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Fils d’Anne et de Elkana (1 Samuel 1-16, et 25). Il était Lévite (1 Chroniques 6.28), et sa famille habitait Rama dans la montagne d’Éphraïm. Fils d’Anne, une mère pieuse, il fut nommé Samuel, c’est-à-dire exaucé de Dieu, parce qu’il fut accordé aux prières de l’épouse stérile de Elkana, et sa vie fut consacrée à l’Éternel dès ses plus jeunes années. Nazaréen par le vœu de sa mère, il fut élevé à Silo par les soins du Grand prêtre Éli, qui l’initia à ses futures fonctions de prophète et de juge, mais Dieu veilla mieux encore que les hommes à son éducation prophétique, et le jeune homme apparut comme prophète et comme juge devant le pontife dont Dieu lui avait révélé les faiblesses et le châtiment. Bientôt il se mit publiquement à la tête du peuple, et conserva pendant toute sa vie des fonctions dont il ne déposa entre les mains de ses indignes fils que la partie extérieure, formelle, et matérielle ; le crédit, l’autorité, il la conserva jusqu’à la fin, même sous le régime de la royauté. Son lieu de naissance, Rama, fut aussi le lieu dont il fit son domicile ordinaire ; cependant d’autres villes, Guilgal, Mitspa, Béthel, choisies peut-être moins à cause de leur position que parce qu’elles avaient été précédemment des lieux de culte et d’adoration, furent des centres réguliers d’activité pour Samuel, qui chaque année s’y rendait pour réunir le peuple, l’exhorter, ou exercer la justice.
Son influence sur les affaires publiques et sur l’état et la reconstitution d’Israël fut immense ; il renversa l’idolâtrie, réveilla, par ses actes comme par ses paroles, la crainte de l’Éternel, ranima l’esprit national, apaisa les rivalités de tribus, établit conformément au vœu populaire la royauté, qu’il renferma, par une charte réciproquement jurée, dans des limites destinées à garantir l’indépendance et la liberté de la nation contre les excès possibles du pouvoir ; il appuya le roi par ses conseils fondés sur la sagesse, la modération, la justice et l’esprit théocratique, qui devait présider à tous les actes du peuple juif ; il pourvut à ce que la nation fût heureuse après sa mort, et sacra roi David, qui devait mieux que Saül justifier la confiance dont on l’avait jugé digne ; il dirigea des écoles de prophètes et organisa cette institution, autant du moins qu’un ordre reposant sur l’inspiration divine peut être organisé par la main des hommes, et les prophètes furent dès lors un contrepoids donné aux empiétements de la royauté, comme au besoin une protestation vivante contre le relâchement et l’infidélité du sacerdoce régulier. Le sacre de David fut en quelque sorte le dernier acte politique de Samuel, qui mourut en paix dans un âge fort avancé, et fut pleuré de tout Israël (1 Samuel 28.1).
1°. La vie de Samuel a été une crise perpétuelle depuis les malheurs de la maison d’Éli, jusqu’à la chute de la maison de Saül. En politique, la royauté se substituait à la république aristocratique ; en religion, l’arche était déposée chez Abinadab, le tabernacle était tour à tour à Silo, à Nob, à Gabaon ; Akhimélec était souverain sacrificateur, et Samuel offrait le sacrifice, sacrait deux rois, jugeait le pays, opposait le prophétisme au sacerdoce, et méritait d’être nommé à côté de Moïse et d’Aaron (Psaumes 99.6). La splendeur du culte auquel il présidait, mais d’une manière extralégale, est rappelée (2 Chroniques 35.18).
