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Nom sous lequel furent généralement désignés, après l’exil, les habitants du centre de la Palestine, de la Samarie, soit qu’ils fussent entièrement d’origine païenne, comme le pense Hengstenberg, soit qu’ils descendissent, par des mariages mixtes, des colons assyriens transplantés sur le sol d’Israël, et des misérables Juifs que Shalmanéser avait laissés dans leur pays, ne jugeant pas qu’il valût la peine de les transporter (2 Rois 17.24-29). Au fond, et quels que fussent leurs rapports de consanguinité avec les Juifs, les Samaritains furent païens dès le principe, et le restèrent longtemps ; l’historien sacré pense si peu à en faire des Juifs, ou même des demi-Juifs, qu’il insiste sur la nature et la spécialité des dieux qu’ils adoraient, distinguant leurs dieux les uns des autres ; Jéhovah, qu’ils adorèrent aussi, ne fut pour eux qu’un dieu de plus, le dieu du pays, et ils n’eurent garde de lui manquer, mais voilà tout. Lorsque les Juifs revinrent de la captivité, les Samaritains leur offrirent de rebâtir le temple, la ville et les murs de Jérusalem, de concert avec eux ; mais Zorobabel et Joshua, se souvenant que Dieu n’aime pas les cœurs partagés, rejetèrent leur demande ; irrités et blessés de ce refus, ils s’opposèrent dès lors, de toutes leurs forces, à la construction du nouveau temple, et réussirent, par leurs délations et leurs calomnies, à faire interrompre les travaux jusqu’en la deuxième année de Darius Hystape (230 av. J.-C., Esdras 4 ; Néhémie 4).
Néhémie sut briser les obstacles qu’ils accumulèrent sur sa route. Mais ces luttes eurent pour résultat d’aigrir toujours plus l’une contre l’autre deux populations qui n’avaient déjà pas trop de raisons pour se voir d’un bon œil, et l’irritation finit par une scission complète, politique et religieuse. Les Samaritains élevèrent sur le mont Garizim, près de Sichem, un temple rival de celui de Jérusalem, et y établirent leur culte ; ce fut au temps d’Alexandre le Grand. Manassé, frère du souverain sacrificateur Jaddaeus, ayant épousé la fille de Samballat, le gouverneur persan, se retira dans la Samarie avec un grand nombre de Juifs qui avaient, comme lui, épousé des femmes païennes au mépris de la loi de Moïse, et qui refusaient de s’en séparer ; avec la permission d’Alexandre, ils bâtirent leur temple, et Manassé en devint le premier prêtre ; c’est peut-être de lui qu’il est question (Néhémie 13.28), quoique son nom ne soit pas indiqué. Dès lors la haine nationale s’accrut au point qu’il n’y eut plus, entre les Juifs et les Samaritains, aucune communication.
Une malédiction prononcée publiquement à Jérusalem contre ces derniers, interdit aux Juifs toute relation avec eux, déclara aussi impures que la chair du porc toutes les productions de leur pays, et leur refusa même le droit dont jouissaient tous les autres peuples païens, d’embrasser, en qualité de prosélytes, la religion judaïque (voir Jean 4.9-27). Le nom de Samaritain devint, parmi les Juifs, une injure (8.48), et l’on voit des Samaritains refuser de recevoir Jésus, parce qu’il se rendait à Jérusalem pour y faire la pâque (Luc 9.32-56). Notre Seigneur, par ses actes, a protesté contre ces haines nationales, quelque justifiées qu’elles pussent paraître, et, non seulement il a accepté l’hospitalité que lui offrirent des Samaritains dont la foi le reconnaissait pour le Sauveur du monde (Jean 4.40-42), mais il avait auparavant envoyé chez eux ses disciples pour acheter des vivres (v. 8).
Sous Alexandre, les Samaritains, avec Sichem, leur capitale, furent sujets macédoniens ; à sa mort, ils partagèrent le sort du reste de la Palestine, mais esquivèrent, sous Antiochus Epiphanes, les mauvais traitements de la domination syrienne, en consacrant leur temple à Jupiter Hellénius. Plus tard, le roi juif Jean Hyrcan s’empara de la Samarie, prit Sichem, détruisit le temple qui subsistait depuis deux siècles, et finit par démolir la ville même de Samarie. Sous le roi juif Alexandre, la Samarie fut de nouveau le théâtre de la guerre ; elle retomba au pouvoir des Juifs jusqu’au moment où Pompée vint rétablir l’indépendance des Samaritains. Cette période romaine ne fut pas plus favorable à l’une qu’à l’autre des deux nationalités ; la Samarie devint une province du royaume d’Hérode, qui en rétablit la capitale, et la peupla de soldats. Pendant les dix années suivantes, elle appartint à Archélaüs, puis fut donnée à la Syrie. Sujets immédiats de Rome, les Samaritains eurent quelquefois l’occasion d’éprouver la dureté de leurs chefs provinciaux ; mais il faut avouer aussi qu’ils surent la mériter. Claude ne fit des Juifs et des Samaritains qu’un lot, qu’il adjugea à Hérode Agrippa, que Caligula avait déjà établi roi sur le nord de la Palestine. Ces rapports ne durèrent que peu d’années, et la Samarie, séparée de la Judée, fut associée dans son histoire aux autres provinces romaines de l’Asie antérieure.
