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Autrement Abyssinie, un des plus grands royaumes de l’Afrique. Il est souvent parlé, dans l’Écriture, de l’Éthiopie ; mais, sous ce nom, il ne faut pas toujours entendre l’Éthiopie proprement dite. Le plus souvent, sous le nom de Chus, qu’on traduit par Éthiopie, il faut entendre le pays qui est sur les côtes orientales de la mer Rouge, et à la pointe de cette mer joignant l’Égypte. Séphora, femme de Moïse, qui était de Mathan sur la mer Rouge, est appelée Chusite, ou Éthiopienne (Nombres 12.1). On peut voir ce que nous avons dit Ci-devant sur le mot Chus et sur Candace, reine d’Éthiopie.
Le nom de Chus, qu’on traduit d’ordinaire par l’Éthiopie, se donne à trois pays différents les uns des autres :
1° Au pays de Chus, sur le fleuve Géhon ;
2° Au pays de Chus, sur la rive orientale de la mer Rouge ;
3° Au pays de Chus, situé au-dessus de la Thébaïde et de la haute Égypte, et faute de distinguer ces termes, on est tombé dans des fautes très-considérables.
Les anciens auteurs profanes n’ont pas été plus constants dans l’acception du mot d’Éthiopie. Ils l’ont donné,
1° À l’Éthiopie proprement dite ;
2° À certains peuples d’Arabie, situés sur la mer Rouge, d’où vient qu’Homère distingue les Éthiopiens en orientaux et occidentaux, les uns du côté du Nil et de la mer Rouge, et les autres de l’autre côté de la même mer et du même fleuve. Denys le Géographe et Eustathe parlent aussi des Éthiopiens orientaux, situés vers l’Arabie.
3° Enfin ils placent d’autres Éthiopiens dans la Chaldée et dans la Susiane, puisque Memnon, fils de l’Aurore, qui vint de Suse à la guerre de Troie, est nommé roi d’Éthiopie dans Hésiode, et dans Pindare, l’Éthiopien, fils d’Aurore.
Hérodote reconnaît deux sortes d’Éthiopiens dans l’armée de Xerxês : les uns orientaux, qui avaient leur demeure en Asie, et étaient rangés avec les Indiens, dont ils ne différaient que par le langage et la chevelure ; ils avaient les mêmes armes, et portaient en manière de casque des peaux de têtes de chevaux, dont les oreilles et les crins leur servaient comme de panaches et d’aigrettes ; et au lieu de bouclier, ils avaient des peaux de grue, ou plutôt leurs boucliers étaient couverts de peaux de grue. Les Éthiopiens d’Afrique ont les cheveux fort noirs et fort crépus, et ceux d’Asie les portent fort longs. Il dit ailleurs qu’ils se servent d’arcs très-longs et très-forts, que l’airain est chez eux le plus précieux des métaux ; qu’ils vivent très-frugalement, et jouissent d’une longue vie. Ce qui nous importe ici, c’est que cet auteur reconnaît des Éthiopiens d’Asie et des Éthiopiens d’Afrique.
Hérodote ajoute que ceux d’Afrique prennent aussi la circoncision, de même que les Égyptiens ; mais il n’ôse assurer lequel de ces deux peuples est le premier qui l’a pratiquée, parce qu’elle est très-ancienne chez tous les deux. Nous verrons ci-après que les Éthiopiens reconnaissent qu’ils l’ont reçue des Juifs.
Lors donc que, dans le texte sacré, on parle de l’Éthiopie, il faut bien distinguer ces pays et ces différentes nations, pour ne pas tomber dans l’équivoque. L’Écriture ne nous parle que d’un homme du nom de Chus, qui était fils de Cham et frère de Chanaan (Genèse 10.6). On ne sait s’il donna son nom à tous les pays connus dans le texte hébreu, sous le nom de Chus, et dans les interprètes, sous celui d’Éthiopie. Plusieurs croient que sa vraie et première demeure fut dans l’Arabie Heureuse, sur les côtes orientales de la mer Rouge ; que de là ses descendants passèrent dans l’Afrique, et peuplèrent l’Éthiopie d’autres veulent, au contraire, que l’Arabie n’ait porté le nom d’Éthiopie que parce que les Éthiopiens la subjuguèrent et la possédèrent longtemps. Mais, dès le temps de Moïse, le pays qui borde la mer Rouge du côté de l’Orient portait déjà le nom de Chus ; et alors je ne sais si l’on peut soutenir que les Éthiopiens avaient déjà conquis cette partie de l’Arabie.