2°. Accusé d’égoïsme par bien des commentateurs, Samuel se lave de ce reproche, par ses actes. On a voulu voir dans les objections qu’il fait à l’établissement de la royauté, dans son opposition à Saül, dans l’élection de David, autant de preuves d’égoïsme, d’amour-propre et de recherche de soi-même. Mais si l’on se rappelle le temps où il a vécu ; si l’on tient compte des circonstances extraordinaires qu’il a traversées et qui nécessitaient des mesures extraordinaires ; si l’on réfléchit que les tribus, divisées entre elles, n’étaient unies par aucun lien commun, et que leurs dissensions maintenaient le pays dans un état de continuelle agitation ; si l’on oppose le courage tranquille, l’esprit de sagesse et de courageuse persévérance, les grandes vues, et la fermeté d’exécution des plans de Samuel, à la fougue brutale et à l’orgueilleux arbitraire de la conduite de Saül ; si l’on réfléchit combien la déchéance de Saül et son remplacement par David ont été merveilleusement justifiés par leurs conséquences ; si l’on reconnaît enfin que Samuel n’avait rien à gagner à l’élection de David qui ne devait monter sur le trône qu’après sa mort, et qu’il compromettait au contraire la paix de ses vieux jours par cet acte solennel d’opposition, on se fera une idée de ce que vaut le reproche fait à Samuel d’avoir été dur, barbare, arbitraire, égoïste, intéressé, on comprendra ce que valent les jugements du rationalisme extrême dont l’Allemagne semble avoir seule le monopole. Le peuple, et c’est beaucoup dire, rendit a Samuel un tout autre témoignage que cette espèce de savants théologiens (1 Samuel 12.3), et ce peuple avait connu le joug de Samuel ; il jugeait en connaissance de cause.
3°. Samuel est le même depuis sa naissance jusqu’à sa mort ; il semble qu’au milieu de tous les changements dont il est témoin, seul il ne change pas ; calme et tranquille, ferme, prudent, il se montre un homme de foi jusque dans les plus petits détails de sa conduite ; il annonce les oracles de Dieu, mais il ne fait rien pour en procurer l’accomplissement ; il communique à Éli les menaces divines, mais il ne change rien à ses rapports avec son vieux maître ; il rejette Saül devant les anciens du peuple, mais il évite de l’humilier ; il oint David pour succéder à Saül, mais il se retire en sa ville, laissant à Dieu le soin de faire triompher le jeune berger ; actif pour ce qu’il doit faire, passif pour le reste, il se montre sans fraude et réalise le type du chrétien. Les luttes politiques ne l’intéressent pas ; il défend la théocratie pied à pied ; lorsqu’elle est renversée, il soutient la monarchie dont il sacre le premier roi ; il passe de Saül à David, se bornant à constater ce changement de dynastie, cette révolution, et ne reconnaît de légitime que le roi théocratique, obéissant et fidèle. La forme du gouvernement lui importe peu, il les sert tous, mais il les veut tous soumis au roi des rois, le maître de tous. C’est le principe évangélique (Romains 13.1).
4°. Sur l’évocation de l’ombre de Samuel, voir Pythonisse.
5°. On lui attribue la composition des livres de Ruth, Juges, et 1 Samuel 1-6, ou 1-13, voir les différents articles.
6°. Son nom est rappelé, outre les passages cités, par Jérémie, Pierre et Paul qui le citent à l’égal de Moïse, le placent parmi les plus grands hommes d’Israël et caractérisent par son nom toute une époque (Jérémie 15.1 ; Actes 3.24 ; 13.20 ; Hébreux 11.32).
Livres de Samuel, Les deux livres connus sous le nom du juge-prophète n’en formaient qu’un dans le canon juif ; ce sont les Septante qui les partagèrent en deux parties ; la Vulgate suivit cet exemple, qui fut depuis, à cause de la division plus commode en chapitres et versets, adopté même pour nos versions hébraïques, mais seulement depuis Bomberg. Les Septante appelèrent ces livres premier et second livre des Rois ; la Vulgate latine imita son original grec, mais le nom primitif, le nom par lequel les Hébreux désignaient ce livre, est celui de Samuel, non qu’il se rapporte à l’auteur, ou qu’il caractérise tout le contenu du livre et qu’il en épuise la matière, mais parce qu’il commençait par l’histoire de Samuel, et que Samuel en était le principal personnage, celui dont le rôle était le plus important (cf. 1 Chroniques 29.29).
Les livres de Samuel reprennent l’histoire là où celui des Juges s’arrête, et la poursuivent jusqu’au point où ceux des Rois la continuent. Diverses sources ont été consultées pour la composition de ces livres, des recueils de poésies, des ouvrages prophétiques, et les annales du royaume. On est assez d’accord à penser que plusieurs auteurs ont travaillé à la rédaction du premier livre de Samuel. Selon Grégoire le Grand, Théodoret et Procope, Samuel aurait composé lui-même les vingt-cinq chapitres qui racontent sa vie, mais les éloges nombreux qui lui sont donnés ne seraient guère bien placés dans sa bouche ou sous sa plume. Quant à ceux qui attribuent à David la composition des chapitres suivants, Isidore, etc., la formule fréquemment employée « jusqu’à ce jour », semble s’opposer à leur opinion, dans les passages surtout où certains actes de David sont racontés comme ayant laissé un long souvenir qui ne pouvait évidemment pas s’éteindre de son vivant (1 Samuel 27.6 ; 30.24-25). Il semble qu’en faisant allusion aux livres de Samuel le passage (1 Chroniques 29.29), doive nous mettre sur la voie, et l’on ne risquera pas beaucoup de se tromper en admettant que Samuel a écrit les choses qui se sont passées sous Éli et sous son propre gouvernement, que Gad et Nathan ont écrit celles qui ont eu lieu dans les règnes de Saül et de David, et qu’un homme pieux et inspiré, Jérémie ou Esdras, en travaillant à conserver les souvenirs de l’histoire d’Israël, a rédigées, mis en ordre, peut-être annoté, les ouvrages des prophètes, historiens des temps passés.
