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(Genèse 49.10)
1°. Mot difficile, et sur la signification duquel les interprètes ont beaucoup varié. Voici les principales explications qu’on en a données. Le sceptre, est-il dit, ne se départira pas de Juda, jusqu’à ce que le Shilo vienne, et que les peuples lui obéissent. Quelques commentateurs, les plus anciens, lisent shélôh, qui d’après un chaldeïsme signifie à qui il (c’est-à-dire appartient) ; ils traduisent en conséquence : Le sceptre ne se départira point de Juda jusqu’à ce que vienne celui à qui il (appartient) ; selon les uns le Messie, ce serait alors une prophétie messianique, et le Messie appartenant à la tribu de Juda, la phrase reviendrait à dire que le sceptre ne sortira jamais de cette tribu ; selon les autres, Salomon, et alors la promesse ne s’étendrait que jusqu’à ce monarque, le sceptre ayant été brisé sous son successeur. Cette explication, sous cette forme du moins, est presque généralement abandonnée.
2°. Shilôli signifierait dans ce passage, le seul où il aurait ce sens, repos. C’est ainsi que l’entendent Herder, Gesenius, Hofman, etc., mais avec des nuances dans leurs interprétations. Le bâton de conducteur en chef ne quittera jamais Juda, le bâton de héros le suivra dans tous ses voyages (ses pieds), jusqu’à ce qu’il soit arrivé au lieu de repos, etc. (Herder) ; ce dernier mot, le même que Silo, paraît une allusion à l’arrivée des Israélites en Canaan, à Shilo, mais on peut objecter avec raison que jusqu’à cette époque Juda n’a pas eu le bâton de commandement, et qu’il n’eût pu par conséquent le déposer en mettant le pied sur la terre promise. Gesenius entend que Juda ayant la prééminence sur les autres tribus, fera respecter son droit d’aînesse, et n’abaissera son sceptre qu’après avoir obtenu d’une manière générale la paix et le repos. Dans ce sens, et quoique ce ne soit pas l’intention de Gesenius, les paroles de Jacob sont encore une prophétie messianique.
3°. Tuch traduit librement : Le sceptre restera entre les mains de Juda jusqu’à ce que la conquête de Canaan soit achevée et que le sanctuaire national soit élevé à Silo ; littéralement, jusqu’à ce qu’on soit venu à Silo. Shilôh n’est donc pour lui qu’un nom géographique. Mais le motif allégué ci-dessus contre la simple allusion à Silo, reste le même quand l’allusion se change en affirmation directe ; Juda n’a pas eu la conduite du peuple jusqu’à ce moment ; ni Moïse, ni Aaron, ni Josué n’appartenaient à cette tribu. D’ailleurs, comme le fait remarquer Hengstenberg, Silo ne nous apparaît (Josué 16.6 ; 18.1), que comme un lieu de campement et non comme une ville ; ce n’est que peu à peu que Silo grandit et paraît dans l’histoire ; aux jours de Jacob, il n’était rien encore, et rien ne pouvait faire présager au patriarche que l’arrivée de ses descendants en cet endroit serait pour eux une époque décisive. On peut même se demander avec Hofmann, si en effet Silo a jamais été pour Israël, et pour Juda en particulier, une époque décisive, quand et comment ?
4°. En laissant à Silo le sens de repos, Bengstenberg, Hœvernick et Schrœder, qui varient pour les détails, s’accordent à lui donner une signification appellative et personnelle ; « jusqu’à ce que vienne le repos, c’est-à-dire, celui qui donnera le repos, le pacificateur, le prince de paix ». L’abstrait est employé pour le concret, ce qui est parfaitement autorisé par le génie de la langue hébraïque. On peut rapprocher de ce passage (Ézéchiel 21.32), où des calamités sont annoncées jusqu’à ce que vienne celui à qui appartient le gouvernement (le droit), c’est-à-dire le Messie à qui appartient le droit de juger sur la terre, le véritable réparateur et dispensateur de la justice dans le monde (Ésaïe 9.6 ; 42.1 ; Jérémie 23.5 ; Psaumes 72.11). Les idées de droit et de repos sont corrélatives ; celui qui amène l’un, amène l’autre, et l’on est d’autant plus fondé à croire que Ézéchiel a en vue le passage de la Genèse, qu’il fait de fréquentes allusions à la prophétie de Jacob sur Juda (19.2-10 ; 21.15). Cette analogie nous montre en outre comment Ézéchiel expliquait le Silo ; non seulement il nous donne la plus ancienne explication de ce mot dans le sens messianique, mais encore il nous y fait voir l’idée d’un Messie personnelle, et l’idée abstraite de repos exprimée par Jacob est traduite par Ézéchiel en l’idée personnelle d’un individu ayant des droits et exerçant le gouvernement.
Le sceptre restera dans la tribu de Juda jusqu’à ce que soit venu le (prince du) repos, issu de Juda, mais élevé au-dessus de toute tribu et de tout peuple ; alors ce ne sera plus à Juda, mais à son enfant comme souche d’un nouveau pouvoir, que sera due l’obéissance des peuples. Il n’y a rien d’étonnant à ce qu’au moment de mourir, le patriarche ait jeté un regard prophétique sur l’avenir, et qu’il ait entrevu l’objet des promesses faites à ses pères. Il serait surprenant, au contraire, qu’un fait aussi important que celui de la venue d’un réparateur, eût été omis au milieu des autres événements que Jacob entrevoit. Abraham, en léguant à Isaac, Isaac à Jacob, le droit de primogéniture, avaient tracé la ligne de leur postérité dans laquelle le Christ apparaîtrait ; Jacob fait de même, il désigne Juda comme le premier-né de droit, c’est à Juda qu’appartiendra l’autorité jusqu’au moment où la nation, cessant d’exister comme théocratique, verra son sceptre devenir un pouvoir spirituel et passer entre les mains de celui qui donne la paix en faisant régner le droit. La paix, qui est le triomphe du Messie, est aussi le triomphe de l’humanité ; le monde cessera d’être travaillé et tourmenté ; il aura trouvé le repos.