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Secte juive fréquemment mise en scène dans le Nouveau Testament comme hostile aux pharisiens, mais se liguant avec eux dans une commune hostilité contre l’ennemi commun, Jésus-Christ, qui venait renverser les superstitions des uns et l’incrédulité des autres (Matthieu 3.7 ; 16.1-6, 12 ; 22.23 ; Luc 20.27 ; Actes 4.1 ; 5.17 ; 23.7). Ils faisaient dériver leur nom de Tsadoc, disciple d’Antigone de Socho, et l’on prétend que c’est la doctrine de ce dernier qui avait engagé Tsadoc à quitter son école et à se faire chef de secte. Antigone, par un excès de spiritualité, en était venu à exagérer l’amour pur, ou du moins, s’il ne l’avait pas exagéré, il l’avait présenté sous un faux jour : Travaillez, disait-il à ses disciples, travaillez non point comme des serviteurs en vue des récompenses, mais obéissez à Dieu sans vue d’intérêt et sans espérer aucune récompense de vos travaux ; que la crainte du Seigneur soit sur vous. Tsadoc, dit-on, en conclut fort à tort, qu’il n’y aurait pas de rétributions dans l’autre monde, par conséquent aussi pas de vie future. Ce qu’on sait des rapports d’Antigone et de Tsadoc est au reste fort confus et ne semble pas justifier cette origine des sadducéens ; il est plus probable que ces sectaires, qui se seraient réunis d’une manière beaucoup plus simple et par la seule sympathie de l’incrédulité, auront fini lorsqu’ils auront eu l’idée de se constituer en confrérie, par rechercher un nom célèbre auquel ils pussent se rattacher, et qui pût leur servir de base et de point d’appui ; une parole de Tsadoc, interprétée d’une manière favorable à leur système, aura servi de transition entre les fils et le père supposé.
Les rabbins nous apprennent déjà dans le Talmud que Esdras avait ordonné que toutes les prières faites au temple, finissent par la formule « aux siècles des siècles » ; il l’aurait fait pour exprimer la foi dans la parole divine qui nous enseigne qu’il y a un monde à venir, et pour protester ainsi publiquement contre certaines doctrines qui tendaient à se glisser dans la congrégation juive, renversant l’espérance d’un monde futur et de l’éternité. Le mot hébreu tsaddik signifiant juste, quelques-uns ont pensé aussi que le nom de sadducéens pouvait en dériver, et qu’ils avaient choisi les idées morales au lieu des idées religieuses pour leur drapeau. Quoi qu’il en soit, il est probable que les sadducéens ont emprunté leurs principes aux idées philosophiques qui se sont fait jour dans l’Asie antérieure depuis les conquêtes d’Alexandre le Grand ; l’existence de la secte des pharisiens a peut-être aussi contribué à provoquer celle des sadducéens ; un extrême en provoque un autre ; le bigotisme engendre l’incrédulité, et la foi est au milieu, au-dessus de l’un et de l’autre.
Quant à leur doctrine, elle n’avait rien de positif. Ils rejetaient les traditions, ils niaient l’immortalité de l’âme, la résurrection, les rétributions finales, l’existence des esprits, des anges, des démons, etc. Selon eux, la providence divine n’entre pas dans tous les détails de la vie humaine, l’homme ne dépend que de lui-même ; on voit que c’est une irréligion complète que représentait cette secte. Le passage de Josèphe (Archéol. 18.1-4), a fait croire qu’ils ne s’attachaient qu’aux cinq livres de Moïse, et qu’ils rejetaient tous les autres livres de l’Ancien Testament ; mais comme dans ce passage la foi est opposée aux traditions, il est probable que Josèphe a voulu désigner tout l’Ancien Testament, la parole écrite, par opposition à la tradition orale ; c’est l’opinion d’Olshausen et de Winer. Il serait difficile, en effet, de comprendre qu’en rejetant des livres aussi respectés des Juifs, et en se plaçant au niveau des Samaritains quant à leur canon, ils eussent été admis à siéger au sanhédrin comme ils le faisaient (Actes 23.6 ; etc.).
Les sadducéens étaient peu nombreux ; ils se trouvaient presque exclusivement dans les hautes classes de la société ; c’étaient les riches et les puissants, ceux qui étaient contents de ce monde et qui n’en voulaient pas d’autre ; c’étaient les esprits forts, les incrédules, qui appartiennent à tous les temps, qui ont été représentés au dernier siècle par l’Encyclopédie, et qui sont représentés de nos jours par les rationalistes de cœur, dans toutes les classes et dans toutes les communions chrétiennes, par ces hommes incrédules, légers, se moquant de tout, tels que toutes les paroisses en présentent un nombre plus ou moins grand. Il est probable que la parabole de Lazare et du mauvais riche (Luc 16.19-31), avait spécialement cette secte en vue. Les sadducéens, du reste, ne formaient pas un corps organisé comme les pharisiens ; le bigotisme peut avoir ses confréries, mais il n’y a pas de lien pour les incrédules ; ils n’étaient unis que par une identité de principes et de sentiments. Ils disparaissent de l’histoire après la destruction de Jérusalem.