On nomme plus communément l’Éthiopie proprement dite du nom d’Abyssinie, que les Arabes dérivent d’Habasch, fils de Chus. Cet Habasch n’est point connu dans la Bible, ni même Chus dont les mahométans le font sortir ; car l’Écriture ne nous donne qu’un homme du nom de Chus, qui fut frère de Chanaan, et père de Nemrod, de Saba, de Hévila, de Sabata, de Rhegma et de Sabalhaca ; au lieu que les Arabes font Chus, père d’Habasch, fils et non pas frère de Chanaan ; et certes, il y a beaucoup d’apparence que Chus, père de Nemrod et des autres dont nous venons de parler, qui demeurèrent dans l’Asie, et dont la demeure était sur le Géhon, est tout différent de Chus, fils de Chanaan, qui peupla une partie de l’Arabie Heureuse, qui est l’Éthiopie proprement dite, nommée autrement Abyssinie, du nom de son fils Habasch.
La ville de Coss, située sur le Nil, dans la haute Égypte, et que quelques-uns confondent avec la fameuse Thèbes, a pris son nom de Chus, père des Éthiopiens. Les Arabes les appellent non-seulement Habasch ou Abyssins, mais encore Chus ou Chousch, de même que les Hébreux. Les Persans les nomment Indiens noirs, et ils disent que les Indiens (c’est-à-dire sans doute les Éthiopiens) demandèrent des évêques à Simon le Syrien, patriarche jacobite d’Alexandrie. Les Éthiopiens appellent Salama celui auquel les Grecs et les Latins donnent le nom de Frumentius, et qui leur fut envoyé par saint Athanase, pour leur annoncer l’Évangile. Depuis ce temps, ils ont toujours reçu leurs évêques des patriarches d’Alexandrie. Jusqu’au temps de Salama, ils n’avaient eu que la circoncision, qui leur avait été enseignée par Sadok, grand prêtre des Juifs, qui leur avait été envoyé, disent-ils, du temps de Salomon, pour les instruire dans le judaïsme. C’est ce que racontent les Éthiopiens.
D’autres croient que ces peuples reçurent la foi de saint Matthieu, ou de saint Barthélemy, ou de saint Philippe, ou de l’eunuque de la reine Candace, qui fut baptisé par saint Philippe, l’un des sept diacres (Actes 8.27), et fort différent de l’apôtre du même nom ; mais tous ces divers sentiments ne sont fondés que sur l’équivoque du nom d’Éthiopie. Saisit Matthieu annonça, dit-on, l’Évangile aux Éthiopiens de dessus l’Araxe, ou du voisinage des Perses ; saint Barthélemy l’annonça aux Indiens, connus, chez les anciens, sous le nom d’Éthiopiens ; ou dans l’Arabie Heureuse, où l’on a vu qu’il y avait un canton nommé Chus, ou Éthiopie ; enfin le diacre saint Philippe ou l’Eunuque purent prêcher l’Évangile aux sujets de la reine Candace, qui régnait dans l’Arabie, ou dans la péninsule de Méroë, qui est quelquefois comprise sous le nom d’Éthiopie.
Le nom de d’Habasch ou Abyssin, que l’on donne aux Éthiopiens, signifie proprement un mélange de diverses nations ramassées et unies ensemble. Ce nom comprend les Abyssins, les Nubiens et les Ponges. Ce sont les Arabes qui leur ont donné ce nom, que les Éthiopiens ont rejeté longtemps, et qu’ils ne prennent pas encore dans leurs livres. Ils se nomment Eilliopiens, et leur pays, le royaume d’Éthiopie, ou Becra Agazi, pays de liberté, ou bien, gens qui ont décampé, pour marquer qu’ils sont sortis de l’Arabie Heureuse, qui est l’ancienne Éthiopie, ou l’ancien pays de Chus, pour passer dans le pays qu’ils occupent aujourd’hui.Cette transmigration arriva, selon Eusèbe, pendant la servitude des Israélites en Égypte, ou vers le temps de Josué et des Juges, selon le Syncelle. Mais si cela est, on doit dire qu’il en resta encore un grand nombre en Arabie ; car nous y en voyons encore longtemps depuis.
