A B
C D
E F
G H
I J
K L
M N
O P
Q R
S T
U V
W X
Y Z
Il fut le premier homme créé de Dieu. Il reçut, dit-on, le nom d’Adam à cause de la couleur roussâtre de la terre dont il avait été tiré ; car Adam en hébreu signifie roux ou rouge. Ce nom désigne aussi tout homme en général [C’est-à-dire le genre humain, l’humanité, la femme comme l’homme. Adam, c’est l’être humain, comme homo en latin et homme en français, sans distinction de sexe. Merveilleuse unité à laquelle on ne fait pas attention ; fait divin devant lequel tombent des préjugés sociaux et des erreurs philosophiques]. Dieu ayant tiré Adam du limon de la terre, lui inspira le souffle de vie, et lui donna l’empire sur tous les animaux de la terre (Genèse 1.26 ; 11.7). Il le créa à son image et à sa ressemblance, et lui donna sa bénédiction. Il le plaça dans un jardin de délices (Genèse 2.8-15) afin qu’il le cultivât agréablement et qu’il se nourrît des fruits qui y étaient : mais il lui fit ce commandement : Mangez de tous les fruits du paradis ; mais ne touchez point au fruit de l’arbre de la science du bien et du mal car au même temps que vous en aurez mangé, vous mourrez très-certainement (Voyez alliance).
Peu de temps après, Dieu amena à Adam tous les animaux de la terre et tous les oiseaux du ciel (Genèse 2.19), afin qu’il vît comment il les appellerait ; et le nom qu’Adam donna à chacun d’eux, est son véritable nom, le nom qui leur convient et qui marque leurs principales propriétés. Or, tous les autres animaux ayant été créés par couples, mâles et femelles, il n’y avait que l’homme qui n’eût point son semblable. C’est pourquoi Dieu dit : Il n’est pas bon que l’homme soit seul, faisons-lui une aide semblable à lui. Le Seigneur lui envoya donc un profond sommeil ; et pendant qu’il était endormi, il tira une de ses côtes, et mit de la chair à la place ; et il forma de la côte qu’il avait tirée d’Adam, une femme qu’il lui présenta à son réveil. Alors Adam dit : Voilà maintenant l’os de mes os et la chair de ma chair : celle-ci s’appellera d’un nom qui est dérivé de l’homme (isch = homme, ischa = femme), parce qu’elle est tirée de l’homme. C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme ; et ils seront deux en une même chair. Or, Adam et sa femme étaient nus, et ils n’en rougissaient point. Adam donna aussi à sa femme le nom d’Ève ou Heva ; comme qui dirait, celle qui donne la vie et qui est la mère des vivants.
Un jour le serpent, qui est le plus rusé des animaux de la terre, vint se présenter devant Ève et lui dit (Genèse 3) : Pourquoi Dieu ne vous a-t-il pas permis de manger indifféremment de tous les fruits du paradis ? La femme répondit que Dieu leur avait permis de manger du fruit de tous ces arbres, à l’exception d’un seul, auquel il leur avait défendu de toucher, de peur qu’ils ne mourussent. Le serpent lui dit : Certainement vous ne mourrez point ; mais Dieu sait qu’aussitôt que vous aurez mangé de ce fruit, vos yeux seront ouverts et vous serez comme des dieux, par la connaissance que vous aurez du bien et du mal. La femme donc voyant que le fruit de cet arbre était bon manger et agréable à la vue, en prit, en mangea et en donna à son mari, qui en mangea comme elle. En même temps leurs yeux furent ouverts, et ils s’aperçurent qu’ils étaient nus ; et, ayant cousu ensemble des feuilles de figuier, ils s’en firent de larges ceintures pour couvrir leur nudité ; et ayant ouï le Seigneur qui marchait dans le paradis vers le temps du coucher du soleil, ils se cachèrent devant sa face dans le plus épais des arbres du paradis. Alors le Seigneur appela Adam, et lui dit : Où êtes-vous ? Adam répondit : J’ai ouï votre voix ; et comme j’étais nu, j’ai eu honte de paraître devant vos yeux, et je me suis caché. Dieu lui dit : Et d’où avez-vous appris que vous étiez nu, sinon parce que vous avez mangé de l’arbre dont je vous avais ordonné de ne pas manger ?
Adam lui répondit : La femme que vous m’avez donnée pour compagne m’a présenté de ce fruit et j’en ai mangé. Et le Seigneur dit à la femme Pourquoi avez-vous fait cela ? Elle répondit : Le serpent m’a trompée et j’ai mangé de ce fruit. Alors le Seigneur dit au serpent : Puisque tu as fait cela, tu es maudit entre tous les animaux ; tu ramperas sur ton ventre, et tu mangeras la terre tous les jours de ta vie ; je mettrai une Inimitié éternelle entre toi et la femme, entre sa postérité et la tienne ; elle t’écrasera la tête et tu tâcheras de la mordre au talon (voyez alliance). Il dit aussi à la femme : Je multiplierai vos peines et vos grossesses ; vous mettrez vos enfants au monde dans la douleur ; vous serez sous la puissance de l’homme, et il vous dominera. Quant à Adam, il lui dit : Puisque vous avez écouté la voix de votre femme et que vous avez mangé du fruit dont je vous avais défendu de manger, la terre sera maudite à cause de vous, et elle ne vous fournira votre nourriture qu’a force de travail ; elle vous produira des ronces et des épines, et vous aurez pour aliments les herbes de la terre. Vous mangerez votre pain à la sueur de votre visage jusqu’à ce que vous retourniez en la terre dont vous avez été formé : car vous êtes poudre, et vous retournerez en poudre.
Alors le Seigneur fit à Adam et à Ève des tuniques pour couvrir leur nudité (litt.« des tuniques de peau », ou « des tuniques pour couvrir leur peau ») et il les en revêtit, et il dit : Voilà Adam qui est devenu comme l’un de nous, connaissant le bien et le mal. Mais à présent, de peur qu’il ne porte sa main et qu’il ne prenne du fruit de l’arbre de vie, qu’il n’en mange et qu’il ne vive eternellement, il faut l’éloigner de ce lieu. C’est pourquoi il le mit hors du jardin de délices, afin qu’il travaillât à la terre dont il avait été tiré (voyez Péché originel). Et après qu’il l’eut chassé du jardin, il mit devant ce lieu de délices un chérubin avec un glaive étincelant pour garder l’entrée de l’arbre de vie. On ne sait combien de temps Adam et Ève demeurèrent dans le paradis. Les interprètes sont fort partagés sur cela. Les uns les y laissent plusieurs années ; les autres, plusieurs jours ; les autres, quelques heures. Nous croyons qu’ils y purent demeurer dix ou douze jours, et qu’ils sortirent vierges de ce lieu de délices.
