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Enthousiasme
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet

On donne ce nom à la fureur poétique qui transporte l’esprit, enflamme l’imagination, et lui fait dire des choses sublimes et surprenantes. Virgile a fort bien décrit l’enthousiasme de la prêtresse d’Apollon, qu’Enée consulta avant son voyage aux enfers :

At Phoebi nondum patiens immanis in antre

Bacchatur Vates, magnum si pectore possit

Exeussisse Deum ; tanto magis ille fatigat

Os rabidum, etc.

On donne aussi quelquefois le nom d’enthousiasme à l’inspiration des prophètes, parce que, dans le moment qu’ils prophétisaient, ils paraissaient tout transportés et hors d’eux-mêmes, et parlaient un langage extraordinaire. Ainsi Saül, ayant fait rencontre d’une troupe de prophètes qui prophétisaient au son des instruments, se mit à prophétiser au milieu d’eux (1 Samuel 10.5-10. Le même prince, étant allé pour arrêter David qui était au milieu des prophètes, fut saisi de l’Esprit de Dieu (1 Samuel 19.23-24), se déshabilla, et demeura tout nu au milieu d’eux tout le jour et toute la nuit. Les Hébreux expriment ordinairement l’enthousiasme des prophètes sous le nom de la main du Seigneur, qui se fait sentir en eux, ou de l’esprit du Seigneur qui saute sur eux, ou qui les revêt. Le prophète Élisée (2 Rois 3.15-16), étant dans l’armée des rois de Juda et d’Israël, et ayant été consulté par le roi Josaphat, pria qu’on lui fit venir un joueur d’instruments pour calmer son esprit ému ; car il venait de parler avec émotion à Joram, roi d’Israël. L’on dit que les pythagoriciens employaient le chant et les instruments de musique pour se procurer la paix du cœur et la sérénité de l’esprit.

Les faux prophètes et les devins du paganisme entraient dans une espèce de fureur, lorsqu’ils étaient dans leur enthousiasme ; mais les prophètes du Seigneur etaient poussés d’une douce impression, qui, sans troubler leur esprit ni leur imagination, leur donnait la force, la majesté et l’autorité nécessaires pour parler et agir comme les ambassadeurs de Dieu ; au lieu que les devins et les faux prophètes, n’étant animés que d’un mauvais génie, ou même contrefaisant une inspiration qu’ils n’avaient pas, s’agitaient et se donnaient des mouvements forcés, faisaient des contorsions violentes, et s’efforçaient de se défaire du démon qui les agitait.

Il est vrai que quelquefois Dieu agissait sur l’esprit de ses prophètes avec tant de force, qu’il leur faisait en quelque, sorte violence. Jérémie (Jérémie 20.7-8) se plaint au Seigneur qu’il l’a en quelque sorte trompé, en l’engageant dans l’emploi de la prophétie : Vous m’avez séduit, Seigneur, et j’ai été séduit ; vous avez été plus fort que moi, et vous avez prévalu. Je suis devenu le sujet de leur moquerie tout le jour. J’ai dit en moi-même : Je ne nommerai plus le Seigneur, et je ne parlerai plus en son nom ; mais en même temps il s’est allumé dans mon cœur un feu brûlant, qui s’est enfermé dans mes os, et je suis tombé dans la langueur, n’en pouvant plus supporter la violence. Eliu dans Job dit a peu près de même (Job 32.18-19) : Je suis rempli de l’esprit, et je ne puis m’empêcher de parler ; ma poitrine est comme un tonneau de vin nouveau sans soupirail, qui rompt le vaisseau où il est renfermé.

Tel était l’enthousiasme des vrais prophètes : il les animait, les échauffait, les transportait, leur faisait une douce violence, allumait leur zèle, en sorte qu’ils ne pouvaient s’empêcher d’invectiver contre les désordres, et de reprendre les pécheurs. Mais ces impressions si vives, si fortes et si efficaces n’étaient pas telles, que l’esprit des prophètes ne fût pas soumis aux prophètes, comme dit saint Paul (1 Corinthiens 14.32), et qu’ils ne conservassent pas la connaissance, la présence d’esprit, la tranquillité, convenables ; on voit même certains prophètes qui se sont défendus de prophétiser ; comme Jonas qui s’enfuit à Tharse, pour ne pas prêcher à Ninive (Jonas 1 ; Jonas 2) ; et ces prophètes dont le Seigneur se plaint, qui, par timidité, ne voulaient pas annoncer au peuple tout ce qu’il leur inspirait (Jérémie 33.29-30). En un mot, les vrais prophètes n’étaient pas comme ces devins, qui dans leur fureur parlaient malgré eux, et sans savoir ce qu’ils disaient, qui faisaient mille efforts inutiles, pour lâcher de secouer le joug du démon qui les agitait.

L’Église et les Pères ont condamné les Montanistes qui enseignaient que les vrais prophètes étaient emportés hors d’eux-mêmes en prophétisant comme les prêtres et les prêtresses d’Apollon dans leur enthousiasme.

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