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L’une des trois grandes fêtes des Juifs. Son nom, dérivé de l’hébreu pèsach, passer, signifie passage, soit qu’on l’entende du passage de l’ange exterminateur devant les maisons épargnées des Hébreux, soit qu’il désigne le passage de la servitude à la liberté, ou la traversée de la mer Rouge. Quelques auteurs, en le faisant venir du grec souffrir, ont voulu y voir une allusion anticipée aux souffrances du Messie. Cette grande fête porte encore dans l’Écriture les noms de fête des pains sans levain (Luc 22.4) ; jours des pains sans levain (Actes 12.4) ; fête des sept jours (2 Chroniques 30.24 ; Ézéchiel 45.21) ; les pains sans levain (Matthieu 26.17) ; ou simplement et par excellence, la fête (Matthieu 26.5 ; cf. Jean 5.1). Le nom de Pâque s’applique, soit au passage de l’ange exterminateur, soit à l’agneau pascal, soit au repas où on le mangeait, soit à la fête proprement dite, soit aux victimes particulières qui s’offraient pendant la solennité, soit aux pains sans levain, soit aux différentes cérémonies qui précédaient ou accompagnaient les sacrifices, soit enfin à Jésus-Christ lui-même, qui en a été la réalisation (Jean 1.29 ; 1 Corinthiens 5.7). Quelques textes peu clairs s’expliqueront facilement, si l’on a soin de se rappeler ces diverses significations et de les distinguer.
La fête de Pâque, dont nous trouvons l’institution (Exode 12 ; Lévitique 23 ; Nombres 9), commençait le 13e jour du mois de nisan, le premier de l’année sainte ; elle était destinée à rappeler l’heureuse délivrance des Israélites de la servitude d’Égypte (Lévitique 23.5-8 ; Nombres 28.16-25 ; Deutéronome 16.1-8 ; cf. Ézéchiel 45.21). Elle durait sept jours, à dater du soir du 14 nisan (Josué 5.10 ; Esdras 6.22). Le 1er et le 7e jour étaient particulièrement solennels ; il y avait alors de saintes congrégations auprès du sanctuaire, et le peuple devait s’abstenir de tout travail servile. Le second des sept jours était le jour des prémices, auquel le peuple devait offrir au sacrificateur une poignée des premiers fruits de la moisson.
Voici quelles étaient les différentes observances dont la célébration de la Pâque se composait ou était accompagnée :
Le soir du 14 nisan, entre les deux vêpres, on sacrifiait dans le parvis du sanctuaire un agneau (ou un chevreau) mâle et sans tare, âgé d’un an ; on le rôtissait tout entier, et on le mangeait dans la ville sainte, en famille, ou avec quelques amis du dehors, mais toujours en société, de manière qu’il n’en restât rien pour le lendemain. On le mangeait avec des herbes amères, avec des pains sans levain, dans l’attitude et le costume de voyageurs, afin de rappeler toujours la précipitation de la sortie d’Égypte. Pendant toute la durée de la fête, il était défendu, sous peine de mort, de manger d’autre pain que du pain sans levain, appelé aussi pain d’affliction (Deutéronome 16.3), à cause des souvenirs de servitude qu’il rappelait ; il n’était pas même permis de garder dans la maison, sans usage, ou pour un usage quelconque, du pain levé ou du levain ; et, d’après la tradition, il fallait même tout consommer ou jeter loin dès la veille. Chaque jour, au nom de la nation, et pour l’expiation de ses péchés, les prêtres offraient des holocaustes, deux jeunes taureaux, un bélier, sept agneaux d’un an, avec les offrandes non sanglantes qui devaient les accompagner, et un bouc en sacrifice pour le péché (Nombres 28.19 ; cf. 2 Chroniques 35.1). Quelques Juifs offraient alors aussi des sacrifices particuliers, en gros ou menu bétail, mâle ou femelle (Deutéronome 16.2), suivant l’interprétation rabbinique, à moins que ce passage se rapporte, comme il nous paraît plus probable, aux sacrifices généraux dont on vient de parler. Le second jour, on apportait la première gerbe mûre, avec un holocauste à l’Éternel (Lévitique 23.10), et ce n’est qu’après cette cérémonie accomplie que la moisson des blés était officiellement ouverte.