Peu de temps après, Ève conçut et enfanta Caïn,(Genèse 4.1-2), disant : J’ai possédé un homme par la faveur de Dieu. On croit qu’en même temps elle eut aussi une fille et que d’ordinaire elle avait deux jumeaux. L’Écriture ne marque que trois fils d’Adam, Caïn, Abel et Seth, et ne lui donne aucune fille ; mais Moïse ne nous permet pas de douter qu’il n’ait eu plusieurs enfants, lorsqu’il dit qu’il engendra des fils et des filles. Il mourut âgé de neuf cent-trente ans (Genèse 5.5), avant Jésus-Christ 3070, avant l’ère vulgaire 3074. Voilà tout ce que Moïse nous apprend de ce premier père.
Mais les interprètes n’en sont pas demeurés là, ils ont formé mille questions sur son sujet. Il est vrai qu’il n’y a aucune histoire qui fournisse un plus beau champ aux questions sérieuses et intéressantes, et nous ne pouvons nous dispenser d’en examiner ici quelques-unes.
On convient que le serpent, qui tenta Ève, n’est autre que le démon (Jean 8.44 ; 2 Corinthiens 11.3 ; Apocalypse 12.9), ce serpent infernal qui, jaloux des prérogatives de l’homme innocent, le tenta et lui fit perdre tous les avantages qu’il avait reçus de Dieu dans sa création. Mais il prit pour le tenter la forme d’un serpent ; et de quel serpent ? Les uns croient qu’alors le serpent avait l’usage de la parole et qu’il s’entretint familièrement avec la femme, sans qu’elle eu conçût aucune défiance ; et que Dieu, en punition de la malice avec laquelle il avait abusé de la simplicité d’Ève, le priva de l’usage de la parole. D’autres croient que le démon se transforma en serpent et parla à Ève sous la figure de cet animal. D’autres soutiennent qu’un serpent réel et ordinaire ayant mangé du fruit défendu, Ève conclut de là qu’elle en pouvait aussi manger sans péril, qu’en effet elle en mangea et en courut l’indignation du Seigneur a cause de sa désobéissance. C’est, disent ces auteurs, cette action si simple que Moïse a voulu raconter sous l’enveloppe de l’allégorie du serpent qui parle à Ève (Voyez Serpent).
Cajétan, dans tout le récit de Moïse, ne reconnalt qu’une espèce de figure, qui feint un dialogue entre la femme et le serpent, pour marquer les suggestions intérieures du démon et la faible résistance que la femme y apporta. D’autres veulent que la parole du serpent ne fut autre que son sifflement ; et qu’Ève entendant (comprenant)la voix de tous les animaux, comprit par le bruit que fit celui-ci, ce qu’il voulait lui faire entendre. Lyranus rapporte l’opinion de quelques-uns qui croyaient que le serpent avait pris le visage d’une belle fille pour tenter Ève. On assure que les hérétiques Ophites ou Serpentins croyaient que le serpent tentateur était Jésus Christ. C’est pourquoi ils nourrissaient un serpent qui, à la parole de leurs prêtres, se coulait sur leurs autels et léchait leurs oblations, puis se retirait dans son trou. Alors ils s’approchaient de l’autel et participaient au sacrement, persuadés que Jésus-Christ lui-même sous la forme de ce serpent, l’avait sanctifié. Tertullien et saint Épiphane enseignent que les mêmes hérétiques croyaient que le serpent tentateur était une vertu que Saldabaoth produisit sous la forme d’un serpent, en dépit de ce que le dieu Jéhovah avait fait marcher l’homme qui auparavant n’était qu’un ver. Quelques rabbins croient que le démon Sammael, prince des diables, vint tenter Ève, monté sur un serpent de la grandeur d’un chameau.
On demande quelle était la nature du fruit défendu et quel était l’arbre qui le portait. Quelques rabbins croient que c’était la vigne ; d’autres, que c’était le froment. Théodore cité dans Théodoret, saint Isidore de Péluse et Procope enseignent que c’était le figuier, fondés sur ce qu’Adam et Ève, aussitôt après leur péché, prirent des feuilles de figuier pour se couvrir. D’autres croient que c’était le cerisier. La plupart des Latins veulent que ç’ait été le pommier. Mais avouons qu’on n’a rien de certain sur cela, puisque Moïse ne s’explique point sur la nature de l’arbre dont il s’agit.
Plusieurs auteurs Juifs ont prétendu que l’homme et la femme avaient été créés ensemble et collés par les épaules, ayant quatre pieds, quatre mains et deux têtes, semblables en tout hors le sexe ; et que Dieu leur ayant envoyé un profond sommeil, les sépara et en forma deux personnes. Eugubin veut qu’ils aient été unis non par le dos, mais par les côtés ; en sorte que Dieu, selon l’Écriture, tira la femme du côté d’Adam ; mais Moïse ne dit pas que Dieu ait tiré la femme du côté d’Adam, mais qu’il tira une côte d’Adam, dont il forma la femme.
On a débité bien des fables sur la taille et sur la beauté d’Adam. On a prétendu qu’il était le plus bel homme qui ait jamais été, et que Dieu, pour le former, se revêtit d’un corps humain parfaitement beau, sur le modèle duquel il forma Adam. Ainsi il fut vrai au pied de la lettre, qu’Adam fut créé à l’image et ressemblance de Dieu. D’autres ont dit qu’il était le plus grand géant qui eût jamais été. On a prétendu prouver cette opinion par ces paroles de la Vulgate (Josué 14 : ult. : Adam maximus inter Enachim, ibi (Hebrone) situs est. Les rabbins enseignent que ce premier homme était d’une taille si prodigieuse, qu’il s’étendait depuis un bout du monde jusqu’à l’autre ; mais que depuis son péché, Dieu appesantit sa main sur lui et le réduisit à la mesure de cent aunes. D’autres lui laissent la hauteur de neuf cents coudées et prétendent que ce fut à la requête des anges effrayés de sa première hauteur, que Dieu le réduisit à cette mesure.
On a fort disputé dans l’Église sur le salut d’Adam. Tatien et les Encratites soutenaient qu’il était damné ; mais l’Église a condamné le sentiment de ces hérétiques. L’auteur du livre de la Sagesse (chapitre 10 v.2) dit que Dieu le tira de son péché. Et les Pères enseignent qu’il fit une solide pénitence. Les rabbins le croient de même. Il y en a qui enseignent qu’Adam et Ève demeurèrent dans la continence pendant cent ans après leur péché. D’autres ne mettent que trente ans ; et d’autres seulement quinze. On ignore le lieu de la sépulture de nos premiers pères. Quelques anciens ont cru qu’ils étaient enterrés à Hébron, fondés sur ces paroles (Josué 14)du livre de Josué que nous avons déjà citées. Mais on explique le texte hébreu de ce passage autrement : Le nom ancien d’Hébron était Cariath-Arbé. Cet homme (Arbé) était le plus grand, ou le père des Enachim. D’autres en plus grand nombre soutiennent qu’Adam fut enterré sur le Calvaire, et ce sentiment s’est soutenu jusqu’aujourd’hui. On voit sur le Calvaire une chapelle dédiée à l’honneur d’Adam. Mais saint Jérôme reconnaît que cette opinion, qui est assez propre à flatter les oreilles des peuples, n’en est pas plus certaine pour cela.
