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Appelée par les Grecs et les Romains Ninus, et dont le nom hébreu signifie demeure de Ninus, était la célèbre capitale de l’empire d’Assyrie. Son origine se perd dans les temps les plus reculés de l’histoire (Genèse 10.11). Elle fut longtemps le séjour des rois (Nahum 3.18 ; 2 Rois 19.36 ; Sophonie 2.13). Elle était située sur la rive orientale du Tigre, et, si l’on en croit les historiens, ses murailles avaient 30 m de hauteur, et 72 à 96 km de circuit, d’autres disent même davantage ; elles étaient flanquées de quinze cents tours, dont chacune avait 60 m d’élévation. Le fleuve qui la traversait en partie, et ses solides murailles, la rendaient imprenable. Elle était le centre du gouvernement, de la richesse, et d’un immense commerce (Nahum 2.10-12 ; 3.4-16). Les conséquences de cette prospérité furent l’orgueil et la dissolution (Nahum 3.1).
Sardanapale en fut le triste et vrai représentant ; huit siècles avant Christ, vers l’an 747, au temps d’Achaz, sa capitale fut prise, après un siège de trois ans, par les Mèdes, conduits par Arbacès. Cette ville recouvra un moment, sous Ninus, son ancien éclat ; elle se releva ainsi que tout l’empire d’Assyrie, mais elle fut prise une seconde fois, en 625, par Cyaxare roi des Mèdes et Nabopolassar roi de Babylone. Elle tomba pour ne plus se relever. Ainsi s’accomplirent, et à la lettre, les prophéties diverses éparses dans le livre de Nahum, après qu’un repentir momentané, suscité par les prédictions de Jonas, eut d’abord épargné Ninive, ou plutôt différé sa destruction (cf. Jonas 1-4 ; Sophonie 2.13 ; etc.). Au moment de la dernière conquête de cette ville, un grand nombre d’exilés juifs vivaient et végétaient captifs dans l’enceinte de ses murailles. Où sont-ils maintenant ces remparts de Ninive ? s’écrie Volney ; et plus de vingt siècles en arrière le prophète juif lui répond : « L’Éternel réduira son lieu à néant ». En effet, l’on a ignoré longtemps jusqu’au lieu même où cette immense cité s’était enivrée de sa gloire ; et si jusqu’au treizième siècle, Strabon, Tacite et Abul-faradsch semblent nous indiquer encore quelques vestiges de ses ruines, un village, ou un castellum, cette trace même s’est perdue depuis lors ; vis-à-vis de Mossoul se trouve un petit hameau que l’on suppose avoir été bâti sur les décombres de Ninive, puis quelques lieues à la ronde, les villages de N’bih Jouna (le prophète Jonas), Nimrud, et la colline de Nunia. Cependant des recherches faites dernièrement par le consul de France, M. Botta, fils de l’historien de ce nom, paraissent avoir déterminé avec évidence l’emplacement de l’antique Ninive, dont il croit avoir retrouvé quelques ruines au-dessous du sol, soit à Nunia, soit dans ses environs, notamment à Khorsabad. Ses lettres, adressées au savant orientaliste allemand Jules Mohr, à Paris, ont été reproduites en 1842 par presque tous les journaux français. M. Flandin, dans un article de la Revue des Deux Mondes (1845), a donné également des détails du plus haut intérêt sur les dernières découvertes faites à Ninive. Nous lui empruntons ce qui suit, en l’abrégeant.
« Aux bords du Tigre, en face de Mossoul, s’élèvent deux monticules assez étendus auxquels se relient les extrémités d’une vaste enceinte, évidemment les restes d’un rempart très épais et encore très élevé. L’une de ces éminences est factice. L’autre, qui est naturelle, porte un village arabe appelé Neïniveh ou Nebi-Ounous, prophète (et non tombeau de) Jonas, à cause d’une pierre ornée de caractères que les Musulmans ne laissent pas voir, mais qu’ils gardent dans leur mosquée comme la pierre sépulcrale du prophète. À quatre lieues de Mossoul se trouve le village de Khorsabad, peuplé de Kurdes demi-sang croisé d’Arabes ; il est bâti sur une éminence isolée au milieu de la plaine, éminence factice de 12 à 13 m de hauteur. Sur le plateau qui forme le sommet étaient bâties une cinquantaine de maisons d’assez pauvre apparence. C’est en creusant l’emplacement d’une de ces chaumières que M. Botta découvrit les premières sculptures assyriennes. Bientôt on résolut de les démolir toutes et de poursuivre les fouilles. Après six mois de travaux exécutés par des Nestoriens que les Kurdes avaient décimés, on avait mis au soleil les restes d’un vaste palais, comprenant quinze salles attenantes les unes aux autres, et formant un plan d’ensemble de 22000 mètres carrés. La plupart de ces salles, dont quelques-unes ont de 30 à 35 mètres de longueur, communiquent entre elles par des portes ; d’autres sont isolées, plus petites, et semblent avoir été réservées pour l’habitation secrète.
« Ce palais est élevé sur une terrasse de 12 à 13 mètres en briques crues, soutenue par un mur en pierres parfaitement taillées et assemblées, toutes de même grandeur. Le système de construction est celui de Babylone ; il consiste en gros murs de 3 à 6 m d’épaisseur, en briques séchées au soleil, posées à plat et liées par un peu de boue ; le bitume est aussi employé fréquemment, mais sans doute, malgré ce qu’a dit Diodore de sa source intarissable, celle d’où il provenait n’aurait pu suffire pour ces gros murs. Ces murs sont revêtus de plaques d’un marbre gypseux, dur et grisâtre, qui se trouve dans le pays, et dont les bancs énormes gisent à la surface du sol. Les murs ne portant pas trace de fenêtres, et leur hauteur n’étant que de 4 m, il est probable que le palais était couvert d’une voûte dans laquelle avaient été ménagés des jours.