Bien que trois biographies forment le fond des deux livres de Samuel, il est aisé de voir que ce n’est pas dans un intérêt biographique qu’ils ont été composés ; les noms de Samuel, de Saül et de David appartiennent à l’histoire théocratique ; leur prospérité et leurs revers renferment des enseignements publics qui ne se comprennent qu’au point de vue théocratique. Dieu est le roi. David commet de plus grandes fautes à nos yeux que Saül, et il en est puni par de grands malheurs, mais ces malheurs sont individuels comme sa faute ; Saül perd son trône, parce que son péché est un acte de rébellion contre son Roi, contre Dieu. Saül a péché comme roi, et c’est comme tel qu’il est puni ; David pèche comme homme, et n’est puni qu’en cette qualité. Les livres de Samuel ne sont bien compris que si l’on se rappelle la royauté de celui qui est le maître de toutes choses, et qui avait spécialement voulu être le maître d’Israël. Ils sont riches en détail, et leur lecture offre à tous les esprits l’intérêt le plus grand et le plus soutenu.
Le gouvernement de Samuel nous apparaît dans l’histoire des Hébreux comme un moment de calme entre deux orages, entre la judicature du faible Éli et le règne de l’infidèle Saül ; il reçoit l’héritage vermoulu d’un pontife sans force, et il n’a pas eu le temps d’en réparer les brèches qu’il doit déjà le transmettre à un roi sans obéissance, dont il ne peut prévenir les fautes ; il accepte la conduite d’un peuple négligé par son prédécesseur, et dévoué d’avance à son successeur, et pourtant il se charge avec joie de la tâche qui lui est confiée, et se consacre à une œuvre dont il sait qu’il ne recueillera pas les fruits.
Samuel doit être placé auprès de Moïse (Jérémie 15.1 ; Psaumes 99.6), et de David ; ces trois hommes sont les astres les plus brillants du ciel historique des Israélites ; les miracles et les exploits de Moïse, de même que les guerres de David et la majesté de son trône, entourent peut-être ces deux derniers d’une plus belle auréole, mais l’influence de Samuel et son activité, pour n’avoir été que d’une nature religieuse, normale, civile, n’en a pas moins été puissante en Israël. Moïse avait donné les préceptes de la loi, Samuel les fit pénétrer dans la vie du peuple. Moïse avait donné les formes, Samuel donna l’esprit, sans lequel la forme conduit à la superstition ; David comprit l’un et l’autre, et fut à la fois législateur et prophète d’Israël, vrai roi théocratique et bien-aimé de Dieu.
C’est à Samuel que les Hébreux doivent d’avoir été constitués en nation, d’avoir été élevés au rang de nation civilisée ; car on ne saurait donner ce nom aux tribus telles qu’elles existaient avant lui sous les juges. Avec Samuel, le peuple commence à se reconnaître, à avoir la conscience de lui-même, et les tribus s’unissent pour ne former qu’un seul corps ; l’isolement politique des diverses parties du pays disparaît. La loi divine, comme nous avons eu souvent l’occasion de le voir, n’avait pas encore pénétré les esprits ; Samuel fait ce qu’il peut pour les nationaliser, si l’on peut s’exprimer ainsi, et ses efforts sont couronnés ; des écoles de prophètes sont établies, et leurs élèves deviennent pour le corps social et ecclésiastique de la nation ce que sont pour le corps humain les nerfs qui conduisent les esprits vitaux. Pendant l’espace de sept siècles, il en sort une succession, non interrompue de prophètes jusqu’à Malachie, et Pierre voit en Samuel le chef de ce divin ministère (Actes 3.21).
