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Noé
Dictionnaire Biblique Bost
Westphal Calmet

Fils de Lémec (Genèse 5.29), homme juste et intègre parmi ses contemporains, marchant avec Dieu (6.9), fut au milieu de la condamnation générale du monde de son temps, l’objet de la grâce divine. Il fut épargné, lui et sa famille, lorsque Dieu envoya les eaux du déluge pour couvrir la terre ; seul juste il fut seul sauvé. Sa justice était un témoignage vivant au milieu des hommes, son salut dut l’être de même. Il construisit l’arche, et Dieu la peupla des animaux qui devaient être conservés pour la terre future (6.14 ; 7.8). Quand les eaux se furent retirées, que l’arche se fut arrêtée sur l’Ararat et que la terre amollie par le long séjour des eaux eut repris sa fermeté (8.4ss), Noé sortit avec les siens, bâtit un autel, offrit des holocaustes, et reçut avec l’arc-en-ciel l’assurance qu’un pareil événement ne se reproduirait plus sur la terre avec les mêmes circonstances (8.18ss). Dieu renouvela avec ce nouveau chef de la création l’alliance qu’il avait faite avec Adam, il lui remit les clefs du monde, et lui annonça que dès ce moment la viande des animaux qui lui était auparavant interdite, lui était accordée pour son usage. Noé s’adonna aux travaux de la terre, planta la vigne, apprit à connaître par une triste expérience les effets dégradants du jus de ce fruit, maudit Cham, et mourut à l’âge de neuf cent cinquante ans, après en avoir passé six cents dans l’ancien monde, un dans l’attente, et trois cent quarante-neuf sur la terre renouvelée (9.1-29).

La plupart des observations que nous aurions à présenter sur son histoire ont été faites à l’article Déluge, car ce mot aussi résume sa vie, son caractère et son activité. Disons cependant encore quelques mots sur sa personne.

1°. Son nom lui fut donné, parce que, dit son père, « celui-ci nous soulagera de notre œuvre et du travail de nos mains sur la terre que l’Éternel a maudite ». Lémec exprime ici une espérance qui se rapporte aux promesses faites par Dieu après la chute de l’homme. C’est une des premières traces de l’espérance messianique. Lémec voyait que le péché était arrivé à son comble, et que le jugement ne pouvait guère se faire attendre ; il prévoyait que son fils serait un instrument remarquable dans la main de Dieu, et il paraît que lui aussi, comme tant d’autres, a rapproché dans la perspective prophétique des faits qui sont séparés par des siècles, le jugement prochain et le dernier jugement (5.29).

2°. On a remarqué l’emploi alternatif du nom de Dieu, et de celui d’Éternel, et l’on a cru pouvoir en conclure que l’histoire de Noé était un composé de deux documents distincts, dont l’un, (celui d’Éternel), serait exclusivement israélite ; on ajoute que c’est dans celui-là seulement que se trouve la distinction établie plus tard par le mosaïsme, des bêtes nettes et des bêtes impures. Nous renvoyons à ce que nous avons dit sur ce sujet à l’art. Genèse. Quant à la distinction des animaux nous croyons avec plusieurs auteurs, qu’elle n’est point ici légale, mais naturelle, et que Noé a pris sept paires des animaux qui sont utiles à l’homme, tels que le bœuf, la brebis, le chameau, tandis qu’il n’en a pris qu’une des animaux sauvages ou féroces, le tigre, le lion, le serpent, etc. On comprend qu’avec le droit nouveau donné à l’homme de se nourrir de chair, il était nécessaire qu’il eût à sa disposition des animaux purs en nombre suffisant, car leur propagation eût été trop lente pour les besoins du nouveau monde. Et quant aux carnivores, il suffisait qu’ils pussent se reproduire, et le genre même de leur nourriture exigeait qu’ils ne fussent pas trop nombreux dès l’abord.

3°. Le déluge a commencé l’an 600 de la vie de Noé, au dix-septième jour du deuxième mois ; les eaux s’accrurent pendant quarante jours ; après ce temps elles commencèrent à se retirer et l’arche s’arrêta sur la crête de l’Ararat ; le déluge avait duré jusque-là cinq mois ou cent cinquante jours ; ce fut le dix-septième jour du septième mois. En l’an 601 de la vie de Noé, le premier jour du premier mois les eaux avaient disparu, mais ce ne fut que le vingt-septième jour du deuxième mois que Noé sortit de l’arche. Les meilleurs chronologistes sont de l’avis qu’il faut commencer par l’équinoxe d’automne l’année dont il est question dans notre texte ; l’an 600 de la vie de Noé aurait ainsi commencé vers l’équinoxe d’automne, l’an 1636 du monde.

