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Outre le frère de Jésus (Matthieu 13.55), le Nouveau Testament nous fait connaître, au sein de l’Église apostolique, trois hommes de ce nom, savoir : Jacques frère de Jean et fils de Zébédée, bientôt décapité (Actes 12.2) ; Jacques, fils d’Alphée, sur la vie duquel nous n’avons aucun détail ; et Jacques, frère du Seigneur (Galates 1.19), le conducteur de l’Église de Jérusalem, et le chef de la portion encore judaïsante de cette Église. Plusieurs théologiens regardent ces deux derniers comme identiques, d’autres les distinguent (Sardinoux) ; d’autres regardent le Jacques frère du Seigneur, comme son cousin, et par conséquent distinct encore du Jacques de Matthieu 13.55. Sans entrer dans un examen approfondi de cette question, que j’ai fini par trouver insoluble à force de l’avoir examinée, il convient de dire au moins quelles sont les raisons qui paraissent établir plutôt leur identité. Luc, dans son Évangile et dans les Actes, distingue toujours Jacques fils d’Alphée, de Jacques fils de Zébédée, jusqu’à la mort de ce dernier ; mais depuis lors (Actes 12.2), il ne se sert plus que de la simple dénomination de Jacques. Il paraît donc que depuis la mort du fils de Zébédée il ne resta plus dans l’Église qu’un seul Jacques assez distingué, et il est peu probable que ce seul Jacques ait été le troisième, le frère du Seigneur, car on ne saurait alors ce que serait devenu Jacques fils d’Alphée ; on se verrait obligé de construire un édifice d’hypothèses comme De Wette qui fait mourir le fils d’Alphée subitement, et sans que les auteurs sacrés en disent rien, et qui élève rapidement au plus haut degré d’estime dans l’Église apostolique, le frère du Seigneur jusqu’alors inconnu. Luc n’est pas le seul non plus qui, depuis la mort du fils de Zébédée, semble ne reconnaître qu’un seul Jacques dans l’Église (voir 1 Corinthiens 15.7 ; Galates 2.9-12 ; Jude 1.1). Le passage de Galates 1.19, semble contredire cette manière de voir, et établir l’existence d’un troisième Jacques, différent du fils d’Alphée et de celui de Zébédée, d’un Jacques frère germain de Jésus. Mais ce seul passage ne saurait suffire, et il s’explique assez facilement sans cela. Paul parle d’un temps où le fils de Zébédée était encore en vie ; en nommant Jacques il était donc obligé de dire duquel il voulait parler, et il donne au fils d’Alphée le nom de frère du Seigneur, parce que sa relation avec Jésus était alors une marque plus caractéristique et plus connue, d’autant plus qu’Alphée était un homme obscur (c’est pour la même raison que le fils de Zébédée est quelquefois appelé le frère de Jean). Reste à savoir pourquoi Jacques est appelé le frère du Seigneur s’il n’était que son cousin ; et ici la difficulté est réelle ; car, quoiqu’on puisse dire et même prouver que le mot frère s’employait quelquefois pour désigner une parenté collatérale plus éloignée (Genèse 13.8 ; 29.15), cependant la chose n’était point passée en loi, ni même en usage, et dans le cas particulier, comme il est constant que Jésus avait non seulement des cousins, mais des frères de mère (cf. Matthieu 13.55), Jacques était peut-être l’un d’entre eux, et il serait possible que celui qui est mentionné (Galates 1.19), comme une des colonnes de l’Église, et qui par conséquent se retrouve partout comme seul Jacques depuis la mort du fils de Zébédée, fût le même que Matthieu 13.55 ; la chose est possible en elle-même, mais elle n’est que cela, et il faudrait prouver qu’elle est sûre, il faudrait lever l’invraisemblance qu’il y a dans l’apparition subite d’un nouveau Jacques, accompagnée de la disparition également subite du fils d’Alphée. Ajoutons que dans ce passage (Galates 1.19 ; cf. Actes 9.27), Jacques est appelé apôtre, et que nous ne voyons nulle part qu’un Jacques, frère de Jésus, ait été élevé à cette dignité, jusqu’à être mis au même rang que Pierre. Nous nous en tenons donc à l’opinion généralement reçue qui pense qu’il n’y a eu que deux Jacques.
1°. Jacques, fils de Zébédée et de Salomé, surnommé le Majeur, frère de Jean l’évangéliste, raccommodait ses filets sur les bords du lac de Génésareth, lorsqu’il entendit l’appel de Jésus, auquel il obéit sans hésitation (Matthieu 4.21 ; 10.2 ; Marc 1.19-3.17 ; Luc 5.9 ; 6.14). Il fut toujours un des trois plus intimes confidents du Seigneur, malgré l’orgueil et l’intolérance qui signalèrent par deux fois ses premiers pas dans la carrière évangélique (Matthieu 20.20 ; Luc 9.54). On le trouve auprès de son maître à la guérison de la belle-mère de Pierre, dans la maison de Jaïrus, sur le mont Thabor, sur la colline où Jésus annonce la ruine de Jérusalem et les signes des derniers temps, en Gethsémané, lors de la réintégration de saint Pierre, et enfin à Jérusalem après l’ascension (Marc 1.29 ; 5.37 ; 9.2 ; 10.35 ; 13.3 ; 14.33 ; Jean 21.2 ; Actes 1.13). Décapité par l’ordre d’Hérode Agrippa (44 ans après Jésus-Christ), il mourut à Jérusalem, après avoir porté la prédication de l’Évangile, si l’on en croit une tradition peu probable, en Espagne et jusqu’en Angleterre. Jésus l’avait surnommé Boanergès.
