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Roi, royauté, royaume
Dictionnaire Biblique Bost

Dieu fut toujours le roi réel des Juifs sous les diverses formes de leur gouvernement, sous Moïse qui, avec l’empire le plus absolu, rappelait cependant un régime républicain, le régime des doges, sous le commandement militaire de Josué, sous la dictature des juges, et même après l’établissement de la royauté. L’état normal d’Israël était la liberté dans la théocratie ; Israël devait être un état libre et indépendant, gouverné de Dieu par l’intermédiaire des prêtres et des prophètes. Cet idéal ne fut jamais réalisé, et, si quelques époques de la vie de ce peuple rappelèrent de loin cet idéal, ce fut dans la période des juges, et sous sa forme la plus repoussante, celle de l’anarchie. Le législateur avait prévu cependant qu’un jour ou l’autre, le peuple dégoûté de l’anarchie, de la liberté, ou de la théocratie, se laisserait entraîner à demander un roi, et il avait tracé (Deutéronome 17.14-20), les règles dont le peuple et le roi devraient se souvenir lorsque le moment serait venu où ce désir que Moïse blâme, sans l’interdire, recevrait son accomplissement. On a voulu voir, dans ces préceptes relatifs à la royauté, une interpolation postérieure, soit parce que ni le peuple, ni Samuel, ne font d’allusion à ce passage lors de l’établissement de la royauté (1 Samuel 8), soit à cause de certains détails qui paraissent être, une allusion au règne de Salomon (Winer, De Wette) ; Staùdlin et Haevernick ont maintenu l’intégrité du texte du Deutéronome, et ne laissent aucun doute sur ce sujet.

Les pleins pouvoirs temporaires des juges étaient une espèce de royauté temporaire ; en offrant à Gédéon l’hérédité de cette charge dans sa famille (Juges 8.22), les Israélites montraient déjà cet impérieux besoin de ressembler aux autres nations, dans leur constitution civile, comme dans leurs mœurs et dans leur religion ; Gédéon, en refusant la royauté, paraît la regarder comme antinationale, et contraire à l’esprit de la loi mosaïque. Le jour vint néanmoins où le vœu populaire ne permit plus à Samuel de reculer. On voulut avoir un roi « comme les autres peuples », paroles qui renferment en elles-mêmes leur condamnation. Dieu accéda à ce vœu dans sa colère, jusqu’à ce que, dans sa fureur, il brisa de nouveau cette unité factice.

Saül fut sacré par Samuel, le premier des rois par le dernier des grands hommes de la république d’Israël. Le droit du royaume (1 Samuel 10.25), n’est pas mentionné dans le Deutéronome ; on peut supposer qu’il n’était que le développement des droits du peuple et des droits du roi, énumérés (Deutéronome 17.et 1 Samuel 8). Le roi, malgré son titre, n’avait rien d’absolu ; régnant sous une constitution théocratique, il ne devait être que le premier représentant de l’Éternel, du roi céleste, lié par sa loi souveraine, et chargé de la faire observer ; il conservait le caractère de roi théocratique, et, dans certains cas, l’Urim et le Thummim, un prophète, ou un autre intermédiaire choisi de Dieu, décidaient des choses que le roi devait considérer et exécuter comme la volonté suprême du Roi des rois (1 Samuel 28.6 ; 30.7 ; 2 Samuel 2.1 ; 1 Rois 22.7 ; etc.), Dieu continuait donc de se manifester et d’agir directement.

