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Ophir
Dictionnaire Biblique Bost
Westphal Calmet

Pays compté (Genèse 10.29), parmi les Joktanides (qui habitaient pour la plupart des districts de l’Arabie), et à destination duquel Salomon faisait partir, des ports édomites, des vaisseaux qui ne revenaient qu’au bout de trois ans, chargés d’or, de poudre d’or, de pierres précieuses, d’argent, de singes, de paons, et de bois précieux (1 Rois 9.28 ; 10.11 ; cf. 22.49). L’or d’Ophir était regardé comme le plus pur et le plus fin qui existât (Job 28.16 ; Psaumes 45.10 ; Ésaïe 13.12).

Les interprètes sont loin d’être d’accord sur la contrée désignée sous le nom d’Ophir, et il est difficile de se prononcer au milieu des différentes opinions, qui s’appuient toutes sur des arguments plausibles, mais dont aucune ne peut offrir de preuve décisive.

Quelques-uns ont cherché Ophir en Amérique, et notamment dans l’île nommée Espagnole (Haïti) par Colomb ; on sait qu’en parlant de l’or de cette île il avait coutume de dire qu’il avait trouvé l’or d’Ophir. D’autres prennent Ophir pour le Pérou. Cette manière de voir, quelque peu anticipée, n’a guère pour partisans que les Jésuites ses auteurs, Postel, Genébrard, Vatabre. Elle s’appuie sur l’abondance de certaines mines d’or de l’Amérique, et sur la supposition que la flotte qui partait pour Ophir, faisait en même temps le voyage de Tarsis (Cadix), et franchissait le détroit de la Méditerranée.

D’autres pensent qu’Ophir désigne l’Arabie, et ils présentent deux arguments ; le premier est tiré du fait qu’Ophir est compté au milieu des fils de Joktan qui ont occupé l’Arabie, mais il n’y a rien là de concluant, puisque (Genèse 10.4), Tarsis, qui est situé en Espagne, est nommé parmi des peuplades qui appartiennent évidemment à la Grèce.

La seconde preuve mise en avant, c’est le nom d’Ophir, El Ophir ou Ophar, que Seetzen a trouvé dans la province d’Oman, au sud-est de l’Arabie. On peut ajouter que selon Eupolemus dont un fragment nous a été conservé par Eusèbe (Prép. év. 9, 30.), Ouphré (Calmet porte Durphé) serait une île de la mer Rouge, et cet auteur la regarde comme une partie du pays d’Ophir.

Selon d’autres commentateurs c’est dans les Indes qu’il faut aller chercher cette contrée. Ils s’appuient sur ce que les Septante écrivent toujours Sophir, nom que les Cophtes donnent encore aux Indes ; sur ce que la version arabe traduit Ophir par El Etend ; sur ce que dit Joséphe (Arch. 8, 20, 4.) que Sophira est une contrée de l’Inde ; sur ce que les objets que Salomon tira d’Ophir sont des produits que l’on trouve en effet dans les Indes ; et que les noms donnés aux singes et aux paons sont des noms indiens (koph est le sanscrit kapi, thukiim est le tokei de Malabar) ; sur le temps que prenait ce voyage, puisque le retour n’avait lieu qu’au bout de trois ans, ou si l’on veut, dans le cours de la troisième année ; enfin sur ce qu’il y avait près de Goa dans l’Inde, un endroit nommé Suppara, et chez les Arabes Souphara, ce qui expliquerait l’orthographe suivie par les Septante.

D’autres ont cru qu’il s’agissait de l’Afrique, et ils trouvent Ophir sur la côte orientale, à Sofala, vis-à-vis de l’île de Madagascar ; on assure que les habitants de cette contrée ont des traditions et même des livres qui portent que Salomon y envoyait une flotte tous les trois ans pour chercher de l’or ; le portugais Jean dos Santos ajoute qu’il y a, non loin de là, une montagne abondante en minerai d’or et qui porte le nom d’Afura. Si l’on pouvait se fier à ces données, elles seraient certainement intéressantes ; toutefois le nom de Sofala dans lequel on pourrait, à toute rigueur, trouver celui d’Ophir, rappelle plutôt dans les langues sémitiques le nom de sbephélah qui signifie côte, rivage ; ce serait ainsi une désignation tout à fait générale, un nom que tous les pays maritimes pourraient revendiquer.