On a voulu voir quelques contradictions dans la manière dont l’institution ou le but de la fête est raconté (Exode 12) entre les versets 2-13 et les versets 13-20, parce que les premiers semblent ne la rapporter qu’au passage de l’ange exterminateur, et les derniers en font un mémorial de la sortie d’Égypte. Mais c’étaient deux souvenirs qui pouvaient, et devaient se lier étroitement dans l’esprit des Hébreux ; d’ailleurs le sacrifice de l’agneau, qui est un signe préservateur dans le premier cas, et pour ce seul cas, n’est point annoncé comme devant être reproduit dans ce sens à l’avenir. La première Pâque avait un but spécial, celui de sauver les Israélites d’un danger particulier ; l’institution de la Pâque en a eu un second plus général, dérivé du premier, celui de leur rappeler l’ensemble de leur délivrance. Dans le premier cas, c’était le moyen de salut ; dans le second, ce n’était plus qu’un mémorial, et un mémorial typique. La première Pâque n’a pas été ce qu’ont été celles qui l’ont suivie ; elle n’a duré qu’un soir, et si, dans les jours suivants, jours de fuite, les Israélites ont encore continué de manger des pains sans levain, ça a été l’effet de leurs circonstances plutôt que d’un ordre divin ; mais Moïse a fait de cette circonstance une ordonnance pour les âges futurs, afin de leur rappeler vivement, par une semaine d’une nourriture grossière et fade, les tribulations de leurs pères. Ce n’est pas ici le lieu de reproduire, encore moins de réfuter, ces opinions égarées qui ont voulu faire de la fête de Pâque une fête de nouvelle année, parce qu’elle se célébrait vers le milieu du premier mois, ou une fête de la moisson, ou encore une fête du printemps, une fête équinoxiale (Volney, et toute cette école). Si l’on voulait abandonner le récit biblique, on comprendrait, en tout cas, mieux avec Ewald, une fête des moissons, qu’une fête astronomique chez le peuple agriculteur des Hébreux.
La signification des mots « entre les deux vêpres » a été depuis fort longtemps contestée. Les Caraïtes et les Samaritains l’entendent de l’espace de temps compris entre le coucher du soleil et la nuit close ; c’est le dernier crépuscule du jour, le commencement de la nuit. Aben Esra l’entend également ainsi. Les pharisiens et les rabbanites le comprennent, au contraire, du temps qui s’écoule entre le moment où le soleil s’incline sur l’horizon, et celui où il se couche ; ce seraient alors les dernières heures du jour, depuis deux ou trois heures environ. La première opinion est rendue plus vraisemblable par Deutéronome 16.6, et par l’analogie d’Exode 29.39 ; cependant, la dernière avait prévalu dans le service du temple, et l’heure de la mort de Christ, trois heures de l’après-midi, n’a pas été sans influence sur les théologiens chrétiens pour leur faire admettre aussi le calcul des pharisiens.
L’extrême fréquentation de cette fête, et le grand nombre de victimes que l’on y sacrifiait (il y eut, d’après Josèphe, 256600 bêtes immolées en une seule fois), faisaient que chacun, pourvu qu’il fût pur, était autorisé à sacrifier l’animal qu’il présentait ; cela résulte d’ailleurs de 2 Chroniques 30.17.Les prêtres et les lévites, quoique nombreux, n’auraient pas suffi à ce travail, et leur ministère aurait plutôt fait oublier, qu’il n’aurait rappelé le repas de famille primitif. On voit cependant qu’ils ne restaient pas sans occupation, et qu’une assez grande partie de l’ouvrage était fait par eux, soit que le nombre de ceux qui avaient contracté des souillures, volontaires ou involontaires, fut considérable, soit aussi à cause de l’habitude qu’ils en avaient, soit par d’autres raisons. Le lieu des sacrifices était dans les parvis du temple ; le sang de l’agneau était reçu par un prêtre qui en faisait aspersion sur l’autel ; les parties grasses du corps étaient consumées ; le reste de l’animal paraissait ainsi sur la table, sans qu’aucun de ses os eût été brisé (Exode 12.46 ; cf. Jean 19.36), et le 16 du mois de nisan, tout ce qui n’avait pas été mangé était brûlé. On ne peut donc être surpris qu’avec de semblables dispositions, la fête de Pâque soit appelée un sacrifice (Exode 12.27 ; 34.25 ; etc.).
