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Ce mot grec, τύπος, ου, ὁ, dérivé du verbe τύπτω qui signifie frapper, est employé dans divers sens par les auteurs du Nouveau Testament. Il désigne :
1°. L’effigie, l’empreinte, l’impression que fait une chose dure sur une autre qui l’est moins, par exemple l’empreinte d’un cachet sur la cire ; Jean 20.25, les marques des clous sur les pieds et sur les mains du Sauveur.
2°. Toute ressemblance entre deux objets, modèle, image, simulacre, plan (Philémon 3.17 ; 1 Thessaloniciens 1.7 ; 1 Corinthiens 10.11 ; Actes 7.43), contenu exact (d’une lettre) (Actes 23.25).
3°. Un modèle à suivre, un exemple dont nous devons tirer des leçons (2Thes. 3.9 ; Tite 2.7 ; etc.).
4°. Ce mot désigne encore dans l’Écriture certaines choses qui appartenaient à l’économie de l’Ancien Testament, lesquelles en figuraient d’autres qui devaient se réaliser dans le Nouveau. C’est en ce sens qu’il est dit, par exemple, qu’Adam était le type de celui qui devait venir, savoir de Jésus-Christ (Romains 5.14). Les mots ombre et figure, sont quelquefois synonymes du mot type (Colossiens 2.17 ; Hébreux 10.1), et l’accomplissement du type, sa réalisation, est appelée anti-type, ou corps.
C’est ce dernier sens que la théologie dogmatique donne le plus habituellement au mot type, et ce sens étant convenu, il reste encore à s’accorder sur ce qu’il signifie ; car, bien que l’on soit d’accord d’une manière générale, on ne l’est plus quand on en vient aux détails. La doctrine, la théorie, et à certaines époques la manie des types a pris des développements si considérables, qu’on a fini par tomber, d’un côté dans les jeux d’esprit, de l’autre dans la négation même des types, et dans leur rejet absolu.
Il est extrêmement difficile, si même c’est possible, de donner une définition exacte des types, de manière à les distinguer nettement des symboles, des allégories, et même des rapports accidentels. Où commencer ? ou s’arrêter ? Quel sera le juste-milieu entre ceux qui, avec quelques théologiens modernes, ne voient de types que dans les sacrifices, l’agneau pascal, et la grande fête des expiations, et ceux qui prétendent, avec Philon, que laver le ventre de la victime signifiait se nettoyer de toute souillure, que laver les pieds des victimes c’était se détacher de la terre et tendre vers les cieux, et avec Augustin, que le serpent d’airain a été fait, non de pierre ou de bois, mais de métal travaillé au feu, parce que Jésus-Christ n’a pas été, comme les autres hommes, le fruit d’une union conjugale, mais a dû la naissance au feu du Saint-Esprit. Les définitions les plus simples, comme les plus compliquées, laissent à l’arbitraire une marge considérable.
On peut se borner à dire avec M. Guers que : « nul type ne doit être reçu que sur l’autorité de la parole de Dieu ; tout symbole qu’elle ne sanctionne pas doit être rejeté ; tout symbole qu’elle admet doit être reçu avec une entière soumission de foi ; ainsi, par exemple, celui du tabernacle ».
On peut avec G. des Bergeries, réduire à quatre les marques d’un véritable type. La première, si l’Écriture prononce quelque part que telle chose charnelle est le type, le signe ou l’ombre d’une chose spirituelle. La seconde, si le nom ou la description d’une chose décrite, prédite ou instituée sous l’Ancien Testament, est appropriée à une chose spirituelle sous le Nouveau. La troisième, si l’on ne peut apercevoir aucune raison pour laquelle une chose est instituée, si ce n’est en ayant recours à quelque mystère de type. La quatrième, si la chose instituée dans l’Ancien Testament a une belle et naturelle analogie avec une autre chose spirituelle qui appartienne à l’Évangile.
Malgré la forme, tout cela est singulièrement vague.
