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Aussi nommé Lévi, était fils d’Alphée. Quoique Hébreu, il exerçait à Capernaüm les fonctions de publicain, si méprisées et si détestées des Juifs, qu’ils alliaient presque toujours ensemble les noms de péagers et de gens de mauvaise vie ; on peut croire par la grandeur du repas qu’il offrit à Jésus, et par le nombre des convives invités, qu’il était riche, comme l’étaient presque tous ceux qui exerçaient la même profession. Il était assis devant le bureau du péage quand le Sauveur le vit et l’appela ; comme André, comme Pierre, comme les fils de Zébédée, il suivit le Seigneur sans hésiter, et abandonna ses biens et l’emploi dont il était revêtu. Le jour même, ou quelque temps après, il réunit dans un grand repas plusieurs de ses amis, afin de leur fournir l’occasion d’entendre le Seigneur, et son nom ne se retrouve plus qu’avec ceux des frères qui se réunirent pour prier après que Jésus fut remonté vers son père (Matthieu 9.9 ; 10.3 ; Marc 2.14 ; 3.18 ; Luc 5.27 ; 6.13 ; Actes 1.13).
Matthieu est généralement regardé comme l’auteur de l’évangile qui porte son nom, mais on n’est pas d’accord sur la langue dans laquelle ce livre a été d’abord écrit, si ce fut en hébreu, en syro-chaldéen ou en grec. La question est très ardue et difficile à résoudre, comme évidemment cet évangile a été écrit pour les Juifs, il serait assez naturel de penser qu’il fut écrit en hébreu ou en syro-chaldéen, dans la langue parlée par ceux auxquels il s’adressait ; mais comme d’un autre côté l’on n’a jamais trouvé un seul manuscrit hébreu, et que d’ailleurs le texte grec a tous les caractères d’un travail original et non d’une traduction, la force de la première présomption en est considérablement affaiblie ; Matthieu, receveur des péages, devait savoir le grec, et les derniers travaux faits en Allemagne et ailleurs, semblent militer fortement en faveur d’un texte primitif grec, ou du moins d’un texte écrit en grec par Matthieu. On peut, avec Olshausen, reconnaître que le témoignage de presque tous les pères qui touchent ce sujet, est pour un texte syro-chaldéen, et admettre en même temps que Matthieu a lui-même traduit son ouvrage en grec, afin de le mettre à la portée d’un plus grand public ; la langue grecque étant plus répandue, les manuscrits dans cette langue auront été plus nombreux, plus usités, et auront fini par absorber entièrement les copies hébraïques qui ne pouvaient avoir d’utilité que pour les chrétiens d’entre les Juifs, presque toujours en minorité dans la plupart des Églises.
Quelques auteurs modernes, notamment Schleiermacher et De Wette, ont voulu refuser à l’évangile, tel que nous le possédons, un caractère apostolique ; ils s’appuient en particulier sur des indices extérieurs, et ceux-là sont précisément de ceux qui nous paraissent parler le plus haut en faveur de l’inspiration divine de cet ouvrage, que l’antiquité chrétienne a placé en tète des livres du Nouveau Testament. Quant au lieu et à l’époque de la rédaction, l’on ne peut que conjecturer avec un plus ou moins grand degré de certitude, sans rien déterminer ; les notices de la tradition sur la vie et sur l’activité de cet apôtre sont si vagues et si contradictoires, que tout ce qui s’y rattache doit aussi rester dans le vague ; les uns le font mourir en Palestine, d’autres en Éthiopie, d’autres en Syrie ou en Perse ; il mourut de mort naturelle selon Nicéphore, et martyre selon Isidore, Ambroise, etc. Le plus probable si l’on considère les caractères intérieurs de son évangile, c’est qu’il écrivit en Palestine, à Jérusalem peut-être, et avant la destruction de cette grande ville, dont il annonce la ruine comme prochaine (24.1ss) ; ce serait entre 60 et 70.
Il s’attache essentiellement à présenter Jésus comme le Christ, le Messie promis, le roi qui doit monter sur le trône de David, le grand prophète (Deutéronome 18.18), le législateur et le juge ; il se tient, autant que possible, aux prophéties de l’Ancien Testament, et son langage, sa manière de parler, est celle d’un Juif parlant à des Juifs de leurs communes espérances dont il a vu l’accomplissement ; sa conclusion est en parfaite harmonie avec son commencement ; il montre s’élevant vers les cieux comme Roi celui qui en était descendu pour pardonner. Simple et sans apprêt, il ne se laisse pas lier par l’ordre chronologique, et il groupe volontiers des événements, des discours ou des paraboles qui ont un même but, qui doivent produire un même effet, alors même qu’ils ont été séparés dans l’action. Seul il donne avec quelques détails l’histoire de l’adoration des mages, avec quelque suite le sermon sur la montagne, avec un plan déterminé les paraboles du royaume ; beaucoup plus que les autres il cite l’Ancien Testament.
Comme on l’a dit ailleurs, Matthieu a un caractère moins universel, moins catholique que Luc, et il arrête la généalogie du Sauveur à Abraham au lieu de la faire remonter à Adam ; il est moins homme qu’il n’est Juif. La grandeur n’est pas pour cela étrangère à son récit ; au contraire ; il cherche partout l’esprit, et s’embarrasse peu des détails et de la forme ; les faits ne sont pour lui que l’accessoire de la pensée, et souvent il est bref là où les autres évangélistes ne craignent pas d’être abondants. Partout il est plein de la grandeur de son maître, et il la comprend d’autant mieux qu’il la cherche dans le ciel et non point sur la terre ; il contraste avec le messianisme charnel de ses compatriotes qui attendaient un roi comme en ont les autres peuples, mais il ne s’élève pas au spiritualisme de Jean, que les anciens avaient appelé l’évangile spirituel par opposition à celui de Matthieu qui était pour eux l’évangile corporel ; non point qu’ils le missent au-dessous, ou qu’ils lui refusassent l’inspiration divine, mais comme en Christ il y avait deux natures, et qu’on pouvait l’envisager sous diverses faces, ils désignaient ainsi le point de vue différent auquel s’étaient attachés ces deux évangélistes ; Matthieu a dit la vie du Sauveur, il est essentiellement historien.