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Zacharie 11.17 Au berger qui abandonne . Ce n’est pas ici une idée toute nouvelle, celle d’un berger qui s’enfuirait loin du troupeau. Abandonner signifie n’avoir pas soin de . Comme il traite le troupeau, il sera traité lui-même ; il le laisse dépérir, il dépérira par la malédiction divine, il traînera une vie malheureuse. Nous avons traduit par le dépérissement le mot chéreb qu’on traduit ordinairement par l’épée ; l’image de l’épée ne convient point pour expliquer le dessèchement des membres. Ce terme se retrouve Deutéronome 28.22 , très probablement dans le sens que nous lui donnons ici et qui est habituellement celui qu’exprime le mot très voisin choreb , de charab , être sec, aride.
Remarques sur le sens de la scène symbolique du chapitre 11 Observons d’abord que cette scène n’est point donnée expressément, pour une vision. Elle n’est pas présentée non plus comme devant être réalisée extérieurement, ainsi que celle du couronnement de Jéhosua, au chapitre 6. Elle a un caractère intermédiaire : c’est un tableau allégorique dans le genre de ceux d’Osée chapitres 1 et 2, ou de Jean chapitre 10. Le prophète exprime, sous une forme symbolique, la relation entre Dieu et son peuple au moment en vue duquel il parle, afin de rendre la pensée plus saisissante pour le cœur des auditeurs.
La question est de savoir s’il veut, par ce tableau, décrire des événements déjà accomplis et dont il annoncerait les désastreuses conséquences dans un prochain avenir, ou s’il a en vue, dans le tableau tout entier, un événement futur auquel aboutira l’histoire d’Israël rétabli après l’exil.
Voici l’explication que l’on donne au premier point de vue. C’étaient les derniers temps du royaume des dix tribus, à peu près la même époque que celle où Osée prophétisa. Le royaume du nord était livré aux discordes civiles et à l’anarchie et déjà à demi conquis par l’Assyrie. Un prophète qui nous est inconnu se sent appelé de l’Éternel, avant que le coup fatal frappe le peuple à faire un dernier effort pour le sauver. Pendant un certain temps, il travaille avec zèle dans ce sens ; mais les plus pauvres du peuple seulement se laissent émouvoir, la masse de la nation ne lui témoigne qu’indifférence et dégoût. Pendant cette période très courte, trois souverains sont successivement renversés. Ce pourraient être Zacharie, Sallum et Ménahem, qui se succédèrent rapidement ; ou bien, comme l’espace d’un mois est absolument insuffisant pour y faire rentrer ces trois règnes, on pourrait penser à des prétendants inconnus régnant chacun sur une partie du pays, puis renversés dans ce court espace de temps. Le prophète, n’ayant point réussi à ramener le peuple des dix tribus sous la domination de l’Éternel, abandonne sa mission et y met fin solennellement, en avertissant le peuple et en lui déclarant que la conséquence de cet abandon sera de le livrer à l’ennemi étranger qui le menace. Le trait du salaire payé ne se rapporte à aucun fait extérieur réel ;il exprime dramatiquement un fait d’ordre spirituel, l’ingratitude d’Éphraïm envers l’Éternel. La rupture de la houlette Liens indique qu’Éphraïm va être définitivement retranché et que Juda va exister seul, étranger désormais à Éphraïm dispersé. Le mauvais berger, auquel est livré Éphraïm, est l’un des derniers rois d’Israël, peut-être Pékach.
Cette explication, si répandue qu’elle soit aujourd’hui, nous paraît se heurter à tous les traits du tableau, ce qui serait d’autant plus étrange que, d’après ses partisans, le tableau ainsi appliqué serait de l’histoire, non de la prophétie.