On peut encore dire avec le ministre Reymond, éditeur du livre de Bergeries : « Sans être de ceux qui voient des types partout, qui poussent la manie des types jusqu’à la licence, nous pensons cependant que nous pouvons et devons chercher un sens mystique et figuratif dans bien des faits, dans bien des récits et dans maintes circonstances où nous ne soupçonnons pas de sens caché. Qui aurait vu et trouvé, avant l’apôtre Paul, une institution typique dans la défense d’emmuseler le bœuf qui foule le grain ? Il en est de même de l’allégorie qu’il tire d’Agar et de Sara ; le plus spirituel des chrétiens n’aurait osé voir dans ces deux femmes l’alliance des œuvres, et l’alliance de grâce. Nous ne nous serions pas avisés davantage de chercher des types dans ce qui arriva aux enfants d’Israël au désert, et cependant le même apôtre nous apprend que « ces choses leur arrivaient en figures, et qu’elles sont écrites pour notre instruction » (1 Corinthiens 10). Les types de Jonas, de Jérusalem et de son temple, ne se seraient pas d’abord présentés à notre esprit, et cependant le Nouveau Testament ne laisse pas la moindre incertitude à cet égard.
Toutes ces assertions, car on ne saurait les appeler autrement, ne font pas avancer la question, et ces définitions ne définissent rien.
On peut, comme on le fait habituellement, distinguer les types en personnels, sacramentels, rituels, lévitiques, dogmatiques, locaux, etc., ou bien admettre avec Bickersteth des personnes typiques (Adam, Melchisédec), des choses typiques (l’arche de Noé, la manne), des institutions (la circoncision), des lieux (les villes de refuge), des instruments (le chandelier d’or), des offrandes et sacrifices (presque tous), des époques (la Pâque, la pentecôte), et enfin des purifications typiques (la purification de la lèpre) ; l’admission ou le rejet de tous ces types dépendra évidemment de la définition même qu’on donnera du mot pour commencer. Car tout est là.
Ce sont les Pères de l’Église qui, les premiers, et par une fausse spiritualité dont ils ont donné d’autres preuves encore, ont ouvert cette abondante carrière de types ; c’était dans leur caractère et dans la nature de leur foi. Leur maxime était que « les paroles des livres saints signifient tout ce qu’elles peuvent signifier », et Augustin ne s’est pas rappelé cette autre maxime si sage, qu’il avait lui-même formulée : « En pressant le raisin, on obtient du vin, mais en le pressant trop, on obtient une piquette amère ». Ils ont voulu aller au-delà de ce qu’avaient fait les apôtres, et pour les imiter et perfectionner leur ouvrage, ils ont cherché et trouvé partout des sens typiques et allégoriques.
Ainsi le pressoir où Gédéon battait son blé, le blé qu’il battait, l’ange qui lui apparaît, l’arbre sous lequel se fit cette apparition, tout enfin, dans l’Ancien Testament, est devenu pour eux des types. Justin et Clément d’Alexandrie ont frayé cette voie dans laquelle se sont jetés plus ou moins Chrysostome, Bernard, Ambroise, Grégoire, Jérôme même, et pardessus tous Augustin et Origène. « Le fils de Dieu, dit Augustin, est appelé la vigne, car c’est lui qui était figuré par la grappe de raisin que les deux espions rapportèrent de Canaan, suspendue à un bâton, pour marquer le Sauveur suspendu à la croix. Les deux hommes qui portaient la grappe représentaient les Juifs et les païens ; celui qui allait le premier tournant le dos au raisin, est l’emblème des Juifs qui ont précédé Jésus-Christ, et lui ont tourné le dos et non le visage, comme Dieu s’en plaint (Jérémie 2.27) ; les païens, au contraire, qui ont embrassé le christianisme, sont figurés par celui qui marchait le second en regardant la grappe ». Il serait aisé de citer un grand nombre d’exemples de ce genre, les écrits de ce père en fourmillent. Pour Origène, se fondant sur ce que le culte lévitique était une figure du christianisme, il a voulu voir des types jusque dans les moindres ustensiles employés au service du temple.