4°. L’histoire de Noé s’est conservée dans les traditions de tous les pays et même chez les sauvages des Antilles et de l’Amérique du nord. On a retrouvé quelques médailles frappées à Apamée en Phrygie, où l’on croyait que l’arche s’était arrêtée ; elles portent sur une des faces l’effigie soit de l’empereur Philippe, soit de Septime Sévère Pertinax, et sur l’autre revers une arche flottante, un vaisseau carré long, dans lequel sont un homme et une femme ; sur l’arche est un oiseau ; un autre oiseau s’avance en volant, tenant entre ses pattes une branche d’olivier ; sur l’arche on lit distinctement le nom de No ou Noé ; près de là ce même couple apparaît debout sur la terre ferme, élevant la main droite vers les cieux. Le seul exposé des traditions du déluge chez les Mahométans, les lndous, les Chinois, etc., formerait un volume ; qu’il suffise de répéter que partout ce fait est conservé, et qu’il est rare que ce soit avec des détails beaucoup différents de ceux que la parole de Dieu nous a transmis. Si l’on désire encore des faits et des exemples, on peut lire l’intéressant ouvrage de Grotius De Veritate Rel. Christ. I, et les rapports des missionnaires chez les peuples païens, Kranz au Groenland, Oldendorp aux Antilles, etc.

5°. L’ivresse de Noé fut une faute évidemment involontaire, soit que le fruit de la vigne avant le déluge n’eût pas encore sa force enivrante, soit plutôt que la vigne n’eût pas encore été cultivée et que son usage fût alors inconnu. Il est probable qu’avec l’usage d’une nourriture plus solide et certainement moins saine que Dieu accorda à l’homme, le besoin d’une boisson plus forte se fit également sentir ; l’un et l’autre de ces aliments auront contribué à l’exécution de la menace divine quant à la durée de la vie humaine ; ils auront influé lentement sur les générations, et c’est lentement aussi, décroissant de génération en génération, que la vie des hommes s’est resserrée dans les limites que nous lui connaissons aujourd’hui et dont la moyenne tend encore à diminuer. Noé est mort à l’âge de 9S0 ans, Sem, à l’âge de 600 ans, Arpacshad, à l’âge de 438, Shélakh, à celui de 433, Héber, à 464, Péleg, à 239, Réhu, à 239, Serug, à 230, Nakhor, à 148, Térakh, à 205, Abraham, à 175, Isaac, à 180, Jacob, à 147.L’ivresse était un spectacle entièrement nouveau pour le monde, et il est à croire que l’irrévérence de Cham se rapportait à l’état de son père en général et non pas seulement à ce que son corps était découvert, voir Cham.

6°. Si la grandeur de Noé est dans son sort, ce sort même a dû être le prix de sa grandeur. Il avait mérité d’être sauvé, il l’avait mérité par sa foi. Au milieu de la dépravation universelle, il était resté juste devant Dieu (Genèse 7.1). Son nom est rappelé avec éloge à côté de ceux de Job et de Daniel (Ézéchiel 14.14-20). Son époque, tranquille au milieu des vices, incrédule sous la menace du déluge, est donnée en exemple au monde nouveau, au monde chrétien, par celui qui doit revenir pour exercer ses jugements sur la terre, et le Sauveur avertit les hommes qu’on n’évitera pas la destruction par l’insouciance et l’incrédulité (Matthieu 24.37-38 ; Luc 17.26-27). L’apôtre loue la foi de Noé (Hébreux 11.7), et Pierre, en le nommant, l’appelle le prédicateur de la justice (1 Pierre 3.20 ; 2 Pierre 2.5), Ésaïe a appelé les eaux du déluge, du nom de celui qui seul a échappé à cette catastrophe, les eaux de Noé (54.9).

7°. Considéré comme type, ce second chef de l’humanité annonce le Sauveur du monde : a) par son nom (cf. Matthieu 11.29) ; b) comme héraut de la justice ; c) parce que l’arche dans laquelle il a sauvé sa famille, est une image de l’église dans laquelle Christ sauve ses élus, sa parenté spirituelle, sa chair et ses os (Hébreux 2.14 ; Éphésiens 5.30) ; d) par le sacrifice qu’il offrit à Dieu et dans lequel celui-ci flaira une odeur d’apaisement, disant qu’il ne maudirait plus la terre (Genèse 8.21 ; cf. Éphésiens 5.2).

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