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Le premier homme qui fut conçu et qui eut un père et une mère pécheurs. Lorsqu’Ève l’eut mis au monde, elle parut croire que c’était là l’homme de la promesse qui devait briser la tête du serpent : c’est du moins le sens que plusieurs personnes donnent aux paroles qu’elle prononça : J’ai acquis un homme de par l’Éternel (Genèse 4.1). Caïn étant devenu grand, se mit à cultiver la terre, tandis que son frère Abel prenait soin des troupeaux ; ils avaient d’ailleurs une grande quantité de frères et de sœurs, nés, comme eux, d’Adam et d’Ève.
Au bout de quelques années (4.3) Caïn offrit à l’Éternel des fruits de la terre, et Abel des premiers-nés de son troupeau. Abel, nous dit le Saint-Esprit (Hébreux 11), était dans la foi, et ses œuvres étaient justes ; mais celles de Caïn étaient mauvaises (1 Jean 3.12). C’est pourquoi son offrande ne fut pas reçue comme le sacrifice d’Abel. Peut-être s’en aperçut-il en voyant la paix que le Saint-Esprit avait versée dans le cœur de son frère, tandis que sa conscience à lui, demeurait agitée ; peut-être aussi qu’alors, comme en d’autres occasions, Dieu fit tomber du ciel le feu sur les victimes d’Abel, tandis qu’aucune manifestation de ce genre n’eut lieu en faveur des oblations de Caïn. Celui-ci, instruit par le Seigneur de la raison pour laquelle son sacrifice n’avait point été agréé, s’en prit à son frère au lieu de se corriger, et l’ayant rencontré dans les champs, il le tua. Ainsi, devenu meurtrier par haine et par jalousie, Caïn étouffe par les insolences de l’impiété le cri de sa conscience, et repousse la voix du Seigneur qui voudrait l’amener à la confession de son crime ; la malédiction divine repose sur sa tête coupable ; il part et fuit dans le pays de Nod avec sa femme, qui est en même temps la sœur de sa victime et la sienne propre ; et soit qu’il en eût déjà des enfants, soit que, peut-être, ces scènes de meurtre se soient passées au commencement de son mariage, il nous est dit que c’est là, dans le lieu de son exil, qu’elle lui enfanta Hénoc, le père d’une postérité qui semble avoir marché sur les traces impies de son aïeul. Ainsi, dès l’entrée du péché dans le monde., nous voyons la famille humaine poussée par Satan aux plus grands crimes, et plongée dans la plus affreuse misère. Adam, le premier transgresseur de la loi divine, se voit frappé dans ses deux fils : le meilleur périt d’une mort violente, et l’autre doit s’enfuir loin des lieux qu’habitent les malheureux auteurs de ses jours, qui lui ont transmis le péché avec la vie !
Il est possible que Caïn n’ait pas voulu tuer son frère ; il ne savait peut-être pas même bien ce que c’est que la mort. Il a voulu le frapper, le blesser, le faire souffrir, lui faire autant de mal que possible, mais sans penser que sa vie dût s’écouler par ses blessures et par ses souffrances ; la haine a causé la mort sans peut-être même la soupçonner, et notre Sauveur l’a répété plus tard par la bouche d’un de ses apôtres : celui qui hait son frère est un meurtrier (1 Jean 3.15).
Quant au signe que Dieu mit sur Caïn afin qu’on ne le tuât pas, nous ne le connaissons pas ; ce pouvait être simplement l’air de son visage ; il est d’ailleurs beaucoup plus dans l’analogie de la langue hébraïque de traduire « Dieu donna un signe à Caïn », lui garantissant sa protection contre la vengeance des autres hommes. La crainte qu’éprouvait ce meurtrier nous est une révélation bien remarquable de ce que devient un homme lorsque sa conscience est troublée ; il perd cette dignité qui est l’apanage du maître du monde, il craint tous les êtres créés, parce que Dieu lui a ôté l’assurance intime de sa protection. Les promesses que Dieu fait au fugitif nous montrent aussi la longue patience de Dieu, qui garantit même au pécheur son existence, et qui ne veut pas faire tomber tous ses jugements sur sa tête coupable, avant d’avoir épuisé les trésors de sa miséricorde. On peut dire aussi que ces promesses de Dieu ne s’adressaient pas à Caïn lui-même ; elles avaient pour but d’empêcher le développement de l’esprit de vengeance humaine.