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Esau
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet
Westphal

Fils d’Isaac et de Rebecca, naquit l’an du monde 2168, avant Jésus-Christ 1832, avant l’ère vulgaire 1836. Lorsque le temps des couches de Rebecca fut arrivé (Genèse 25.24-26), elle se trouva mère de deux jumeaux, et celui qui sortit le premier, était velu comme une peau ; ce qui lui fit donner le nom d’Esau, comme qui dirait un homme fait, ou un homme d’un âge parfait. Quelques-uns dérivent le nom d’Ésaü, de l’arabe gescha, ou gescheva, qui signifie un cilice. Lorsque Ésaü fut devenu.grand, il s’exerça au labourage et à la chasse ; et Isaac, son père, avait pour lui une tendresse particulière. Un jour que Jacob, son frère, avait fait cuire un mets de lentilles, Ésaü revenant des champs, fort fatigué, lui dit : Donnez-moi de ce mets roux, parce que je suis extrêmement las. Jacob lui répondit : Vendez-moi donc votre droit d’aînesse. Ésaü le lui vendit et s’engagea avec serment à le lui céder. Après quoi, ayant mangé le mets de lentilles, il s’en alla, se mettant fort peu en peine de ce qu’il venait de faire.

Ésaü, âgé de quarante ans, épousa deux femmes chananéennes (Genèse 26.34) ; l’une nommée Judith, fille de Béeri le Héthéen ; et l’autre, Basernath, fille d’Hélon, du même pays. Ces mariages déplurent fort à Isaac et à Rebecca. Or, Isaac étant devenu vieux, et sa vue étant extrêmement baissée, il dit à Ésaü de lui aller chercher quelque chose â la chasse, afin qu’au retour, il lui donnât sa dernière bénédiction (Genèse 27.1-3). Ésaü prit ses armes, et s’en alla à la chasse. Mais, pendant son absence, Jacob, aidé de Rebecca, sa mère, se présenta pour obtenir la bénédiction d’Isaac ; s’étant déguisé, et feignant qu’il était Ésaü, il l’obtint. Isaac le combla de bénédictions, et le déclara maître de tous ses frères. Ésaü étant de retour, et ayant appris d’Isaac même ce qui s’était passé, il lui demanda s’il ne lui avait pas aussi réservé une bénédiction. Isaac, touché de ses pleurs, lui dit : Votre bénédiction sera dans la graisse de la terre et dans la rosée du ciel ; vous vivrez de votre épée, et vous serez assujetti à votre frère : mais le temps viendra que vous secouerez son joug, et que vous vous en délivrerez.

Ésaü, outré de dépit contre Jacob, conservait contre lui une haine secrète, et disait : Le temps du deuil de mon père viendra, et je me déferai de mon frère Jacob. Ces choses ayant été rapportées à Rebecca, elle dit à Jacob qu’il fallait qu’il allât dans la Mésopotamie, auprès de son oncle Laban, jusqu’à ce que la colère d’Ésaü fût passée. Elle y fit consentir Isaac, et Jacob partit, à l’insu d’Ésaü, pour Haran. Cependant Ésaü épousa plusieurs femmes, tant Chananéennes, que des filles d’Israël et de Nabajoth, dont il eut plusieurs enfants. Il s’établit dans les Montagnes, à l’orient du Jourdain, et y devint fort puissant (Genèse 36). [Voyez Ada, Ana, Asor, Basemath et Éliphaz].

Jacob, à son retour de Mésopotamie avec ses femmes et ses enfants, craignant qu’Ésaü n’eût gardé son ressentiment contre lui (Genèse 32 ; Genèse 33) lui envoya des messagers avec des présents, pour gagner ses bonnes grâces, et pour désarmer sa colère. Ésaü reçut fort bien les envoyés de Jacob, et vint lui-même au-devant de lui avec quatre cents hommes. Jacob crut qu’il venait pour faire main basse sur sa troupe, il s’adressa à Dieu, et le pria de le protéger contre son frère. Mais Ésaü venait dans un esprit de paix ; les deux frères s’embrassèrent tendrement. Ésaü reçut les présents que Jacob lui fit, s’offrit de l’accompagner avec ses gens, et de lui faire escorte jusqu’au delà du Jourdain. Mais Jacob l’ayant remercié, Ésaü s’en retourna, le même jour, à Séhir. Les deux frères se trouvèrent à la mort de leur père Isaac ; et, comme ils étaient fort riches en bestiaux (Genèse 36.6-7), et que le pays ne pouvait suffire aux pâturages de tant de bétail, ils se séparèrent, et Ésaü se retira dans les montagnes des Horréens et de Séhir, où il avait demeuré dès auparavant.

Ésaü eut trois femmes, la première nommée Judith (Genèse 26.34), ou Oolibama (Genèse 36.2) ; la seconde nommée Basemath (Genèse 26.34), ou Ada (Genèse 36.2) ; et la troisième Maheleth (Genèse 28.9), ou Basemath (Genèse 36.3). Judith fut mère de Jéhus, de Jhélon, et de Coré. Ada fut mère d’Éliphaz. Mahéleth eut pour fils Rahuel. On ne sait rien d’assuré de la mort d’Ésaü Le Testament des douze patriarches, ouvrage assez ancien, mais apocryphe, dit qu’Ésaü étant venu attaquer son frère à main armée, fut mis à mort la quarantième année du patriarche Juda, qui pouvait être la cent vingt-unième d’Ésaü, du monde 2289, avant Jésus-Christ 1711, avant l’ère vulgaire 1715. On croit que le roi Erythros, qui a, dit-on, donné le nom à la mer Rouge et dont on montrait le tombeau dans l’île Tyrine, ou Aggris, est le même qu’Édom. Erythros en grec signifie rouge, de même qu’Édom en hébreu. Le Testament des douze patriarches, dont on a parlé, dit qu’il fut enterré au mont de Séir ; mais cette pièce ne mérite aucune créance. Jacob était descendu en Égypte depuis longtemps, en la quarantième année de Juda, et était mort l’année précédente.