Après les Pères sont venus les scholastiques qui, appliquant cette méthode aux sentences de Moïse et des prophètes, ont ainsi tâché de justifier des cérémonies et des dogmes qui n’avaient point de fondement dans la Bible ; c’est ainsi qu’ils ont fondé le pouvoir temporel et spirituel du pape sur les deux épées que Pierre présente au Sauveur ; les sandales et souliers que l’on voit aux pieds des prélats chantant la messe, n’y sont que parce qu’il est écrit au Psaume 60 : « Je jetterai mes souliers contre Édom » ; leurs gants viennent de ce qu’il est écrit : « Que votre main droite ne sache pas ce que fait votre main gauche » (Matthieu 6.3) ; et ces gants sont de peau, et non pas de soie ou de filoselle, parce que Jacob avait les mains couvertes de peaux quand il surprit la bénédiction d’Isaac.
De pareilles aberrations font naturellement réfléchir. On aurait tort sans doute de conclure de l’abus contre l’usage, mais on est conduit à examiner les titres mêmes de l’usage, et la question se pose encore ici : que faut-il entendre par un type ?
Lorsque nous examinons nos saints livres, nous trouvons un assez grand nombre de comparaisons que Jésus-Christ et les apôtres ont établies entre certains objets des deux alliances, qui paraissent renfermer des figures de Christ et de ses bienfaits. C’est ainsi que par rapport à la personne de Jésus-Christ, on voit expliqués typiquement : Jonas (Matthieu 12.39), le serpent d’airain (Jean 3.14), Adam (Romains 3.14), Melchisédec (Hébreux 7) auquel plusieurs veulent qu’on ajoute Salomon (Matthieu 12.42 ; Hébreux 1.8-9), David (Romains 1.4 ; Hébreux 1.5), ainsi que les rois, les sacrificateurs et les prophètes. Par rapport aux bienfaits du Messie, on trouve l’agneau pascal (1 Corinthiens 5.7 ; Jean 19.36), tout l’appareil des sacrifices, et, en particulier, la fête des Expiations (Hébreux 9 et 10), l’arche de Noé (1 Pierre 3.20), la terre de Canaan (Hébreux 4), Sara et Agar (Galates 4.22), Jacob et Ésaü (Romains 9.10), l’union d’Adam et d’Ève (Éphésiens 3.31).
Tous ces objets sont liés avec leurs analogues par des rapports plus ou moins étroits. Les uns, tels que l’agneau pascal, la fête des Expiations, nous offrent des analogies si belles et si frappantes avec la doctrine chrétienne, leur qualité typique rend si bien raison de leur institution, que nous ne pouvons nous empêcher d’y voir l’empreinte de l’intervention divine, et qu’il ne nous paraîtrait point étrange qu’on classât ces objets parmi les types, fussent-ils dépourvus de tout témoignage biblique. Les autres, au contraire, malgré ces témoignages, n’inspirent que des doutes sur leur nature emblématique. Ils offrent, avec les objets chrétiens, des ressemblances tellement accidentelles, qu’ils donnent naissance à une forte objection, non seulement contre leur qualité de types, mais encore contre celle des objets de la première classe, par la difficulté apparente de poser entre eux une ligne de démarcation.
Si l’on savait mieux distinguer entre types et comparaisons, on limiterait rapidement le nombre des premiers, et l’on serait plus libre de donner, en bonne conscience, carrière à son imagination pour ce qui concerne les autres. Le Nouveau Testament lui-même, qu’on invoque, serait interprété d’une manière plus judicieuse et plus simple, et l’on ne se heurterait plus contre certaines comparaisons que les plus intrépides défenseurs des types reconnaissent qu’ils n’auraient eux-mêmes pas eu le courage de considérer comme tels (ainsi Galates 4), voir plus haut.
La Bible ne donne pas des directions très précises sur le sujet des types, qui est bien loin de jouer chez elle le même rôle que dans quelques-uns des ouvrages de notre littérature religieuse, ancienne et moderne. L’Ancien Testament garde sur ce point un silence complet (sauf peut-être Deutéronome 10.16 ; Jérémie 4.4), qui donnent un sens figuré à la circoncision, et le Psaume 110, où le sacerdoce de Jésus-Christ est comparé avec celui de Melchisédec. Quant au Nouveau Testament, il renferme quelques passages peu nombreux qu’on a l’habitude d’invoquer, et qui méritent d’être examinés sous ce point de vue.