Avant tout, nous avons reconnu que le préambule, versets 1 à 3, ne se rapporte nullement au royaume d’Éphraïm seulement, mais au peuple entier et plus particulièrement à la capitale, Jérusalem, et au temple. Les acheteurs et les vendeurs sont les souverains étrangers qui disposent du peuple et se le passent, en quelque sorte, de la main à la main les uns aux autres. C’est là une intuition à laquelle rien ne répond dans les circonstances qui ont précédé la destruction du royaume des dix tribus, car ce royaume a été tributaire uniquement de l’Assyrie. Cette expression suppose un temps où le peuple avait déjà passé par les mains d’un assez grand nombre de puissances conquérantes (verset 5). Cette explication renonce elle-même à rendre compte historiquement des trois bergers retranchés en un seul mois ; elle est obligée ou de modifier l’histoire connue, si ces trois bergers sont trois rois d’Israël, ou d’inventer des circonstances absolument imaginaires, si ce sont des prétendants inconnus et simultanés. Le fait d’un prophète destituant trois souverains serait absolument incompréhensible. Qu’un homme comme Élie ait pu avoir momentanément une mission politique, cela se comprend ; mais, de la part d’un personnage absolument inconnu, cela est absurde. Si un effort de Jéhova, aussi marquant que celui qui est décrit ici, avait jamais eu lieu dans le royaume des dix tribus, comment l’histoire sacrée n’en aurait-elle conservé aucun indice ? On ne saurait dire quel fait ouvrit les yeux des brebis misérables pour leur faire reconnaître dans le ministère du berger un message de l’Éternel : était-ce l’abandon de sa mission ? Ce n’était pas là une preuve de son origine divine. Ou ce trait se rapporte-t-il à la ruine effective du royaume des dix tribus ? Mais il n’est pas question de cette ruine dans ce tableau ; elle ne peut se placer qu’à la suite du récit tout entier ; tout au plus y est-il fait une vague allusion dans le dernier verset. La scène du salaire payé, les détails des trente pièces d’argent et du don qui en est fait au potier, sur l’ordre de Dieu, ne trouvent absolument aucune explication dans ce mode d’interprétation ; ses défenseurs ne savent que nous renvoyer à un événement inconnu. Le fait que cette somme est jetée dans le temple de l’Éternel montre bien que le lieu de toute la scène est Jérusalem, et non Éphraïm. La rupture de la fraternité entre Juda et Israël ne peut être expliquée que d’une manière tout à fait forcée par le fait de la destruction d’Israël et de la conservation de Juda seul. Rompre la fraternité entre deux personnes, ce n’est pas tuer l’une et maintenir l’autre en vie ; il s’agit d’un acte moral par lequel les deux personnes vivantes deviennent étrangères l’une à l’autre. Or, la rupture morale et politique existait dès le temps de Roboam entre les deux États et avant la fin du royaume des dix tribus d’une manière plus violente que jamais. Comparez Ésaïe chapitre 7 pour le règne le Pekach. Le mauvais berger, substitué aux précédents destitués, ne peut être le dernier roi, puisque tous ses prédécesseurs avaient été aussi mauvais, si ce n’est plus mauvais que lui. Enfin, pour avoir le droit d’imaginer un prophète inconnu dans les derniers temps du royaume des dix tribus et pour lui attribuer le rôle ici décrit, il faudrait, en quelque sorte, y être forcé par une évidence résultant de la coïncidence des moindres traits du tableau avec les circonstances connues de ce temps ; or, nous venons de voir que l’accord échoue sur tous les points. L’autre mode d’interprétation qui applique ce tableau à l’avenir de Juda restauré, se présente sous deux formes. Voici la première, déjà esquissée par Calvin. Depuis la captivité, le peuple avait été livré aux puissances étrangères qui avaient disposé de lui selon leur caprice. Jéhova veut maintenant reprendre le gouvernement de son peuple. Il commence par destituer les trois monarchies babylonienne, persane et grecque, et cela en un mois, parce que chacune succède immédiatement à l’autre après les dix jours représentant le temps de suprématie qui lui est accordé. L’office du berger représente toute la conduite de Dieu à l’égard du peuple restauré, durant l’époque du second temple, y compris le ministère de Jésus-Christ. Le salaire accordé aurait dû être la foi, l’amour et l’obéissance du peuple, et a été, en réalité, son ingratitude et sa rébellion constante. Le brisement de la première houlette Faveur représente la permission accordée de nouveau aux puissances étrangères (les Romains) d’envahir Israël. La rupture de la seconde houlette se rapporte à l’apparition des nombreux partis, qui suivit, en Israël, le rejet de Jésus-Christ et prépara la ruine du peuple. Le mauvais berger du verset 16 désigne la puissance terrestre aux mains de laquelle Israël a été désormais livré pour avoir repoussé son Dieu dans la personne du Messie.
Il y a là, on ne saurait le nier, une intuition grandiose qui contraste avec le caractère mesquin de l’explication précédente et qui convient à la grandeur imposante du tableau prophétique. Cependant, cette explication ne nous paraît pas non plus admissible.
