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1°. Prophète hébreu, fils de Hilkija, de la race sacerdotale, natif de Anathoth, dans la tribu de Benjamin (Jérémie 1.1 ; 32.8). Sa vocation était déjà annoncée avant sa naissance, et fort jeune encore, âgé de quatorze ans à peine il commença l’exercice de son ministère dans la treizième année du roi Josias (628-627 av. J.-C.). Il demeura jusque près de sa fin à Jérusalem, seul, sans famille (16.2), presque sans amis, annonçant le malheur à ses concitoyens, qui ne s’en effrayaient point ; le bonheur, et ils refusaient d’y croire. Presque toujours menaçant dans ses prophéties, il vit presque toujours les hommes répondre à ses oracles par des menaces ou de mauvais traitements ; il dut pleurer sur lui-même en pleurant sur les autres, mais il ne sut jamais faiblir ni déguiser la vérité, quelles que fussent les prières ou les menaces. Il ne se laissa point décourager par l’opiniâtre résistance, ni aigrir par la malveillante fureur de ses ennemis ; il les aimait, il les plaignait, et ne cessa de les conjurer de chercher leur bonheur dans l’accomplissement de la volonté divine ; dévoué à son pays, à cette Judée qui le persécutait, il resta le témoin infatigable de la vérité, l’ennemi, toujours ferme dans sa modération, de l’erreur, de l’incrédulité et de l’obstination ; il remplit dignement sa mission d’ambassadeur des cieux, et fut en Juda comme un homme d’un autre monde ou d’un autre temps. Sa vie a été remplie d’événements, et n’en est pas moins monotone, parce que ces événements se ressemblent tous, ils se passent tous dans la sphère de la fidélité d’une part, de la persécution de l’autre. Il commença sous le règne de Josias et continua sous Joachaz, Jéhoïakim, Jéchonias et Sédécias. Après avoir prophétisé d’abord à Anathoth, il se rendit à Jérusalem (11.21-22 ; cf. 12.5-6), et l’on ne connaît aucun détail de son histoire jusqu’en la quatrième année de Jéhoïakim, où il faillit périr pour avoir annoncé la destruction de Jérusalem et du temple (Jérémie 26). Sous Jéchonias il prophétise encore (2 Chroniques 36.12), mais son ministère n’est interrompu, ni signalé par aucun événement. Enfin, sous Sédécias, à l’approche des grands malheurs de Jérusalem, il parle avec plus de force encore, avec plus de clarté, ses oracles sont plus effrayants, et les persécutions redoublent (Jérémie 11 et 12). Ceux de Anathoth même, sa ville natale, s’élèvent contre lui (11.21) ; plus tard il est renfermé dans la maison de Jonathan (37 et 38), parce qu’il a voulu quitter Jérusalem qui s’est rebellée contre le roi de Babylone, malgré les conseils et les oracles du prophète. Conduit devant Sédécias, il lui réitère l’annonce des mêmes malheurs, et obtient une autre prison moins dure, un geôlier moins sévère (37.17). Ses ennemis, irrités du changement qui s’est opéré dans sa position, demandent sa mort à Sédécias ; le prophète est jeté dans une fosse boueuse où il eût péri si Dieu n’eût veillé sur ses jours, et ne l’eût sauvé par le moyen d’Ébed-Mélec (39.18). Enfin Jérusalem est prise, et Jérémie trouve dans le malheur public son entière liberté ; le roi païen le sauve quand les rois juifs l’ont persécuté ; et si Jérémie est un instant, par mégarde, chargé de chaînes et conduit à Rama, il est bientôt remis en liberté par ordre de Jébuzaradan, et préfère rester dans sa patrie que de suivre les vainqueurs à Babylone, où de grands honneurs lui sont promis. Un parti était resté en Judée, celui de Johannan, qui projetait d’aller chercher en Égypte une patrie nouvelle, un asile contre de nouvelles invasions ; ils s’adressent à Jérémie pour faire légitimer leur résolution par un oracle, mais le prophète cherche à les en dissuader (chap. 42 et 43). La foule se tourne également vers l’Égypte, on émigré en masse, et plutôt que d’abandonner ces malheureux, le prophète les accompagne et cherche, mais en vain, à les préserver de l’idolâtrie et surtout du culte des astres. Ici s’arrête son histoire ; le lieu et l’époque de sa mort sont inconnus. Il est probable qu’il est mort à Taphnès ; d’autres montrent son tombeau au Caire ; quelques-uns pensent qu’il est revenu en Judée ; quelques pères enfin, s’appuyant sur Matthieu 16.14, pensent qu’il n’est pas mort, mais qu’il a été enlevé au ciel comme Élie.