Le passage classique, fondamental, est 1 Corinthiens 10.6 : « Or ces choses arrivèrent comme types de ce qui nous concerne ». Il s’agit des Corinthiens, dont la vie n’était pas en harmonie avec la doctrine chrétienne, et qui pensaient qu’après avoir reçu le baptême et la sainte cène, ils étaient enfants de Dieu, indépendamment de la réalité de leur foi. Paul leur rappelle des faits analogues de l’Ancien Testament, la traversée de la mer Rouge, le séjour sous la nuée, la manne du désert, l’eau du rocher, et il conclut : « Ne soyez pas non plus idolâtres… Ne commettons pas non plus la fornication, comme quelques-uns d’eux ont commis la fornication, et il en est tombé en un seul jour vingt-trois mille… Ne tentons pas non plus le Christ, comme quelques-uns d’eux l’ont tenté et ont péri par les serpents… Ne murmurez pas non plus, comme quelques-uns d’eux ont murmuré et ont péri par le destructeur. Or toutes ces choses leur arrivèrent comme types, et elles ont été écrites pour nous servir d’avertissement, à nous que les fins des siècles ont atteints » (v. 7-11). L’idée d’exemple domine évidemment ; les types regardent l’avenir et l’annoncent. Paul, ici du moins, ne considère pas les faits sous ce rapport ; il voit dans le passé des souvenirs qui doivent être utilisés dans le présent. Le mot type importe peu.
Colossiens 2.17. La loi est appelée par l’apôtre l’ombre, la figure des choses à venir. De même encore Hébreux 10.1. Mais la simple lecture de ces deux passages prouve que, si l’idée de ressemblance entre pour quelque chose dans la pensée de l’apôtre, cependant c’est l’idée d’infériorité surtout à laquelle il s’attache. La circoncision, la distinction des mets, différents jours de fêtes institués par Moïse, sont les faibles et pauvres rudiments de Galates 4.9, une ombre en comparaison du corps, de la réalité qui est Christ (cf. Tit. 3.9 ; Hébreux 7.18 ; 8.6). Paul rabaisse évidemment la loi de Moïse pour relever celle de Christ.
Hébreux 8.5 ; 9.23. Le tabernacle et les objets du culte sont appelés une image et une ombre des choses du ciel. La fin du premier de ces deux versets (le second n’est qu’un parallèle du premier) explique le sens de l’image : le tabernacle n’est pas appelé l’ombre de quelque chose à venir, mais la simple et grossière copie du modèle que Moïse avait vu, l’imparfaite imitation de quelque chose de plus relevé ; c’est donc moins un type qu’une copie, un souvenir, et ces passages ne sauraient suffire à fonder une doctrine.
Nous ne prétendons pas que l’économie juive n’ait aucun rapport avec le christianisme, car presque partout leurs rapports généraux sont indiqués d’une manière générale ; mais ces rapports, selon nous, tiennent plus à la nature des choses qu’à une institution, ou intention proprement dite, et sont tels qu’on doit les attendre de deux révélations données par le même Dieu, et qui ne diffèrent qu’en ce que l’une est plus étendue et plus parfaite que l’autre. Il y a d’ailleurs une similitude générale dans toutes les opérations de la Providence, et une analogie des choses, dans le monde moral aussi bien que dans l’ordre naturel, d’où il est aisé d’argumenter par forme de parité, et il est même très commun de le faire. Ainsi la chenille, tour à tour ver, chrysalide et papillon, peut très bien représenter la vie, la mort, et la résurrection de l’homme, sans qu’on veuille affirmer, pour cela, que les chenilles ont été créées spécialement pour préfigurer notre destinée. De même encore les livres saints comparent la fragilité de la vie et de la gloire de l’homme aux fleurs qui se fanent, sans qu’on imagine de voir là autre chose qu’une comparaison pure et simple.
