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Nom grec qui signifie étranger, comme l’hébreu ger. C’est le nom par lequel les Juifs désignaient les gentils qui s’étaient convertis au judaïsme. On distinguait, d’après les rabbins, deux espèces, ou deux degrés de prosélytes : ceux de la porte, et ceux de la justice.
a) Les prosélytes de la porte étaient ces étrangers, esclaves ou libres, qui, pour avoir le droit de résider en Palestine au milieu des Israélites, étaient obligés d’adorer le vrai Dieu et de souscrire aux sept préceptes donnés à Noé, lesquels comprenaient, au dire des rabbins, le droit naturel commun à tous les hommes indifféremment. Ces préceptes défendaient le blasphème contre Dieu, le culte des astres et des divinités étrangères, la désobéissance aux magistrats, l’inceste et les crimes contre nature, le meurtre, le vol et le manger de viandes sanglantes ou de bêtes étouffées (cf. Actes 15.20-29 ; 21.23). Rien ne prouve que ces préceptes aient été donnés à Noé, et l’on n’en trouve aucune trace, ni dans l’Ancien, ni dans le Nouveau Testament, ni chez Josèphe, ni dans Philon, Onkélos, Origène, Jérôme, ni dans aucun des Pères. Ces préceptes sont connus d’ancienneté, mais leur origine noachique n’est rien moins qu’assurée. Quoi qu’il en soit, les prosélytes de la porte étaient tenus de les observer, et à ces conditions ils pouvaient non seulement habiter dans le pays, mais encore travailler comme manœuvres pour le service du temple et de la religion (Exode 12.19 ; Lévitique 17.12 ; 24.16 ; Ézéchiel 11.7). Ils n’étaient pas considérés comme Juifs, cependant ils n’étaient déjà plus païens ; ils formaient une espèce de classe intermédiaire ; ils étaient encore impurs, mais pas assez pour que des rapports avec eux fussent de nature à souiller les Juifs. Leur nom venait de ce qu’ils avaient le droit de demeurer dans le pays et chez les Hébreux ; ils étaient appelés : « l’étranger qui est dans tes portes » (Exode 20.10 ; etc. cf. Lévitique 25.47). En bornant provisoirement ses exigences à l’observation des commandements noachiques, la loi avait peut-être pour but de leur frayer doucement et sans les effaroucher, la voie à l’acceptation pleine et entière du judaïsme. Ce sont des prosélytes de la porte qu’il s’agit probablement lorsqu’il est parlé de prosélytes qui servaient ou qui craignaient Dieu (Actes 13.43 ; 16.14 ; 17.4-17 ; 18.7 ; etc.). Le syrien Naaman, le général Nébuzar Addan, l’eunuque de Candace, le centenier Corneille, et d’autres encore, appartenaient probablement à cette classe de prosélytes.
b) Les prosélytes de la justice devenaient de vrais Juifs ; ils s’engageaient à recevoir la circoncision, et à observer tous les usages et toutes les lois de l’alliance divine ; ils étaient solennellement admis dans la théocratie, et on les appelait de parfaits Israélites. La circoncision, le baptême, et une offrande (pour les femmes le baptême et l’offrande seulement), étaient les cérémonies de la réception. Le baptême s’administrait après que la plaie de la circoncision était guérie ; on plongeait tout le corps dans un bassin d’eau en présence de trois juges appelés comme témoins, car cet acte était considéré comme appartenant à l’ordre judiciaire ; cette cérémonie ne se réitérait jamais ni à l’égard du prosélyte, lors même qu’il aurait apostasie depuis sa conversion, ni à l’égard de ses enfants, à moins qu’ils ne fussent nés d’une mère païenne, auquel cas on les baptisait comme païens de naissance ; car on partait de l’idée, si généralement admise partout, excepté chez les peuples très civilisés, qui cependant seraient le mieux en position de l’admettre, que l’enfant suit la condition de sa mère : partus sequiturventrem. La Gemara, du reste, est la source la plus ancienne qui parle du baptême des prosélytes ; Philon, Josèphe, et les plus anciens targumistes qui auraient eu cependant l’occasion d’en parler, n’en disent mot, de sorte que c’est encore une question de savoir si la Gemara parle d’un usage antérieur à l’établissement du christianisme, ou d’un usage qui se serait introduit plus tard. Mais l’amour des purifications par l’eau était tellement invétéré chez les Israélites, qu’il est très possible qu’ils aient soumis à des lustrations de ce genre les païens impurs qui demandaient l’entrée de leur sanctuaire ; le silence de Josèphe et de Philon s’expliquerait par le fait même qu’il n’était pas besoin de mentionner quelque chose d’aussi naturel. Il est plus probable toutefois que le baptême a été emprunté des chrétiens, et qu’il a été introduit obligatoirement après la destruction du temple, lorsque le règne des offrandes cessant, une nouvelle cérémonie dut remplacer celle qui venait d’être forcément abolie.