Les mahométans appellent Ésaü du nom Ais, et ajoutent à son histoire quelques particularités : par exemple, que Jacob ayant obtenu par surprise la bénédiction qu’Isaac destinait à Ésaü, celui-ci pria son père de demander à Dieu qu’il lui plût faire naître.de sa race des rois et des conquérants, puisqu’il avait demandé pour Jacob qu’il sortit de sa race des saints et des prophètes ; ce qu’Isaac ne lui voulut pas refuser. En exécution de cette promesse, Dieu donna à Ésaü un fils nommé Boum, duquel sont descendus les empereurs grecs et romains.

C’est une tradition commune à toutes les nations du Levant qui ont quelque connaissance des livres sacrés, que, du temps d’Abdon, juge des Hébreux, une colonie d’Iduméens passa en Italie, où elle s’établit ; que Latinus régna parmi eux, et que Romulus, fondateur de Rome, tirait d’eux son origine. Tout cela est une fable mal inventée par les Juifs, pour faire tomber contre les chrétiens, et même contre la personne sacrée de Jésus-Christ, tout ce qui est dit dans l’Écriture contre l’Idumée et les Iduméens.

Les plus fameux rabbins soutiennent opiniâtrement cette impertinente tradition. Le Thalmud appelle l’Italie et Rome, le cruel empire d’Édom. Les Juifs tiennent que les Iduméens, ayant embrassé le christianisme sous Constantin, se jetèrent dans Rome et dans l’empire romain ; d’autres veulent que ç’ait été un prêtre iduméen qui porta la religion chrétienne dans Rouie. Quelques cabalistes ont même l’impiété de dire que l’âme d’Ésaü est passée dans le corps de Jésus-Christ par la métempsycose : pour preuve de ce sentiment, ils remarquent qu’en renversant les lettres hébraïques qui composent le nom de Jésus et celui d’Ésaü, on les trouve les mêmes : ils sont nés sous la même planète de Mars ; edom signifie roux. Les empereurs romains étaient vêtus de rouge ; les cardinaux portent encore la même couleur. Les belles raisons !

Joseph, fils de Gorion, raconte la chose autrement. Tzépho, petit-fils d’Ésaü, détenu prisonnier en Égypte par Joseph, s’enfuit auprès d’Enée, roi de Carthage, qui le fit général de ses troupes. Enée passa d’Afrique en Italie, battit deux fois Turnus, roi de Bénevent, et lui enleva Jania (ou Lavinia) qu’il voulait épouser. Pablus, neveu d’Enée, fut tué dans le combat, aussi bien que Turnus, et on leur éleva deux tours ou mausolées, qu’on voyait encore, dit-il, entre Rome et Albe, lorsqu’il écrivait. Les Africains commandés par Tzépho, repassèrent souvent en Italie pour la piller. Ce fut dans une de ces expéditions qu’ayant perdu un jeune veau, il le retrouva dans une caverne, où un homme moitié bouc et moitié homme le dévorait. Il tua ce monstre et ramena son veau (L’auteur semble avoir eu en vue la fable de Cacus). Les habitants du pays, délivrés de ce monstre qui désolait leurs troupeaux, honorèrent Tzépho comme un héros, et lui donnèrent le nom de Janus. Ils l’appellent aussi Saturne, du nom de l’étoile qu’on adorait en ce temps-là. Ainsi voilà un Iduméen roi et dieu en Italie.

La suite de l’histoire du fils de Gorion, n’est pas moins impertinente que ce qu’on, envient de lire. Il raconte que Latinus, suc cesseur de Tzépho, déclara la guerre à Asdrubal, roi de Carthage, pour se venger d’Enée, qui avait fait bâtir un pont ou un, aqueduc, qui conduisait les eaux d’Italie en Afrique. Une partie du pont fut rompue, Asdrubal fut vaincu et mis à mort ; Latinus poussa ses conquêtes jusque dans l’Allemagne et la Bourgogne. Que d’impertinences ! Cependant quelques auteurs les ont adoptées, au moins en partie, puisqu’on cite une inscription trouvée à Palerme en Sicile, où l’on, lit ces mots : Il n’y a point d’autre Dieu que le seul Dieu ; il n’y a point d’Être puissant que le même Dieu. Le Dieu que nous adorons est le seul qui donne la victoire. Le gouverneur de cette tour est Saphet, fils d’Éliphaz, fils d’Ésaü, frère de Jacob, fils d’Isaac, fils d’Abraham.

Abulfarage dit qu’Ésaü fit la guerre à Jacob, et que Jacob tua Ésaü d’un coup de flèche ; ce qui a quelque rapport à ce qu’on lit dans le Testament des douze patriarches. Les mahométans tiennent que Sennachérib était de la race d’Ésaü ; ils nomment aussi les Grecs et les Latins Francs rouges, ou Iduméens, comme descendants, à ce qu’ils prétendent, de Roum, fils d’Ésaü.

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