2°. Jacques le Mineur, fils d’Alphée et de Marie sœur de la mère de Jésus, succéda au précédent comme conducteur de l’Église de Jérusalem (Matthieu 10.3 ; 13.55 ; 27.56). Les évangélistes ne donnent sur sa personne et sur son caractère aucun détail particulier. Ses rapports de parenté avec Jésus, ses convictions religieuses qui conservèrent autant que possible les formes du judaïsme, qui établirent le christianisme sur des bases qui n’étaient point hostiles ou directement opposées au précédent ordre de choses, enfin son caractère personnel et ses principes ascétiques, tout contribua à le rendre propre au rang élevé qu’il occupait dans Jérusalem et dans l’Église. Le chapitre 15 des Actes est celui qui nous fait le mieux connaître et comprendre son influence et son autorité (cf. 21.18), et la manière honorable dont en parle saint Paul (Galates 1.19 ; 2.9-12). Il paraît avoir été un homme non seulement ferme dans la foi, mais aussi irrépréhensible dans sa conduite à l’égard des Juifs incrédules. Selon Hégésippe, sa vie était celle d’un vrai Nazaréen ; il jouissait du privilège d’entrer à toute heure dans le temple, et il y passa beaucoup de temps en prières ferventes ; on l’avait surnommé le Juste, et le rempart de son peuple. Il vécut jusqu’à la ruine de la nation et de l’Église juive. Peu d’années avant que la guerre fatale éclatât, le souverain sacrificateur Ananus, sadducéen, profita de l’intervalle qui s’écoula entre la mort du gouverneur Festus et l’arrivée de son successeur Albinus, pour faire lapider l’apôtre. La majorité du peuple protesta contre cet acte de violence ; Albinus étant arrivé écrivit à Ananus une lettre de reproches et de menaces, et Agrippa le destitua de son pontificat. D’après Hégésippe, les pharisiens auraient aussi pris part à la mort du juste ; il raconte qu’on le précipita du haut du temple, que Jacques n’ayant pas été tué par la chute, on se mit à le lapider, et que pendant qu’il priait pour ses persécuteurs, un tanneur lui asséna sur la tête un coup qui mit fin à ses jours et à ses souffrances. C’était vers l’an 64. Eusèbe raconte sa mort d’une manière un peu différente. Beaucoup de Juifs, après le siège et la destruction de Jérusalem, attribuèrent cette catastrophe à la malédiction divine que le peuple avait attirée sur lui par le supplice de cet homme si saint et si respecté.
C’est probablement à ce Jacques, fils d’Alphée, que se rapporte le passage de 1 Corinthiens 15.7, où il est fait allusion à un fait que les évangélistes ne nous ont pas conservé.
3°. Jacques, un des frères de Jésus (Matthieu 13.55), complètement inconnu ; il s’est joint à l’Église après l’Ascension.
Épître de Jacques. Elle fut probablement écrite de Jérusalem par Jacques, le frère du Seigneur, vers l’année 61 ; elle est adressée à des judéo-chrétiens qui pouvaient être tentés de se laisser tomber dans le relâchement et dans le mépris des œuvres et de la loi ; on n’y trouve pas un plan proprement dit, mais une suite d’exhortations telles que les circonstances les demandaient, et telles que l’Esprit les lui inspirait.
Chapitre 1 : il est dirigé contre la faiblesse de foi, l’irrésolution en doctrine, la pusillanimité ; depuis le verset 19 l’auteur relève la nécessité d’une vie chrétienne.
Chapitre 2 : Après s’être élevé contre les privilèges que le cœur humain est trop facilement porté a accorder aux riches, Jacques reprend ce qu’il a déjà dit sur la nécessité de montrer sa foi par ses œuvres.
Chapitre 3 : Exhortations relatives à la tempérance de la langue.
Chapitre 4 : Contre la frivolité, la légèreté, l’esprit mondain, etc.
Chapitre 5 : Condamnation des richesses iniques, avertissements aux riches ; diverses autres exhortations.
Les sujets que traite cette épître sont importants à méditer, particulièrement en certaines époques. On peut dire, je crois, que Jacques ne suscitera jamais un réveil religieux, mais c’est surtout dans un temps de réveil religieux qu’il pourra exercer une grande et salutaire influence, parce que la foi étant le grand et vrai levier de tout réveil, comme elle est aussi le seul moyen de salut, on risque, à force de relever l’importance de la croyance, de la doctrine, d’oublier que la croyance seule n’est pas la foi, et que pour mériter ce nom elle doit être accompagnée de ce qui en constitue la réalité, c’est-à-dire des bonnes œuvres. Jacques ne diffère point de Paul sur ce point, ni Paul de Jacques ; l’un veut la foi et les œuvres, l’autre veut les œuvres et la foi, et chacun insiste sur celui des points de vue qui lui paraît le plus négligé dans les circonstances où il écrit, et le plus important à mettre en saillie.
Quant à l’authenticité de l’épître, elle a été attaquée par des hommes de couleurs bien différentes ; cependant De Wette lui-même, qui avait d’abord émis quelques doutes, les a complètement rétractés dans la deuxième édition de son Einleitung etc., p. 316 et suiv. Clément de Rome et Hermas, l’auteur du Berger, connaissaient déjà cette épître, et Irénée a fait une allusion à 2.23, en se servant d’expressions empruntées presque littéralement à cette épître ; Origène, Denys d’Alexandrie et Eusèbe la mentionnent également et l’attribuent à Jacques ; enfin une circonstance très favorable à l’authenticité de cette épître, c’est qu’elle se trouve déjà dans la Peschito, ce qui prouve que l’Église syrienne au deuxième siècle la connaissait et l’avait acceptée.