Psaumes 118:1 - Alleluia. ALEPH : (Bien)Heureux ceux qui sont immaculés dans la voie, qui marchent dans la loi du (le) Seigneur.
[118.1 Ce psaume est acrostiche ou alphabétique, mais de telle sorte que chacune des vingt-deux lettres dont se compose l’alphabet hébreu comprend huit versets. Selon saint Ambroise, le Psalmiste a suivi l’ordre alphabétique, comme pour nous faire comprendre que ce psaume est l’alphabet des chrétiens, et que nous y trouvons les éléments et les principes de tous nos devoirs. La loi de Dieu se trouve exprimée dans tous les versets (excepté le 122e), mais sous plusieurs noms différents, noms qui en montrent les qualités et l’excellence. Et bien que ces noms ne signifient pas tous étymologiquement la même chose, on ne laisse pas de les prendre pour synonyme dans ce psaume. Or, pour éviter dans les Notes explicatives une foule de redites, nous donnerons ici l’explication de ces divers noms. Ainsi la loi, lex, terme générique qui comprend tout ce que Dieu a ordonné par lui-même, par ses législateurs et ses prophètes, et qu’on explique principalement de la loi écrite, donnée ou la conduite qu’il doit tenir, en suivant les lois de Dieu ; ― 2° Témoignage (testimonium), soit parce que sa loi est quelquefois accompagnée de certains rites, qui servent de monument ou de témoignage à quelque événement mémorable, comme la Pâque, qui est un témoignage de la sortie d’Egypte, soit parce que, suivant saint Hilaire et Théodoret, Dieu, en donnant ses lois à son peuple, attesta le ciel et la terre ; ― 3° Commandement (mandatum), ou bien encore, précepte, ordonnance, statut, décret ; parce que la loi contient des ordres, où Dieu se donne comme maître et comme monarque absolu, et des prescriptions qui regardent particulièrement le culte et l’amour de Dieu et du prochain ; ― 4° Parole (verbum, eloquium), parce que les promesses, les menaces, les instructions et les ordres de Dieu, dont il est parlé si souvent dans la loi, s’expriment par des paroles ; ― 5° Jugement (judicium), parce que dans les lois divines se trouvent des jugements rendus, des sentences prononcées, et les effets de ces jugements et de ces sentences, lesquels sont, d’un côté, l’acquittement des justes, et de l’autre, la punition des méchants ; ― 6° Justice (justitia), parce que dans toutes les lois du Seigneur règne l’équité la plus parfaite, équité qui paraît surtout dans la conduite qu’il tient envers les hommes, en rendant à chacun selon ses œuvres ; ― 7° Justification (justificatio), parce que c’est l’observation de la loi qui nous justifie et nous fait croître en justice et en sainteté ; ― 8° Enfin la loi divine est nommée vérité (veritas), soit parce qu’elle ne contient rien de faux, soit parce que les promesses et les menaces qu’elle fait doivent être fidèlement accomplies.
La pensée principale développée dans ce psaume est que notre devoir capital consiste dans l’observation de la loi de Dieu. L’Eglise le fait réciter tous les jours à ses prêtres, dans les petites heures du Bréviaire, pour leur rappeler que leur vie entière ne doit être que l’accomplissement de la volonté de Dieu.
On a reproché à ce psaume de manquer de plan et de logique, d’être rempli de répétitions oiseuses et monotones, etc. Voici ce qu’on peut répondre à ces objections : « Le verset 9 nous montre que l’auteur est « un jeune homme, » ce qui est confirmé par les versets 99 et 100 [et 141]. Ce jeune homme se trouve dans un état qui est clairement décrit : il est traité avec mépris, maltraité, persécuté par les ennemis de la parole de Dieu, puisque la défection l’entoure, par un gouvernement hostile à la vraie religion, versets 23, 46 et 161 ; il est dans les fers, versets 61 et 83 ; il attend la mort, verset 109 ; il reconnaît dans ses souffrances une humiliation salutaire qui lui vient de Dieu : la parole de Dieu est donc sa consolation, sa sagesse ; il attend le secours divin et l’implore ; ― le psaume tout entier est une prière pour obtenir la persévérance au milieu d’une société impie et dégénérée, la consolation au milieu d’une affliction profonde, augmentée par l’infidélité de ceux qui l’environnent ; c’est une prière pour obtenir le salut : elle devient de plus en plus pressante et fait entendre, dans la strophe caph, le quand me consolerez-vous ? verset 82. ― Lorsqu’on s’est bien pénétré de ce caractère du psaume, il est impossible de ne pas apercevoir le développement de la pensée. Après avoir loué la parole de Dieu (strophe aleph) et proclamé combien grande est sa vertu, puisqu’elle rend pieux le jeune homme qui l’étudie avec soin (beth), le poète demande, au milieu des ennemis railleurs qui le persécutent, la grâce de l’illumination (ghimel), de la fermeté (daleth), de la persévérance (hé), et de la force de confesser sa foi avec force et avec joie (vau) ; la parole de Dieu est l’objet de son affection (zaïn) ; il se range parmi ceux qui craignent Dieu (kheth), il reconnaît que son humiliation est salutaire (teth), mais il a besoin de consolation (yod), et il demande en soupirant : Quand serai-je délivré (caph) ? Sans la parole puissante, ferme, éternelle de Dieu qui le soutient, il perdrait courage (lamed) ; elle lui donne la sagesse et la prudence (mem) ; il lui a juré fidélité et il garde son serment, malgré la persécution (nun) ; il abhorre et méprise les apostats (samech). Il est opprimé, mais Dieu ne le laissera pas périr (‘aïn), il ne permettra pas que les efforts des impies, qui lui arrachent des larmes, l’emportent (phé) sur lui, qui est petit (encore jeune) et méprisé, mais que consume le zèle contre ceux qui oublient Dieu (tsadé). Puisse le Seigneur entendre les cris par lesquels il l’appelle, et le jour et la nuit (qof), le consoler bientôt par sa miséricordieuse bonté (resch), lui qui, persécuté par les princes, s’attache fermement à Dieu (schin), et enfin le sauver, lui, pauvre brebis errante et en grand danger (thau) ! ― Toutes les pensées principales des diverses strophes ne sont pas épuisées par cette analyse,… mais elle montre du moins que ce psaume ne manque point de suite et de mouvement dans la pensée, qu’il n’est point un simple poème abstrait, mais que, fondé sur des événements particuliers, il est l’expression d’une situation personnelle, d’où est sorti, comme un fruit de la piété (de l’auteur), c’est éloge intarissable de la loi de Dieu… Il est possible que la composition d’un psaume aussi long, qui manifeste dans sa forme artificielle, depuis le commencement jusqu’à la fin, la tranquillité d’âme d’un confesseur de la foi, soit l’œuvre d’un prisonnier qui abrégeait les heures de sa captivité en exprimant ainsi, en strophes alphabétiques ses plaintes et ses espérances. » (F. DELITZSCH.)
« Il nous paraît, dit M. Le Hir, que l’on pourrait tirer de la seule lecture ou exposition de ce psaume une preuve frappante de la divinité d’une religion qui inspire de tels sentiments d’amour, d’amour tendre, vif et désintéressé pour la loi de Dieu. Le Psalmiste va jusqu’à verser des larmes et à se consumer de douleur et d’indignation, par zèle pour cette loi qu’il voit transgressée, méprisée par les méchants. L’homme cherche en vain de tels sentiments en lui-même, il faut que la grâce les y forme. Aussi ne trouve-t-on rien d’analogue dans toutes les littératures ni dans toutes les philosophies profanes. »]