Les deux révélations, qui ont la même origine et qui tendent vers un même but, ne sauraient autrement que d’avoir de nombreux points communs ; mais vouloir que chaque détail de l’une soit l’annonce d’un détail analogue dans l’autre, c’est à la fois puéril et dangereux.
Les types, comme on l’a dit plus haut, ne peuvent exister pour nous que s’ils existaient déjà pour ceux à qui ils étaient nécessaires. À nous, ils ne nous importent, non plus que les prophéties, que comme les détails de ce vaste ensemble préparatoire qu’on appelle le mosaïsme ; les types ne nous annoncent rien, les prophéties déjà accomplies ne nous annoncent rien. Pour les Juifs au contraire, les types, comme les prophéties, devaient être une révélation de l’avenir dans un sens spécial ; c’était là leur but ; ils n’avaient par conséquent pas le droit de se cacher ; c’était une des conditions de leur existence. M. Robert Haldane, dans un de ses meilleurs ouvrages (Evid. de la div. Rév., p. 227 et suiv.), a pressenti, sans la formuler, une règle qu’il n’a pas suivie lui-même, et qui renferme le germe de la doctrine sur ce point : « Le plan préparatoire de la venue du Messie, dit-il, était amené à sa fin... par une série de phénomènes typiques et paraboliques qui frappaient les sens, par lesquels l’œuvre de la rédemption était figurée et restait sous les yeux des hommes ». C’est en effet l’idée de la rédemption que nous devons surtout rechercher dans les types ; mais il ne faut pas oublier, et cela ressort de ce que dit M. Haldane, que c’est en nous plaçant au point de vue des Juifs que nous devons faire cette recherche. Ce qui peut être frappant pour nous ne l’était pas nécessairement pour eux ; ce que nous découvrons, ils ne pouvaient pas toujours le comprendre ; et il est impossible qu’il ne se soit pas trouvé entre le Fils de l’homme et les hommes pieux qui ont été avant lui, une foule de rapports de vie, de position, de naissance, de caractère, de souffrance, etc., qui peuvent parler à notre esprit, mais qui ne disaient rien à l’esprit des Juifs. Après l’accomplissement, on remarque toujours des coïncidences que l’on ne pouvait pas soupçonner auparavant, et qui doivent prendre alors le nom de rapports, de ressemblances, d’analogies, et non celui de types, de présages, de prédictions.
À moins qu’on ne veuille dire que rien n’arrive sans la volonté de Dieu, ce qui est vrai, et conclure que tout ce qui ressemble, de près ou de loin, à l’un des traits de la vie de Jésus, fut destiné à l’annoncer, ce qui serait faux, et d’ailleurs prouverait trop.
Deux grands caractères doivent donc être réunis pour qu’il y ait type, il faut :
1°. Que le symbole annonce Jésus-Christ, et
2°. Qu’il l’annonce assez clairement pour que les Juifs aient pu le comprendre. C’est presque dire : il faut que les types aient été utiles. Avec cette définition sur la rédaction de laquelle nous ne voulons pas insister, mais qui nous paraît tout comprendre, on n’acceptera guère comme types véritables que
a) les sacrifices en général,
b) l’agneau pascal,
c) la grande fête des Expiations, et peut-être,
d) la vache rousse,
e) le sabbat,
f) le tabernacle dans son sens le plus général.
(M. Guers qui, dans son ouvrage « Le Camp et le Tabernacle », paraît avoir eu pour but de combattre les exagérations des frères de Plymouth, a lui-même encore poussé le figurisme un peu loin ; par exemple, dans ses réflexions sur « la position du propitiatoire entre le coffre de l’arche et la gloire de Dieu », p. 286ss. Et nous-mêmes, dans le cours de ce long ouvrage, nous avons fait bien des concessions à l’habitude, mais on verra plus bas dans quel sens).