« Le palais de Khorsabad est riche en sculptures. Les murs des salles et les façades extérieures sont décorés de tableaux taillés dans la pierre avec une admirable fécondité de ciseau. Rois et vizirs, prêtres et idoles, eunuques et guerriers, combats et fêtes joyeuses, tout est représenté ; la vie des Ninivites vient se dérouler miraculeusement devant nous, depuis les symboles religieux jusqu’aux usages domestiques, depuis l’orgie du triomphe jusqu’au supplice des vaincus. Ce palais passe aux yeux des habitants étonnés pour une création de Satan. Sur les façades sont admirablement représentés des personnages ailés, coiffés de bonnets à corne ou à tête d’épervier, présentant une pomme de pin de la main droite, tandis qu’à leur main gauche est suspendue une corbeille ou un sceau. Un homme les accompagne, le front orné d’une bandelette, la main élevée, conduisant un bouc ; – sans doute le prêtre assistant la divinité.
Après les dieux et leurs acolytes, vient le roi qui s’avance vers le chef des mages ; puis un cortège immense d’eunuques, de guerriers, de personnages apportant des tributs. Les costumes, la chevelure et la barbe, prouvent que la coquetterie la plus raffinée et la recherche la plus minutieuse, étaient d’étiquette à la cour de Ninive.
On remarque encore sur les façades les gigantesques taureaux ailés, à tête humaine, coiffés d’une énorme tiare, qui ornent les portes d’entrée. Ils ont communément 5 m de hauteur et autant de longueur ; c’est chez tous les peuples de ces contrées le symbole du créateur. Il paraît qu’un lion de petite taille, enchaîné, était placé au pied de chaque taureau. Mais ces lions étant en métal ont été pillés. Les ennemis de Ninive ont exécuté à la lettre le passage de Nahum 2.9.
« À l’intérieur et sur les murs des salles, des bas-reliefs très variés représentent soit des combats, soit des festins, où tous les détails de la vie militaire et de la vie domestique sont reproduits, soit encore des exercices de chasse, etc.
« On ne peut méconnaître sur ces monuments les guerres des Assyriens contre les Juifs. Un roi, Osée peut-être, se remarque parmi les vaincus. Ailleurs, on reconnaît des Éthiopiens et des Nubiens, qui sont peut-être ceux qu’Ézéchias assiégé par Sankhérib avait appelés à son aide, et que le prince de Ninive poursuivit dans leur pays. Parmi ces prisonniers il en est qui sont tenus par des chaînes passées dans la lèvre inférieure, ce qui rappelle la menace de 2 Rois 19.28.
« Un détail confirme aussi le témoignage de l’Écriture, qui dit que les chariots et les chevaux n’étaient pas en usage chez les Syriens et les Juifs ; on n’en voit pas dans les tableaux qui représentent des combats avec ces peuples.
« En parcourant la plaine immense qui s’étend de Mossoul ou Neïniveh jusqu’à Khorsabad (distance qui suppose quatre heures de marche), on rencontre de nombreuses traces de constructions et une quantité considérable de tumuli hérissés de fragments de pierres et de briques. Évidemment des habitations, une ville, ont occupé ce vaste territoire à une seule époque ou à deux époques différentes. Personne ne peut dire si, à l’une ou à l’autre de ces époques, Ninive a compris tout cet espace ; mais on peut le présumer parce qu’en Orient, dans ces temps reculés, il n’y avait pas plus qu’aujourd’hui, entre la superficie des villes et leur population, la proportion qui existe en Europe. On peut donc comprendre que Ninive ait eu cette étendue, surtout en se rappelant ce que Jonas en a dit.
« Il y a cinq princes dont les conquêtes glorieuses peuvent avoir été figurées sur les murs de Khorsabad : Tiglath-Piléser, Shalmanéser, Sankhérib, Esar-Haddon, et Nebucadnetsar I. On peut attribuer ces monuments soit à Sankhérib, soit à Esar-Haddon, en supposant dans ce dernier cas, qu’Esar-Haddon aura voulu reproduire à la fois le souvenir des conquêtes de son père et celui des siennes propres ».
Monsieur Flaudin a dessiné la totalité de ces bas-reliefs, tandis que M. Botta copiait les inscriptions en lettres cunéiformes qui les accompagnent. Plusieurs fragments, les plus importants, ont fait le chargement d’un navire, et ont été transportés à Paris. Quoi qu’il en soit, ajoute M. Flandin, « la découverte de M. Botta justifiera Hérodote et la Bible aux yeux de ceux qui les accusaient d’exagération ».
Ce résultat nous a paru assez important pour motiver les détails qui précèdent. Devant la lumière de la science, tombent les railleries naguère si puissantes du voltairianisme. Les récits de la Bible ne sont pas des contes enfantés par l’ignorance d’un petit peuple qui, grossier et inculte, aurait admiré les moindres choses comme des prodiges. La civilisation, le luxe, la grandeur de Ninive et de l’Assyrie, étaient en effet prodigieuses. Grande leçon de réserve et d’humilité qui nous est ici donnée, et qui doit nous faire sentir le besoin d’entourer de notre respect les faits même qui nous semblent étranges, lorsqu’ils nous sont attestés par cette parole qui s’affirme toujours plus comme la vérité.