les israélites, consternés, allèrent pleurer jusqu’à là nuit devant le Seigneur (car l’arche avait été transportée de Silo au camp devant Gabaa). Là ils le consultèrent en disant : Devons-nous combattre encore les enfants de Benjamin, nos frères ?
Le Seigneur répondit : Marchez contre eux et leur livrez bataille. Le lendemain, ils s’avancèrent donc en ordre de bataille vers Gabaa. Les habitants, avec les Benjamites, sortirent de la ville et tombèrent sur eux avec tant d’impétuosité, qu’ils leur tuèrent encore dix-huit mille hommes. Alors, les enfants d’Israël, entièrement consternés, vinrent devant l’arche et, s’étant assis, y pleurèrent et jeûnèrent jusqu’au soir, offrirent des holocaustes et des hosties pacifiques, et consultèrent encore le Seigneur, par le moyen de Phinées, qui était alors grand prêtre, et lui dirent : Devons-nous combattre nos frères les enfants de Benjamin, ou demeurer en repos ? Le Seigneur leur répondit :
Marchez contre eux, car demain, je les livrerai entre vos mains.
Ils partagèrent leur armée en trois corps : l’un fut mis en embuscade derrière la ville, afin d’y entrer et d’y mettre le feu, d’abord que les habitants en seraient sortis ; l’autre, composé de dix mille hommes, devait se présenter devant la ville, avec ordre de lâcher pied dès que ceux de Gabaa seraient en leur présence ; le troisième corps, qui était le plus considérable, et qui composait le gros de l’armée, était caché dans un lieu appelé Baalthamar, et ne devait paraître que lorsque les Benjamites seraient éloignés de la ville et attirés en pleine campagne par les dix mille hommes qui devaient feindre de prendre la fuite.
Le stratagème réussit comme on l’avait projeté ; ceux de Gabaa, étant sortis avec leur audace ordinaire, se mirent à poursuivre les fuyards sans prendre aucune précaution pour la défense de leur ville ; ceux qui étaient derrière en embuscade y entrèrent sans résistance et y mirent le feu. Alors les autres, qui avaient fait semblant de fuir, voyant la fumée de la ville, firent volte-face, et, étant soutenus par le gros de l’armée qui était à Baalthamar, et qui parut en même temps, ils tombèrent sur les Benjamites, et en firent un grand carnage ; ceux qui voulurent regagner leur ville se trouvèrent enveloppés et taillés en pièces par ceux qui venaient d’y mettre le feu. Il y eut, en cette occasion, dix-huit mille hommes des Benjamites passés au fil de l’épée. Comme leur armée fut dispersée en divers endroits, on en tua encore dans une rencontre cinq mille, et deux mille dans un autre endroit. Ainsi le nombre des morts ce jour-là fut de vingt-cinq mille hommes. Ceux qui purent échapper se retirèrent sur le rocher de Remmon. Les Israélites ensuite entrèrent dans Gabaa, et firent tout passer au fil de l’épée, depuis les hommes jusqu’aux bêtes, et toutes les villes et villages de la tribu de Benjamin furent traités de même et consumés par le feu [Observations sur la guerre des onze tribus contre les Benjamites à Gabaa (Juges 20). Rien n’était plus juste que cette guerre des onze tribus, qui ne prirent les armes contre celle de Benjamin que pour venger un crime énorme et abominable : aussi, lorsqu’ils furent à Silo, où étaient le tabernacle et l’arche du Seigneur, pour le consulter et savoir qui les commanderait en chef, il leur répondit (Juges 20.18) : Que Juda soit votre général, marque évidente que le Seigneur agréait cette guerre. Cependant les onze tribus qui composaient une armée si formidable, furent deux fois battues honteusement devant Gabaa, par une armée qui leur était infiniment inférieure, et perdirent quarante mille hommes dans ces deux actions. Cela étonne et paraît surprenant, car Dieu n’est point protecteur du crime. Les interprètes se tirent d’affaire du mieux qu’ils peuvent sur ces deux victoires remportées si près l’une de l’autre par les Benjamites. Dom Calmet dit dans son commentaire « que les Israélites ne demandent point d’abord au Seigneur s’il a pour agréable qu’ils fassent la guerre à leurs frères ; qu’ils s’assemblent, et prennent d’eux-mêmes leur résolution : ce qui fut cause de leur mauvais succès. Il ajoute que l’on aurait sujet d’en être surpris, si l’on ne savait que les