A B
C D
E F
G H
I J
K L
M N
O P
Q R
S T
U V
W X
Y Z
On appelle ainsi la relation qui s’établit entre des parties qui, séparées antérieurement, se rapprochent l’une de l’autre sous diverses conditions et dans divers buts, et qui consolident ce rapprochement par certains rites et par certaines promesses qui le rendent sacré. Ce rapprochement est donc opéré par un lien, et comme ce lien introduit souvent entre ceux qu’il rattache un genre d’unité ou de communauté, alliance désigne quelquefois non pas le lien seulement, mais encore ce qui fut lié ou plutôt l’état d’union qui en dérive. Dans ce cas, alliance et communion ont un même sens (Matthieu 26.28 ; 1 Corinthiens 10.16). Or, une même communauté ou un même corps ne pouvant être animés que d’une seule et même vie, on comprendra facilement pourquoi toute participation à une même nourriture (comme principe de cette même vie) constatait une alliance déjà consommée ou acceptée, tout comme ce qui déterminait un droit à cette participation commune, constatait la consommation elle-même de l’alliance (cf. Exode 24.4-5, 6, avec 9, 10, 11). Quant à l’alliance, c’est-à-dire quant aux liens proprement dits, ils ressortaient nécessairement de la qualité et des circonstances des personnes qui entraient dans de pareils rapports, car de cette qualité ou de ces circonstances se tiraient les considérations qui fixaient, non seulement la nature et le caractère du traité que l’on voulait former, mais celles surtout par lesquelles se spécifiaient encore les intérêts et les avantages des personnes qui y voulaient entrer (Exode 19.4 ; 20.2 ; Genèse 31.43 ; 15.7 ; Josué 9.9 ; 1 Samuel 20.15). Du reste, une alliance ne se faisait point sans qu’elle imposât des obligations qui lui étaient particulières, et qui, le plus souvent, se trouvaient réciproques pour chacune des parties (Genèse 26.28 ; Exode 19.5 ; Genèse 31.50-52, 54). Observer ces obligations devenait indispensable, puisqu’elles étaient autant de conditions sans l’accomplissement desquelles le contrat formé ne pouvait obtenir la réalisation de sa fin. On devait, par conséquent, envisager de pareilles obligations ou de pareilles conditions comme si étroitement unies aux alliances, que si, de part et d’autre, elles n’étaient pas fidèlement remplies, les liens du traité lui-même se rompaient inévitablement. Toute la valeur de l’alliance dépendait ainsi de l’engagement que prenait chaque partie de respecter les nouveaux devoirs qu’elle venait de contracter et de ne se rien permettre qui pût détruire ou troubler les nouveaux rapports dans lesquels elle venait d’entrer. Or cet engagement consistait en une promesse solennelle, c’est-à-dire accompagnée de serments et de témoignages, et comme le traité tirait d’elle toute sa force, faire cette promesse et la garder se disaient l’un et l’autre : confirmer l’alliance (Galates 3.15-17 ; Daniel 9.27). Cette confirmation étant une promesse d’observer une alliance faite, suivait naturellement l’alliance elle-même.
Pour qu’une alliance fût consommée, il fallait que cette alliance et que la promesse de la garder fussent consacrées par certains actes religieux. Ces actes avaient deux buts :
1°. de réclamer une intervention et par conséquent une sanction divine ;
2°. de consommer le traité, en d’autres termes, de le mettre en activité par une démonstration solennelle qui exprimait à la fois son caractère et sa réalité.
L’acte qui réclamait l’intervention et la sanction de la Divinité, consistait dans une reconnaissance formelle de Dieu, et comme témoin de la vérité des traités, et comme exécuteur du bien et du mal que leur observation ou que leur transgression méritait.
Ces fonctions de témoin et d’exécuteur des contrats, quoiqu’elles appartinssent à Dieu proprement, pouvaient cependant, par une autorisation légale ou spéciale de sa part, être transmises à d’autres. Mais ces deux fonctions étant réunies en Dieu, le devaient être également dans ceux qui les recevaient de lui (Deutéronome 17.7). Du reste, l’une et l’autre avaient un même office ; elles exigeaient un témoignage rendu à l’inviolabilité des traités, par conséquent leur exécution, en tant qu’elle dépendait de Dieu et non plus des hommes seulement. Ce témoignage ou cette exécution n’étaient donc qu’un jugement de Dieu direct ou indirect, c’est-à-dire sa bénédiction ou sa malédiction, imposées en vertu de l’alliance elle-même, et suivant la fidélité des contractants.
L’acte religieux qui, dans une alliance quelconque, consacrait une sanction pareille était d’une double espèce : c’était d’abord un signe qui, comme symbole, constatait quelle était cette intervention dont chacune des parties reconnaissait la validité, et qui, comme témoignage quelquefois monumental, constatait en même temps la réquisition que l’on en avait faite ; c’était ensuite un serment par lequel on déclarait se soumettre et s’attendre à être jugé par le tiers intervenant (appelé témoin), selon les termes de l’alliance et selon la manière dont on l’aurait gardée. Quant au serment lui-même, la nature du traité le pouvait aussi modifier, c’est-à-dire qu’il appelait séparément la bénédiction ou la malédiction, ou qu’il certifiait la possibilité de l’une et de l’autre. Dans certains cas, il était accompagné d’un symbole qui montrait que la sentence méritée était immédiatement imposée, symbole dont le sens devenait alors sacramentel.