Les Abyssins sont maures, olivâtres, ou noirs, selon les diverses provinces qu’ils habitent ; on dit qu’ils naissent blancs, avec une petite tache noir au nombril, qui s’étend, peu de temps après leur naissance, par tout le corps ; quand ils sont transportés en Europe, ils deviennent blancs à la seconde ou troisième génération.
Il est souvent parlé de l’Éthiopie et des Éthiopiens dans l’Écriture. Moïse dit que le Géhon, un des quatre fleuves du paradis terrestre, tourne dans la terre de Chus (Genèse 2.13), en Éthiopie, c’est-à-dire, dans le pays qui est arrosé par l’Araxe, qui est l’ancienne demeure des Scythes, ou Chutes, ou Chutéens. On lit dans les Nombres (Nombres 12.1) que Moïse avait épousé une Éthiopienne, c’est-à-dire, Séphora, fille de Jétro, prêtre de Madian, dans le pays de Chus, sur le bord oriental de la mer Rouge. Dans le 2e livre des Rois (2 Rois 19.9), on voit que Tharaca, roi d’Éthiopie, vint contre l’armée du roi Sennachérib. Ce Tharaca était un roi d’Éthiopie ou d’Arabie, dans le sens que nous venons de le dire. Le topaze d’Éthiopie dont parle Job (Job 28.19), venait de la mer Rouge et du pays de Chus, qui est dans l’Arabie Heureuse. Zara, roi d’Éthiopie (2 Chroniques 14.9), qui marcha avec deux cent mille hommes et trois cents chariots contre Asa, roi de Juda, régnait dans le même pays. Habacuc (Hébreux 3.7) parle des tentes des Éthiopiens et des Madianites, qui furent troublées, lorsque le Seigneur parut à Sinaï : on a déj à vu Séphora, qui était Madianite, nommée Éthiopienne. Madian était donc dans le pays de Chus dont nous parlons dans l’Arabie Heureuse, sur le bord de la mer Rouge.
Le roi Assuérus dans Esther (Esther 1.1 ; 8.9 ; 12.1), régnait depuis les Indes jusqu’à l’Éthiopie, c’est-à-dire, jusqu’à l’Abyssinie d’aujourd’hui : car Hérodote dit que ce pays payait tribut à Darius, fils d’Hystaspe. Nabuchodonosor dont il est parlé dans Judith (Judith 1.9), envoya des ambassadeurs dans la Palestine, dans la terre de Gessé, et jusqu’aux frontières de l’Éthiopie : apparemment l’Éthiopie proprement dite, au midi de l’Égypte. Sophonie (Sophonie 3.10) dit que l’on viendra adorer le Seigneur de delà les fleuves d’Éthiopie ; et Isaïe (Isaïe 18.1) dit : Malheur à la terre qui use de cymbales, et qui est au delà des fleuves d’Éthiopie. On est partagé sur ces fleuves d’Éthiopie, ou ces fleuves de Chus. Ce ne peut être les fleuves de l’Arabie ; ce pays n’a pas de fleuves considérables. Il parait indubitable que le prophète Isaïe a voulu désigner l’Égypte par le nom de terre qui est au delà des fleuves d’Éthiopie. Ces fleuves sont donc le Nil, et ses bras qui arrosent la basse Égypte. Ce pays, à l’égard de la Judée, était au delà du Nil, puisqu’on ne pouvait aller dans aucun endroit du Delta, sans passer quelque bras du fleuve ; et que toute la basse Égypte était coupée par des canaux. Ces fleuves venaient d’Éthiopie ; on sait que le Nil a sa source dans ce pays. [Voyez Nil).