On a attribué quelques ouvrages à Adam. On a prétendu qu’il était rempli d’une science très-profonde et très-étendue. Le nom qu’il a donné aux animaux prouve non-seulement son domaine, mais aussi, sa vaste connaissance de toutes leurs propriétés. Dieu l’ayant créé parfait, on ne peut douter qu’il ne lui ait donné un esprit vaste et éclairé : mais cette science spéculative et ce génie supérieur ne sont pas incompatibles avec l’ignorance expérimentale des choses, qui ne s’apprennent que par l’usage et par la réflexion. L’on a cru qu’il avait inventé les lettres hébraïques. Les Juifs lui attribuent le Psaume 92, qui commence par : Bonum est confileri Domino. Ils croient qu’il le composa aussitôt après sa création. Les Gnostiques avaient aussi un livre intitulé : L’Apocalypse d’Adam, qui a été mis par le pape Gélase au rang des apocryphes. Le même pape fait aussi mention du livre de La Pénitence d’Adam. Masius parle d’un livre de la Création, que l’on disait avoir été composé par Adam. Les Arabes enseignent qu’Adam avait reçu une vingtaine de livres tombés du ciel, qui contenaient plusieurs lois, plusieurs promesses et plusieurs prédictions. [Voyez Écriture].
Les anciens Perses racontent la création d’Adam et des premiers hommes d’une manière qui mérite attention. Ils disent qu’il y avait un Dieu avant toutes choses, et que c’est lui qui en est auteur ; qu’ayant résolu de se faire connaître par ses œuvres, il créa l’univers et le partagea en six parties. Premièrement il fit les cieux et leurs sphères, qu’il orna de grands et petits luminaires, qui sont le soleil, lune et les étoiles. Il créa aussi les anges, dont les uns sont placés au-dessus des autres, selon leur rang et dignité, et le ciel fut destiné pour être la demeure de ceux qui garderaient les commandements de Dieu, et vivraient saintement en cette vie. Après qu’il eut achevé ce grand ouvrage, il se reposa pendant cinq jours, pour apprendre qu’il faut du temps et de la méditation pour exécuter les grands desseins.
Après cela il fit l’enfer, qu’il plaça dans la plus basse région du monde, d’où il bannit toute sorte de lumière et de consolation, afin que ce lieu fût un lieu d’horreur et de châtiment pour les violateurs de ses lois. Dans ce lieu, aussi bien que dans le ciel, il fit des demeures différentes, dans lesquelles les méchants devaient être tourmentés selon la mesure et la qualité de leurs crimes. En ce temps-là Lucifer, chef des anges, et quelques-uns de son ordre, ayant conspiré contre Dieu, afin de s’emparer de sa souveraine puissance, Dieu les précipita dans l’enfer, et changea leur figure en une forme noire, hideuse et terrible, et les enferma ainsi dans l’enfer, où ils doivent demeurer jusqu’à la fin du monde ; alors les pécheurs recevront le châtiment et, subiront la sentence de leur condamnation. Après cela Dieu se reposa et cessa de travailler encore pendant cinq jours.
Le troisième ouvrage de la création fut la terre ou le globe terraqué, qui renferme les eaux et l’élément aride, en sorte que les eaux rendent la terre féconde, et que la terre contient l’eau dans ses justes bornes. Après ce grand ouvrage, Dieu demeura cinq jours sans rien produire au dehors.
Le quatrième ouvrage fut celui de la création des arbres, des plantes et des herbages, afin que la terre produisît les fruits et tout ce qui peut servir a la nourriture de l’homme et des animaux. Après quoi Dieu, se reposa de ses travaux comme auparavant.
Le cinquième ouvrage fut celui des animaux, des oiseaux et des poissons, qui devaient habiter la terre et se nourrir de ce qu’elle produit. Le monde étant ainsi orné et fourni de toutes sortes de créatures, Dieu cessa de travailler encore cinq jours.
Enfin il entreprit son sixième ouvrage, et fit l’homme et la femme, Adamah et Evah, pour l’usage desquels toutes choses avaient été faites. Pour peupler plus promptement le monde, Dieu voulut qu’Ève accouchât tous les jours de deux jumeaux, et que pendant mille ans la mort ne diminuât point le nombre des hommes.
Lucifer qui avait été précipité dans l’enfer, s’étudiait à nuire à l’homme, et à le tenter pour le faire tomber dans le crime, et pour le priver de tous ses biens. Dieu pour prévenir les mauvais effets de sa malice, ordonna certains surveillants sur ses créatures, pour les conserver en l’état auquel il les avait créées. Il donna le soin des cieux à un certain Hamul, le soin des anges à Acrob ; le soin du soleil, de la lune et des étoiles fut donné à Joder, celui de la terre à Soreh, celui de l’eau à Josah, celui des animaux. à Sumbola, celui des poissons à Daloo, celui des arbres à Rocan, celui de l’homme et de la femme à Cooz ; enfin il donna Sertan et Asud à Lucifer et à ses complices, pour les empêcher de faire du mal à ses créatures.
Cela n’empêcha pas que Lucifer ne tentât les hommes, et ne les engageât dans plusieurs désordres, qui obligèrent Dieu à les exterminer par un déluge, qui couvrit toute la terre, et n’épargna qu’un petit nombre d’hommes, d’où sont venus tous ceux qui habitent aujourd’hui dans le monde.
Les Banians qui sont des peuples habitant dans les Indes Orientales, et répandus dans le royaume de Cambaye, enseignent que Dieu, voulant faire éclater sa toute-puissance, créa l’univers, c’est-à-dire, la terre, l’air, le feu et l’eau, qui sont comme la base de toutes créatures sensibles. Ces quatre choses étaient d’abord mêlées et, confondues ensemble ; Dieu les sépara en soufflant sur les eaux avec une espèce de grande sarbatane ; elles s’enflèrent aussitôt, et devinrent comme une grande ampoule ronde de la figure d’un cerf, laquelle s’étendant petit à petit, fit le firmament lumineux et transparent, tel que nous le voyons, et qui environne tout le monde.