En réalité, cependant, cette intervention immédiate finit par n’être plus que nominale ; les rois d’Israël s’arrogèrent l’omnipotence ; ils prirent sur eux de déclarer la guerre ou de faire la paix (1 Samuel 11.5) ; ils jugèrent en dernière instance, et s’attribuèrent le droit de grâce (2 Samuel 14 ; 15.2 ; 1 Rois 3.16). Ils se considérèrent comme les protecteurs et les chefs suprêmes du culte (1 Rois 8 ; 2 Rois 12.4 ; 18.4 ; 23.1), et conduisirent, en général, eux-mêmes leurs troupes à la bataille (1 Samuel 8.20). Un contrepoids au despotisme se trouvait, soit dans les capitulations que les rois devaient souscrire avant leur élection, soit dans la constitution des tribus, dont les chefs réunis formaient une sorte de représentation nationale (1 Samuel 10.25 ; 2 Samuel 5.3 ; 1 Rois 12.4 ; 2 Rois 11.17 ; 1 Chroniques 4.42 ; cf. 13.2 ; 29.1) ; quelquefois aussi le peuple intervenait directement contre certains actes, et se faisait écouter (1 Samuel 14.45). Enfin, les prophètes que Samuel avait établis comme les conservateurs vigilants du régime théocratique, et dont il avait fait un ordre que Dieu renouvelait toutes les fois que cela devenait nécessaire, les prophètes s’opposaient aux envahissements de l’arbitraire et du despotisme, les uns en profitant de leur position à la cour comme conseillers intimes, Nathan, Ésaïe, les autres en se procurant des audiences spéciales (1 Rois 20.22-38 ; 2 Rois 1.15) ; d’autres fois enfin, en flétrissant publiquement des mesures illégales, et en s’opposant à leur exécution. Mais ces moyens de détail, ces garanties de circonstance, n’empêchèrent pas toujours les empiétements et les excès du despotisme ; on vit des règnes entiers se soustraire à l’influence théocratique.

La légitimité de la famille de Saül commença avec lui et finit avant lui. Avant la mort de Saül, David commençait déjà une nouvelle légitimité qui ne devait cesser qu’avec le royaume. Le fils aine paraît presque toujours avoir succédé de droit à son père (2 Chroniques 21.3), et avoir pris les rênes de l’État même avant l’âge de majorité (2 Rois 11.21). On ne voit nulle part exprimée l’idée d’une régence à l’égard d’un roi mineur, à moins qu’on ne veuille donner ce nom aux soins paternels dont Joas, le roi de sept ans, fut entouré pendant la vie de celui qui l’avait soustrait aux fureurs de Athalie. Parfois cependant, en dépit du droit d’aînesse, le roi choisissait librement parmi plusieurs fils celui qui devait régner après lui (1 Rois 1.17-20 ; 2 Chroniques 11.22). Plus tard, à l’époque de la décadence, la volonté du peuple, ou l’influence étrangère des puissances voisines, contribua à faire des rois en modifiant la ligne de succession sans toutefois sortir de la descendance directe (2 Rois 21.24 ; 23.30-34 ; 24.17).

Dans le royaume d’Israël, le premier roi, Jéroboam, fut choisi et annoncé par un prophète (1 Rois 11.31) ; mais le trône devait être héréditaire dans sa famille et passer soit au fils, s’il en avait, soit au frère du monarque (2 Rois 3.1) ; mais les continuels changements de dynastie laissent à peine apercevoir la succession naturelle, et le choix du peuple intervint de bonne heure dans les élections (1 Rois 16.21). Dans l’antiquité, l’on regardait à la taille et à la beauté du roi qu’on choisissait (1 Samuel 10.23 ; Ézéchiel 28.12 ; cf. Psaumes 45.2). Il fallait en outre, chez les Hébreux, que le roi appartînt à la nation (Deutéronome 17.13). Ceux qui ouvraient une nouvelle dynastie cherchaient souvent à la consolider par l’entière destruction de la famille déchue (1 Rois 16.11 ; 2 Rois 10.11-17 ; 11.1). (Les nations modernes ont remplacé la mort par le bannissement ; on a banni les familles de Charles X, de Napoléon, de Louis-Philippe ; l’exécution du duc d’Enghien, et la lente mort du duc de Reichstadt, pourraient peut-être seules rappeler ces anciennes exterminations).

