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Comme les pluies ne tombent que deux fois l’an en Palestine, que les sources y sont rares, et que les villes sont presque toutes bâties sur des hauteurs, il faut par divers moyens obvier au manque d’eau qui se fait si généralement sentir. Les citernes sont des réservoirs destinés à recueillir les eaux du ciel. Les Orientaux, et les Hébreux en particulier, en avaient creusé un grand nombre dans les plaines et sur les montagnes, et l’on montre encore dans les environs de Nablus (Sichem) la fontaine de Jacob (Jean 4.6), au bord de laquelle s’assit notre Sauveur parlant avec la Samaritaine. Ces citernes prenaient en général le nom de la ville la plus voisine, ou le nom de leurs propriétaires, comme (Deutéronome 10.6) les citernes (Bééroth) des fils de Jaakan. Assez étroites à leur ouverture, elles s’élargissaient ordinairement à mesure qu’elles étaient plus profondes, et cette forme, qui les rendait peu propres à recueillir en abondance l’eau du ciel, empêchait du moins l’évaporation trop abondante des eaux renfermées dans le réservoir. On les fermait au moyen d’une pierre (Genèse 29.2), pour les abriter contre le sable mouvant du désert, ou contre la soif des étrangers et de leurs troupeaux ; et les Bédouins savent si bien encore fermer l’ouverture de leurs citernes, qu’il est presque impossible de les découvrir (cf. 2 Samuel 17.19). À l’approche d’un ennemi, ou pour se venger de quelqu’un, l’on comblait les puits et les citernes, pour essayer de faire périr par la soif, ou du moins pour faire souffrir cruellement ceux qui auraient compté s’y désaltérer (Genèse 26.15 ; 2 Rois 3.25 ; 2 Chroniques 32.3 ; Ésaïe 15.6). Les nomades regardent la propriété de ces puits comme un bien précieux dont on ne cède pas facilement l’usage à d’autres tribus, ainsi qu’il paraît d’après Nombres 21.22.Il résulte, de là que ces citernes devaient être des occasions de rixes et de combats fréquents, soit entre tribus, soit entre particuliers (Genèse 21.25 ; 26.15).
Dans la saison chaude de l’année, et en général quand les citernes sont vides, elles servent de prisons ; Joseph, et Jérémie y furent enfermés (Genèse 37.22 ; Jérémie 38.6), et les prophètes emploient des images de cette nature pour exprimer les angoisses de leur âme ou les maux qui les oppressent (Psaumes 55.24 ; 69.15 ; 88.7). Une citerne est mentionnée en passant (2 Samuel 17.18), comme ayant servi de cachette et de lieu d’abri.
Il y avait ordinairement dans les villes des citernes publiques et banales, de la grandeur moyenne desquelles on peut juger par le fait qui nous est rapporté (Jérémie 41.6-8), de soixante et dix hommes dont Ismaël fit jeter les cadavres dans la citerne (Martin, mal traduit, une fosse). Elles étaient tantôt carrées, tantôt cylindriques, et solidement enduites de mortier et de chaux, afin d’empêcher l’eau de fuir et de se perdre ; quelques-unes cependant n’étaient que creusées dans la terre, et présentaient, lorsqu’elles venaient à être à sec, un fond de vase et de boue (Jérémie 38.6). On les couvrait d’une pierre (Exode 21.33), ou bien on les entourait d’une barrière, soit comme garde-fou, pour prévenir des accidents, soit surtout pour les préserver elles-mêmes. Les particuliers opulents avaient dans la cour de leurs maisons des citernes pour leur usage particulier (2 Samuel 17.18), et ce n’était pas pour eux un médiocre sujet de satisfaction intérieure.
De nos jours encore on trouve bon nombre de puits ou citernes dans les plaines et dans les villes à moitié désertes de l’ancienne Canaan ; c’est là qu’à la tête de leurs troupeaux, et montés sur quelqu’une de leurs bêtes, on voit s’avancer vers le soir les bergers, les chevriers, les âniers ou les chameliers, qui seuls entre eux, ou avec leurs bergères, font, pendant que leurs bestiaux s’abreuvent, bourdonner les airs d’un murmure de conversations vives, piquantes, animées, relatives sans doute aux anecdotes qu’ils ont pu recueillir pendant le jour, ou aux besoins des animaux dont la garde leur est confiée ; c’est alors une ville bruyante et gaie, puis au bout de deux heures, lorsque le bruit des sonnettes s’est éteint peu à peu, ce n’est plus qu’un désert, c’est un cimetière ; on y vit au milieu des morts, et les souvenirs d’un passé, bien passé, animent seuls pour le voyageur la citerne, les palmiers et les blocs de marbre qui se trouvent sur ce théâtre abandonné. Alors on se transporte à l’époque des patriarches, et l’on voit, dans ces jours où les pasteurs jouissaient d’une estime si générale, la scène d’Élihéser et de Rebecca (Genèse 24.11-13), celle de la première rencontre de Jacob et de Rachel, et leurs pleurs au bord de la citerne (29.3-11), et la scène, moins naïve mais plus sérieuse, du premier roi d’Israël qui, la veille de son sacre, prie les jeunes filles rassemblées autour de la fontaine de vouloir bien lui indiquer la demeure du prophète Samuel (1 Samuel 9.11).
C’est volontiers auprès des sources que les guerriers et les voyageurs aimaient à s’établir pour y passer la nuit (1 Samuel 29. ; 2Sam. 2.13) ; et la preuve qu’un grand nombre de villes s’établissaient dans le voisinage des sources, se trouverait au besoin dans le fait même de la composition de leurs noms. v. toutes celles qui commencent par Béer, etc. ; cf. les noms allemands Geisselbronn, Niederbronn, Heilbronn, Brunnen, Lauterbrunnen ; et en français, Aubonne, Bordeaux, Fontainebleau, etc.
Il y avait d’autres puits qui n’étaient point de simples citernes ou réservoirs, mais qui, élevés sur des sources d’eaux vives, avaient une eau toujours nouvelle, fraîche et pure : ils étaient plus recherchés, mais aussi bien plus rares (Lévitique 14.5 ; 15.13 ; Nombres 19.17).