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De tout temps, et presque chez tous les peuples, on a vu les dîmes établies comme coutumes, ou comme lois. Les Grecs et les Romains offraient à leurs dieux des dîmes soit temporaires, soit ordinaires, soit extraordinaires, et Plutarque raconte que c’était la coutume des Romains d’offrir à Hercule la dixième partie des dépouilles qu’ils avaient conquises sur l’ennemi. Xénophon rapporte la même chose des Perses, et Justin des Carthaginois. Les marchands arabes, qui faisaient le commerce d’encens, n’en osaient vendre avant d’en avoir payé la dîme à leur dieu Sabis : les Scythes envoyaient des dîmes à Apollon ; les Carthaginois avaient coutume encore d’envoyer à la ville de Tyr, dont ils étaient une colonie. la dîme de tous leurs biens ; le vaisseau qui transportait ce tribut ordinaire, arriva à Tyr peu de temps avant qu’Alexandre en fit le siège. Pisistrate, écrivant à Solon pour l’engager à revenir à Athènes, lui dit que chacun y paie la dîme de ses biens pour offrir des sacrifices aux dieux. Les Pélasges qui s’étaient établis en Italie, reçurent commandement de l’oracle d’envoyer leurs dîmes à Apollon de Delphes, etc., etc.
L’Écriture sainte, qui nous transporte dans une antiquité beaucoup plus reculée que l’histoire profane, nous montre aussi les dîmes existant au moins de fait, longtemps avant la promulgation de la loi mosaïque. Le plus ancien exemple que nous en connaissions, est celui d’Abraham revenant de son expédition contre les cinq rois alliés, et payant à Melchisédec, roi de Salem, la dîme de tout ce qu’il avait pris sur l’ennemi (Genèse 14.20 ; Hébreux 7.2). Jacob voua de même à l’Éternel la dîme de tout ce qu’il pourrait acquérir en Mésopotamie (Genèse 28.22). Enfin Moïse ordonne et régularise le paiement des dîmes (Lévitique 27.30-33 ; Nombres 18.21-24 ; Deutéronome 12.6 ; 14.22). Chaque Israélite, considéré comme fermier de Jéhovah, devait payer chaque année à son seigneur et maître la dixième partie des produits de ses champs et de ses troupeaux, « les dîmes du froment, du vin et de l’huile » (Néhémie 13.5-12). Ce revenu sacré était affecté par la loi à l’entretien des Lévites (Néhémie 10.37), à l’étranger, à l’orphelin et à la veuve (Deutéronome 26.13). On pouvait cependant racheter les dîmes (des fruits) en en déposant la valeur, plus le cinquième du prix. Certains passages (Deutéronome 12.17-18 ; 14.22-23), mentionnent un repas général qui devait se faire tous les trois ans avec les produits des dîmes (cf. 26.12), espèce de festin qui n’était pas sans quelque rapport avec les agapes des premiers chrétiens. Les Lévites devaient mettre à part, pour les prêtres, la dîme de leurs dîmes (Nombres 18.26 ; Néhémie 10.38). Des percepteurs particuliers furent établis plus tard pour le prélèvement de cet impôt, ils eurent leurs commis, et formèrent comme des bureaux de contributions (2 Chroniques 31.12 ; Néhémie 12.44 ; 13.10 ; Malachie 3.10). Tous ces impôts furent exclusivement religieux ; il est cependant parlé (1 Samuel 8.15), d’une dîme temporelle que les rois devaient imposer à leurs sujets : nous ne voyons pas qu’elle ait en effet existé sous la royauté, mais la manière dont parle Samuel indique assez clairement qu’elle était en usage dans les royaumes de l’Orient, et d’ailleurs une imposition de ce genre (puisqu’il faut des impôts en tout cas) devait bien être des moins onéreuses dans un pays agricole ; c’était un impôt à la fois proportionnel à la quotité du revenu, facile à payer, et fixe dans sa proportion, autant de qualités qui devaient le rendre plus supportable que tels autres modes qu’on aurait pu imaginer.
Le système théocratique des dîmes, quoique simple en apparence et dans la théorie, ne l’était point dans l’application ; la comparaison des dispositions du Deutéronome entre elles et avec celles des Nombres peut le prouver, et les interprètes juifs et chrétiens, anciens et modernes, sont peu d’accord dans son exposition et dans l’interprétation des passages de la Loi. On se demande, par exemple, si chaque année il y avait une double dîme sur les troupeaux, s’il n’y avait une double dîme que tous les trois ans, ou si tons les trois ans la dîme des Lévites était remplacée par une dîme des pauvres, autant de questions qui ne sont pas susceptibles d’une solution bien claire d’après les livres sacrés.