Les premiers rois, Saül, David et Salomon furent solennellement sacrés par des prophètes ou des souverains sacrificateurs (1 Samuel 9.14 ; 10.1 ; 13.1-17 ; 16.12 ; 2 Samuel 2.4 ; 5.3 ; 1 Rois 1.34-39 ; 5.1) ; les seuls dont plus tard le sacre soit également mentionné, sont Joas, après l’usurpatrice Athalie, Joachaz, fils de Josias, que le peuple fit monter sur le trône, et en Israël, Jéhu, le chef d’une nouvelle dynastie (2 Rois 11.12 ; 23.30 ; 9.1) ; le sacre paraît donc n’avoir été renouvelé que pour ceux dont la succession n’était pas tout à fait régulière et légitime ; il sanctionnait une élection qui avait besoin de se faire reconnaître. Le nom d’oint du Seigneur, ou simplement oint, était, dans le style élevé, donné à tous les rois légitimes, alors même que la cérémonie du sacre n’avait pas été nécessaire pour valider leur couronnement (1 Samuel 2.10-35 ; 16.6 ; 24.7 ; 26.16-23 ; 2 Samuel 19.21 ; 22.51 ; Psaumes 2.2 ; Lamentations 4.20). On ne voit pas qu’il y eût d’autres cérémonies prescrites pour célébrer un avènement au trône ; le peuple témoignait sa joie par des cris, de la musique et des sacrifices ; le roi montait sur sa monture, et les acclamations l’accompagnaient à sa sortie (1 Rois 1.25,38, 40 ; 1 Samuel 10.24 ; 2 Rois 9.13 ; 11.14 ; 2 Chroniques 23.11).

Quant au costume du roi, outre la magnificence de ses vêtements, et les ornements, bracelets (2 Samuel 1.10 ; etc.), dont il était couvert, on distinguait comme les attributs de sa charge le diadème (2 Samuel 1.10 ; 2 Rois 11.12), la couronne ornée de pierre précieuses (2 Samuel 12.30 ; Cantique 3.11 ; Ézéchiel 21.34), le sceptre (Ézéchiel 19.11), et le trône (Proverbes 16.12) ; on trouve la description du trône de Salomon (1 Rois 10.18 ; 2 Chroniques 9.17). Chez les Perses, le trône était un siège garni d’or, et si élevé qu’un marchepied était nécessaire pour y monter ; on peut supposer que celui de Esther 5.4.avait cette forme. Plus tard le manteau de pourpre fut ajouté aux vêtements royaux (Matthieu 27.28 ; Actes 12.21).

Les revenus des rois d’Israël, qui servaient indifféremment à l’entretien de leur cour et aux besoins du service public, provenaient, soit des dons volontaires et fréquents de leurs sujets (1 Samuel 10.27 ; 16.20 ; 2 Samuel 8.11 ; 1 Rois 10.25), soit de domaines, champs, jardins, vignobles, appartenant à l’État (1 Samuel 8.14 ; 1 Chroniques 27.26 ; 2 Chroniques 26.10), soit des confiscations (1 Rois 21.16 ; cf. Ézéchiel 46.18 ; 2 Samuel 16.4), soit de services de l’état (1 Rois 10.11-27 ; Amos 7.1), soit de corvées (1 Rois 5.13 ; 9.21 ; cf. 1 Samuel 8.13), soit d’impôts en nature perçus régulièrement sur le peuple, ou sur les pays conquis (1 Samuel 8.15 ; 17.23 ; Ésaïe 16.4). Il est parlé encore d’une espèce d’impôt foncier levé dans des moments de besoins extraordinaires (2 Rois 23.35) ; le roi, enfin, s’appropriait toujours dans les guerres heureuses une notable portion des dépouilles ennemies (2 Samuel 8.2), voir Butin, et Impôts.

