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Leur incroyable fécondité fait de ces insectes un des fléaux les plus redoutés et les plus terribles des pays chauds, de l’Orient en particulier (Exode 10.4 ; 1 Rois 8.37 ; 2 Chroniques 6.28-7.13). Elles sortent de terre au printemps, surtout dans les années dont la sécheresse a favorisé la maturité des innombrables œufs qu’elles déposent toujours dans la terre ; c’est de l’Arabie qu’elles sortent en plus grand nombre, et portées sur les ailes des vents, elles viennent s’abattre en tourbillonnant et comme d’épais nuages sur les plaines de l’Égypte, de la Palestine ou de la Syrie. Ces nuages ont quelquefois de 16 à 24 km de longueur, de 8 à 12 km de largeur. Elles sont encore loin que déjà le bleu sec du ciel se nuance d’un jaune fade et mat ; lorsqu’elles approchent elles voilent le ciel, couvrent la terre de leur ombre, et font entendre le dur et assourdissant frôlement d’un million d’ailes et de pieds.
Où elles s’arrêtent, et on chercherait vainement à les en empêcher, elles forment sur la terre qu’elles cachent, une couche épaisse qui parfois dépasse la hauteur d’un mètre ; elles rongent alors en un clin d’œil, de leurs dents aiguës, et avec un bruit qui, au dire de Volney, rappelle la marche rapide de la cavalerie, l’herbe, les feuilles, les fruits, surtout les raisins, et jusqu’à l’écorce et à la racine des arbres ; leurs goûts et leur nourriture varient ; chez les unes le goût est plus fin, chez les autres il est plus grossier (cf. Joël 1.4). Lorsqu’elles ont tout dévasté, elles se remettent en marche, ne laissant derrière elles que leurs œufs, leurs excréments, et quelques cadavres qui produisent une odeur d’une telle infection, que la peste se déclare souvent après leur passage (cf. Juges 6.5 ; Joël 1 et 2 ; Jérémie 46.23 ; 51.14 ; Nahum 3.17 ; Psaumes 109.23 ; 78.46 ; 105.34 ; Ésaïe 33.4). Leur marche est très régulière (Proverbes 30.27 ; Joël 2.8-25) ; elles volent par colonnes, de jour seulement, et avec des intervalles de repos ; le soir elles s’établissent sur la terre, repartent le matin si elles n’ont rien à manger, volent, ou marchent si la rosée de la nuit a mouillé leurs ailes (Nahum 3.17) ; elles vont droit devant elles, et presque toujours du sud au nord.
Aucun mur, aucune haie, aucun fossé, ne les arrête ; c’est en vain qu’on met le feu aux herbes et aux broussailles, c’est en vain même qu’on envoie contre elles des troupes de soldats ; elles évitent tous les dangers, et ne sauraient être évitées. Elles pénètrent jusque dans les habitations, et en rongent non seulement les ustensiles de bois, mais encore les boiseries, les planches et les poutres (Exode 10.6 ; Joël 2). Quelques oiseaux leur font une guerre redoutable, qui en fait périr un grand nombre, mais c’est surtout la mer qui est chargée de leur donner la mort. Fatiguées de leur vol, elles s’abattent sur les eaux comme sur la terre (Exode 10.19 ; Joël 2), et leurs légers cadavres, entraînés vers les rivages, viennent bientôt y apporter la peste, et les désoler par leur mort, après les avoir désolés par leur vie.
On a remarqué que les sauterelles dépouillées de leurs accessoires, avaient en petit une forme assez semblable à celle des chevaux (Joël 2.4 ; Apocalypse 9.7). Leurs ailes sont d’ordinaire vertes ou jaunâtres, quelquefois rouges ou brunes. Leur longueur varie entre 3 et 15 cm.
Il était permis aux Hébreux de s’en nourrir (Lévitique 11.22). (Oken prétend à tort que ce sont quatre espèces d’oiseaux qui sont désignées dans ce passage) ; cependant elles ne passaient guère pour un aliment délicat (Matthieu 3.4 ; Marc 1.6). D’autres peuples de l’ancien Orient les mangeaient de même, au rapport de Strabon, de Diodore de Sicile, de Pline, etc., et de nos jours encore on les porte par voitures sur les marchés de l’Arabie (Tavernier, Niebuhr, Joliffe, Burckhardt ; d’après d’autres voyageurs, on les entasse dans des tonneaux). On les fait bouillir dans de l’eau, quelquefois on les rôtit, après leur avoir arraché les pieds et les ailes, on les saupoudre de sel, et on les mange. Elles doivent être meilleures que des pigeonneaux, et aussi bonnes que des écrevisses.