Tous ceux qui étaient circoncis, fussent-ils même d’origine étrangère, étaient admis au repas solennel pourvu qu’ils fussent purs (Exode 12.44-48). Chaque père de famille devait célébrer la Pâque avec les siens ; lorsqu’ils n’étaient pas assez nombreux pour manger à eux seuls l’agneau tout entier, ils pouvaient se réunir à d’autres familles ; selon une tradition, le nombre des convives ne pouvait pas être inférieur à dix. Les femmes y prenaient part également, mais, d’après la Gemara, elles n’y étaient pas obligées comme les hommes. Les Caraïtes n’y laissent participer que les adultes hommes, à l’exclusion des enfants et des femmes. Les Israélites qui ne résidaient pas à Jérusalem, avaient le droit d’y demander gratuitement une chambre préparée pour y faire la pâque (cf. Matthieu 26.18) ; ils abandonnaient au propriétaire en échange de son hospitalité, la peau de l’agneau et les vases de terre dont ils s’étaient servis. Mais le nombre des visiteurs, pendant la fête, était trop considérable pour que tous pussent trouver des chambres dans la ville, et la plupart dressaient leurs tentes et mangeaient la pâque en dehors des murs de Jérusalem, comme font de nos jours encore les pèlerins mahométans autour de la Mecque.
L’agneau pascal devait être rôti au feu, et non point cuit ou bouilli, apparemment parce que c’est la manière la plus expéditive et la moins compliquée, de préparer la viande, par conséquent celle qui rappelait le mieux la hâte du premier voyage. Quant à l’assaisonnement d’herbes amères, les commentateurs ne sont pas d’accord sur le sens de cette expression ; les Septante et la Vulgate traduisent par laitues sauvages, endives, (lactucae agrestes), et les Juifs d’Égypte et d’Arabie confirment de nos jours encore par leur pratique, cette interprétation. Un Talmud énumère diverses espèces de plantes, la chicorée, la pariétaire, l’ortie, etc., d’autres l’entendent même de la moutarde. Il était, du reste, assez ordinaire en Égypte, comme parfois aussi dans nos contrées, de manger quelques herbes amères et aromatiques avec le pain ou la viande (Aben Esra).
On trouve dans les Targums quelques détails sur le service et le rituel du repas, rituel conservé par les Juifs actuels en beaucoup d’endroits. Quatre coupes de vin, ordinairement de vin rouge, étaient remplies et faisaient le tour des convives, chaque coupe étant accompagnée d’une parole d’action de grâces. À la seconde, le père racontait à son fils, sur sa demande, l’histoire de l’institution primitive de la fête (Exode 12.26ss), puis on entonnait le grand Hallel (Psaumes 113-118). Suivait la troisième coupe, qui était appelée par excellence la coupe de bénédiction (cf. 1 Corinthiens 10.16) ; on entamait alors l’agneau pascal, et l’on continuait le chant de l’Hallel jusqu’à ce que la quatrième coupe fût vidée. Quelquefois on en remplissait une cinquième, et pendant qu’elle circulait, on chantait encore les Psaumes 120-137.On peut lire dans Calmet quelques détails de plus, extraits des ouvrages rabbiniques.
Les pains pouvaient être faits de farine de blé, d’orge, d’avoine, ou d’épeautre ; peut-être étaient-ils le plus ordinairement pétris de farine d’orge, comme celle qui a été le plus anciennement et le plus communément en usage ; mais on a eu tort d’en faire une règle générale, et surtout de le conclure du rapport accidentel qui se trouve entre leur nom hébreu mazzoth et le latin massa.