Avec de pareilles sources de revenus on s’explique ces trésors royaux parfois si considérables, ces riches garde-robes, ces monuments, ces palais, ces jardins de plaisance, et ces riches et somptueuses tables auxquelles c’était un si grand honneur d’être invité comme convive ordinaire (1 Rois 2.7 ; 4.22 ; 7.1 ; 10.21 ; 14.26 ; 2 Samuel 9.7 ; 2 Rois 14.14 ; 10.22 ; 21.18 ; 28.4 ; Jérémie 39.4 ; 52.7 ; Daniel 5.1 ; Esther 1.3). Un harem nombreux ne tarda pas à faire partie des plaisirs des rois (2 Samuel 5.13 ; 12.8 ; 2 Chroniques 11.21 ; 1 Rois 11.1 ; 20.3) ; gardé par des eunuques, il appartenait à l’héritage du successeur ; celui qui s’en approchait et qui s’appropriait une des femmes du monarque, se posait en prétendant ; la déclaration d’amour devenait une déclaration de guerre ; Abner contre la famille de Saül, Absalom contre son père, Adonija contre son frère Salomon, manifestèrent de cette manière leurs prétentions à la couronne (2 Samuel 16.22 ; 1 Rois 2.17).

Les rois témoignaient leur bienveillance par de riches présents en argent, en armes ou en vêtements ; c’était une distinction particulière s’ils faisaient asseoir quelqu’un à leur droite (1 Rois 2.19). Le respect qu’on leur devait était très grand (Proverbes 24.21) ; on se jetait à terre devant eux, de telle sorte que le front touchât la poussière (1 Samuel 24.9 ; 25.23 ; 2 Samuel 9.6 ; 19.18) ; les femmes du roi elles-mêmes étaient obligées à de pareilles démonstrations (1 Rois 1.16) ; celui qui se trouvait sur le passage du roi, devait descendre de sa monture (1 Samuel 25.23). On embrassait les rois, et dans les rues ou dans les audiences, on leur criait des vivats et des vœux de prospérité (1 Samuel 10.24 ; Psaumes 2.12 ; Daniel 2.4 ; 3.9). On se faisait une haute idée de leur intelligence et de leurs facultés, et l’on cherchait à capter leur bienveillance quand on se l’était aliénée (2 Samuel 19.18-20).

À leur entrée dans les villes ils étaient reçus avec grande pompe (2 Rois 9.13 ; 1 Samuel 18.6). Les offenses à la majesté royale étaient punies de mort (1 Rois 21.10) ; si le coupable appartenait à la famille même du roi, on se contentait de l’éloigner de la cour (2 Samuel 14.24-28).

Les rois hébreux étaient d’ailleurs beaucoup plus populaires que tous les autres monarques de l’Orient ; ils se montraient fréquemment au milieu de leurs sujets, et se laissaient facilement aborder par eux (2 Samuel 19.8 ; 1 Rois 3.16 ; 20.39 ; 2 Rois 6.26 ; 8.3 ; Jérémie 38.7). À leur mort ils étaient déposés dans les sépulcres royaux, les rois de Juda étaient enterrés à Jérusalem (1 Rois 2.10 ; 11.43 ; 14.31) ; quelques rois vicieux furent cependant privés de cet honneur (2 Chroniques 28.27), ce qui ne va pas jusqu’à établir que les Israélites eussent, comme les Égyptiens, la coutume de juger les rois après leur mort ; ce pouvait fort bien n’être que l’explosion momentanée et spontanée de l’irritation publique. Entre eux, les rois s’honoraient par de riches présents (1 Rois 10.2), et par des ambassades n’ayant d’ordinaire qu’une mission spéciale de félicitations ou de condoléances (2 Samuel 10.2 ; 2 Rois 20.12).

Les principales charges de la cour étaient :

1°. Celle de grand maître (1 Rois 4.6 ; 18.3 ; 2 Rois 18.18 ; 19.2 ; Ésaïe 22.15) ; les portiers du palais (2 Rois 7.11), lui étaient subordonnés, et il avait l’inspection générale de tout ce qui concernait la maison royale ;

2°. Le percepteur des impôts, commis sur les tributs (2 Samuel 20.24 ; 1 Rois 4.6 ; 12.18 ; cf. 11.28).

