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Le texte de la Vulgate dans (Ézéchiel 8.14), porte que ce prophète vit dans le temple des femmes assises qui pleuraient Adonis ; mais le texte hébreu lit qu’elles pleuraient Thammuz, ou le Caché. Chez les Égyptiens, Adonis était adoré sous le nom d’Osiris, époux d’Isis. Mais on lui donnait aussi quelquefois le nom d’Ammuz, ou Thammuz, le Caché, apparemment pour désigner sa mort ou sa sépulture. Les Hébreux par dérision l’appellent quelquefois le Mort (Psaumes 106.28 ; Lévitique 19.27-28) parce qu’on le pleurait et qu’on le représentait comme un mort dans un cercueil ; et quelquefois ils le nomment l’idole de jalousie (Ézéchiel 8.3-5), parce qu’il était l’objet de la jalousie du dieu Mars. Les Syriens, les Phéniciens, les peuples de l’île de Cypre le nommaient Adonis ; et nous croyons que les Ammonites et les Moabites lui donnaient le nom de Béel-Phégor.
Voici la, manière dont on célébrait les fêtes de cette fausse divinité. On le représentait comme un mort dans un cercueil, on le pleurait, on se lamentait, on le cherchait avec inquiétude et avec empressement : après cela, on feignait qu’il était retrouvé et qu’il était vivant. Alors, on en témoignait une allégresse extraordinaire, et on commettait mille dissolutions pour témoigner à Vénus la part que l’on prenait à sa joie, pour le retour et le recouvrement de son époux, comme on avait pris part à sa douleur, à cause de sa perte et de sa mort. Les femmes des Hébreux dont parle Ézéchiel célébraient donc dans Jérusalem les fêtes du Thammuz ou d’Adonis ; et Dieu fit voir au prophète ces femmes qui faisaient jusque dans son temple le deuil de ce dieu infâme.
Les rabbins enseignent que Thammuz était un prophète idolâtre, qui ayant été mis à mort par le roi de Babylone, toutes les idoles du pays vinrent s’assembler autour d’une statue du soleil, que ce prophète magicien avait suspendue entre le ciel et la terre. Là, elles commencèrent toutes ensemble à déplorer la mort du prophète. D’où vient qu’on établit une fête tous les ans, pour renouveler la mémoire de cette cérémonie, au commencement du mois Thammuz qui répond à-peu-près à notre mois de juin. On dressait dans ce temple une statue qui représentait au naturel la figure du Tammuz. La statue était creuse et avait des yeux de plomb. On allumait par-dessous un feu lent, qui échauffait insensiblement la statue, faisait fondre le plomb, et donnait lieu de croire que l’idole pleurait. Pendant ce temps, les femmes babyloniennes qui étaient dans le temple, jetaient des cris et faisaient d’étranges lamentations. Voilà ce que l’on dit ; mais je voudrais des preuves.
Quant à Adonis, voici ce que la fable nous en apprend. Adonis était fils de Cyniras, roi de Cypre, et de Myrrha, fille de ce roi. Ainsi, Adonis était tout ensemble frère et fils de Myrrha. Il était d’une si grande beauté, que Vénus l’enleva et vécut avec lui au milieu des bois, où Adonis s’exerçait à la chasse. Un sanglier ayant malheureusement tué Adonis, Vénus le pleura d’une manière inconsolable. La plupart des peuples de l’Orient, à l’imitation de ce deuil, établirent des fêtes pour pleurer Adonis. Les poètes racontent que Vénus obtint de Proserpine qu’Adonis ressusciterait et passerait six mois sur la terre, et six mois dans les enfers. C’est sur cela qu’étaient fondées les réjouissances qui suivaient le deuil de la mort d’Adonis. On ne convient pas du lieu où Adonis fut mis à mort. Les uns le mettent dans la Syrie ; les autres, dans l’île de Cypre ; et les autres dans l’Égypte. Ou peut voir les auteurs qui ont traité de la fable, et en particulier M. le Clerc, Bibliothèque universelle, t. 3, septembre 1686, Explication historique de la fable d’Adonis.
