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Ce sont les armes à la main que les Israélites commencèrent leur existence comme peuple ; c’est dans une guerre de conquête qu’ils entreprirent pour la première fois de faire connaître qu’ils n’étaient plus seulement une famille, mais une nation. Lorsqu’ils quittèrent l’Égypte, ils étaient sans patrie, mais leurs ancêtres avaient habité la terre qu’occupaient maintenant les tribus cananéennes, et ils résolurent, sous la conduite de Moïse, d’aller s’y établir et d’en chasser les propriétaires légitimes et naturels ; d’esclaves ils se firent soldats ; Dieu légitimait pour eux cette conquête, qui eût été sans cela aussi odieuse que le sont toujours les expropriations des peuples.
Devenus maîtres du pays, les Israélites durent encore, pendant plusieurs siècles, rester sur la défensive, continuellement exposés aux attaques de leurs ennemis vaincus mais non anéantis ; ce fut la période des juges. Les guerres n’étaient alors que des successions de petits combats sans ordre ni plan ; chaque roitelet s’insurgeait dès qu’il avait quelques soldats disponibles, sans chercher à s’entendre avec ses voisins. L’art de la guerre ne fit des progrès que sous les rois, sous Saül d’abord, puis surtout sous David, et les Israélites furent bientôt en mesure d’opposer à leurs ennemis des troupes aussi régulières et aussi bien disciplinées que pouvaient l’être celles de ces ennemis eux-mêmes.
Avant d’ouvrir une campagne, ce qui avait lieu ordinairement au printemps, (2 Samuel 11.1), on commençait par consulter l’Urim et le Thummim (Juges 20.27 ; 1 Samuel 14.37 ; 23.2 ; 28.6 ; 30.8), ou quelqu’un des prophètes (1 Rois 22.6 ; 2 Rois 19.2 ; 2 Chroniques 18.4). Puis venait la proclamation faite par les officiers du camp aux hommes timides, aux nouveaux propriétaires, aux nouveaux mariés, etc., qu’ils eussent à se retirer. Suivait la déclaration de guerre : on s’approchait de la ville ou du camp ennemi, et l’on demandait la paix, une explication, ou la réparation des torts suivant les cas ; la paix entraînait nécessairement pour le peuple ennemi son assujettissement à Israël ; si la paix n’était pas acceptée la guerre commençait, guerre d’extermination dans laquelle les deux combattants cherchaient mutuellement à s’anéantir (Deutéronome 20). On voit des exemples de déclarations de guerre (Juges 11.12 ; 1 Rois 20.2 ; 2 Rois 14.8). Une fois en présence de l’ennemi, un sacrifice était offert pour l’heureux succès de l’entreprise, et un prêtre ou le général en chef lui-même adressait aux soldats une allocution militaire de nature à stimuler leur courage et leurs forces (1 Samuel 7.9 ; 13.8 ; Deutéronome 20.2 ; 2 Chroniques 20.20). Les trompettes donnaient le signal de l’attaque, et ce signal était chez les Hébreux comme chez tous les peuples de l’antiquité, et même chez quelques peuples modernes, suivi d’un cri effroyable poussé par l’armée entière (1 Samuel 17.20 ; Ésaïe 42.13 ; Sophonie 1.14 ; Jérémie 50.42 ; Ézéchiel 21.22). L’ordre de bataille était tout à fait simple, et la tactique n’avait guère d’autre complication que la division de l’armée en trois corps ou ailes (Juges 7.16-19 ; 1 Samuel 11.1 ; 2 Samuel 18.2 ; cf. Ésaïe 8.8 ; Job 1.17), quelques fois quatre (2 Maccabées 8.21). Après quelques flèches tirées, le combat commençait corps à corps, les guerriers retroussaient leurs vêtements et mettaient leurs bras à découvert (Ézéchiel 4.7 ; Ésaïe 52.10).
On voit une fois deux guerriers décider en combat singulier du sort des armées dont ils sont les représentants, David et Goliath (1 Samuel 17 ; cf. 2 Samuel 2.14). Les ruses de guerre sont peu nombreuses et peu variées dans l’histoire juive ; on remarque l’attaque subite de Gédéon (Juges 7.16), les embûches (Josué 8.2-12 ; Juges 20.36 ; 1 Samuel 15.5), les surprises (2 Samuel 5.23), enfin l’espionnage (Josué 6.22 ; Juges 7.10 ; 1 Samuel 26.4 ; etc., cf. 2 Rois 7.12). Les Hébreux avaient de plus l’habitude, pour assurer le succès de leurs armes, de porter avec eux l’arche de leur alliance (1 Samuel 4.4 ; cf. 1 Samuel 5.11).
