A B
C D
E F
G H
I J
K L
M N
O P
Q R
S T
U V
W X
Y Z
Le livre de l’Ecclésiastique est ainsi nommé en latin, peut-être pour le distinguer de celui de l’Ecclésiaste, ou pour marquer qu’il contient, de même que le premier, des préceptes et des exhortations à la sagesse et à la vertu. Les Grecs l’appellent la Sagesse de Jésus, fils de Sirach, ou la Sagesse de Sirach, ou Panaretos de Jésus, fils de Sirach. Ce terme Panaretos signifie un livre de toutes les vertus. L’auteur y ramasse une infinité de maximes, et d’instructions pour tous les états de la vie et pour toutes sortes de conditions.
Quelques anciens ont attribué cet ouvrage à Salomon ; mais il est certain que l’auteur est beaucoup plus récent que Salomon. Il y parle de plusieurs personnes qui ont vécu après ce prince. Il se nomme lui-même au chapitre 50, vers. 29 : Moi Jésus, fils de Sirach, j’ai écrit dans ce livre la doctrine de la sagesse et des instructions. Le chapitre 51 est inscrit : Prière de Jésus, fils de Sirach. L’interprète, qui l’a rendu de syriaque ou d’hébreu en grec, dit au commencement que son aïeul Jésus l’a composé en hébreu.
Quant au traducteur, saint Athanase, saint Épiphane et saint Jean Damascène ont cru que Jésus, fils de Sirach, avait eu un fils de même nom que lui, et encore un petit-fils, nommé Jésus, et surnommé fils de Sirach, lequel traduisit ce livre d’hébreu en grec. Ce qui est certain, c’est que nous ne savons le nom du traducteur par aucun monument authentique ; car le titre du prologue, qui l’appelle Jésus, ne lit pas ce nom dans le grec de l’édition romaine.
Quelques rabbins croient que Bensira, auteur juif, dont on a deux alphabets de proverbes, est le même que notre Jésus, fils de Sirach. Ce sentiment a été suivi par plus d’un auteur chrétien ; et on remarque beaucoup de conformité entre les sentences de ces deux écrivains. On peut voir le parallèle qu’en a fait Cornelius à Lapide, à la tête de son commentaire sur l’Ecclésiastique. Mais s’il est vrai, comme le veulent les Juifs, que Bensira soit neveu de Jérémie et père d’un nominé Uziel, on ne peut dire qu’il soit le même que Jésus, fils de Sirach, qui a vécu longtemps après le retour de la captivité, et depuis la monarchie des Ptolémées en Égypte.
On ne sait pas précisément en quel temps vivait l’auteur de cet ouvrage. Il fait l’éloge du grand prêtre Simon, comme d’un homme qui ne vivait plus. Mais, comme il y a plus d’un grand prêtre de ce nom, la difficulté subsiste tout entière. Il y a toutefois assez d’apparence qu’il veut marquer Simon II après la mort duquel on vit arriver aux Juifs tous les maux qui ont pu faire dire à Jésus, fils de Sirach, ce qu’on lit dans les chapitres 36 et 50. Celui qui l’a traduit en grec vint en Égypte la trente-huitième année de Ptolémée qui fut surnommé Èvergète, second du nom, ainsi qu’il nous le dit lui-même dans sa préface. Mais pour l’auteur de la traduction latine faite sur le grec, il est entièrement inconnu. Saint Jérôme n’a point touché à ce livre. Nous l’avons encore tel que les anciens Pères l’ont connu et cité, et d’un latin très-barbare.
Quant à la canonicité de l’Ecclésiastique, elle a été autrefois assez contestée. Il y a plusieurs anciens catalogues des livres canoniques où il ne se trouve point. Saint Jérôme dit que l’Église le reçoit pour l’édification, mais non pas pour autoriser les dogmes de la religion. Mais c’est aujourd’hui un sentiment reconnu dans toute l’Église catholique que ce livre est reçu dans le canon des saintes Écritures ; et l’on peut montrer par le témoignage de plusieurs Pères de tous les siècles, et par la tradition de toutes les Églises chrétiennes, qu’il a toujours été révéré et cité comme inspiré du Saint-Esprit, par un grand nombre d’écrivains ecclésiastiques. Et si quelques anciens ne l’ont pas reçu dans leur catalogue, c’est qu’ils s’étaient bornés à n’y mettre que les écrits qui n’étaient point contestés et qui étaient admis unanimement par les juifs et par les chrétiens [« L’Ecclésiastique, écrit l’an 175 avant l’ère chrétienne, livre admirable qui sans doute a donné la pensée et le modèle de l’Imitation de Jésus-Christ, qui a avec lui tant d’analogie par la forme et surtout par l’onction si douce et si tendre, célèbre la sagesse, la charité et le mépris des richesses.
L’intelligence et la science religieuse, dit-il, se trouvent dans les trésors de la sagesse : mais la sagesse est en exécration aux pécheurs. Il n’y a rien de plus injuste que celui qui aime l’argent ; car un tel homme vendrait son âme même, parce qu’il s’est dépouillé tout vivant de ses propres entrailles.
Si vous avez un esclave qui vous soit fidèle, qu’il vous soit cher comme votre propre vie, traitez-le comme votre frère, parce que vous l’avez acquis au prix de votre sang. Nos pères ont commandé aux peuples, et les peuples ont reçu la solidité de leur sagesse, des paroles toutes saintes : les premiers sont des hommes de charité, et les œuvres de leur piété subsisteront à jamais.
Ce peu de citations (jointes à d’autres tirées de Job, des Proverbes et de l’Ecclésiaste) doit suffire pour faire apprécier la philosophie religieuse du peuple hébreu dans ses rapports avec l’économie politique. Dans l’esprit des sages et des chefs de ce peuple, qui faisaient remonter toute science à la révélation primitive, les richesses étaient considérées comme une marque gratuite de la bonté divine. Elles ne devaient point être recherchées immodérément. Elles ne pouvaient être acquises qu’avec justice, c’est-à-dire, par une conquête légitime, ou mieux encore par la pratique des vertus génératrices de l’aisance et du bien-être, le travail, la tempérance et l’épargne. La destination des richesses nationales ne pouvait, à leurs yeux, avoir un objet plus nécessaire et plus noble que la religion. » Le vicomte Alban de Villeneuve-Bargemont, Cours sur l’histoire de l’économie politique. 3e leçon].