Il est parlé dans la Bible de plusieurs espèces de sauterelles ; les principales sont l’arbéh, le solham, l’hargol, le kagab (ou hhagab), le tsaltsal, le yélèk, le hhasil, et le gazam (Lévitique 11.22 ; Joël 1.4). L’arbéh est l’espèce la plus connue et le plus souvent mentionnée ; c’est le gryllus gregarius de Linnée ; le poitrail vert et fortement bombé, une tête aplatie, des yeux rouge-brun, des antennes de 3 cm de long, des ailes supérieures d’un jaune gris et tachetées de jaune à la partie inférieure, et des ailes de dessous vertes et très larges, caractérisent cette espèce. Ce sont les ailes supérieures, et les pattes de derrière, qui produisent le bruit qu’elles font en volant. Le hhargol est peut-être la jeune sauterelle qui ne vole pas encore ; les Septante traduisent chenille. Quant aux autres espèces, il n’est pas possible de les déterminer exactement ; les termes hébreux sont diversement traduits par les anciens interprètes, qui seuls auraient pu fixer leur signification, et les indices étymologiques sont trop vagues pour qu’on essaie d’en tirer parti. La sauterelle à tête pelue (Dahler), le gryllus cristatus, ou Kammheuschrecke, qui se rencontre souvent en Orient, et qui est mangeable, doit être l’une de ces espèces (cf. Apocalypse 9.8), et Œdmann la voit dans le yélèk à cause de Jérémie 51.27, où I’épithète de samar qui signifie chevelue lui est donnée ; le tsaltsal, d’après Tychsen, serait le gryllus stridulus. Le nom de gob (Amos 7.1 ; Nahum 3.17), semble être le nom générique de l’espèce entière.
Les passages d’Apocalypse 9.3-12 et Joël 2.4, ont été cités plus haut comme ne se rapportant qu’à l’insecte proprement dit, mais il est bien évident, et tous les commentateurs sont d’accord sur ce point, qu’on doit aussi les entendre d’une manière figurée. « Je pense, dit Newton (Pensées), que comme les chérubins, les sauterelles qui sortent de l’abîme sont des représentations symboliques d’un caractère de pouvoir dont certains agents vivants vont être revêtus. Ceux-ci paraissent avoir le même rapport à l’abîme que les chérubins au ciel. Les chérubins représentent le pouvoir qui est sous le contrôle suprême de Christ, et dont les serviteurs de Dieu et de Christ seront revêtus pour tout ce qui appartient à la vie, à la gloire, et à la bénédiction. Les sauterelles, semblables à des scorpions, et dont la forme est plus compliquée que celle des chérubins mêmes, sont sous la direction d’Apollyon leur chef, et elles représentent, à mon avis, le pouvoir dont ses serviteurs seront revêtus pour l’œuvre qui leur est assignée, de tourmenter d’un tourment infernal. »
Vivien va plus loin (Éssai) : « Évidemment nous avons ici l’emblème d’une armée qui envahit la Palestine sous la conduite du Destructeur. Nous trouvons dans Joël une prophétie tout à fait parallèle, et par conséquent bien propre à confirmer notre interprétation. Au chapitre 1.2-7, le prophète prédit un jugement terrible qui doit tomber sur la nation juive ; il l’annonce sous l’emblème des sauterelles, et il dit que cette nation a des dents comme des dents de lion (1.6 ; cf. Apocalypse 9.7-8). Après avoir exhorté le peuple au jeûne et au deuil, il décrit ce jugement (2.1-11). Qu’on lise attentivement cette description, et l’on ne pourra s’empêcher de remarquer l’analogie frappante qui existe entre la prophétie de Joël et la première trompette de malheur (la cinquième). Le texte même de cette prophétie suffit de plus pour prouver qu’elle n’a point encore été accomplie. Il suit de là que cette cinquième trompette, comme les quatre premières, ne concerne directement que la nation juive, conclusion qui se déduit naturellement de la transaction qui a précédé l’ouverture du septième sceau, et de ce qui est dit ici de l’ordre donné aux sauterelles de ne nuire qu’aux hommes qui n’ont pas le sceau de Dieu sur le front. »