S’il est certain que les acheteurs et les vendeurs du verset 5 sont les puissances étrangères dominant Juda, il est impossible de voir de nouveau ces mêmes puissances dans les bergers que destitue en un mois le berger envoyé par Jéhova. Car, d’abord, l’image est trop différente, et puis, ces derniers exercent évidemment leur emploi dans le sein même du peuple de Dieu que paît le berger. Cela seul fait tomber toute l’explication. Le mauvais berger du verset 16 devrait être également une puissance étrangère, ainsi les Romains ; mais la puissance romaine pourrait-elle être comparée à un berger qui abandonne le troupeau et le laisse dépérir ? Les Romains ont-ils jamais eu la mission de bander les plaies d’Israël blessé et de rechercher ses membres dispersés ? L’explication des trente pièces d’argent et de leur don au potier laisse également beaucoup à désirer. Nous pensons qu’il faut rattacher le tableau qui termine ce cycle à celui par lequel il a été ouvert : l’annonce du Roi juste, monté sur l’ânon, qui fait son entrée à Jérusalem pour sauver Juda. Voilà le personnage que contemple Zacharie, non plus au moment de sa venue, mais dans l’exercice de son office. Juda restauré est semblable à un troupeau qui court à la ruine et que l’Éternel cherche à sauver par un suprême effort. Il a passé successivement des mains des Babyloniens à celles des Perses ; des mains des Perses à celles des Grecs (Javan, chapitre 10) ; de celles-ci à celles d’autres peuples orientaux. Il est maintenant soumis à un conquérant et divisé dans son propre sein (11.6 ). Le Christ commence son œuvre ; il cherche à ramener sur lui la faveur divine et dans son sein l’amour mutuel. Mais il rencontre des adversaires (les autorités existantes) qu’il est obligé de mettre de côté pour se substituer à eux et s’approprier lui-même leurs charges dont ils ne sont pas dignes : ce sont ceux que Jérémie (chapitre 23) avait appelés les bergers d’Israël , avant tout ses autorités politiques, puis les sacrificateurs et les faux prophètes, en observant seulement qu’à l’époque de Jésus, ces derniers ne se présentaient plus sous la même forme qu’au temps de Jérémie ; c’étaient les docteurs de la loi. Le Messie devient lui-même le prophète, le sacrificateur et le roi de la partie du troupeau qui s’attache à lui et qui doit continuer le développement du règne de Dieu, et il rejette ces anciens bergers avec la masse du troupeau qui continue à les suivre. L’expression durant un mois doit s’expliquer non d’après l’accomplissement historique, mais d’après l’image totale du tableau symbolique ; dans ce tableau, la tentative du berger pour sauver le troupeau dure environ un mois, ce qui est suffisant pour un essai pareil. Ce mois représente, dans l’accomplissement, tout le temps qu’a duré la dernière tentative faite par l’Éternel pour sauver son peuple par le moyen du Messie. Dans la scène du salaire payé, il ne faut pas chercher une concordance exacte entre le tableau prophétique et l’histoire ; dans la prophétie, ce n’est point un traître qui vend à vil prix le berger à ses ennemis ; c’est le troupeau et ses bergers qui taxent indignement le travail du serviteur de l’Éternel. Mais entre le tableau prophétique et la scène réelle, il y a cette relation : que, dans les deux cas, la somme d’argent représente la valeur à laquelle sont taxées la personne et l’œuvre du berger. Le fait que Juda jette cet argent dans le temple correspond littéralement au don que fait le berger au potier. Mais il faut observer ici, comme nous l’avons fait à l’occasion de l’entrée du Messie sur l’ânon, au chapitre 9, que ce n’est pas dans cette coïncidence matérielle que consiste l’accomplissement de la prophétie ; c’est dans le sentiment de dégoût que fait naître, dans les deux cas, là dans le cœur de l’Éternel, ici chez les membres du Sanhédrin eux-mêmes, cette somme d’argent. Le brisement de la houlette Liens ne peut désigner proprement une rupture entre Juda et Israël, car les membres du royaume des dix tribus n’étaient revenus de l’exil qu’en petite partie et s’étaient fondus avec ceux de la tribu de Juda. C’est une nouvelle séparation au sein même du peuple restauré que contemple le prophète, séparation analogue à celle qui se forma autrefois entre Juda et Israël, lorsque celui-là resta fidèle à la famille de David et que celui-ci rejeta cette souveraineté légitime. À l’occasion de la venue du Messie et de son rejet par l’ensemble de la nation, Zacharie voit se former dans le sein du peuple une rupture entre la portion qui s’attache au nouveau David et lui reste fidèle (les humbles du troupeau) et la masse qui rompt avec lui et suit désormais ses propres voies ; cette dernière est livrée à un mauvais berger. Ce berger, ce ne sont pas les Romains, puisque les bergers figurent plutôt les autorités indigènes, mais ce sont de nouveaux pasteurs sous la conduite desquels Israël va vivre désormais, après avoir repoussé celui que Dieu lui avait donné. En se représentant le ministère légal sous lequel a vécu et vit encore Israël, on comprend les images de dépérissement et de dessèchement et l’opposition totale établie dans le verset 16 entre l’office de ces bergers-là et le tendre et miséricordieux office du Christ au sein de son Église.
Nous comprendrions que l’on trouvât cette vue, si distincte et si complète, trop surnaturelle, si un tel tableau était isolé dans l’ensemble des révélations prophétiques ; mais quand on se rappelle, dans notre prophète même, le tableau de l’entrée du Messie, chapitre 9, celui du couronnement royal du souverain sacrificateur, chapitre 6, celui du Messie accomplissant en un seul jour le grand sacrifice d’expiation, chapitre 3 ; quand on pense aux chapitres 49 et 53 d’Ésaïe, aux Psaumes 22 et 110, et à tant d’autres tableaux messianiques, cette objection ne saurait en être une, à moins qu’on ne soit résolu à dire, par un raisonnement plus dogmatique qu’exégétique : Cela ne peut pas être, donc cela n’est pas.
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