Après cela il créa un soleil et une lune qu’il mit dans le firmament, pour la différence des saisons ; par ce moyen les quatre éléments furent débrouillés, chacun fut placé dans le lieu qui lui était propre, et firent chacun leur fonction ; l’air remplit tout ce qui était vide ; le feu donna la vie et l’action à toutes choses par sa chaleur ; la terre produisit ses créatures, et la mer les siennes. Dieu donna à chacune les vertus séminales pour se produire ; ainsi fut achevé ce grand monde, lequel fut partagé en quatre parties, comme il avait été formé des quatre éléments ; et ces quatre parties sont l’orient, l’occident, le septentrion et le midi.
Ce monde devait durer quatre âges, et être peuplé par quatre sortes d’hommes, mariés à quatre femmes faites exprès pour eux. Dieu travailla donc à créer l’homme, après qu’il eut formé l’univers. Il ordonna à la terre de faire sortir de ses entrailles cette excellente créature. La terre obéit, et l’on vit aussitôt paraître la tête de l’homme, puis successivement les autres parties de son corps, dans lequel Dieu inspira la vie et le mouvement ; ses yeux s’ouvrirent, et l’homme employa les premières opérations de son esprit à reconnaître et à adorer son Créateur. En même temps Dieu donna à l’homme pour compagne une femme semblable à lui. L’homme fut nommé Pourous, et la femme Parcontée. Ils vécurent ensemble et eurent quatre fils ; le premier fut nommé Bramon ; le second Cuttery, le troisième Schuddery, et le quatrième Urise.
Chacun de ces quatre hommes avait son tempérament particulier, selon l’élément qui dominait principalement en lui. Bramon tenait la terre, et était par conséquent d’une humeur mélancolique ; Cuttery était d’un tempérament de feu, et avait l’esprit martial et guerrier ; Schuddery était flegmatique, et avait l’esprit doux et paisible ; Urise était d’un tempérament aérien et d’un esprit inventif.
Dieu donna à Bramon, comme au plus sérieux et au plus posé, un livre dans lequel étaient écrites les lois et la religion. Il donna à Cuttery, comme au plus vaillant, un sceptre et une épée pour commander et gouverner les hommes, et les contenir dans le devoir. Schuddery, qui était d’un esprit doux et aisé, reçut de Dieu des balances et un sac rempli de toutes sortes de poids, pendu à sa ceinture, pour exercer la marchandise et enseigner le commerce aux hommes. Enfin Dieu donna à Urise, qui se trouvait d’un esprit subtil et aérien, le don de l’invention des mécaniques et des arts, avec un sac rempli de toutes sortes d’instruments de mécanique.
Dieu ne donna point de filles à Pourous et à Parcontée, de peur que leurs frères vivant avec elles, ne se souillassent de quelque inceste ; mais il créa quatre femmes pour les quatre fils dont on vient de parler, et les plaça dans des lieux éloignés de la demeure des premiers hommes ; l’une à l’orient, l’autre à l’occident, la troisième au septentrion, et la quatrième au midi, afin que les quatre fils de Pourous les allant chercher dans ces lieux, la propagation du genre humain se fît plus aisément et plus promptement par toute la terre.
Dieu ayant résolu de peupler le monde, envoya Bramon vers l’orient, tenant, en sa main le livre des lois divines. Il rencontra la femme que Dieu lui avait destinée, et qui était d’une taille et d’un tempérament pareils aux siens. Il la prit pour femme et fut le père du peuple d’orient. Cette femme s’appelait Savanée.
Cuttery, second fils de Pourous, prit sa route vers l’occident et rencontra de même la femme qui lui était destinée ; elle s’appelait Todicastrée ; elle ne se rendit pas sans combattre. Elle avait autant de courage que son mari, et était armée aussi bien que lui. Ils se battirent pendant trois ou quatre jours ; enfin Todicastrée fut prise et devint la femme de Cuttery. Ils peuplèrent ensemble l’occident.
Schuddery, qui était destiné à la marchandise et au trafic, partit vers le nord, avec sa balance, et ses poids, et ayant rencontré des perles et des diamants, il en prit en abondance. Ensuite, il trouva la femme qui lui était préparée ; elle s’appelait Visagundah. Il l’épousa et fut père des peuples septentrionaux.
Urise, quatrième fils de Pourous, dont le talent était l’invention, l’industrie, la mécanique, partit avec ses instruments, et prit sa route vers le midi. Il traversa sept Mers, et les passa par le moyen d’un vaisseau de son Invention. Étant arrivé en un pays nommé Derpe, il y bâtit une fort belle maison sur le bord de la mer. Quelque temps après, la femme que Dieu avait créée pour lui, se promenant près de là, s’approcha de sa maison pour la considérer ; Urise descendit pour la voir, et lui témoigna son admiration et son affection ; mais Jejunogundah, c’est ainsi qu’on appelait cette femme, s’étant retirée, Urise la rechercha les jours suivants ; et enfin elle se rendit à ses désirs, devint son épouse, et par leur moyen fut peuplée toute la partie méridionale de la terre.
Les quatre frères, après avoir ainsi peuplé le monde, se trouvèrent portés d’inclination à retourner au lieu de leur première origine ; ils s’y rendirent des quatre parties du monde ; mais s’étant brouillés ensemble, et leurs enfants étant tombés dans de très-grands désordres, Dieu les extermina par le déluge. Ainsi finit le premier âge du monde.
Les Mahométans racontent aussi à leur manière la création d’Adam et d’Ève, leur chute et celle des anges, et y ajoutent plusieurs particularités qui ne se lisent point dans Moïse. Dieu prépara par une longue pluie le limon de la terre, dont il devait former le corps d’Adam ; après cela, il envoya l’ange Gabriel et lui ordonna de prendre une poignée de chacun des sept étages de terre. Gabriel obéit, déclara à la terre les ordres de Dieu, et lui dit que le Seigneur voulait tirer de ses entrailles de quoi former l’homme, qui en devait être le monarque et le lieutenant de Dieu. La terre, étonnée de cette proposition, pria Gabriel de représenter à Dieu qu’elle craignait que cette créature, qu’il voulait tirer de son sein, ne se révoltât un jour contre lui et n’attirât sur elle sa malédiction. Gabriel revint et fit à Dieu les remontrances de la terre ; mais Dieu, voulant exécuter son dessein, donna la même commission à Michel, et ensuite à Asraphel. Ces deux anges revinrent de même rapporter les excuses et le refus que faisait la terre de contribuer à cet ouvrage. Enfin, le Seigneur y députa Azraël, qui, sans parler à la terre et sans lui faire aucune demande, saisit brusquement et enleva de force sept poignées de sept différents lits ou étages de sa masse, qu’il porta en Arabie dans un lieu qui est entre la Mecque et Taïef. Azraël, en récompense de cette action, reçut de Dieu la commission de séparer les âmes des corps ; c’est pourquoi on l’appelle l’ange de mort.