On objectera peut-être, la Bible à la main, les longues énumérations de types indiqués dans le Nouveau Testament ; nous répondrons :
a) qu’il faut en retrancher d’abord un certain nombre d’individus, tels qu’Abel, Énoch, Noé, Joseph, Samson, etc., qui ne sont nulle part cités comme types ;
b) quant aux autres (auxquels nous ajouterions Daniel, si nous acceptions ce point de vue), que ce sont des comparaisons frappantes de justesse, mais qui n’ont pu avoir de signification typique au moment où les événements se passaient. Pour les mariniers qui jetèrent Jonas à l’eau, pas plus que pour Jonas lui-même, cet événement ne pouvait annoncer la mort et la sépulture du Seigneur ; et Jésus-Christ, en s’adressant aux pharisiens, se borne à les comparer aux Ninivites, en annonçant que le seul miracle qu’il fera pour eux sera celui de Jonas le prophète : « Car, dit-il, comme Jonas fut dans le ventre de la baleine trois jours et trois nuits, ainsi le Fils de l’homme sera dans le sein de la terre trois jours et trois nuits ».
De même l’histoire de Sara et d’Agar, d’Isaac et d’Ismaël, n’était point une action destinée à en figurer une autre, et Paul appelle allégorique (Galates 4.24), l’application qu’il en fait à l’ancienne et à la nouvelle alliance. Qu’est-ce que l’Écriture nous dit de Melchisédec (Genèse 14.18ss) ? Qu’il était roi de Salem, en même temps que souverain pontife, suivant la coutume de ce temps ; il va au-devant d’Abraham victorieux, suivant la même coutume, et donne quelque nourriture à ses troupes, en reconnaissance de quoi le patriarche lui offre la dîme du butin, et reçoit la bénédiction de ce vieillard, adorateur du Très-Haut. Rien de plus simple, rien de plus concis ; la famille même de Melchisédec est passée sous silence, parce qu’il n’appartenait pas à la race élue. Dans l’Épître aux Hébreux, au contraire (ch. 7), tout revêt une autre couleur, tout devient emblème et mystère : le sacerdoce lévitique, qui n’existait point encore, est béni cependant en la personne d’Abraham, parce qu’il était en germe dans les reins du patriarche ; Melchisédec est sans père, sans mère, sans commencement de jours et sans fin de vie, etc. Les contemporains de Melchisédec n’ont évidemment pas pu voir en lui un type du Sauveur ; pour eux il avait père et mère, pour eux il est né et il est mort ; pour eux aussi Abraham ne pouvait supposer Lévi ; mais l’étrange et pieuse sacrificature du roi de Salem avait quelque chose d’assez frappant, elle était assez hors ligne pour que le souvenir s’en fût conservé parmi les descendants d’Abraham, et pour que David, voulant caractériser une sacrificature nouvelle, d’un ordre nouveau, non lévitique, lui donnât le nom du premier prince et pontife de Salem (Psaumes 110).
c) Quant aux instruments, ustensiles, vases, couleurs, etc., nulle part l’Ancien Testament ne fait la plus petite allusion à une signification, même symbolique, de ces objets ; bien moins encore les présente-t-elle comme des types ou institutions ; et c’est à peine si, sur quelques points, le Nouveau Testament laisse apercevoir quelques rapports éloignés entre quelques objets du culte mosaïque, et quelques faits du christianisme.
d) La comparaison rend aussi bien compte que le type de la pensée du Sauveur et des apôtres, dans tous les passages indiqués. Nous ne voudrions pas froisser le sentiment chrétien par tout ce qui précède ; nous ne voudrions pas surtout paraître innover, car nous n’avons aucune vocation pour cela ; mais il nous a paru que, par plusieurs points, l’esprit humain avait cherché à se mettre à la place de l’esprit de Dieu parmi les pères du dernier réveil religieux aussi bien que parmi les Pères de l’Église ; que le figurisme a quelque chose de faux, qui devient quelquefois bizarre et même ridicule, et qu’il a donné lieu à bien des accusations contre le christianisme ; bien des gens, en effet, ne jugeant que sur les apparences, ont été jusqu’à dire que le christianisme n’avait d’autre fondement qu’une explication allégorique et mystique des prophéties ; les incrédules du siècle dernier sont partis de cette doctrine pour soutenir que les miracles de Jésus-Christ n’étaient pas réels, mais de simples emblèmes des effets spirituels que l’Évangile produit dans les âmes.
