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Le livre sacré de l’Ecclésiaste a pour titre dans l’hébreu, Coheleth, qui est un nom féminin, dont la signification littérale est, celle qui parle en public, ou, celle qui convoque l’assemblée. Mais les Grecs et les Latins, sans avoir égard au genre lui ont donné le nom d’Ecclésiaste, c’est-à-dire, un orateur, un homme qui parle en public. Salomon, à qui l’on attribue ce livre, se désigne dès le premier verset par ces mots (Ecclésiaste 1.1) : Paroles de Coheleth, fils de David, roi de Jérusalem. Il parle de ses ouvrages, de ses richesses, de ses bâtiments (Ecclésiaste 2.4-6), et en particulier de ses proverbes, ou de ses paraboles (Ecclésiaste 12.9). Il y déclare qu’il a été le plus sage, et le plus heureux de tous ceux qui l’ont précédé à Jérusalem (Ecclésiaste 1.16). Ce qui le caractérise d’une manière qui ne laisse point de doute sur son sujet.
Malgré ces raisons, il s’est trouvé des critiques qui ont douté que Salomon ait écrit cet ouvrage. Grotius croit qu’il fut composé longtemps après Salomon, et que ce fut Zorobabel qui le fit rédiger en faveur de son fils Abiud, et dans la vue de dresser un monument éternel à la pénitence de Salomon. L’auteur des Sentiments de quelques théologiens de Hollande dit que l’Ecclésiaste est un dialogue où un homme de bien dispute contre un impie, qui est dans les sentiments des Saducéens. Il croit y remarquer des choses qui sont directement opposées les unes aux autres, et qui ne peuvent venir de la même personne. Mais on n’a aucune preuve que Zorobabel ait fait rédiger cet ouvrage : on n’y voit aucune trace de dialogue ; et s’il y a des sentiments qui paraissent contraires les uns aux autres, c’est que Salomon y dispute pour et contre, qu’il propose les objections des Saducéens, et qu’il y répond.
Les Hébreux, saint Jérôme, et la plupart des commentateurs croient que cet ouvrage est le fruit de la pénitence de Salomon ; qu’il le composa sur la fin de sa vie, lorsque, détrompé de la vanité des choses du monde, il commença à détester ses égarements et à retourner au Seigneur. On trouve en effet dans ce livre des marques de son repentir. Il y dit qu’il a cherché tout ce qui pouvait contenter ses sens, qu’il ne s’est refusé aucun plaisir, et qu’il n’a trouvé partout que vanité. Mais ces raisons n’ont pas empêché que l’on n’ait douté du salut de Salomon ; et sa pénitence est encore aujourd’hui un grand problème dans l’Église.
Les rabbins nous enseignent, et saint Jérôme le confirme après eux, que ceux qui recueillirent les Écritures sacrées après la captivité, et qui les placèrent dans le canon, firent d’abord quelque difficulté sur le livre de l’Ecclésiaste. Ils délibérèrent s’ils ne le supprimeraient pas, à cause des sentiments dangereux qui s’y rencontrent et des expressions capables d’inspirer des doutes sur l’immortalité de l’âme [contestable avec par exemple (Ecclésiaste 12.5-7). Mais, l’affaire ayant été mise en délibération, il fut conclu qu’on le recevrait comme Écriture inspirée, en considération de ce qui y est dit à la fin, touchant la crainte de Dieu, et l’observation de ses lois (Ecclésiaste 12.13) et depuis ce temps ce livre a toujours passé pour canonique, tant parmi les Juifs que parmi les chrétiens. Il est vrai que Théodore de Mopsoeste a cru que Salomon l’avait composé sans aucune inspiration particulière ; et Philastrius remarque que quelques hérétiques le rejetaient, comme favorisant l’épicuréisme. Mais ces sentiments n’ont jamais été ni suivis ni approuvés. L’Église les a condamnés comme contraires à la foi et au respect dû aux Écritures canoniques.
Salomon, dans cet ouvrage, propose les sentiments des Saducéens et des Epicuriens dans toute leur force. Il prouve fort bien la vanité des choses du monde, l’inutilité des occupations des hommes, l’incertitude de leurs connaissances. Il propose les plus fortes objections que l’on puisse former contre l’immortalité de l’âme ; mais à la fin il conclut par ces termes : Écoutons tous la fin de ce discours : craignez Dieu, et observez ses commandements ; car c’est en cela que consiste tout l’homme. Voilà à quoi se terminent toutes ses obligations ; voilà le seul moyen de devenir heureux.