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Voyez Blé « Parmi les bénédictions de la terre, dit un auteur, les plus importantes et les plus significatives, dans les temps anciens comme dans les temps nouveaux, sont le froment, la vigne et l’olivier. »
Moïse, sentant sa fin approcher, parlait ainsi aux Hébreux, comme ils allaient entrer dans la terre promise : « Si vous obéissez aux commandements que je vous fais aujuurd’hui d’aimer le Seigneur votre Dieu, et de le servir de tout votre cœur, il donnera à votre terre les premières et les dernières pluies, et vous recueillerez de vos champs le froment, l’huile et le vin. Par là étaient signifiées toutes les prospérités matérielles, cette graisse de la terre et cette rosée du ciel, promises par Isaac à Jacob.
Le froment était, dans l’antiquité, le partage exclusif des peuples forts et mâles, possédant un territoire, et capables de travailler le fer ; les peuplades faibles et dispersées, troupeaux errants, sans nom, sans lois et sans chefs, vivaient, à l’aventure, de racines, de fruits ou de coquillages. Depuis l’établissement du christianisme, et par son influence salutaire, le froment a été donné successivement à tous les peuples ; il s’est introduit peu à peu dans leur régime alimentaire, dont il est devenu la base. Les sauvages seuls, visiblement en dehors de la loi commune et comme frappés d’une sorte d’excommunication naturelle, en demeurent privés. Le froment est une condition importante de la civilisation, puisque sa culture oblige l’homme à prévoir et à se maintenir en rapport avec les astres ; c’est le premier pas qu’il fait dans la mission qu’il a reçue de conformer la terre au ciel : de là le calendrier et le système métrique, qui sont l’expression, dans le temps et dans l’espace, de cette conformation successive et conjonctive. Ajoutons que cette précieuse céréale, pour conserver ses qualités nutritives, exige de la part de l’homme une action continuelle : le blé, le plus anobli par la culture, s’il est abandonné à lui-même, ne tarde pas à dégénérer ; il s’abâtardit bientôt, se dépouille de son caractère, et retourne à la rusticité des graminées, d’où il est sorti ; il peut alors se changer en seigle, en avoine ou en ivraie, et au lieu de donner de bon grain, il devient même un obstacle à la production du bon grain ; ce qui, pour le dire en passant, nous fournit une utile leçon.
La vigne appartient à ces nations puissantes qui ont concouru directement a l’avancement des desseins de Dieu, et rempli providentiellement sur la terre l’importante fonction de ministres de l’humanité. Pour bien comprendre tous les priviléges attachés à cette plante, il faut se rappeler qu’elle a fleuri, pour la première fois, sous la salutaire influence de l’arc-en-ciel, et qu’elle est demeurée parmi nous comme un témoin des promesses que Dieu a faites à Noé, et par lui à tous les hommes. Il faut savoir aussi que Japhet, qui fut choisi pour être le ministre de sa distribution sur la terre, planta la vigne au même lieu qui fut depuis le Calvaire ; qu’il foula le raisin, pour la première fois, au moyen du pressoir, figure mystérieuse de la croix ; qu’il sépara le vin du marc et du vinaigre, et imagina de le conserver dans des peaux de boucs, enduites de graisse ; et que c’est seulement après cette initiation que ses fils se dispersèrent au loin, emportant avec eux la plante et le procédé. Nous laissons aux amateurs le soin d’étudier et d’interpréter ces diverses circonstances initiales. Bornons-nous à remarquer qu’il a toujours existé une relation secrète entre le vin et le pressoir.
Chez tous les peuples qui ont été favorisés de la vigne, les familles nobles ou patriciennes avaient seules l’usage du vin. La loi des douze Tables l’interdisait aux profanes et aux plébéiens, et la violation de cette loi était punie de mort, comme un attentat à la souveraineté. La coupe était le signe de l’autorité : on la rencontre souvent avec cette attribution sur les monuments et les tombeaux, et encore aujourd’hui on la retrouve parmi nous, comme un signe de préséance et d’honneur.