3°. Le maître de la garde-robe, inspecteur du vestiaire (2 Rois 10.22).

4°. Le ministre ou commis des finances, intendant des villes, châteaux, vignobles, jardins de la couronne (1 Chroniques 27.5) ; il y avait douze directeurs des domaines dans les douze cercles du pays (1 Rois 4.7), et il est à croire que Chuzas et l’officier de Candace (Luc 8.3 ; Actes 8.27), remplissaient des fonctions de ce genre, à la fois inspecteurs, percepteurs, et payeurs. Les serviteurs du roi étaient en général des eunuques (2 Rois 8.6 ; Jérémie 52.25), de même que l’échanson (1 Rois 10.5 ; Esther 1.10). Ceux qui se tenaient près de la personne du roi, et dont parle Jérémie, étaient peut-être une classe spéciale de serviteurs ; peut-être aussi ces mots désignent-ils simplement les plus hauts fonctionnaires de la cour, ceux qui avaient l’honneur d’approcher le roi de plus près.

Il faut nommer encore les gardes du corps, chargés de pourvoir à la sûreté du château et du palais (2 Rois 11.5), de remplir l’office de bourreaux à l’occasion, et de faire exécuter les édits dans les provinces. Ce n’est que par exception que les princes du sang avaient quelquefois une garde (2 Samuel 15.1). Les Keréthiens et les Peléthiens mentionnés (2 Samuel 15.18 ; 20.7 ; 1 Rois 1.38-44), et réunis sous les ordres de Bénaïa (2 Samuel 8.18), comme gardes du corps de David, étaient peut-être des soldats appartenant à des tribus parentes des Cretois et des Philistins ; mais leur nom a aussi une signification particulière, et l’on peut traduire les exécuteurs et les courriers (karath signifiant tuer, et palath s’enfuir, se hâter, courir). On voit par 1 Rois 2.23-34.que les soldats du roi étaient souvent chargés des hautes-œuvres, de même qu’en Égypte et en Babylonie (Genèse 37.36 ; 40.3 ; 41.10 ; Daniel 2.14), et par 2 Chroniques 30.6, qu’ils faisaient l’office de messagers estafettes. Cette traduction est préférable à celle qui ferait de ces noms des noms propres ; on comprendrait difficilement en effet, que David se fût fait une garde de soldats étrangers et païens ; c’eût été une mesure anti théocratique et impopulaire au dernier point, et de nos jours, les quelques monarques qui se font garder encore, ou restaurer par des soldats étrangers, ont pu comprendre que c’est un danger plutôt qu’un secours. Voir Gouvernement, Israël, Juda, etc.

Livres des Rois. Composés d’après un grand nombre de sources qui sont indiquées au fur et à mesure, et qui ont presque toutes pour auteurs des prophètes, Nathan, Akhija, Iddo, Shemahia, Jéhu, etc., ces deux livres racontent l’histoire d’Israël et de Juda, depuis Salomon jusqu’à Sédécias et Jéhoïakhin, qui fut tiré de prison la trente-septième année de sa captivité, et vécut en liberté jusqu’au jour de sa mort, sous Evil-Merodac, roi de Babylone, qui lui accorda une pension. Ce dernier trait sert à fixer l’époque de la rédaction définitive de ces livres. On assiste à la mort de Jéhoïakhin ; il meurt sous Evil-Merodac, et, au dire de Bérose, rapporté par Josèphe, Evil-Merodac n’a régné que deux ans. La date est précise, ou à peu près. Or, sauf une mention incidente faite d’Urie (voir Jérémie 26.20), Jérémie est le seul prophète de cette époque, où les oracles de Dieu étaient rares. Jérémie paraît donc avoir été le collecteur-rédacteur de ces deux livres qui conduisent jusqu’à son temps, et le témoignage talmudique (Baba Bathra), qui n’est jamais complètement à mépriser, reçoit, dans ce cas particulier, la sanction de la vraisemblance et de toutes les probabilités réunies.