jugements de l’Éternel sont bien au-dessus de ceux des hommes, et que souvent nos desseins les plus justes, et nos intentions les plus saintes, ne sont point suivies du succès qu’on croyait avoir droit d’espérer, afin quel l’homme apprenne à s’humilier, à se défier de ses forces, et à mettre sa confiance, non pas dans sa justice, ni dans la force de son bras, mais dans la miséricorde et dans la protection du Tout-Puissant. » Cette morale est excellente, mais dans un cas pareil, où l’innocence opprimée et le sang répandu criaient vengeance au ciel et réunissaient tous les esprits pour punir un crime qui faisait horreur (allait-il aller consulter le Seigneur ? Il est vrai qu’ils avaient toujours coutume de le consulter, mais c’était dans des choses qui paraissaient douteuses (Nombres 9.9 ; Juges 18.5-5 ; 1 Samuel 14.37 ; 23.2-4, 9 ; 30.8 ; 2 Samuel 2.1-19, 23 ; 21.1 ; 2 Rois 22.13-18 ; 1 Chroniques 14.10-14 ; 2 Chroniques 18.4-5) ; comme on le voit ici, quand il s’agit de choisir un général : il fallait que Dieu le nommât ou le désignât, afin que les autres chefs des tribus lui fussent soumis, et que l’envie de commander ne vint à les désunir. De plus, l’Écriture ne les accuse d’aucun crime : Phinées, qui était grand prêtre, n’aurait pas manqué de le leur reprocher, lorsqu’ils furent le trouver pour consulter le Seigneur ; ils n’avaient rien fait contre les Benjamites, leurs frères, qui ne fût selon les règles de l’équité et le droit des gens ; ils avaient envoyé des ambassadeurs pour leur demander les coupables afin de les punir ; mais, sur leur refus, ils voient bien qu’il en faut venir à une guerre ouverte. Ils s’assemblent, ils vont consulter le Seigneur, ils lui demandent un général ; il le nomme : n’est-ce pas lui demander sa protection, et lui faire connaître qu’ils ne prennent les armes que pour venger son honneur, et punir les auteurs et les défenseurs d’un crime détestable ? Cependant ils sont battus ; ils recourent à lui, il leur ordonne de combattre une seconde fois ; ils sont encore battus ; Dieu les trompe-t-il ? Je n’ai garde de le croire ; je pense, comme le savant commentateur, que les jugements de Dieu sont bien au-dessus de ceux des hommes, et que ses voies sont incompréhensibles. Mais venons présentement aux actions.
Le Seigneur ayant nommé Juda pour commander les enfants d’Israël, ils marchèrent dès la pointe du jour, et vinrent se camper près de Gabaa ; s’avançant de là pour combattre les enfants de Benjamin, ils commencèrent à battre la ville (Juges 20.19-20). Je croirais volontiers qu’ils environnèrent d’abord la ville pour en faire le siège, et pour l’insulter de toutes parts, en l’attaquant par la sape et par l’escalade ; car la méthode des Juifs, dès qu’il s’agissait de siège, était d’investir la place de toutes parts, et de tirer des lignes de circonvallation ou de contrevallation, selon les craintes. Ceux de Gabaa, suivant les apparences, profitèrent du moment favorable pour faire une sortie générale, afin de ne pas avoir toute l’armée d’Israël sur les bras ; de sorte qu’ils tombèrent sur une partie de cette prodigieuse armée, qu’ils mirent en fuite, et dont ils tuèrent vingt-deux mille hommes.
Après cette première déroute, les Israélites se retirèrent dans leur camp. Le lendemain, dit l’auteur sacré (Juges 20.22), s’appuyant sur leurs forces et sur leur grand nombre, ils se remirent en bataille dans le même lieu où ils avaient combattu. Si ce verset n’était pas suivi d’un autre qui nous démontre qu’ils s’humilièrent devant le Seigneur, pour implorer sa miséricorde, les interprètes auraient raison de dire que, « fiers de leur nombre, et présumant trop de leurs forces, Dieu leur envoya une perte si sensible ; » mais, au contraire, ils allèrent auparavant pleurer devant lui, et le consulter pour savoir s’ils combattraient encore contre les enfants de Benjamin, leurs frères. Le Seigneur leur répondit (Juges 20.23) : Marchez contre eux, et leur livrez bataille. N’était-ce pas reconnaître leur impuissance, et que, malgré leur grand nombre, ils ne pouvaient rien, si Dieu ne les soutenait de sa main toute-puissante ; cependant ils furent encore battus, et perdirent dix-huit mille hommes.