Chez les Juifs, peuple royal, d’où devait sortir le roi de l’univers, non-seulement l’usage du vin était permis à tous, mais encore la vigne croissait pour eux avec un surcroît de bénédictions, inconnu aux autres peuples, et suffisamment attesté par cette fameuse grappe que les envoyés de Moïse rapportèrent de la terre promise.
Si le pain est la base ou le corps du régime alimentaire, le vin en est la force ou l’esprit. Le pain signifie l’asile, et le vin la cité. Si un étranger se présente à votre table, vous ue pouvez lui refuser le pain ; et si vous lui accordez le vin ; il a chez vous les mêmes droits que vous. Le pain et le vin ayant donc reçu cette haute acception par toute la gentilité, l’abolition de l’esclavage et l’admission de tous les hommes au même patricial, à la même filiation divine, au sein d’une seule et même communion, sans distinction de couleur, de race ou de famille, ne pouvaient être mieux annoncées qu’en appelant tous les hommes à la participation de ces deux aliments ; et c’est pourquoi le saint sacrement de l’Eucharistie, qui, indépendamment de sa divine signification universelle, est la consécration de cette communion, a été institué sous les espèces du pain et du vin.
Aussi pur que le froment, noble comme la vigne, l’olivier a été donné aux enfants d’Abel, et, depuis le commencement, il n’a pas cessé de contribuer visiblement ou secrètement l’amélioration de la race humaine par la douceur de son fruit et qualités bienfaisantes, qui y sont attachées. Tous les peuples l’ont regardé comme le symbole de la paix. Après le déluge, c’est une branche d’olivier que la colombe apporte à Noé, pour lui annoncer que les eaux s’étaient retirées, que la terre était pacifiée.
L’ huile, par un privilège qui n’appartient qu’à elle, peut alimenter la vie et la lumière ; elle aide à fermer les plaies, et sert de base aux parfums ; et comme sa marque est ineffaçable, elle signifie la consécration. Jacob répand de l’huile sur une pierre, pour la consacrer au Seigneur. Moïse prescrit l’onction des pontifes et des rois l’huile est donc à la fois un aliment, un phosphore, un liniment et un onguent. Aussi elle est citée par les théologiens comme un symbole de la grâce divine, qui pénètre doucement l’âme, la fortifie, l’éclaire, la guérit et la console ; et elle ferme la matière des trois sacrements particulièrement institués pour nous donner le Saint-Esprit avec l’abondance de ses grâces, savoir : la confirmation, l’ordre et l’extrême-onction.
Remarquons ici que la farine de froment et le jus de la vigne doivent subir préalablement une fermentation spiritueuse, avant d’arriver à l’état d’aliment, au lieu que l’huile est simplement une expression de son fruit, qui n’exige aucune manipulation pour être applicable à nos besoins, d’autant Plus douce et plus suave, qu’elle est plus immédiate et plus rapprochée de sa source. Or cette fermentation est une sorte d’exorcisme qui consiste à expulser un certain esprit dont la nature est suffisamment indiquée par l’effervescence avec laquelle il s’échappe, et parce qu’il donne la mort à tous ceux qui ont l’imprudence de le respirer.
Remarquons encore, que le jus de la vigne a des inconvénients dont l’huile et la farine paraissent complètement affranchies. Sans nous expliquer sur la nature de ces inconvénients, il est certain que la vigne a une tige ligneuse, souvent tortue, qui pousse des jets grimpants, longs et flexibles. Il est certain que cette plante porte dans son fruit des signes impurs, qu’il ne faut pas chercher à découvrir, et sur lesquels on ne saurait trop méditer, quand une fois on les a rencontrés. Mais il n’est pas moins certain que, quels que soient ces inconvénients, la sagesse les évite ou les surmonte facilement, et même quelquefois les ferait servir à ses fins, comme il est prouvé par l’histoire de Loth.
Parmi toutes les substances fournies par cette nature sensible et corporelle pour les usages de l’homme, il n’en est point de plus favorables, il n’en est point de plus efficaces que le froment, l’huile et le vin.