Les Livres des Rois sont placés, dans le canon hébreu, parmi les livres prophétiques (N’biim), ce qui suppose qu’au point de vue des Juifs ils jouissaient d’un haut caractère d’inspiration. Le style a beaucoup d’analogie avec celui de Jérémie, et les rapports sont souvent frappants, quelquefois textuels, cf. par exemple 2 Rois 17.10 ; Jérémie 2.202 Rois 25.1 ; Jérémie 39.12 Rois 17.14 ; Jérémie 7.26.Quelques idées reviennent avec fréquence dans les Rois et dans Jérémie, notamment celle de la permanence de la maison de David sur le trône (cf. 1 Rois 2.4 ; 8.25 ; 9.5 ; Jérémie 33.17 ; 13.13 ; 17.25 ; 22.4), et l’auteur des deux ouvrages affecte de rechercher volontiers des expressions empruntées à la loi de Moïse, les appliquant d’une manière tantôt historique, tantôt prophétique, suivant le but qu’il poursuit (cf. Deutéronome 13.17 ; 2 Rois 23.26 ; Jérémie 4.8). Quant au rapport qu’il y a entre Jérémie 52 et 2 Rois 24.18ss, on peut voir que ce morceau, tout à fait conforme à l’ensemble de l’histoire des Rois, et sorti de la même plume, se présente isolé à la lin des prophéties, et il est évident que le collecteur des prophéties de Jérémie ne l’a placé à la fin de ce recueil que parce qu’il ne pouvait y avoir aucun doute sur la personne de son auteur ; en outre, comme ce morceau, dans Jérémie, est plus développé qu’il ne l’est dans le Livre des Rois, il y avait de l’intérêt à ce qu’il ne fût pas retranché et laissé de côté. Le prophète avait écrit les mémoires de son temps comme d’autres l’avaient fait avant lui, et ce sont ces mémoires qui terminent à la fois ses oracles et son histoire des rois. L’opinion qui fait d’Esdras ou d’Ézéchiel l’auteur de cette collection, se justifie difficilement, et n’a pour elle ni la tradition, ni des raisons suffisantes.

Le but que s’est proposé l’auteur de l’histoire des rois est à la fois didactique et prophétique ; il a moins en vue de raconter et de décrire, que d’instruire et de rendre attentif. Il apprend aux peuples et aux rois que le principal de la sagesse, c’est la crainte de l’Éternel ; il leur rappelle les avantages de la piété, les maux de l’idolâtrie, l’incertitude des choses humaines ; il met enfin devant leurs yeux l’unique et véritable roi de Juda selon l’Esprit, Jésus le descendant des rois selon la chair, dont la sainteté, les perfections, la justice, doivent être prises d’avance pour modèles par ceux qui occupent le trône que le Messie doit occuper un jour. Il met en relief aussi les rapports du prophétisme avec la royauté, faisant pénétrer l’un dans l’autre, et montrant combien la royauté est essentiellement théocratique, puisqu’elle succombe toutes les fois qu’elle méconnaît les enseignements transmis de Dieu par la bouche des prophètes. Les oracles et la vie de ceux-ci occupent une aussi grande place dans ces deux livres que les actions des rois, et se combinent avec elles de manière à n’offrir aux lecteurs qu’un ensemble d’enseignements éminemment religieux et pratiques. Le premier livre renferme l’histoire de 118 ans ; le second raconte les faits des 320 dernières années de la vie nationale d’Israël et de Juda. On peut voir, à ces deux articles, ce que nous avons dit sur les difficultés chronologiques qui résultent de la comparaison de ces livres avec les Chroniques.

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