L’acte qui servait à consommer une alliance, ou plutôt à la mettre en vigueur par une démonstration solennelle, laquelle devait exprimer à la fois et la réalité et la nature du lien qu’elle établissait entre les contractants, cet acte précédait le serment et variait d’après la nature du contrat. Il paraît, du moins, s’être distingué de certains rites païens par ce côté essentiel, que jamais, dans ses formes, il ne confondait une alliance profane avec une alliance dont le but était proprement religieux. Enfin, il était lui-même réclamé comme témoignage ; et indépendamment d’un rapport quelconque avec la religion, certains symboles lui donnaient, par leur signification, le caractère sacré qu’il devait toujours posséder. Quant aux rites qui accompagnaient de semblables contrats, ils offrent des modifications que la variété des circonstances sert à expliquer. Ces explications sont donc renvoyées à l’article qui traite le sujet particulier auquel elles se rapportent. Nous nous bornons ici à indiquer les formes les plus indispensables et les plus inhérentes au cérémonial des alliances contractées.
Ce qui figurait l’alliance comme lien et communauté, c’est-à-dire ce qui figurait l’alliance elle-même, c’était ordinairement un repas pris en commun (Genèse 26.30 ; 31.46 ; Josué 9.14). Quand la communauté fondée était une communauté religieuse, alors seulement le repas se faisait avec les victimes du sacrifice (Deutéronome 27.7). Le pain et le vin, mais surtout le sel, paraissent avoir été habituellement employés. Le sel particulièrement tirait des qualités qui lui appartiennent, un sens symbolique correspondant à l’idée même d’alliance. Par cette puissance qu’il a d’attaquer dans un corps certaines parties, en même temps qu’il en conserve d’autres, par cette action amie et ennemie qu’il exerce à la fois sur tout aliment, il était le symbole le plus naturel d’un contrat dont la vertu propre est justement de vous rendre et l’ami de ceux qui sont les amis de votre allié, et l’ennemi de ceux qui en seraient les ennemis (Genèse 12.3). Mais une alliance faite en ces ternies : « Je bénirai ceux qui te bénissent, et je maudirai ceux qui te maudissent », étant considérée comme l’alliance la plus sacrée et la plus indestructible que l’on pût former, le sel, dont la propriété est de conserver, exprimait doublement le caractère de semblables alliances, de ces alliances éternelles que, dans certains endroits, l’Écriture nomme également, à cause de cela, des alliances de sel (Nombres 18.19 ; 2 Chroniques 13.5). Enfin, l’épithète d’alliance accompagne le mot sel là où il est ordonné de le faire entrer dans la composition de tout ce que l’on devait offrir à Dieu d’après son alliance (Lévitique 2.13).
Un autre rite non moins solennel et non moins répandu dans toute l’antiquité (il a donné son nom au mot hébreu qui signifie alliance, Berith, de Barah, disséquer, tailler, partager), consistait à partager un ou plusieurs animaux en des parts qui se plaçaient de manière à se correspondre (Genèse 15.10), les parties contractantes passaient entre ces moitiés, et donnaient ainsi à entendre qu’elles entraient dans les mêmes rapports qui avaient précédemment uni les membres de la victime. Cette interprétation sera peut-être contestée, mais toutes les autres se fondent sur des points de vue qui semblent inconciliables avec le seul exemple que l’Écriture nous fournisse d’une alliance faite de cette manière, l’alliance de Dieu avec Abraham. Jérémie 34.18, n’est point en opposition avec ce que nous venons de dire ; car rien ne prouve que les deux parts représentassent les deux parties contractantes.
Un dernier usage que nous consignerons sur ce point, et dont il est parlé en Genèse 21.28, fut de donner à celui avec lequel on voulait contracter, une portion de son propre bien.
Les parties contractantes, leur sincérité dans les engagements qu’elles avaient pris, sont également figurés dans le rituel des alliances par des signes matériels et visibles, destinés à servir quelquefois de témoignages permanents (Genèse 31.46.) Les symboles employés dans ce but étaient habituellement des pierres ; on les érigeait en un monceau, suivant le nombre des parties contractantes, et si l’alliance où elles entraient était une alliance religieuse, on en faisait un autel (Exode 24.4). À l’égard de ces autels, il est constamment ordonné de les construire de pierres non taillées (Exode 20.25 ; Deutéronome 27.5 ; Josué 8.31). Cet ordre fut donné, d’abord afin que ces autels ne fussent point une occasion de révolte contre le commandement exprès de n’offrir des sacrifices qu’au lieu que l’Éternel aurait désigné lui-même (pour cette même raison ils se faisaient de terre dans les autres cas), mais surtout afin qu’ils marquassent plus expressément leur genre de destination et qu’ils représentassent par leur propre intégrité la vie, la plénitude, la sainteté du témoignage dont ils faisaient foi (Deutéronome 27.8 ; 1 Pierre 2.5 ; 1 Rois 6.7 ; Éphésiens 2.22 ; Jean 19.36 ; Exode 12.46).