Prophéties. Les oracles de Jérémie sont en général écrits dans un style large et abondant, moins obscur que celui de la plupart des autres prophètes. Les emblèmes y abondent, mais s’expliquent facilement : celui du potier qui, d’un vase brisé, en reforme un autre, annonce aux Juifs que Dieu peut détruire leur race perverse pour se faire un autre peuple obéissant et fidèle (18.2) ; ailleurs c’est un pot de terre que le prophète met lui-même en pièces dans la vallée de Hinnom (19.1) ; ailleurs, un joug chargé de liens, qu’il porte sur son cou (27 et 28) ; ou bien, l’achat d’une propriété (32.7) ; ou encore, une ceinture de lin qu’il cache dans une des cavernes de l’Euphrate (13.1). C’est également comme symbole qu’il fait appeler devant lui les Récabites (35.1). Les oracles de Jérémie ont été réunis sans égard à la chronologie, et il règne dans leur arrangement un pêle-mêle qu’il est plus facile d’apercevoir que de débrouiller. Abarbanel a dit que c’était un livre qu’il fallait lire sens devant derrière (priùs posteriùs et posteriùs priùs). On a fait beaucoup de travaux pour essayer de rétablir ces oracles dans l’ordre dans lequel ils ont été prononcés ; le commentaire français de Dahler est à cet égard un des meilleurs, comme il est en général utile à consulter sur toutes les difficultés relatives aux temps et aux prophéties de Jérémie. En anglais, un des meilleurs ouvrages est celui du docteur Blayney. Voici comment il fixe la suite des chapitres :
1° les prophéties qui ont été prononcées sous le règne de Josias : 4-12 ;
2° celles qui ont été prononcées sous Jéhoïakim : 13-20 ; 22 ; 23 ; 35 ; 36 ; 43-48 ; 49.1-33 ;
3° sous Sédécias : 21 ; 24 ; 27-34 ; 37-39 ; 49.34-39 ; 50 ; 51 ;
4° celles qui furent prononcées pendant le gouvernement de Guédalia, depuis la prise de Jérusalem jusqu’au départ du peuple pour l’Égypte (40-44).
On doit remarquer comme plus particulièrement messianiques les passages 23.5-6, où Christ est appelé l’Éternel notre Justice ; et 31.31-36 ; 33.8, qui annoncent l’efficace de l’expiation faite par la mort de Jésus, le caractère spirituel de la nouvelle alliance, et l’influence profonde et intérieure de l’Évangile (cf. Hébreux 8.8-13 ; 10.16). Le prophète Jérémie est cité (Matthieu 27.9), au lieu de Zacharie (11.12), soit que Jérémie, étant l’un des plus importants des prophètes, eût donné son nom comme titre général au recueil de toutes les prophéties, soit qu’il y ait eu une faute ou une addition de copiste, ou un manque de mémoire chez saint Matthieu, soit enfin par une confusion (appelée synchyse) de deux passages en un seul, cf. le passage cité de Zacharie avec Jérémie 32, qui n’est pas sans analogie matérielle avec Matthieu 27. On peut opter entre ces divers moyens de conciliation ; il y en a encore treize autres à ma connaissance.
Lamentations. Recueil de cinq chapitres, contenant autant de chants ou élégies dans lesquels le prophète déplore les diverses calamités qui ont affligé sa patrie ; le cinquième est un épilogue ajouté aux quatre premiers chants. Jérémie est auprès de Dieu l’interprète du peuple qui demande le pardon de ses péchés et la restauration d’Israël. Quelques anciens auteurs pensent que ce sont des Lamentations qu’il est parlé (2 Chroniques 35.25 ; Josèphe, saint Jérôme, Œcolampade), mais il paraît évident que le chant funèbre prononcé sur la mort de Josias, est un autre ouvrage de Jérémie qui ne doit pas être confondu avec les Lamentations, et Calvin appelle ce sentiment une grossière erreur (crassum ; v. aussi Bullinger). Jarchi veut encore que les Lamentations soient le livre qui a été écrit par Baruc, sous la dictée de Jérémie, après que Jéhoïakim dans sa stupide fureur en eut jeté au feu le premier rouleau ; mais le contenu des Lamentations n’est pas en accord avec ce qui est dit (Jérémie 36.2), des choses renfermées dans le livre dicté à Baruc ; peut-être y a-t-il une allusion à ce livre à la fin de 36.32, mais on n’en sait rien. L’époque de la rédaction est inconnue ; les Septante et la version arabe disent que Jérémie l’écrivit pendant la captivité et sur les ruines de Jérusalem abandonnée. Les quatre premiers chapitres sont composés de strophes acrostiches suivant l’ordre alphabétique ; au chapitre 3 les strophes sont de trois versets ; ce même genre de poésie se retrouve dans quelques psaumes et dans quelques chapitres des Proverbes ; l’auteur sacré, en y ayant égard, a consulté peut-être le goût de son temps, peut-être aussi la mémoire de ceux à qui s’adressaient ses chants. Pour un autre ordre on ne saurait en chercher ; le prophète s’abandonne à ses sentiments douloureux plus qu’il ne s’attache à leur donner une forme, et ses plaintes ne sont pas un discours ; l’espérance qui le soutient au milieu de ses peines, c’est la pensée que lors même que la terre est déserte et le temple détruit, Dieu règne encore et peut contracter avec son peuple une alliance nouvelle, pleine de grâce, pourvu que le peuple retourne à Dieu par un repentir sincère et véritable.
Le nom et les prophéties de Jérémie sont rappelés (2 Chroniques 36.21 ; Esdras 1.1 ; Daniel 9.2 ; cf. Jérémie 25.12 ; 29.10).
L’Écriture sainte mentionne encore d’autres hommes de ce nom : le père de Hamutal, épouse de Josias (2 Rois 24.18) ; un vaillant chef de la tribu de Manassé (1 Chroniques 5.24) ; enfin deux héros de l’armée de David (1 Chroniques 12.4-10, 13).