Lorsque par suite d’une souillure cérémonielle, ou pour n’être pas arrivés à temps à Jérusalem, quelques Israélites n’avaient pu célébrer la fête le 14 nisan, ils devaient la célébrer le quatorzième jour du mois suivant (Nombres 9.11). Les talmudistes appellent cette solennité tardive la petite pâque, et disent qu’alors il n’était pas défendu d’avoir du levain dans la maison, et que le chant des Hallels n’était pas absolument nécessaire. On trouve sous le règne d’Ézéchias un exemple de cette Pâque tardive (2 Chroniques 30.2-15).
C’est au soir du 15 nisan que des délégués du sanhédrin allaient désigner dans un champ voisin de Jérusalem, la gerbe des prémices, et dans la nuit du 16 on venait la couper et la porter dans la cour du temple. Là on battait les grains, on les froissait au moyen d’une meule à bras, on tamisait treize fois de suite la farine ainsi obtenue, et l’on en faisait une offrande tournoyée de la dixième partie d’un épha, mêlée d’huile et d’encens, dont une poignée était jetée sur l’autel, et le reste était consommé par les prêtres. L’institution primitive racontée (Lévitique 2.14), était un peu différente de celle que suivirent les Juifs plus tard ; les grains étaient rôtis au feu suivant l’ancienne coutume.
L’usage rappelé (Matthieu 27.15 ; Luc 23.17 ; Jean 18.39), de relâcher un prisonnier le jour de la fête, quel que fût celui que le peuple demandât, n’est prescrit ni même mentionné nulle part ailleurs. Quelques auteurs, comme Grotius, veulent y voir un usage emprunté des Romains qui, à certaines fêtes, aux bacchanales, aux lectisternia, etc., avaient l’habitude de mettre en liberté quelques prisonniers, souvent même tous ; les Grecs avaient en plusieurs de leurs fêtes un usage semblable. Selon d’autres, et Olshausen paraît pencher vers cette opinion, c’était une coutume juive que l’on cherche à faire dériver de l’idée primitive de la Pâque, qui était un affranchissement. On peut concilier les deux sentiments en admettant que les Romains, maîtres de la Palestine, avaient introduit cet usage pour tempérer l’extrême rigueur du code criminel des Juifs, et qu’ils avaient profité, pour le faire, des souvenirs nationaux qui s’y rattachaient dans l’esprit des Hébreux. Cette coutume n’a de surprenant que l’usage qui en a été fait dans cette circonstance spéciale, car du reste, chez presque toutes les nations, en Orient et en Occident, il est assez d’usage lors de certaines fêtes, à la naissance d’un prince, ou à son avènement, de proclamer une amnistie partielle ou entière, mesure tout ensemble de politique et de générosité.
C’est une question qui n’est point encore résolue que celle de savoir si notre Sauveur a célébré la Pâque légale et judaïque la dernière année de sa vie. Les trois premiers évangélistes semblent la décider affirmativement (Matthieu 26.17 ; Marc 14.12 ; Luc 22.7), tandis que Jean 13.1, appuie fortement le sentiment opposé. Sans entrer ici dans l’examen d’une question qui ne nous a pas paru résolue, nous indiquerons, comme résumant la discussion, les trois hypothèses principales.
1°. L’ancienne église grecque admettait, de même que plusieurs modernes, entre autres Lamy, que Jésus, n’avait pas célébré la Pâque juive, mais qu’il l’avait comme anticipée en la faisant dans un repas particulier, pour être offert lui-même le lendemain, 14 nisan, comme le véritable agneau pascal. Cette opinion, fondée sur saint Jean, est en contradiction avec les termes des trois autres évangiles.
2°. Selon d’autres, Jésus a bien fait la Pâque, mais il ne l’a pas célébrée en même temps que les autres Juifs, soit que prévoyant que la méchanceté de ses ennemis lui enlèverait avant le soir du 14 nisan la liberté de se réunir avec ses disciples pour manger l’agneau pascal, il ait en sa qualité de Messie, choisi la veille, le 13, pour faire ce repas ; soit au contraire que Jésus, conformément au texte de la loi, ait célébré la fête le soir du 14 nisan, tandis que les Juifs l’auraient renvoyée au lendemain soir, 15 du mois, vendredi, peut-être pour une plus grande exactitude astronomique, et sur les calculs de leur calendrier ; c’est l’opinion de Cyrille d’Alex., Chrysostome, Epiphanes, etc. Ils appuient entre autres sur ce qui est dit (Luc 22.7), que c’était le jour où il fallait sacrifier la Pâque, voyant dans ces paroles une présomption que ce n’était pas le jour où on l’avait fait.