Il n’est guère croyable que les musulmans croient à la lettre cette manière de création ; mais on la lit dans leurs auteurs comme une tradition. Mahomet dit simplement que Dieu a créé et formé l’homme en partie de terre sablonneuse et en partie de limon puant ; mais que pour les génies, il les avait déjà formés d’un feu très-ardent. À l’égard de cette différence de terre employée à la formation d’Adam, elle leur sert à expliquer les différentes couleurs et qualités des hommes qui en sont descendus, dont les uns sont blancs ou noirs, les autres basanés, jaunes, olivâtres et rouges ; les uns d’une humeur, d’une inclination et d’une complexion, et les autres d’une autre toute différente.
Les anges, ayant donc pétri de leurs mains cette terre apportée par Azraël, Dieu en forma de sa propre main une statue humaine, laquelle étant demeurée pour sécher au même endroit assez longtemps, les anges eurent le loisir de l’examiner, et Eblis ou Lucifer, le premier d’entre eux, l’ayant considérée de tous côtés et lui ayant frappé sur le ventre et sur la poitrine, il s’aperçut qu’elle retentissait ; il en conclut qu’étant vide en dedans, elle serait sujette pour se remplir à plusieurs besoins et à plusieurs tentations ; puis se tournant vers ses compagnons, il leur dit : Si Dieu voulait vous assujettir à reconnaître ce monarque qu’il veut établir sur la terre, que feriez-vous ? Ils répondirent : Il faudrait bien obéir à Dieu. Eblis en dit autant, mais fort résolu intérieurement de n’en rien faire.
Quelque temps après, Dieu communiqua à cette statue son esprit ou son souffle vivifiant, lui donna la vie et l’intelligence, et la revêtit d’habits merveilleux et proportionnés à sa dignité. En même temps il ordonna aux anges de se prosterner devant elle pour marque d’honneur et de respect. Les anges obéirent ; il n’y eut qu’Eblis qui refusa de se soumettre et qui fut chassé du paradis. Adam fut mis en sa place, et bientôt après, Dieu tira de son côté gauche, pendant qu’il dormait, la femme qu’il lui donna pour compagne. Adam reçut bientôt après la défense de manger d’un certain fruit sous peine d’encourir la malédiction de Dieu.
Ce fut alors qu’Eblis résolut de se venger d’Adam. Il s’associa avec le paon et le serpent, et s’approchant d’Adam et d’Ève, il eut avec eux un long entretien dans lequel il leur persuada de manger du fruit défendu. À peine en eurent-ils goûté, que les habits d’honneur dont ils étaient vêtus, tombèrent à leurs pieds : ils se trouvèrent nus, et ayant honte de leur nudité, ils coururent vers un figuier pour se couvrir de ses feuilles. Ils entendirent bientôt après une voix foudroyante qui leur criait : Descendez et sortez de ce lieu ; vous deviendrez ennemis les uns des autres, et vous aurez sur terre votre habitation et votre subsistance pour un temps.
Adam fut donc précipité du ciel en terre, et il tomba, selon la plus commune opinion, dans l’île de Ceylan, sur la montagne de Serandib ; Ève tomba à Gidda, port de la mer Rouge, assez près de la Mecque : Eblis tomba à Missan près de Bassora ; le paon dans l’Indostan, et le serpent à Nisibe ou Ispaham, c’est-à-dire dans les lieux où ces villes furent bâties dans la suite.
On montre encore aujourd’hui dans l’île de Ceylan, ou Zeilan, qui est la même que Serandib, ou Zeran-Dir, presqu’au milieu de l’île, une montagne fort élevée que les Arabes nomment Rahoun, et les Portugais el pico d’Adam, ou la montagne d’Adam, sur laquelle il v a l’impression ou le vestige du pied d’un homme qu’on dit être d’Adam. Ce vestige est, dit-on, de soixante-dix coudées de long, et on assure qu’alors Adam avait l’autre pied dans la mer. Mais Robert Knox, Anglais, qui a demeuré pendant vingt ans dans cette île, dans sa relation de l’an 1681, ne donne à cette trace du pied d’Adam qu’environ deux pieds de long. D’autres, disent que la tradition non seulement des Indes, mais encore de tout l’orient, est qu’Adam y a été enterré. Mais on verra ci-après d’autres opinions sur le lieu de sa mort et de sa sépulture.
Adam donc se trouvant seul dans cette île et dépourvu de toutes sortes de consolations, rentra en lui-même, et touché de repentir, leva les yeux et les mains au ciel pour implorer la clémence de son Créateur. Dieu, touché de sa pénitence, fit descendre du ciel par la main des anges une espèce de tente ou de pavillon, qui fut, dit-on, placé au lieu où Abraham a depuis bâti le temple de la Mecque. Gabriel lui montra toutes les cérémonies qu’il devait pratiquer dans ce sanctuaire pour obtenir le pardon de son péché. Adam se rendit en cet endroit et y pratiqua tout ce qui lui avait été ordonné. Bientôt après, il fut conduit par le même ange à la montagne d’Arafat, où Adam et Ève se trouvèrent après une séparation de plus de deux cents ans.
De là ils se retirèrent dans l’île de Serandib ou de Ceylan, où ils s’occupèrent a cultiver la terre et à multiplier leur famille. Ève accoucha vingt fois, et à chaque fois elle eut deux jumeaux, dont l’un était mâle et l’autre femelle. Adam vécut neuf cent soixante ans, dont il ne passa, selon les musulmans, qu’un demi-jour dans le paradis ; mais ils expliquent ce jour d’un jour de l’autre monde ou du paradis, qui vaut mille années des nôtres, de sorte que ce demi-jour vaut autant que cinq cents ans. Pendant toute sa vie, les hommes n’eurent qu’une religion, et furent souvent visités par les anges, qui les secouraient et les instruisaient. Le nombre des hommes était de quarante mille lors de l’enlèvement d’Énoch.
Ils tiennent qu’Adam fut enterré près de la Mecque, sur le mont Aboucaïs. D’autres croient que Noé, au temps du déluge, mit son corps dans l’arche, et le fit porter, après le déluge, à Jérusalem, par Melchisédech, fils de Sem, son petit-fils. Les chrétiens orientaux et plusieurs Pères ont suivi cette tradition, et ont cru qu’il avait été enterré sur le mont de Calvaire au même endroit où Jésus-Christ fut crucifié. On montre encore aujourd’hui à Naplouse, ou Samarie, dans la Palestine, une chapelle sous le nom d’Adam, que les Turcs révèrent au même endroit ; mais les anciens Perses estiment qu’il fut enterré à Sérandib, et que son sépulcre était gardé par des lions, au temps que les géants se faisaient la guerre.
