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C’était, vers le temps de Jésus, le tribunal suprême des Juifs, celui qui jugeait en dernier ressort. Il siégeait à Jérusalem, et se composait de soixante et onze membres, sacrificateurs ou anciens, pharisiens, sadducéens, scribes, qui se réunissaient sur la convocation et sous la direction d’un président, lequel pouvait être, et était ordinairement, le souverain sacrificateur. Un vice-président et deux ou trois secrétaires complétaient le bureau du tribunal (Matthieu 26.57 ; Marc 15.1 ; Luc 22.4 ; Actes 5.21-27, 34 ; 23.6). À la droite du président (hannasi, le prince), siégeait le vice président ; à sa gauche, selon quelques auteurs, siégeait un membre du conseil qui portait le nom de sage par excellence, et Vitringa pense que c’est à cette fonction que notre Seigneur fait allusion lorsqu’il appelle Nicodème un maître en Israël, magister ; mais rien ne confirme ou ne justifie cette tradition. On peut en dire autant des soixante-dix langues que chaque membre du sanhédrin était, dit-on, obligé de comprendre (Gem. Sanhedr) ; cette vaste science se réduisait évidemment à des proportions plus humaines, et doit s’entendre soit, en général, de connaissances solides et étendues, soit surtout de l’intelligence du texte sacré (Hartmann).
Dans des cas pressants, le conseil s’assemblait dans la maison de son président (Matthieu 26.3) ; mais, hors de là, il se réunissait journellement dans une salle des sessions, située aux alentours du temple, du côté du midi. Plus tard, dans les quarante années qui précédèrent la chute de Jérusalem, il se réunit à Hanoth, dans certaines demeures (tabernœ) situées, selon les rabbins, sur la montagne du temple en descendant ; de là, il descendit plus bas encore dans la ville de Jérusalem, et, s’éloignant toujours plus du temple, il se fixa à Jéricho, puis à Usa, puis ailleurs, et enfin à Tibériade, où il demeura jusqu’à son entière extinction. Ce tribunal décidait seul des questions de droit qui pouvaient s’élever entre tribus ; les rois, les grands prêtres, les faux prophètes, les cas de guerre volontaire et de blasphème, appartenaient également à la connaissance de ce tribunal, et de lui seul.
Les accusés et les témoins étaient entendus, et, suivant les cas, le sanhédrin prononçait, soit l’une des quatre peines capitales, le feu, la corde, la décapitation et la lapidation, ou la peine du fouet (Matthieu 26.60 ; Actes 4.7 ; 5.40 ; 6.13). Jésus comparut devant ce tribunal comme faux prophète et faux Messie ; Pierre, comme thaumaturge, s’attribuant des forces divines ; Jean, comme faux prophète et séducteur du peuple ; Étienne, comme blasphémateur ; Paul, comme enseignant de fausses doctrines (Jean 11.47 ; Actes 4.8 ; etc.). Le droit d’arrestation était naturellement dans les attributions de ce conseil, et l’on voit, par Actes 9.2, qu’il s’étendait au-delà des limites de la Palestine.
Relativement à l’exercice de la justice criminelle, on a trouvé dans Jean 18.31, le texte de nombreuses difficultés ; malgré la précision des termes, portant que les Juifs (le sanhédrin) n’avaient pas le droit d’appliquer la peine de mort, plusieurs interprètes ont contesté ce fait, et n’y ont voulu voir qu’un échappatoire des Juifs pour se soustraire à la responsabilité du crime qu’ils voulaient pouvoir rejeter sur Pilate. Le passage (Matthieu 10.17), ne prouve rien dans cette question, ni pour, ni contre, et, quanta la condamnation d’Étienne, elle porte les caractères d’une vengeance populaire plutôt que ceux d’un jugement régulier. La tradition rabbinique est unanime à dire que, quarante ans avant la destruction de Jérusalem, le sanhédrin avait été dépouillé par les procurateurs du droit de vie et de mort, et Josèphe (Antiquités judaïques 20.9-1) raconte que lors de l’exécution de Jacques le Juste, quelques-uns des meilleurs membres de ce corps accusèrent le souverain pontife Anne auprès du procurateur Albinus, comme ayant outrepassé ses pouvoirs et sa compétence, en prononçant la peine de mort.