3°. Enfin ceux qui pensent que Jésus a célébré la Pâque juive en même temps que les Juifs, admettent, les uns, que la fête avait été renvoyée du 14 au 15 nisan, et que le 14 (vendredi), qui commençait la veille au soir (jeudi), n’avait été que la préparation de la fête dans laquelle on avait mangé l’agneau pascal (Jean 19.14) ; explication qui est presque généralement rejetée ; les autres donnent aux expressions manger la Pâque et préparation de la Pâque (Jean 18.28 ; 19.14), un autre sens que celui dans lequel on les prend ordinairement, expliquant la première de l’un ou de l’autre des différents sacrifices journaliers qui se faisaient dans le courant de la semaine sainte, et la seconde de la préparation qui se faisait la veille du sabbat de pâque ; explications un peu dures et contraires à l’usage général.
Au milieu de ces incertitudes, il paraît plus vraisemblable que Jésus n’a pas fait la pâque avec ses disciples, d’autant plus que s’il l’eût faite, il eût agi contre les observances juives en quittant le même soir, pendant la nuit, la maison et la ville de Jérusalem (Matthieu 26.30 ; Marc 14.26 ; Luc 22.39).
Quoi qu’il en soit, du reste, la Pâque chrétienne à succédé à la Pâque juive ; elle a pris sa place dans l’année et dans le cœur de ceux qui ne sont plus sous la loi, mais sous la grâce. Il n’importe pas que Jésus Christ l’ait célébrée ou indiquée avant sa mort ; il l’a fondée par sa mort, comme cela ressort non seulement de cette parole de l’apôtre : « Christ, notre Pâque, a été sacrifié pour nous » (1 Corinthiens 5.7), mais encore des rapports évidents et nombreux qui ont fait de son sacrifice l’accomplissement perpétuel de ceux qui devaient être offerts par les Juifs. Il serait trop long d’énumérer ici tous ces rapports entre le Christ et l’agneau pascal, de même que ceux que les auteurs sacrés font ressortir entre le sacrifice de Christ et la pâque.
Il ressort aussi de l’institution de la Cène, soit qu’elle ait eu lieu le 14 nisan, ou le 13, qu’elle était destinée à rappeler le souvenir de la mort de Christ, et qu’elle avait sous ce rapport une signification pascale, réelle, mais plus étendue et moins cérémonielle que la fête proprement dite. La Cène est une pâque réitérée et fréquente ; elle est la commémoration de la mort de celui qui est notre Pâque, et ce souvenir doit accompagner la pensée du chrétien, non seulement dans la grande solennité que l’Église a consacrée, mais dans toutes les occasions où il s’approche de la table du Seigneur. Il se rappelle alors qu’il a été délivré comme le Juif, mais d’une servitude plus terrible, mais par un sang plus précieux, mais pour un avenir de joies plus grandes, plus sûres, plus durables, pour la sainteté et pour la vie éternelle.
Rappelons encore, en terminant, les querelles qui éclatèrent dans les premiers siècles de l’établissement du christianisme, entre les évêques orientaux et les occidentaux, sur le jour auquel il fallait célébrer la Pâque. Les orientaux voulaient s’en tenir à l’usage que leur avaient légué Jean et les apôtres, de la célébrer le quatorzième jour de la lune de mars ; les occidentaux la célébraient le dimanche qui suivait. Polycarpe et Anicet eurent sur ce point des conférences qui n’aboutirent à aucun résultat, l’évêque de Rome ne voulant pas se plier à l’usage apostolique, et Polycarpe ne voulant pas y renoncer. Plus tard, Victor 1er (196) envenima la discussion, et rompit la communion avec les évêques d’Orient ; Irénée, évêque de Lyon, réussit à faire entendre raison au pape, qui rétracta ses mesures antichrétiennes. Les deux Églises ont dès lors continué d’observer leurs jours particuliers.