Ce que la fable dit de la naissance d’Adonis, revient assez à ce que l’histoire sainte nous apprend de l’inceste de Loth avec ses filles. Myrrha, fille de Cynire, roi de Cypre, conçut une passion infâme pour son propre père ; elle en fut engrossée sans qu’il le sût, et elle enfanta Adonis. Chamos était le dieu des Moabites. Moab était né d’un inceste, comme Adonis. Chamos a assez de rapport à Ammuz, ou Thammuz, que nous croyons être le même qu’Adonis. Adonis était le soleil, selon Macrobe ; Chamos représentait aussi cet astre, et était adoré par les Moabites sous cette idée.
On croyait que l’histoire d’Adonis était arrivée à Biblos en Phénicie, et que ce prétendu dieu avait été tué par un sanglier dans les montagnes du Liban, d’où descend le fleuve Adonis. Ce fleuve, une fois l’année, changeait la couleur de ses eaux, et paraissait rouge comme du sang. C’était le signal pour célébrer leurs Adonies, ou fêtes d’Adonis. Il n’était pas loisible de s’en dispenser ; on faisait, par toute la ville et à la campagne, de grandes lamentations ; on jetait des cris, on se fouettait, on imitait toutes les cérémonies du deuil le plus sérieux pour un mort. Après la fin du deuil on lui faisait des funérailles comme à un défunt. Le jour suivant on disait qu’il était vivant et monté dans les airs.
On faisait accroire aux peuples que les Égyptiens, dans les fêtes d’Adonis, envoyaient par mer une boîte faite du jonc ou papier d’Égypte, façonnée en forme de tête, dans laquelle on enfermait une lettre qui donnait avis à ceux de Biblos, ville éloignée de la côte d’Égypte de plus de sept journées de chemin, que leur dieu Adonis, qu’on croyait perdu, avait été découvert. Le vaisseau qui apportait cette lettre arrivait toujours à bon port à Biblos, au bout de sept jours. Lucien dit qu’il a été témoin de cet événement. Procope, saint Cyrille d’Alexandrie et quelques savants croient qu’Isaïe.(Isaïe 18.2) fait allusion à cette superstitieuse coutume, lorsqu’il dit : Malheur au pays qui fait retentir les ailes de ses cymbales, qui est au delà des fleuves d’Éthiopie, et qui envoie ses ambassadeurs sur la mer, et les fait courir dans des vaisseaux de jonc. Quelques-uns traduisent : qui envoie des figures, ou des idoles, dans la mer. Mais l’hébreu signifie proprement des ambassadeurs qu’on y députait par mer, pour porter la nouvelle de la résurrection d’Adonis. Nous avons donné à ce passage un autre sen, qui n’a nul rapport à Adonis, dans notre Commentaire sur Isaïe.
Les païens, à qui l’on reprochait l’impertinence de ces fêtes d’Adonis, et le sujet puéril et honteux qui y avait donné occasion, l’expliquaient en disant qu’Adonis, mort et ressuscité, représentait le soleil, qui tous les ans s’éloigne de nous pendant l’hiver, et s’en approche au printemps, ou les semences que l’on jette en terre, et qui y meurent avant que d’y germer et de paraître sur la terre. Mais ces explications ne sont, venues qu’après coup. C’est même beaucoup dire que d’avouer que les femmes israélites qui adoraient Adonis avaient pour objet de rendre leur culte au soleil. Il n’est que trop croyable qu’elles bornaient leurs adorations à Adonis, époux de Vénus ; ou, si l’on veut, à Osiris, époux d’lsis : car il y a beaucoup d’apparence que du temps d’Ézéchiel on ne connaissait pas encore en Judée les divinités ni la théologie des Grecs.