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La loi de Dieu condamne les enchantements et les enchanteurs. Elle se sert de plusieurs termes pour marquer les enchantements. 1° Lachasch (Psaumes 57.6 Isaïe 26.16), qui signifie proprement parler à voix basse, comme font les magiciens dans leurs évocations et leurs opérations magiques. Moïse se sert du mot latim, secrets, lorsqu’il parle des enchantements faits par les magiciens de Pharaon (Exode 7.22). On emploie aussi le nom Caschap (2 Chroniques 33.6 Jérémie 27.8), qui signifie ceux qui usent de prestiges, de fascinations, de tours de passe-passe pour tromper les yeux et les sens. On se sert aussi du terme Chabar (Deutéronome 17.11 Psaumes 58.6), qui signifie proprement lier, assembler, associer, réunir ; ce qui a lieu principalement dans ceux qui charment les serpents, qui les apprivoisent, et les rendent doux et sociables, de farouches, de dangereux et d’intraitables qu’ils étaient.
Nous avons des exemples de toutes ces manières d’enchantements. Dans l’Écriture, il est ordinaire aux magiciens, aux sorciers et aux enchanteurs de parler à voix basse, et comme en chuchotant ; on les appelait ventriloqui, parce qu’ils parlaient comme du fond de leur estomac. Ils affectent le secret et des manières mystérieuses pour cacher la vanité, ou le ridicule, ou la honte de leur art pernicieux. Souvent leur prétendue magie ne consiste que dans la subtilité de leurs tours, dans leur souplesse, ou dans des secrets naturels inconnus aux ignorants : d’où vient qu’ils affectent l’obscurité et la nuit, ou qu’ils ne veulent faire paraître leur science que devant des ignorants, et en présence du pefit peuple, et ne craignent rien tant que l’examen sérieux, le grand jour et la présence des gens éclairés.
Quant aux enchantements dont se servirent les magiciens de Pharaon pour contrefaire tous les miracles que fit Moïse, il faut dire, ou que ce furent de pures fascinations et des illusions qu’ils firent aux yeux des spectateurs, ou que, s’ils firent de vrais miracles et des changements réels dans leurs verges, dans les eaux du Nil et dans tout le reste, c’est par l’application des causes secondes à la production des effets qui dépendent originairement et essentiellement de la puissance de Dieu, et en donnant certaine forme, ou en imprimant certains mouvements à une substance créée ; et, comme ces impressions, ces changements et ces mouvements sont au-dessus des forces connues de la nature, ils passent pour miraculeux. Mais Dieu ne permet jamais que les miracles produits par les mauvais esprits soient tels, que nous soyons nécessairement induits à erreur ; car ou il mettra des bornes à leur puissance, comme il fit aux magiciens de Pharaon, qui, n’ayant pu produire des moucherons, furent obligés de reconnaître que le doigt de Dieu se mêlait de ce que faisait Moïse (Exode 8.18-19) ; ou ils se découvriront par leur mauvaise doctrine, par leur impiété, par le dérèglement de leur conduite, qui sont les marques que Moïse a données pour discerner le mauvais du bon prophète (Deutéronome 13.1-2) : S’il s’élève au milieu de vous un prophète qui se vante d’avoir eu un songe, et qui prédise quelque signe, et que ce qu’il a prédit arrive, et qu’il vous dise : Allons, et suivons les dieux étrangers… vous ne l’écouterez point, parce que le Seigneur vous tente, pour savoir si vous l’aimez de tout votre cœur, etc.
Les enchantements des serpents, les guérisons des plaies par les charmes, les métamorphoses, dont nous parlent saint Augustin et Apulée, d’un homme en un âne, en un chameau, ou en tout autre animal, étaient communs parmi les anciens. Le Psalmiste (Psaumes 57.5) nous parle du serpent ou de l’aspic sourd, qui se bouche les oreilles pour ne pas entendre la voix de l’enchanteur, ni du magicien qui enchante avec sagesse, avec art, avec industrie et subtilité ; l’hébreu à la lettre : La voix de ceux qui parlent bas, et de ceux qui emploient des charmes habilement ; ou la voix de celui qui apprivoise, qui adoucit les serpents. Jérémie (Jérémie 8.17) menace les Juifs, de la part de Dieu, et leur dit : J’enverrai contre vous des serpents dangereux, contre lesquels les charmes ne pourront rien. Et l’Ecclésiaste (Ecclésiaste 10.11) : Le médisant est semblable à ces serpents contre lesquels les charmes n’ont aucun pouvoir. Job parle aussi des enchanteurs qui faisaient crever les serpents (Job 40.25) : L’enchanteur fera-t-il crever le Léviathan ? Et l’Ecclésiastique (Ecclésiaste 12.13) : Qui aura pitié de l’enchanteur qui aura été mordu par le serpent ?