L’antiquité tout entière s’est montrée barbare à l’égard des vaincus, les Hébreux n’ont pas fait exception à cette règle ; on tranchait la tête au général ennemi (Juges 7.25 ; 1 Samuel 17.54 ; 31.9), on pillait et saccageait tout ce que l’on pouvait atteindre (1 Samuel 31.8), les prisonniers étaient, ou emmenés en esclavage (Deutéronome 20.14) ou mis à mort (Juges 9.45), et quelquefois d’une manière cruelle (2 Samuel 12.31 ; 2 Chroniques 25.12 ; cf. Juges 8.7), ou enfin mutilés (Juges 1.6 ; 1 Samuel 11.2). On exerçait les mêmes rigueurs contre les femmes et contre les enfants, même contre les tout petits enfants, que l’on écrasait et broyait sur des rochers ou au coin des maisons (2 Rois 15.16 ; cf. 8.12 ; Ésaïe 13.16 ; Amos 1.13 ; Osée 10.14 ; 13.16 ; Nahum 3.10). On coupait les jarrets des chevaux (2 Samuel 8.4). Les villes étaient brûlées ou détruites (Juges 9.45), et les temples des dieux étrangers anéantis (1 Maccabées 5.68) ; même les champs et les campagnes étaient ravagés, (1 Chroniques 20.4 ; 2 Rois 3.19-25). Puis on célébrait la victoire par des cris de joie, des chants de triomphe et des danses (Juges 5 ; 1 Samuel 18.6 ; 2 Samuel 22.1 ; Juges 16.24), et l’on dressait quelque monument commémoratif (1 Samuel 15.12 ; 2 Samuel 8.11). Il paraît même que l’on déposait dans le temple en guise de trophées, et comme mémorial de l’assistance du Très-Haut, les armes enlevées à l’ennemi, (1 Samuel 21.9 ; cf. 13.10 ; 2 Rois 11.10 ; 1 Chroniques 10.10). Des récompenses étaient accordées à ceux qui s’étaient distingués par des faits d’armes (Josué 15.16 ; 1 Samuel 17.25 ; 18.17 ; 1 Chroniques 11.6 ; cf. 2 Samuel 18.11). La garde de David paraît avoir été un poste d’honneur accordé aux plus vaillants (2 Samuel 23.8). L’armée honora de bonne heure par un deuil officiel, ses chefs tombés dans la bataille (2 Samuel 3.31), on les ensevelissait avec leurs armes (Ézéchiel 32.27) ; en général c’était aux soldats survivants de donner la sépulture à ceux de leurs camarades qui avaient succombé (1 Rois 11.15). Voir encore Armées, Armes, Camp, Forteresses, Nombres, Sabbat, etc.
Il y a quelque chose de choquant pour la piété, dans le nombre et le caractère des guerres des Israélites. On peut les expliquer, on peut même les justifier, puisque la plupart de ces guerres ont été commandées de Dieu même ; elles avaient un caractère théocratique ; c’était le règne du Seigneur que les Israélites établissaient, en défendant leur territoire, et en détruisant leurs ennemis ; ils se battaient, à leur point de vue, pour la bonne cause. Mais quoi qu’on dise et qu’on fasse, la guerre, ce meurtre en grand, ce meurtre organisé, la guerre qui représente en morale la haine, et en justice le droit du plus fort, la guerre n’a pu être, même pour Israël, qu’une concession divine, aux circonstances peut-être, ou à l’endurcissement et au matérialisme d’un peuple charnel et peu développé. La religion qui a pu en être le prétexte, n’a été que cela. Et pour tout dire en un mot, si Dieu a permis la guerre aux Juifs, c’est parce qu’ils étaient Juifs, et non chrétiens. Ils représentaient un peuple, et non l’humanité, la secte, et non l’Église ; secte, ils devaient être intolérants, et l’on sait combien peu la religion a de part, même dans les guerres dites de religion. Le christianisme, d’accord avec la logique, le bon sens, et l’instinct de l’humanité, flétrit l’idée qui préside à la guerre ; le chrétien ne peut être rendu complice des haines ou des ambitions de ce monde, et la loi de Dieu reste supérieure à la loi des hommes, en ce point comme en tout autre.