Les musulmans croient qu’Adam a été inspiré de Dieu, et qu’un rayon de la Divinité a passé successivement de lui aux autres prophètes. Ils lui attribuent dix volumes qu’il a écrits ; car c’est ce qu’on doit entendre quand ils disent que Dieu les lui envoya du ciel.
Quelques rabbins et quelques auteurs orientaux enseignent qu’Adam, pendant le temps qu’il fut séparé de sa femme, après son péché, selon les uns, ou après la mort d’Abel, selon les autres, engendra les génies ou esprits follets, auxquels les anciens ont attribué des corps, et leur ont appliqué ce qui est dit dans l’Écriture (Genèse 6.2) :Que les enfants de Dieu ayant vu les filles des hommes, en prirent pour femmes celles qui leur plurent. D’autres soutiennent que ces génies, ou « ginns », ou « dir », comme les nomment les Arabes, sont des créatures plus anciennes qu’Adam, lesqnelles s’étant souvent soulevées contre Dieu, Dieu résolut de donner le monde à gouverner à une autre espèce de créature. Il créa, pour cet effet, Adam, et commanda aux ginns ou dir, de lui obéir. Ceux qui refusèrent de se soumettre à lui, ayant à leur tête Eblis ou Lucifer, sont ce que nous appelons les mauvais anges ; les autres, qui demeurèrent dans le devoir, sont les bons anges, ou les enfants de Dieu : les uns et les autres corporels et même sujets à la mort.
Nous aurons encore lieu de parler d’Adam dans les articles du Paradis terrestre, et de la Langue d’Adam, ou de la première langue.
Outre les trois fils d’Adam, dont Moïse nous a donné les noms, qui sont Caïn, Abel et Seth, les Orientaux nous ont conservé les noms de deux autres, savoir Abdal-Harth et Rocaïl. Ce dernier était, disent-ils, le frère puîné du patriarche Seth, et possédait les sciences les plus élevées et les plus cachées. Son esprit était si vif et si pénétrant, qu’il paraissait tenir plus de l’ange que de l’homme. Surkrage, qui était un puissant dir ou géant, qui vivait en ce temps là, pria Seth de lui envoyer Rocaïl, son frère, pour lui aider à gouverner ses États. Seth l’envoya et Rocaïl devint le premier ministre de ce prince, auquel il bâtit un palais et un sépulcre d’une structure si magnifique, et avec tant d’art, qu’il y avait plusieurs statues de différents métaux, faites par art talismanique, qui agissaient et remuaient comme si elles avaient été animées.
On voit dans tout ceci le caractère d’esprit des Orientaux, amateurs des fictions, des merveilles et du mystérieux ; car il ne faut pas s’imaginer que tout ce qu’ils racontent d’Adam et des autres patriarches doive toujours être pris à la lettre ; souvent ce ne sont que des allégories ou des moralités enfermées sous certaines espèces de paraboles.
Les cabalistes, qui sont une espèce de docteurs juifs, qui enveloppent sous des expressions mystérieuses et cachées, des vérités de morale, de physique et de théologie, nous parlent du premier Adam, Adam Kadmon, qui est la première et la plus parfaite émanation qui soit sortie de l’essence de Dieu, et le premier de tout ce qui a été créé au commencement. On le représente comme un homme qui a un crâne, un cerveau, des yeux, des pieds et des mains ; mais chacune de ces parties renferme des mystères profonds. Son crâne est la sagesse ; son oreille droite est l’intelligence ; la prudence fait son oreille gauche, et ainsi du reste. Quelques chrétiens ont cru qu’ils désignaient par là Jésus-Christ, la seconde personne de la Trinité. Il est vrai que les cabalistes croient que c’est par le premier Adam, par l’Adam céleste, que Dieu créa le monde, ne voulant pas le créer par lui-même immédiatement, et afin de faire éclater son pouvoir d’une manière plus parfaite. Mais ils reconnaissent un commencement et des imperfections dans ce premier Adam : cela ne peut donc étre le Fils de Dieu que nous adorons.
Les thalmudistes débitent une infinité de fables sur le chapitre d’Adam et de sa création. Ils disent qu’à la première heure du jour Dieu, assembla la poussière dont il le devait composer ; et la disposa à recevoir la forme qu’il lui devait donner ; à la seconde, Adam se tint sur ses pieds ; à la quatrième il donna les noms aux animaux ; la septième fut employée au mariage d’Ève et d’Adam. Le Seigneur, comme un paranymphe, l’amena a son nouvel époux, parée et frisée. À dix heures, Adam a péché ; il fut jugé aussitôt après : et à la douzième heure, il sentait déjà la peine de son péché, et les effets de la sentence prononcée contre lui. Selon les rabbins, Adam avait été créé d’une grandeur si énorme, qu’il touchait le ciel ; mais depuis qu’il eut péché, Dieu lui mit la main sur la tête et le réduisit à une grandeur moins excessive. Ils veulent appuyer ces rêveries par ce passage du Deutéronome (Deutéronome 4.32) : Dieu créa l’homme sur la terre, depuis une extrémité du ciel jusqu’à l’autre. Ils fondent sa diminution sur cet autre passage (Psaumes 139.5) : Vous m’avez formé, et vous avez mis votre main sur moi. La matière de son corps fut prise de différentes provinces : la tête, de la Palestine ; le tronc, de la Babylonie ; les autres parties d’autres provinces.
Les anges ayant vu cette créature si démesurée, en murmurèrent, comme si le Seigneur avait voulu faire un second Dieu en personne ; Mais il arrêta leurs murmures en appuyant sa main sur la tête d’Adam, et le réduisant à une stature de mille coudées. Ceux qui ont voulu expliquer ces expressions ont dit que Dieu l’avait créé rempli d’une très-vaste connaissance de toutes les sciences de la nature, mais qu’après son péché, Dieu lui ôta beaucoup de ses prérogatives.
Ils ajoutent qu’il était d’une nature si élevée, que la matière de son corps était si subtile, si fine et si déliée, qu’il approchait de la nature des anges ; qu’il avait une connaissance de Dieu et de ses attributs aussi parfaite qu’une créature la peut avoir. Il n’ignorait pas même le nom incommunicable de Dieu, le nom de Jéhovah ; car Adam ayant imposé le nom à tous les animaux, Dieu lui demanda : Quel est mon nom ? Adam répondit : Jéhovah, celui qui est. C’est, disent-ils, ce que a voulu marquer Isaïe par ces mots (Isaïe 13.8) : Je suis Jéhovah, c’est là mon nom ; c’est-à-dire le nom qu’Adam me donna au commencement.