Ézéchias envoie ses ambassadeurs vers le roi d’Égypte pour lui demander son secours contre Sennachérib, Isaïe, et le prophète Sophonie prdit que les Égyptiens viendront un jour rendre leurs adorations au Seigneur. L’un et l’autre de ces deux prophètes ne désignent que l’Égypte par ce pays qui est au delà des fleuves d’Éthiopie. Le Psalmiste (Psaumes 67.32) prédit de même que l’Égypte et l’Éthiopie viendront offrir leurs hommages au Seigneur. Isaïe (Isaïe 20.3) prédit la captivité de l’Égypte et du pays de Chus, ou de l’Éthiopie. On peut l’expliquer, ou de l’Éthiopie orientale située dans l’Arabie, ou de l’occidentale, située à l’occident de la mer Rouge, et au midi de l’Égypte. Le même prophète (Isaïe 11.11) dit que le Seigneur rappellera son peuple dispersé dans l’Assyrie, dans l’Égypte, dans l’Éthiopie, dans le canton de Phétros. Dans cet endroit, on peut entendre, ou l’Éthiopie proprement dite, ou le pays de Chus sur l’Araxe. Ailleurs (Isaïe 43.3) il dit que le Seigneur a livré l’Égypte, l’Éthiopie et Saba, pour racheter les Israélites ; ce qu’on peut expliquer des Éthiopiens d’Arabie, à cause qu’ils sont joints à Saba, autre peuple de l’Arabie Heureuse. Il faut dire la même chose de cet autre passage d’Isaïe (Isaïe 45.14) : L’Égypte avec tous ses travaux, l’Éthiopie avec son trafic, et Saba avec ses hommes d’une haute taille, passeront vers vous, se rendront à vous.
L’Éthiopie proprement dite est marquée dans les passages que nous allons citer (Ézéchiel 29.10). Je réduirai l’Égypte en solitude, depuis Migdol jusqu’à Syène, située aux confins de l’Éthiopie. Et Jérémie (Jérémie 13.23) : L’Éthiopien pourra-t-il changer la couleur de sa peau ? Et le Psalmiste (Psaumes 73.14) : Vous avez brisé la tête du dragon, du léviathan, du crocodile, et vous l’avez donnée à manger aux peuples d’Éthiopie. Cela s’explique des peuples de Tentyre dans la haute Égypte, qui faisaient la guerre au crocodile, et le mangeaient, au lieu que les Égyptiens lui rendaient des honneurs divins. Jérémie (Jérémie 46.9) joint les Chusim aux Libyens. Daniel (Daniel 11.43) les joint de même ; ce qu’on ne peut naturellement expliquer que des Éthiopiens ou Abyssins. Voyez aussi Ézéchiel (Ézéchiel 30.4-5), où ces peuples sont mis ensemble comme voisins. L’eunuque de la reine Candace était du même pays. Mais par tous ces passages il parait que l’on comprenait sous le nom de Chus, non seulement l’Éthiopie qui est au-dessus de Syène et des cataractes, mais aussi une partie de la Thébaïde [Nous aurions trop de choses intéressantes à dire sur l’Éthiopie ou l’Abyssinie et ses habitants pour que nous soyons tentés d’entreprendre ici cette tâche ; d’ailleurs la nature de cet ouvrage ne les comporte pas : il n’est pas possible de réduire aux minces proportions d’un article, six fois la longueur de celui qu’on vient de lire, les documents qui nous sont fournis par les découvertes modernes. Je ne parle guère que de ceux qui se rattachent à la Bible : les autres n’ont pour moi qu’une importance secondaire. Il faudrait, sur l’Éthiopie et sur l’Égypte, sur les pays baignés par l’Euphrate des ouvrages spéciaux : là se trouve la confirmation des récits bibliques, dont la vérité commence à se faire jour dans les ténébreuses régions du doute qui ne sait pas prendre un parti sage, et de l’incrédulité savante et imbécile en même temps] [L’article de dom Calmet sur l’Éthiopie est tiré, mal tiré d’anciens ouvrages, de ceux du Père Jérôme Lobo, missionnaire portugais, et de Job Ludolf, natif d’Erfurt, qui vivaient dans le dix-septième siècle. Les relations de ces deux voyageurs sont généralement exactes. Après eux sont venus, surtout, Bruce, Salt, lord Valentia, et MM. Combes et Tamisier : leurs ouvrages fournissent les plus utiles matériaux pour un nouvel ouvrage dans lequel on aurait pour but de démontrer par eux la vérité des traditions et des vérités bibliques].