Il commença sa carrière dans le temps de la plus grande décadence, et l’on ne peut savoir ce que le peuple serait devenu sans lui. Les Philistins étaient les maîtres de la plus grande partie du pays ; les Hébreux, découragés, étaient dans un profond abaissement ; le sort de Samson prouvait que la régénération d’Israël ne pouvait être opérée par un homme semblable aux autres juges, mais qu’on avait besoin d’un remède plus général, plus profond, plus intérieur, et que la restauration nationale devait être basée sur une réformation religieuse.
C’est qu’aussi la religion même semblait ne plus se trouver nulle part en Israël. Le mal, comme une gangrène, avait envahi jusqu’au sanctuaire ; la parole de l’Éternel était rare en ces jours-là, et il n’y avait point d’apparition, ni de vision ; Éli sans doute reconnaissait encore la voix de Dieu, mais ses fils faisaient mépriser le culte du Seigneur, qui déjà ne consistait plus que dans le matériel de quelques cérémonies. La mort du pontife, la défaite des Israélites, la perte de l’arche, furent le comble du malheur, et c’est aussi dès ce moment que date la renaissance ; l’activité de Samuel commence dès lors à se déployer et à s’accroître, tranquille mais profonde, lente mais toujours égale. Une seule victoire lui suffit pour humilier les Philistins pendant toute sa vie.
Ses voyages, ses visites dans toutes les parties du pays, les soins qu’il donnait avec tant de zèle au peuple qu’il voulait relever, amenèrent enfin Israël à un certain degré de prospérité nationale et de développement intellectuel et religieux ; mais Samuel était âgé, ses fils ne suivaient pas ses voies, et l’on s’en servit comme prétexte pour demander un roi. Il est vrai que les craintes des Israélites n’étaient pas sans fondement ; on pouvait prévoir qu’après la mort de Samuel les Philistins reprendraient courage, et que les tribus réunies par sa puissante autorité, se dissoudraient ou se désuniraient de nouveau lorsque les unes ou les autres auraient été attaquées par l’ennemi.
Il était nécessaire de prendre des mesures pour éviter que tous les avantages obtenus par Samuel ne fussent pas perdus en peu de temps. Mais il ne fallait pas pour cela un roi « comme en ont les autres nations » ; on n’avait qu’à s’attacher sincèrement à la constitution théocratique donnée par Moïse, dans laquelle la sagesse de son auteur avait assez eu égard à l’union des forces nationales et à leur facile concentration sans l’intervention de la royauté. L’organisation nationale, qui jusqu’alors avait été patriarcale, devait être remplacée par une organisation plus civilisée ; mais celui qui s’était manifesté d’abord comme Père suprême, pouvait également, pour une nation plus avancée dans son développement, se manifester comme seul et vrai roi. Les Hébreux montrèrent donc dans cette occasion combien peu ils étaient pénétrés de l’esprit de la révélation divine ; ils voulaient un roi en dépit de la volonté et de la miséricorde célestes, qui leur avaient donné un esprit directeur et organisateur, se manifestant dans le sanctuaire de son tabernacle. Samuel dut céder à leur obstination : Dieu leur donnait un roi dans sa colère (Osée 13.11).
Maintenant que le vœu du peuple est exaucé ; maintenant que, selon ses désirs, une royauté politique a remplacé la royauté théocratique, nous verrons si des jours plus heureux se lèveront pour cette pauvre nation tourmentée depuis des siècles. Dieu continuera d’en être le vrai souverain, le pays sera toujours le royaume de l’Éternel (1 Chroniques 28.5) ; la révolution s’est faite avec la permission divine, et c’est le grand Samuel qui a sacré les deux premiers rois de la jeune monarchie. Celui qui se manifestait par les prophètes, les pontifes ou les juges, se manifestera toujours, mais par l’intermédiaire des rois ; la théocratie subsistera toujours, mais sous une autre forme dont le peuple s’est promis des avantages merveilleux ; l’histoire montrera si cette nouvelle forme sera favorable à la nation, si la prospérité sera plus grande, la piété plus sincère. Dieu est toujours le même, il ne s’est pas opposé au changement voulu par les Israélites ; il a même promis de les bénir s’ils sont fidèles, il ne leur demande pas autre chose ; de beaux jours peuvent commencer. Si l’histoire du royaume est moins glorieuse, moins heureuse que l’histoire ancienne d’Israël, ce n’est point parce que c’est un royaume, c’est parce que le cœur s’est corrompu, parce que Dieu a été oublié.