Comme la circoncision est, selon les Juifs, le sceau de l’alliance de l’homme fidèle avec Dieu, ils ont imaginé qu’Adam avait été créé circoncis, et qu’ayant violé l’alliance du Seigneur, par son péché, il effaça, autant qu’il put, la marque de sa circoncision. Ils fondent cette vision sur un passage d’Osée, qui porte (Osée 6.7) :Ils ont transgressé l’alliance comme Adam, ils ont prévariqué contre moi.
Quelques-uns se sont imaginé qu’Ève était le fruit défendu, auquel il ne pouvait toucher sans crime ; que le serpent en ayant mangé le premier, avait produit Caïn, qui n’était pas, par conséquent, le fils d’Adam : que ce premier homme fut si affligé de la mort d’Abel, qu’il demeura cent trente ans sans s’approcher de son épouse, après quoi il commença seulement à avoir des enfants à son image et ressemblance. On a vu ci-devant que quelques-uns croient que pendant cet intervalle il engendra les génies ou les esprits ; d’autres croient qu’ils sont nés d’Adam et de sa première femme nommée Lilith. Voyez son article.
Encore que la pénitence d’Adam soit si bien marquée dans l’Écriture (Genèse 3.17-18), et que saint Augustin ait parlé de son salut comme d’un sentiment commun de presque toute l’Église, et que le Fils de Dieu, à sa résurrection, le tira des enfers avec les autres justes qui y attendaient sa venue, toutefois l’Église n’a pas cru devoir consacrer publiquement sa mémoire, ni le ranger au rang des saints ; mais aussi n’a-t-elle pas cru devoir empêcher que divers particuliers ne lui rendissent un culte religieux. On lui a bâti une chapelle sur le mont de Calvaire, dans la présomption qu’il y avait été enterré. Cette chapelle est desservie par les Grecs ; mais elle ne reçoit point d’encensement ni de vénération particulière comme les autres chapelles ou autels, dans les processions publiques.
Les Grecs ont mis Adam et Ève avec tous les justes de l’Ancien Testament, pour les honorer le 19 de décembre, ou, pour mieux dire, le dimanche qui précède immédiatement la fête de Noël. Ils célèbrent encore, par un deuil religieux et par des prières lugubres, leur bannissement du paradis terrestre, le quatrième jour de février, ou le premier jour de leur carême. Quelques martyrologes latins font mémoire d’Adam, le 24 d’avril ; un calendrier Julien l’a marquée au 24 de décembre, et quelques martyrologes ont fait mémoire de la création et de la mort d’Adam le 25 de mars, comme pour rapprocher le premier et l’ancien Adam du nouveau, qui fut conçu et mourut le même jour ; selon plusieurs anciens.
Nous parlerons, sous l’article des Préadamites, des hommes que l’on prétend, faussement, avoir vécu avant Adam [Les traditions païennes nous montrent l’histoire d’Adam plus ou moins défigurée ; on en a déjà vu ci-dessus des exemples. Le Syncelle rapporte un fragment de Bérose qui regarde la théogonie des Chaldéens. Bérose mentionne un Oannès qui avait laissé sur les Origines, un livre qui disait qu’un temps avait été où tout n’était que ténèbres et eau, que ces ténèbres et cette eau renfermaient des êtres monstrueux, et que parmi ces êtres se trouvaient des hommes dont chacun avait deux ou quatre ailes et deux têtes, l’une d’homme et l’autre de femme, et dans chacun desquels les deux sexes étaient réunis. Deux traits de ce récit appartiennent au récit de Moïse, l’état de la matière avant la création de la lumière et la séparation des eaux (Genèse 1.2-6), et la création de l’homme, que l’historien raconte en ces termes : Dieu créa l’homme…, il le créa mâle et femelle,(Genèse 1.27). De là, évidemment, la tradition chaldéenne et la fable des androgynes de Platon, dans son dialogue intitulé le Banquet. L’interlocuteur Aristophane, qui raconte cette fable, dit que Jupiter, dans une circonstance qui se lie à un autre fait, sépara en deux les androgynes. On ne saurait douter que ce trait ne soit copié sur ce que Moïse raconte de la formation du corps de la femme, tiré d’une des côtes d’Adam, et os de ses os et chair de sa chair (Genèse 2.21-23). On pourrait sur ce point pousser plus loin les comparaisons entre ces traditions et le récit de Moïse.
Adam est quelquefois confondu avec Noé dans la mythologie grecque ; cela vient, suivant Delort de Lavaur, de ce que « la fable ne distingue pas la création du monde du temps d’Adam, d’avec son renouvellement ; lorsqu’il sembla sortir une seconde fois du chaos, après le déluge sous Noé. Le portrait de Janus, dit-il, tenait une clef dans une main, et par la disposition des doigts de l’autre main on représentait les 365 jours qui composent l’année, parce qu’on le regardait comme l’auteur et le dieu des années et du temps que l’on mesure par le mouvement des astres, qu’il semblait avoir ramenés. Tout cela appartient à Adam et à Noé, premier et second chefs du genre humain, que la fable a confondus, comme elle confond Janus avec Saturne, dont le nom grec Chronos signifie le temps. Le temps, qui commença avec Adam, parait recommencer avec Noé, pour qui Dieu renouvela sa loi et sa promesse pour l’ordre des temps, des années, du jour, de la nuit et des saisons. L’Italie, dit encore plus loin Delort de Lavaur, fut appelée Latium, dans les fables, parce que Saturne dont elle prit le nom, s’y était caché pour se sauver de la colère de Jupiter. Ce qui vient des originaux sur lesquels Saturne a été copié, soit d’Adam qui se cacha après son péché, soit plus vraisemblablement de Noé caché et réfugié dans l’arche où il fut sauvé du fléau de Dieu. »
Saturne est une monstruosité mythologigue composée de plusieurs personnages historiques. Je crois qu’on y retrouverait Adam tout entier, si on se donnait la peine de l’y chercher. Que dit, de Saturne, la mythologie ?
- qu’il était le premier homme et le premier père ou le premier roi, comme Adam ;
- qu’il tirait son origine de la terre et du ciel, comme Adam ;
- que dans ses premiers jours était l’âge d’or ou le bonheur, comme était l’innocence ou le bonheur aux premiers jours d’Adam ;
- qu’il se livrait alors aux amusements de l’horticulture, comme Adam lorsqu’il était dans le paradis terrestre ;
- que Jupiter (Jovis, nom peu défiguré de Jeova) le chassa ; comme Jeova chassa Adam ;
- que les maux succédèrent au bonheur de l’âge d’or, comme ils succédèrent au bonheur du paradis terrestre.
Ces traits me sont venus sans les chercher ; On trouvera les autres quand on voudra.