On a cru que « le grand nombre de toutes sortes de gens » qui suivirent les Israélites à leur sortie d’Égypte (Exode 12.38), étaient des prosélytes de la justice ; de même encore Jéthro (Exode 18.10-12). Il est évident aussi que les Sichémites auxquels Jacob imposa la circoncision, devinrent par ce fait des prosélytes de la justice (Genèse 34.14-15), bien que l’on ne puisse pas donner à cette expression le sens précis qu’elle eut plus tard. L’esprit de prosélytisme, qui est inséparable de toute conviction profonde, religieuse ou autre, ne faisait pas défaut aux Juifs, notamment aux Pharisiens (Matthieu 23.18). Ils étaient autorisés à travailler dans ce sens par des oracles de Dieu (Ésaïe 9.2 ; 42.7 ; 56.6 ; Michée 4.2), mais comme ils méconnaissaient l’esprit de leur religion, ils méconnaissaient la mission du prosélytisme, et ils travaillaient avec zèle à augmenter le nombre des professants, peu scrupuleux sur les moyens qu’ils employaient, peu soucieux des motifs qui leur amenaient de nouveaux convertis ; la ruse ou la violence étaient leurs moyens, la cupidité, la pauvreté, l’orgueil ou l’intérêt, la nationalité ou des alliances en perspective, l’espérance ou la peur étaient les mobiles de la conversion de ces nouveaux Juifs, et il n’est pas étonnant qu’après avoir « couru la mer et la terre pour faire un prosélyte », de pareils convertisseurs ne le rendissent « fils de la géhenne deux fois plus qu’eux-mêmes » ; c’est de l’histoire ancienne et de l’histoire moderne.
Il est parlé (Néhémie 10.28 ; Esther 8.17), de quelques conversions isolées ; mais depuis l’époque des Macchabées, le judaïsme, tout à la fois mort spirituellement, et mourant comme théocratie, aspira à faire les choses plus en grand, pour, essayer de se maintenir comme puissance et comme nationalité. Des tribus entières furent converties de force, les Iduméens sous Jean Hyrcan, les Ituréens sous Aristobule. Les femmes, qui n’avaient pas à se soumettre à une opération douloureuse, étaient en général plus accessibles à l’action du prosélytisme (Josèphe, Antiquités judaïques 18, 3, 5.cf. Actes 13, 50.16-14). Les païens qui habitaient au milieu des Juifs avaient assez de raisons pour désirer d’être reçus dans leur assemblée. C’était d’abord pour eux l’acquisition d’une bourgeoisie. C’était aussi l’échange de l’opprobre contre l’honneur et le respect. C’était l’exemption du service militaire (Josèphe, Antiquités judaïques 14, 10, 13). C’était la faculté de se marier avec des femmes du pays. Mais pour plusieurs aussi qui étaient dégoûtés du paganisme et du scepticisme, c’était un besoin profond d’une foi positive qui satisfit aux besoins de leur cœur, et souvent de leur intelligence, comme le montre l’exemple de ceux qui, lors de l’apparition du christianisme, n’hésitèrent pas à se joindre à la nouvelle Église (Actes 6.5 ; 13.43 ; 16.14 ; 17.4).
Cependant dans la pratique, et même devant la loi, il paraît que les prosélytes ne furent jamais mis sur le même rang que les Juifs de naissance, et, pendant plusieurs générations, les Juifs bien bigots continuaient de regarder les prosélytes avec le même mépris que les païens, hélas ! comme on fait encore de nos jours, en bien des lieux, à l’égard des Juifs qui se convertissent. On les nommait la lèpre d’Israël, et l’on disait, par manière de proverbe, qu’il ne fallait pas se fier à un prosélyte avant la vingt-quatrième génération. Ce mépris n’était, au reste, pas général, et, dans tous les cas, si la position des prosélytes n’était guère améliorée sur la terre, un grand résultat était obtenu aux yeux de tous, la participation des païens convertis aux bienfaits de l’alliance divine pour l’éternité.
Avec l’introduction du christianisme, le prosélytisme prit naturellement une direction plus spirituelle ; on ne fit plus de prosélytes pour grossir le nombre des adhérents d’un système, mais pour sauver les pécheurs, et ceux-là seuls qui sont sauvés sont les vrais prosélytes de l’Évangile.