Depuis la destruction du temple des Samaritains, la montagne de Garizim, sur laquelle ils l’avaient bâti, continua d’être pour eux un lieu saint, le centre de leur culte, bien qu’ils possédassent, en d’autres endroits, des maisons de prières ; ils avaient abandonné le culte des faux dieux, ils adoraient l’Éternel, mais ils ne le connaissaient pas. Comme les Juifs, ils attendaient le Messie, et Jésus a trouvé parmi eux beaucoup de personnes bien disposées (Jean 4 ; Luc 17.11-20). On pourrait presque conclure de quelques-uns de ces passages (voir surtout Luc 10.33), que la haine nationale était moins forte chez eux que chez les Juifs, et que les intolérantes mesures de ces derniers continuaient seules à maintenir entre les deux peuples une barrière que les Samaritains auraient aimé à voir tomber.
La principale erreur théologique que les Juifs leur reprochaient, c’était le rejet de tous les livres canoniques de l’Ancien Testament, à l’exception de la loi. Les Samaritains ne recevaient, en effet, que le Pentateuque ; ils rejetaient tout le reste, et surtout, ce que les pharisiens ne pouvaient leur pardonner, ils rejetaient les traditions rabbiniques. En tout cas, ils s’attachaient avec conscience à l’observation de ce qu’ils connaissaient de la loi divine, et ce qu’ils y ajoutèrent quelquefois ne peut être considéré que comme une interprétation spirituelle des passages de leur livre. Ils furent les premiers, après les Juifs, à recevoir l’Évangile, et l’on reconnaît en eux, à l’époque de Jésus, un peuple qui, dans le sentiment de sa misère, éprouvant le besoin d’un réparateur, cherche le remède à ses maux auprès des magiciens et des faux prophètes, avant que de le trouver auprès de celui qui est la vraie puissance de Dieu (Actes 8, et 9).
Les Samaritains prirent les armes avec les Juifs contre Vespasien. Sous Justinien, ils persécutèrent les chrétiens de la manière la plus cruelle. Plus tard, ils furent dispersés dans plusieurs villes de la Palestine. De nos jours, ils sont fort peu nombreux ; leur secte compte environ cent cinquante adhérents à Sichem, quelques familles à Jaffa, qui se distinguent par une vie paisible et exemplaire. Ils observent la loi mosaïque plus fidèlement même que les Juifs, célèbrent annuellement le sacrifice de la Pâque dans leur temple ou sur le mont Garizim, et ont un souverain pontife qui descend, à ce qu’ils assurent, de Manassé. Leur physionomie n’est pas juive. Autour d’eux, des mahométans sont établis comme maîtres du territoire ; protégés par leurs montagnes escarpées et leurs étroits défilés, vivant dans des bourgs situés comme des forteresses sur le sommet des collines, ils sont plus à l’abri des incursions des Arabes que les habitants d’aucune autre partie de la Palestine, et ils jouissent, ainsi que les Druzes et les Maronites dans les hautes vallées du Liban, d’une grande liberté politique.
Ils se distinguent par leur amour de l’indépendance, sont toujours armés dans les campagnes, n’obéissent qu’à la force, et sont constamment prêts à se révolter contre les pachas. Sichem, en particulier, forme, avec une centaine de villages voisins, un petit état qui est gouverné par ses propres chefs, et qui peut mettre sur pied une armée de 6000 hommes. Leur riante et fertile contrée est trois fois plus peuplée que la Judée ; elle possède 225 habitants par km carré, autant que le Liban. Enfin, ils sont aussi intolérants que l’étaient leurs prédécesseurs au temps de Jésus-Christ, et ils ne souffrent pas aisément des Juifs et des chrétiens parmi eux.
On trouve dans les Juifs d’Europe et de Palestine, d’intéressants détails sur la Samarie et ses habitants ; la visite des pieux voyageurs à la synagogue de Sichem, et quelques détails sur le Pentateuque samaritain qui leur fut montré, et qu’on leur dit avoir été écrit, il y a 3000 ans, par Abisuah, fils de Phinées, méritent particulièrement d’être lus. La langue dans laquelle est écrit ce vieux monument de leur foi, est un dialecte qui tient le milieu entre l’hébreu et l’araméen, et qui trahit par la présence de mots assyriens que les grammairiens désignent sous le nom de cuthéens, une origine moins ancienne que celle qu’on se plaît à leur assigner. Ce Pentateuque, quelle que soit son antiquité, ne saurait être plus ancien que les Samaritains eux-mêmes, et remonte tout au plus au retour de l’exil.