La consécration des alliances, en tant que ces alliances sont une promesse à garder, trouve dans le rituel des symboles correspondants. Cette consécration consiste, avons-nous dit, dans l’invocation d’un témoignage divin, invocation qui imposait au lien établi, et surtout à la promesse donnée, un caractère inviolable et sacré ; néanmoins elle ne les convertissait jamais en des rapports proprement religieux, si déjà ils ne l’étaient pas par eux-mêmes. Ce témoignage invoqué était habituellement représenté par des pierres ; tantôt ces pierres étaient carrées, alors elles étaient le symbole reconnu de l’univers ; tantôt elles étaient non taillées, et elles représentaient davantage l’œuvre de Dieu : dans ce dernier cas elles étaient tout ensemble un témoignage rendu à Dieu, et un témoignage venant de Dieu. Dans l’un et dans l’autre cas, les cieux ou la terre étaient invoqués en témoignage. Ces pierres donnaient à entendre que celui qui est l’auteur de la création devait être le Dieu du témoignage, l’auteur des serments, le Dieu par lequel on devait jurer (cf. Philémon 2.10-11 ; Apocalypse 5.8 ; etc. Josué 24.22, et Deut 27.9). Celui qui érigeait une telle pierre faisait donc un acte de foi, et il en usait comme d’un gage de sa propre fidélité. C’est pourquoi aussi Dieu, voulant donner à son peuple, au sujet de son alliance avec lui, un gage (ou un témoin) de sa propre fidélité, il employa pour signe dans le second temple une pierre carrée (Théod. Hasaiiis, de lapide fundamenti, dans le Thésaurus Ugolini, t. vm), et dans le premier deux tables de pierre, qui sans doute, sous une forme appropriée aux circonstances, représentaient ces cieux et cette terre où Dieu a partout écrit de son doigt le témoignage, c’est-à-dire sa loi. Le nombre sept avait une place sacrée parmi les symboles destinés à la consécration du serment. Il représente le monde dans sa durée ; mais cette durée, elle est envisagée elle-même dans son rapport avec le témoignage de Dieu. De là l’emploi de ce nombre dans notre cas. Christ comme témoin est également représenté par une pierre à sept yeux (Zacharie 3.9 ; cf Apocalypse 5.6).
Enfin la consécration des alliances, en tant que ces alliances sont un lien et une communion établis entre plusieurs, ne se célébrait point d’après des rites religieux, si les rapports fondés sur ces alliances n’étaient eux-mêmes essentiellement religieux. Ainsi aucun sacrifice, aucune libation, aucune participation à la victime, aucun signe d’une consécration personnelle n’accompagnait une alliance purement humaine. Les cérémonies païennes, par exemple celles des Grecs (Iliad. III, 2o1), celles des anciens Arabes (Hérod. 3, 8), celles des Scythes (Hérod. 4, 70.comp. Sali. Cat. 22), celles des Lydiens et des Mèdes consistaient toutes au contraire dans une participation des contractants à la victime (lliad. III, 273), ou dans une corrélation établie mystiquement entre eux par la communication de leur propre sang (Hérod. 1, 74). L’un et l’autre étaient défendus à l’Israélite ; boire le sang lui était interdit, le sacrifice appartenait au temple.
L’usage de partager un animal en deux moitiés, et de passer entre elles, fut commun à plusieurs peuples de l’antiquité. De là sont venues, en hébreu, les expressions Berith (partage), Karath Be-rith (partager) ; mais rien ne prouve que les mots fcedus icere, ferire, percutere, en soient également déduits (voyez cependant le passage de l’Iliade cité plus haut). Quoi qu’il en soit, rien ne nous oblige à voir dans ce rite un sacrifice proprement dit, plutôt qu’un acte symbolique et solennel dont le sens a été indiqué, lequel paraît certain à l’égard des Juifs : rien ne prouve qu’il en fût autrement chez les autres nations (Hérod. 2, 139.7-39.comp. Liv. 1, 24.Sophonie Aj. 1177.sq.). Cela explique pourquoi nous ne trouvons rien de pareil dans la consécration des alliances de Dieu avec son peuple, et pourquoi encore ce signe n’était point un signe de réciprocité, et s’employait seulement quand l’une des parties était sommée par l’autre de donner un témoignage figuratif des engagements qu’elle contractait (Genèse 18.8).
De là dérivent néanmoins certaines formules d’imprécation ou de malédiction, qui pourtant ne contredisent en rien ce que nous venons d’avancer, puisqu’elles démontrent justement que l’animal partagé ne figurait que l’une des parties du contrat (Jérémie 34.19).