Adam, sous le nom de Saturne, se trouve ainsi à la tête de la mythologie ; c’est qu’il se trouve auparavant à la tête de toutes les histoires. D. Calmet a conclu que les anciens Perses, les Banians et les Mahométans le reconnaissent à la tête du genre humain ; j’ai rapporté qu’il en est de même chez les Chaldéens.
Suivant le Père Pianciani, de la compagnie de Jésus, et professeur de chimie au collége Romain, Adam figure dans la dynastie divine de Manéthon, sous le nom d’Osiris.« Ces dieux ou génies, dit-il, qui ont tant de ressemblance avec les mortels, qui sont mortels eux-mêmes, qui apparaissent lorsque la terre est préparée pour recevoir l’homme, quels peuvent-ils donc être, si ce n’est le premier homme et la première femme ? Si Osiris, dans l’inscription des colonnes de Nisus, est appelé plante qui ne doit pas son origine à la semence, comme quelques-uns lisent dans Diodore de Sicile, il semble qu’il ne diffère pas de cet homme qui ne reçut pas la naissance, ce premier parent, à qui le grand poète disait :
O fruit qui fut seul produit mûr,
O Père antique,
Dont chaque épouse est la fille et la brue !
Isis avait pour surnom Mouth, ce qui, selon Plutarque, signifie mère ; son nom, au dire de Diodore de Sicile, s’explique par antique. Or, à qui mieux qu’à la première femme, à la mère de tou les vivants, à la mère antique, dont chaque homme est le fils, conviennent de semblables noms ? Ainsi, Isis et Osiris étaient honorés en Égypte comme législateurs du culte religieux, inventeurs des arts et des choses les plus nécessaires : on attribuait à l’un et à l’autre la découverte du froment et de l’orge. Osiris avait enseigné aux hommes à se nourrir de fruits,… fait connaître l’agriculture et, à ce qu’il paraît, aussi la vie pastorale.
D’Isis et Osiris, nous voyons naître Horus, le premier qui, dans Manéthon, est engendré humainement. Et plus loin : À la tête des demi-dieux, nous trouvons Horus, le premier, dans Manéthon, qui ait une mère, et avant lui Osiris, le premier dieu ou génie qui ait une femme, et dont on raconte assez de choses fort humaines. L’Osiris et l’Horus de cette chronique, que peuvent-ils être sinon le premier homme et son fils (3) ? »
M. Dard, qui a vécu longtemps avec les Nègres d’Afrique, a souvent attesté à M. Foisset« qu’ils croient descendre, comme nous, d’Adamo et d’Awa, et que le nom de la première femme est, encore aujourd’hui, celui de beaucoup de Négresses. » Les Indiens disent que du côté droit de Brahma sortit le premier homme, et de son côté gauche la première femme. Ce premier homme s’appelait Kardam, c’est-à-dire terre grasse, argile, boue. Il reçut de Dieu l’ordre de multiplier son espèce, et il eut de sa femme deux fils et trois filles. Une autre tradition hindoue dit qu’Adima, ainsi appelé parce qu’il était le premier homme, et qui renfermait en lui les germes de tout le genre humain, « se trouvant seul, ne ressentait aucune joie… Il souhaita l’existence d’un autre que lui, et aussitôt il se trouva comme un homme et une femme unis l’un à l’autre ; il fit que son propre être se divisa en deux, et ainsi il devint homme et femme. Ce corps, ainsi partagé, n’était plus que comme une moitié imparfaite de lui-même ; il se rapprocha d’elle, et par cette union furent engendrés les hommes… »
Les traditions chinoises montrent le premier homme formé de terre jaune ou rouge ; le premier empereur de la Chine ou du monde, c’est Adam, nommé Hoang-ty, c’est-à-dire ty le seigneur, le maître, et Hoang, rouge ; elles ont aussi le paradis arrosé par quatre fleuves, et dans ce paradis l’arbre de vie ; l’âge d’or ou d’innocence n’y manque pas non plus ; puis elles nous montrent la chute et ses conséquences. Adamah, nom d’Adam chez les anciens Perses, comme on l’a vu, est un mot purement hébreu, adama, signifiant terre rouge.
Chez les Taïtiens, dans l’Océanie, existe une tradition que cite Ellis, et qui se rapproche des traditions mosaiques, dit M. Dumont, d’Urville. Voici en quels termes s’exprime notre célèbre et infortuné voyageur à cet égard : « Taaora, après avoir fait le monde, forma l’homme avec de la terre rouge (araea) … Un jour Taaora plongea l’homme dans un profond sommeil, et tira un os, ou ivi, dont il fit la femme. Ces deux êtres furent les chefs de la famille humaine. »
Les trois personnes de la sainte Trinité, disent les théologiens chrétiens, coopérèrent distinctement à la création de l’homme car il est écrit en (Genèse 1.28) : Dieu dit : faisons l’homme, etc. Chez les Scandinaves, trois de leurs dieux créèrent l’homme. Voici ce qu’on lit dans leur Edda : « Ask et Embla (Adam et Ève) furent jetés sur la terre par Lui (l’Éternel), sans forme distincte et sans vie. Odin leur communiqua le souffle vital ; Lader leur donna le sang et la beauté : Hoener l’intelligence. De là naquit la race humaine. » De même, il paraît qu’il existe chez les Nouveaux-Zélandais, dont le pays fut découvert par Tasman, en 1642, une tradition qui annonce que trois dieux travaillèrent à la création de l’homme. Je vais rapporter les termes dans lesquels s’exprime là-dessus le célèbre voyageur que j’ai cité tout à l’heure : « Serait-il vrai, dit-il, que les Zélandais croient que le premier homme fut créé par le concours des trois Mawi ; que le premier eut la plus grande part à cette œuvre, et qu’enfin la première femme fut formée d’une des côtes de l’homme ? Ce serait un rapprochement bien singulier avec les traditions de la Genèse. Ce qui rendrait cette analogie plus remarquable encore, serait le nom d’Ivi, que ces insulaires donnent aux os en général, et qui pourrait bien n’être qu’une corruption du nom de la mère du genre humain, suivant les écrits de Moïse. »
Je pourrais rapporter beaucoup d’autres traditions semblables, conformes au récit de Moïse touchant Adam considéré comme le premier homme, le père du genre humain ; mais il faut se borner. Je n’ai point cité celles qui concernent Adam séduit, violant la loi de son Créateur, et perdant avec soi-même sa postérité tout entière. Elles seront mieux placées à l’article Péché originel. J’ai déj à indiqué quelques autres renvois ; voyez en outre Agriculture, Ève, etc].
Ou Ariane (Josué 3.16), ville nommée Adom dans la Vulgate. Voyez Adom.