Saint Augustin reconnaît que les Marses, peuple d’Italie, avaient autrefois le secret d’enchanter les serpents : On dirait que les serpents entendent le langage de ces peuples, tant onles voit obéissants à leurs ordres : ils sortent de leurs cavernes aussitôt que le Marse a parlé. Souvent les enchanteurs se contentent de chasser les serpents d’un certain canton :
Primum quas valli spatium comprendit arenas,
Expurgat cantu, verbisque fugacibus angues.
Quelquefois ils les faisaient crever :
Viperes rumpo verbis et carmine fauces.
D’autres fois ils les engourdissaient, les endormaient, les apprivoisaient, et leur ôtaient leur férocité :
Spargere qui somnos cantuque manuque solebat.
Origène et Eusèbe parlent des enchantements des serpents comme très-ordinaires, de leur temps, dans la Palestine. Néarque, qui avait suivi Alexandre le Grand dans ses expéditions, dit que les Indiens n’emploient presque point d’autres remèdes contre les morsures des serpents que les enchantements, et qu’il y en a qui vont par le pays, faisant profession de leur art pour gagner leur vie. Les Psylles et les Marses ne se contentaient pas de guérir les plaies en les suçant, ils vendaient des lames magiques, pour servir de préservatifs contre les morsures des serpents.
Enchanter les maladies, arrêter le sang par des enchantements, guérir les morsures des serpents, enchanter la goutte et les entorses, sont choses communes dans Pauliquité. Pindare assure que Chiron le Centaure guérissait toutes sortes de maladies par ses enchantements, et qu’Esculape guérissait toutes sortes de fièvres, d’ulcères, de blessures et de douleurs par de doux enchantements, par des potions, par des remèdes topiques ou par des incisions. Homère assure qu’on arrêta le sang qui coulait de la plaie d’Ulysse, en usant d’enchantements. Caton rapporte certains vers que l’on prononçait pour guérir un membre débotté.
On usait aussi quelquefois de la musique et du chant, qui est une espèce de charme et d’enchantement pour guérir certaines maladies de l’esprit, ou, du moins, causées par le dérangement de l’esprit, ou par l’émotion des passions. Galien dit qu’il a sur cela une grande expérience, et qu’il peut encore employer l’autorité d’Esculape, son compatriote, qui soulageait par la musique et la mélodie ceux dont le tempérament était altéré par une trop grande chaleur ; et Platon dit que les sages-femmes d’Athènes avaient le secret de faciliter les accouchements par certains charmes et par des enchantements.
Les Hébreux, peuple extraordinairement superstitieux, n’ont pas, à la vérité, poussé si loin l’usage des enchantements et des charmes dans la guérison des maladies, parce qu’ils étaient retenus par leur loi, qui leur interdisait les enchantements et la magie, et parce que leurs rois et leurs prêtres veillaient avec un soin égal à prévenir ces désordres et à en arrêter le cours. Toutefois on ne laisse pas de voir parmi eux des vestiges de cette superstitieuse manière de guérir les maladies. Il y en a même qui prétendent l’autoriser par l’exemple de Moïse, qui fit mettre au bout d’une pique un serpent ailé d’airain (Nombres 21.8-9), afin que ceux qui avaient été mordus des serpents, nommés saraph, fussent guéris en le regardant. Nous avons déjà vu que la coutume d’enchanter les serpents et de charmer leurs morsures était commune parmi les Israélites, puisque Jérémie (Jérémie 8.17) les menace, au nom du Seigneur, d’envoyer contre eux des serpents contre la morsure desquels l’enchanteur ne pourra rien ; et que l’Ecclésiastique (Ecclésiaste 12.13) dit que personne n’aura pitié de l’enchanteur qui aura été mordu des serpents. Saül employa la musique et le son de la harpe de David (1 Samuel 16.14-15), pour se faire soulager dans les accès de sa mélancolie et de la possession du démon qui le tourmentait.
Josèphe assure que Salomon reçut de Dieu l’art de guérir les maladies et la vertu de chasser les démons ; qu’il composa des charmes ou enchantements contre les maladies, et des exorcismes’contre les démons : Il ajoute que cette manière de guérir était encore de son temps fort usitée parmi les Juifs ; qu’il y avait un Juif, nommé Eléazar, qui avait ce secret, et qui, par le moyen d’un anneau dans lequel était enchâssée une racine montrée par Salomon, avait délivré plusieurs possédés en présence de l’empereur Vespasien et de ses fils. Le roi Ézéchias, voyant l’abus que le peuple faisait du serpent d’airain composé par Moïse, le fit mettre en pièces (2 Rois 18.4). Il brûla aussi, dit-on, les livres de médecine que l’on attribuait à Salomon.