Au milieu de ces incertitudes, il faut commencer par réduire à leur juste valeur deux données dont on a exagéré l’importance. Ophir pouvait fort bien n’être qu’une ville de commerce abondamment pourvue de tous les produits de l’Orient et du Midi, et dans laquelle Salomon envoyait régulièrement et à des époques déterminées, des vaisseaux pour approvisionner sa cour, son harem et son royaume. L’or d’Ophir (évidemment déjà travaillé, ou tout au moins épuré), pouvait avoir reçu ce nom, sans être un produit du pays, mais parce que c’était là qu’il était le mieux purifié et le mieux mis en œuvre. D’ailleurs, comme on l’a vu plus haut, le nombre des pays où l’on trouve de l’or est assez grand pour que ce caractère doive cesser d’être un guide dans les recherches.

En second lieu, la durée du voyage ne peut pas non plus servir à fixer, même d’une manière approximative, la distance à laquelle Ophir devait être de Jérusalem, car l’or arrivait dans le pays chaque année (1 Rois 10.14 ; 2 Chroniques 9.13) ; il n’est pas dit que le voyage de trois ans fût le voyage d’Ophir (1 Rois 10.22) ; quand cela serait encore, cela ne prouverait rien, attendu l’extrême lenteur de la navigation des temps anciens, les détours possibles, les séjours plus ou moins prolongés que les vaisseaux pouvaient faire dans les ports intermédiaires pour attendre soit des vents favorables, soit des vaisseaux en retard ou n’arrivant qu’une fois par année. Saint Jérôme nous dit (Ep. 95), que dans le cas le plus favorable, un vaisseau avait besoin d’au moins six mois pour parcourir le golfe arabique dans sa plus grande longueur, et de nos jours encore, les vaisseaux marchands ne font qu’une fois par année le voyage de Suez à Jidda.

Il résulte de ces observations, que si les produits retirés d’Ophir ne peuvent servir à faire reconnaître ce pays, sa distance elle-même reste problématique ; il faut donc s’en tenir à son nom et à ce que la tradition nous donne comme le plus probable. Sous ce rapport, nous nous rapprocherons volontiers de l’opinion de Bochart, modifiée par Heeren et par quelques autres modernes. Bochart croit que le nom d’Ophir a été donné à deux pays dont l’un serait l’Arabie, l’autre les Indes. Heeren prend Ophir comme un nom général désignant les riches contrées des côtes méridionales de l’Arabie, de l’Afrique et des Indes ; Volney compare l’île d’Ofor à l’entrée du golfe Persique. Il est possible qu’Ophir, fils de Joktan, se soit établi en Arabie, et que parmi ses descendants il y ait eu des émigrations et des colonies fondées par eux dans les Indes, à Ceylan, peut-être plus loin encore. Si l’on pouvait établir l’authenticité de plusieurs fragments de Sanchoniathon, découverts il n’y a pas longtemps, la question ferait un grand pas ; on y lit, en effet, le récit d’une expédition faite par Joram (Hiram), roi de Tyr, et Irenius (Salomon, roi de paix), roi des Juifs, vers une île fort éloignée qui, d’après les caractères indiqués et la comparaison de Pline (6.24), ne peut être autre que Taprobane ou Ceylan ; et Heeren, dans un article spécial sur cette île, a montré quelle a été son importance dans l’histoire du commerce de l’ancien monde. Dans l’incertitude où l’on est sur l’authenticité de ce morceau, on s’abstient de s’en servir comme d’un argument, mais si la donnée qu’il renferme n’a pas beaucoup plus de garanties que les hypothèses qu’on a faites, en tout cas elle n’en a pas moins.

Notons encore, avant de terminer, l’opinion qui cherche Ophir en Espagne, celle qui le place à Carthage (qui n’a été fondée que longtemps après Salomon), et le travail que Calmet se donne pour établir (avec Eustache d’Antioche), qu’Ophir était dans l’Arménie, dont l’une des quatre parties s’appelait Sophara sous Justinien ; quoi qu’on pense de son point de vue, on peut lire avec fruit sa dissertation sur ce sujet.

Ophra  
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