Enfin les enfants d’Israël, consternés de leurs disgrâces, n’ont cependant, recours qu’à Dieu ; ils viennent au tabernacle ; là ils gémissent, jeûnent jusqu’au soir, lui offrent des holocaustes et des hosties pacifiques, et le consultent par le moyen du grand prêtre Phinées, en disant : Combattrons-nous encore nos frères les enfants de Benjamin, ou abandonnerons-nous cette entreprise, et nous en retournerons-nous en paix ? Le Seigneur enfin les exauça, et leur dit par la bouche de son serviteur Phinées (Juges 20.28) : Marchez contre eux ; car demain je les livrerai entre vos mains.
Ensuite ils dressèrent des embuscades autour de la ville. Cette ruse me ferait croire qu’ils n’investirent pas la place de toutes parts ; ou bien qu’ils ramassèrent dans cette dernière action toutes leurs forces ensemble, faisant mine d’abandonner cette entreprise, et de se retirer, afin que les Benjamites donnassent plus aisément dans le piège. Ainsi ils partagèrent leur armée en trois corps : l’un fut mis en embuscade derrière la ville, avec ordre à celui qui le commandait d’attendre le moment que les Benjamites en sortiraient pour s’en saisir et y mettre le feu. Le second corps, composé de dix mille hommes, s’avança vers l’ennemi pour l’attirer loin de la ville. Les Benjamites, s’imaginant que les dix mille hommes ne s’étaient avancés que pour couvrir la retraite du gros de l’armée d’Israël, tombèrent dessus. Les dix mille hommes feignirent de lâcher pied peu à peu pour les attirer dans la plaine : pendant ce temps-là l’embuscade qui était derrière la ville s’étant levée, s’en empara et y mit le feu. Alors les dix mille hommes qui fuyaient firent volte-face ; le gros de l’armée, qui était à Baalthamar, s’avança en ordre de bataille, et les embuscades commencèrent à paraître ; en sorte que les Benjamites furent environnés et attaqués de toutes parts : Ainsi le Seigneur les tailla en pièces aux yeux des enfants d’Israël, qui tuèrent ce jour-là vingt-cinq mille et cent hommes, tous gens de guerre et de valeur (Juges 20.44) remarque que cela arriva dans un temps où il n’y avait point de roi dans Israël, et où chacun faisait ce qu’il jugeait à propos (Ici finissent les Observations de Folard).
Gabaa était environ à deux lieues de Jérusalem, vers le septentrion (au nord-ouest, dit Barbié du Bocage), assez près de Gabaon, et de Cariat-Ïarim. Du temps de saint Jérôme, elle était entièrement ruinée. Josèphe la met à trente stades de Jérusalem ; mais saint Jérôme ne la place qu’à sept milles de la même ville. Je crois que c’est la même que Gubaat de (Josué 18.28).
Suivant Barbié du Bocage et le géographe de la Bible de Vence, Gabaa est encore la même que Gabaé, Gabée et Géba. Voyez ces noms et Gabaath et Gabée.
Gabaa, dit le géographe de la Bible de Vence, est une ville de la tribu de Benjamin (Juges 19.14). Elle est la même que Gabée (Josué 18.24), ou Gabaé, ville lévitique (Josué 21.17 ; 1 Chroniques 6.60). Elle est aussi nommée ailleurs Géba (Néhémie 11.31). Elle était la demeure de Saül (1 Samuel 10.26) ; et par conséquent elle est la même que Gabaath de Saül, nommée dans Isaie (Isaïe 10.29).
Barbié du Bocage remarque que « Asa, roi de Juda, reconstruisit Gabaa avec les matériaux de Rama. » Il ajoute : « Gabaa est quelquefois prise comme ville marquant la limite du royaume de Juda, et opposée dans ce cas à la ville de Bersabée, qui est située au sud. On conserva pendant quelque temps à Gabaa l’arche apportée de Cariathiarim. Ce fut de là que David la fit transporter à Jérusalem. »]
Gabaa, en hébreu, signifie une colline ; ainsi l’on ne doit pas être surpris de voir dans un pays de montagnes comme la Judée un si grand nombre de lieux nommés Gabaah, Gabaon, Gabbata, Gabbathon, Gabbat, Gabé. Tout cela ne signifie qu’une hauteur, et quelquefois, dans l’Écriture, des noms propres appelés Gabaa, sont traduits par les hauteurs. Par exemple (Zacharie 14.10) : l’hébreu : Toute la terre reviendra, depuis Gabaa jusqu’à Remnon. Et, au contraire, Gabaa marquée (2 Samuel 7.1), comme une ville, n’est autre que la hauteur de Cariat-Ïarim.