Rappelons encore que les théologiens réformés, Calvin, Leclerc, etc., ont attaqué avec vigueur cette manière d’interpréter l’Écriture, et qu’ils ont posé cette maxime : « Ne pensez pas, dit Calvin, dans son Comin. sur 1 Corinthiens 9.9, où il s’agit de l’allégorie du bœuf qui foule le grain, ne pensez pas que Paul dise que ce passage du Deutéronome soit un précepte allégorique ; ces esprits voient des allégories partout ; pour eux, des chiens sont des hommes ; ils changent les arbres en anges, et ils pervertissent toute l’Écriture avec leurs jeux ». Ailleurs ses expressions sont plus fortes encore. Et Saurin : « Ceux qui ont fait attention à l’origine des hérésies dans la théologie et la morale, reconnaîtront sans peine que ce même esprit, qui a porté à établir la religion sur de faux arguments, fournit des armes pour la combattre, et que l’erreur reprend insensiblement sur la vérité par cette façon de raisonner, plus que la vérité n’avait pris sur l’erreur. »
Mais si l’on doit rejeter, comme n’étant pas d’institution divine, la plupart des rapprochements auxquels on a donné le nom de types dans le sens qu’on attache d’ordinaire à ce mot, on n’en a pas moins le droit de faire, pour son usage personnel, des rapprochements et des comparaisons qui, souvent, peuvent être utiles à la foi et développer la piété, pourvu que là encore on évite l’exagération. Il est évident que l’Ancien Testament, qui était une économie charnelle, renferme bien des choses, des faits, des récits, des exemples, qui étaient de nature à élever l’esprit des Juifs vers un ordre d’idées plus spirituel. À cet égard, nous accepterions volontiers une théorie qui, en classifiant les types d’après leur degré, ferait ressortir ce qu’il y avait de caché, de symbolique, dans l’ensemble de la législation et de l’histoire des Hébreux. Aux types sacramentels qui, outre les deux caractères indiqués plus haut, emportaient encore l’idée d’obligation, de devoir, tels que le sabbat, les sacrifices, nous joindrions, comme formant une seconde catégorie, les types spirituels destinés à élever l’âme au-dessus de la loi vers l’idée de la foi ; le serpent d’airain serait au premier rang de cette classe ; peut-être aussi la manne, le tabernacle, le nazaréat ; et les types libres, ou accidentels, dont la signification, peut-être nulle dans le moment, a été mise en évidence après que Jésus fut venu tout résumer en sa personne. Les premiers représenteraient la morale, les œuvres ; les seconds la foi, la doctrine ; les derniers l’histoire, le témoignage.
C’est ainsi, mais de cette manière seulement, que nous pouvons comprendre l’extension donnée au système des types ; c’est dans ce sens que nous y avons adhéré en plusieurs endroits, et que nous pouvons accorder à la typologie une certaine influence sur la vie religieuse. L’étude en est intéressante, et, puisque l’histoire juive a été écrite pour nous, afin qu’elle nous fournît des exemples (la seule histoire, sans doute, qui ait été écrite dans ce but), nous ne pouvons pas trop l’étudier sous ce rapport. Le Nouveau Testament, d’ailleurs, nous y convie ; ce qui était le premier n’était pas ce qui est spirituel (1 Corinthiens 15.46). Le développement successif de la même vérité sous diverses formes, les résultats divers des divers états de développement, les nombreuses comparaisons de l’Ancien Testament avec le Nouveau, tout nous montre d’abord un but immédiat d’instruction, puis l’acheminement graduel à un ordre de choses supérieur, et enfin un plan unique, profondément médité, et parfaitement d’accord avec lui-même. L’histoire, les hommes, les institutions du judaïsme, sollicitent notre attention autant que les prophéties, et prouvent que ce qui a fini par être, Jésus-Christ, n’était que la grande consommation de ce qui avait été longtemps préfiguré d’avance, le corps de l’ombre, l’accomplissement parfait de pressentiments imparfaits, la concentration de tant de rayons épars, la clef de tant d’énigmes, l’explication et la réalisation de faits isolés, qui n’eussent, sans ce grand fait, jamais été compris, jamais été dignes de l’être.