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Luc
Dictionnaire Biblique Bost
Westphal Calmet

(abrégé pour Lucain, comme Silas pour Sylvain)

L’auteur de l’Évangile et des Actes, était d’après Eusèbe, Jérôme et Nicéphore, natif d’Antioche en Syrie, et médecin de profession. Juif de religion, mais païen par sa naissance (cf. Colossiens 4.14 ; 2 Timothée 4.11), il avait une culture lettrée qui se montre soit par la pureté de son style, soit par quelques réminiscences des profanes. On ignore comment il vint à la connaissance de la vérité, mais on peut croire que ce fut par le ministère de Paul, dont il fut toujours l’ami et le compagnon de travail. Parmi les traditions, il en est qui le font ami de la Vierge, vierge lui-même, peintre, l’un des soixante-dix disciples, et le compagnon de Cléopas sur la route d’Emmaüs ; c’est possible comme sont possibles toutes les choses dont on ne sait rien, mais c’est peu probable, et notamment sa mission au nombre des soixante-dix disciples paraît contredite par Luc 1.1-3 ; c’est encore moins probable, s’il est vrai qu’il fût d’origine païenne ; on ajoute qu’après avoir entendu les enseignements du Christ, il s’en détourna, scandalisé des paroles du maître : « Celui qui ne mange pas ma chair et ne boit pas mon sang, n’est pas digne de moi Â» ; mais il revint plus tard à la foi, à la suite d’une prédication de Paul. Son histoire ne commence pour nous qu’au voyage de Troas (Actes 16.10), probablement le premier qu’il fit avec l’apôtre, car ce n’est qu’alors qu’il commence à parler à la première personne ; il suit Paul à Philippes dans la maison de Lydie, et paraît avoir séjourné quelque temps dans cette ville, malgré la persécution qu’y essuyèrent Paul et Silas ; nous l’y retrouvons encore plusieurs années après (Actes 20.6). Il reprend alors avec l’apôtre le cours de ses voyages, et l’accompagne par Troas, Assos, Mitylène, Rhodes, Tyr, et Césarée, à Jérusalem (Actes 21.15), où il resta probablement jusqu’au départ de Paul pour Rome (27.1). Fidèle à son ami, Luc partagea tous les dangers et toutes les fatigues de cette périlleuse navigation ; et arrivé au terme du voyage, il continua de lui donner ses soins et demeura au moins quelque temps avec lui, comme on le voit par la mention qui en est faite deux épîtres écrites de cette ville (Phm. 24 ; Colossiens 4.14) ; enfin dans le moment suprême, lorsque Paul écrit sa dernière épître, son testament, il peut dire : « Luc est seul avec moi Â» (2 Timothée 4.11). C’est ici que s’arrêtent les indications de l’Écriture sur l’histoire du pieux médecin, du modeste et constant ami de Paul ; la tradition ne fournit que des données incertaines sur le reste de sa vie et sur sa mort. Saint Jérôme le fait mourir à l’âge de quatre-vingt-quatre ans ; d’après Epiptaane, il aurait prêché l’Évangile en Dalmatié et dans les Gaules, et d’après Nicéphore il aurait souffert le martyre en Grèce. Les pères de l’Église lui connaissaient déjà passablement de tombeaux, à Thèbes, en Béotie, en Bithynie, à Éphèse, à Eléé, dans le Péloponèse, etc. ; on sait l’estime qu’on devra faire de ces reliques.

C’est probablement à Rome, avant la rédaction des Actes, et par conséquent dans les deux premières années de son séjour, que Luc aura écrit l’Évangile auquel la tradition unanime a donné son nom. On le conclut de ce que les deux ouvrages sont adressés à la même personne, Théophile qui était Romain, et dont Luc avait sans doute fait la connaissance à Rome même ; l’auteur entre dans beaucoup de détails sur la géographie et l’archéologie juives, qu’il paraît supposer peu connues de son lecteur, tandis qu’il passe en courant et sans explications ni indications aucunes, sur tout ce qui regarde la topographie de l’Italie, comme étant trop connu pour qu’il faille caractériser ou préciser ; arrivé au séjour de Paul à Rome, le narrateur s’arrête et ne dit presque rien des épreuves, de l’action et de la vie de Paul, ce qui n’eût pas manqué d’intéresser les lecteurs de Jérusalem si Luc eût écrit pour eux, mais ce qui était aussi superflu pour des lecteurs romains qui étaient autant que Luc au courant des affaires de Paul. Nous avons parlé des Actes à leur article ; quant à l’Évangile, bien qu’il ait assez de rapports avec ceux de Matthieu et de Marc déjà composés, pour que l’on puisse apercevoir l’usage que Luc en a fait, il diffère de l’un et de l’autre par une tendance éminemment catholique, générale, universelle. Marc est à cet égard sans caractère bien prononcé, bien qu’il ait été écrit sous l’influencé de Pierre ; mais l’Évangile de Matthieu porte le cachet juif à chaque passage, tandis qu’on trouve dans Luc le caractère de Paul, le Christ de l’humanité, l’alliance de Dieu avec la terre toute entière. On aperçoit déjà cette différence dans leurs généalogies du Sauveur, Matthieu faisant remonter les ancêtres de Jésus jusqu’à Abraham, le père des Juifs, Luc les comptant jusqu’à Adam, le père des hommes ; Matthieu ne parle que des douze apôtres représentants des douze tribus, tandis que Luc y joint les soixante-dix disciples représentants de l’humanité ; Matthieu insiste partout sur le caractère juif du Messie, Luc sur son caractère humain, évitant de raconter ce qui aurait pu faire de son Å“uvre une Å“uvre particulière, une mission juive. Luc a aussi dans la forme, quelque chose de plus intime, de plus affectueux, son Messie est plus un Sauveur qu’un Roi ; il raconte volontiers ses conversations plutôt que ses discours, et fait parler les interlocuteurs, enregistrant leurs questions et leurs réponses ; il s’attache aux détails, il raconte la naissance de Jean-Baptiste et celle du Sauveur, le premier entretien de Jésus dans le temple, la résurrection du jeune homme de Naïn, l’envoi des soixante-dix, la parabole du Samaritain miséricordieux, l’histoire de Marthe et Marie, la guérison des dix lépreux, la visite de Jésus à Zachée, la conversion du brigand sur la croix, la rencontre qui eut lieu sur le chemin d’Emmaüs ; il donne un récit circonstancié et suivi d’un grand voyage missionnaire de Jésus, et parle souvent de la miséricorde divine et de l’efficacité de la prière.

L’authenticité de cet évangile n’a guère été contestée, et même les hérétiques antimosaïques, tels que Marcion, l’ont reconnue, comme cela était assez naturel à cause de sa tendance antijudaïque, tandis qu’ils rejetaient les trois autres évangiles ; mais encore l’ont-ils tronqué en plus d’un endroit, comme l’ont remarqué Tertullien et Épiphane, partout où les paroles du Messie étaient en désaccord avec leurs vues exagérées sur la loi et l’Ancien Testament.

Les Actes des apôtres sont la suite immédiate et naturelle des Actes du maître ; Luc les a écrits sans doute peu de temps après son premier ouvrage, et a réuni l’un à l’autre par le court avant-propos qui est en tête du second livre.

Outre ces deux ouvrages, on a attribué à ce disciple la composition de l’épître aux Hébreux, ainsi que celle d’autres écrits que nous ne possédons plus.

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