Ajoutons que si les paroles (Jean 18.31), n’ont pas le sens qu’on leur donne ordinairement, elles n’en ont aucun ; que si elles expriment une idée fausse, on ne comprend pas que ceux qui les ont prononcées aient osé le faire, et enfin que le silence de Pilate, en présence de cette réponse des Juifs, serait inexplicable si les Juifs avaient avancé un fait faux, lorsqu’il avait lui-même le plus grand intérêt à se débarrasser d’une affaire qui engageait sa responsabilité sans lui rapporter ni profit ni honneur. Il faut donc admettre que, du temps de notre Seigneur, le sanhédrin était dépouillé du droit de prononcer une condamnation à mort, quoique les causes qui pouvaient la provoquer fussent encore de son ressort, et qu’il fût chargé de l’instruction du procès pour les délits ou les crimes ecclésiastiques qui devaient être jugés d’après les principes de la loi mosaïque. Au reste, le grand sanhédrin n’était pas seulement une cour de justice, mais encore le pouvoir suprême en matière de législation et d’administration ecclésiastique ; il fixait le commencement des nouvelles lunes, et veillait, d’une manière générale, à tout ce qui concernait les besoins et l’exercice du culte.
Les talmudistes font remonter l’origine du grand sanhédrin à Moïse, qui, dans le voyage du désert (Nombres 11.16), nomma un collège de soixante-dix anciens chargés de le seconder dans l’administration de la justice, et dans l’application des règlements de la police juive ; ils prétendent que Esdras, après le retour de l’exil, pourvut à la réorganisation de cette assemblée. Mais il est probable que les fonctions de ce collège cessèrent avec l’entrée des Israélites en Canaan ; on n’en parle plus dans les saints livres, et l’on ne comprend pas, en effet, quel rôle il eût joué sous les juges et sous les rois, qui avaient un état civil bien organisé, des juges, des préfets, etc. La tradition rabbinique ne vient sans doute, comme tant d’autres, que du désir de donner à une institution nationale le lustre d’une haute antiquité. C’est au temps d’Antipater et d’Hérode que se rapporte la première mention qui est faite du sanhédrin (Josèphe, Antiquités judaïques 14.9-4) ; il était cependant plus ancien, et l’on doit convenir que le collège des anciens de Moïse a pu fréquemment être pris pour modèle d’une institution de ce genre ; car, avant l’exil déjà, le roi Josaphat avait établi à Jérusalem un tribunal supérieur de soixante-dix juges, composé de prêtres et de lévites (2 Chroniques 19.8). Les livres des Macchabées (2 Maccabées 1.10 ; 4.44) l’appellent le sénat (la vieillesse), et le font remonter aux temps de la domination séleucide, peut-être avec raison ; mais il n’est guère probable que les anciens mentionnés (1 Maccabées 7.33 ; 12.35 ; 13.36) aient eu, comme le pensent quelques-uns, aucun rapport avec le sanhédrin.
De plus petits collèges du même nom, de petits sanhédrins de vingt-trois membres, doivent avoir été établis dans toutes les villes de la Judée qui comptaient plus de cent vingt habitants (ou familles ?), pour juger tous les cas de blessures, d’homicides etc. ; il y en avait deux à Jérusalem même. Toutefois Josèphe n’en parle pas, non plus que du tribunal des trois, qui était chargé de s’occuper des petites causes, de régler les affaires d’argent, de statuer sur les dommages causés, etc. Il parle plutôt d’un tribunal de sept membres, dont deux au moins de la tribu de Lévi, établi dans les villes de province, et auquel il serait fait allusion (Matthieu 5.22 ; 10.17 ; Marc 13.9 ; 14.55 ; etc.). Ces petits sanhédrins ne pouvaient prononcer au-delà de quarante coups de fouet.