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Genèse 9.17 Ce verset est comme l’amen final apposé à cette grande promesse. L’histoire montre qu’elle a été fidèlement tenue.
Le phénomène de l’arc-en-ciel a tout naturellement sollicité l’imagination des peuples anciens. Les Hindous y voyaient l’arc avec lequel le dieu Indra avait vaincu les démons soustracteurs de l’eau et des pluies du ciel. Chez les Grecs on le divinisa, et il devint sous le nom d’Iris la messagère brillante et rapide des dieux. D’autres peuples le considéraient comme le pont lumineux jeté entre le ciel et la terre.
Combien la signification que Dieu donne à ce phénomène naturel est plus sainte et plus belle que toutes celles que les hommes ont imaginées ! Comparez Apocalypse 4.3 où l’arc-en-ciel environne le trône de Dieu comme symbole de la grâce.
Conclusions sur le déluge Nous avons à examiner les quatre points suivants : le récit du déluge, les traditions païennes sur ce fait, la réalité de la catastrophe et son extension.
1. Le récit du déluge Comme nous l’avons fait remarquer dans les notes, l’histoire du déluge paraît être le résultat de la fusion des deux mêmes documents dont nous avons constaté déjà l’existence dans les chapitres précédents. Un grand nombre d’interprètes pensent que les récits des deux auteurs étaient assez différents l’un de l’autre. Voici quelles auraient été leurs conceptions respectives.
Élohiste :
Ordre à Noé le seul juste, de bâtir une arche et d’y faire entrer une paire de chaque espèce animale (Genèse 6.9-22 ). Entrée dans l’arche et commencement du déluge, l’an 600 de la vie de Noé (bondes des cieux et sources de l’abîme) (Genèse 7.6-11 ; Genèse 7.13-16 ). Durée du déluge : du dix-septième jour du second mois (novembre) au vingt-septième jour du même mois de l’année suivante : un an et onze jours, dont cent cinquante jours pour l’accroissement des eaux, et le reste du temps pour la diminution (Genèse 7.18-21 et 24 ; Genèse 8.1-5 et Genèse 8.13 ). Ordre de Dieu de sortir de l’arche et sortie (Genèse 8.14-19 ). Bénédiction de Dieu, défense, promesse (Genèse 9.1-17 ). Jéhoviste :
Ordre d’entrer dans l’arche sept jours avant le déluge avec sept paires d’animaux purs et une paire d’animaux impurs (Genèse 7.1-5 ). Entrée dans l’arche et déluge : pluie de quarante jours et quarante nuits (Genèse 7.7-10 et Genèse 7.12 ). Durée : soixante-et-un ou cent-et-un jours, dont quarante pour l’accroissement des eaux. Envoi des oiseaux dans les trois dernières semaines (Genèse 7.16-17 ; Genèse 7.22-23 ; Genèse 8.6-13 ). Sacrifice de Noé (animaux purs) et promesse de Dieu (Genèse 8.20-22 ). De ce double résumé, il résulterait que les deux récits diffèrent en ce que l’élohiste ne mentionne pas l’ordre d’entrer dans l’arche, l’envoi des oiseaux et le sacrifice final, et en ce que le jéhoviste, de son côté, ne mentionne pas l’ordre de construire l’arche, l’ordre de sortir de l’arche, la sortie elle-même et les commandements donnés à Noé. La différence entre les deux récits irait même jusqu’à la contradiction sur les trois points suivants :
La distinction entre animaux purs et impurs relevée par le jéhoviste seul Les deux causes simultanées du déluge dont parle l’élohiste, et dont le jéhoviste ne mentionne qu’une seule La durée du déluge : un an chez l’élohiste, deux ou trois mois chez le jéhoviste Mais, quant aux différences, il n’y a rien d’étonnant à ce que deux récits du même fait fassent ressortir chacun certaines circonstances particulières, et comme il est bien évident que l’ordre de bâtir l’arche et l’ordre d’en sortir, ainsi que la sortie même de l’arche, devaient se trouver dans le récit jéhoviste, lors même que ces faits manquent dans la portion qui nous en a été transmise, et que d’autre part il est probable que l’ordre d’entrer dans l’arche ne pouvait être complètement passé sous silence chez l’élohiste, nous constatons par là que nous n’avons que des extraits plus ou moins considérables de l’un et de l’autre et que, pour éviter les doubles emplois, le rédacteur de la Genèse a souvent omis de l’une de ses sources ce qu’il racontait d’après l’autre. Il nous paraît que dans cette partie de son récit l’auteur a pris pour base le document élohiste et qu’il l’a complété par les parties du document jéhoviste qui présentaient le plus d’intérêt.
Quant aux contradictions, elles ne ressortent point nécessairement des différences signalées. L’ordre mentionné dans l’élohiste de faire entrer dans l’arche une paire de chaque espèce animale et celui que rapporte le jéhoviste d’y faire entrer sept paires des espèces d’animaux purs, ne se rapportent point au même moment ; l’un, celui de l’élohiste, est donné le jour où Dieu condamne l’humanité à la destruction et ordonne à Noé de bâtir l’arche, ce qui devait prendre un temps très considérable ; l’autre est donné huit jours avant l’entrée dans l’arche, et il est aisé de comprendre qu’à ce moment-là Dieu ait pu ajouter un détail nouveau. L’ordre relatif aux animaux dans le récit élohiste avait trait uniquement à la conservation des espèces ; celui qui est donné dans le récit jéhoviste est en relation particulière avec le sacrifice qui, d’après ce document, a été offert après la sortie de l’arche. On comprend ainsi que cet ordre plus spécial n’ait été donné qu’au moment de l’entrée dans l’arche.
Relativement aux deux facteurs du déluge dont l’un est omis par le jéhoviste, il est possible que le rédacteur ne nous ait transmis que les passages de celui-ci où était retracée la première phase du déluge, les quarante jours et les quarante nuits durant lesquels tomba la pluie. Nous ne savons ce que contenait le reste de son récit, puisque le rédacteur a dès lors donné la parole à l’élohiste jusqu’au terme de la catastrophe. Mais il est certain qu’il devait se représenter les montagnes couvertes jusqu’au sommet, puisqu’il raconte la destruction de tous les hommes sans exception, et l’on ne comprend pas comment il aurait pu attribuer une pareille inondation à la pluie seule. Telle n’a pas été en tout cas la conception du rédacteur, qui avait en mains les deux documents.
Quant à la durée du déluge, il nous est impossible de supposer que le rédacteur eût inséré dans son récit une série de données empruntées au jéhoviste, et qui auraient été manifestement contradictoires à celles que renfermait le document élohiste ; au lieu de chercher à amalgamer, il aurait choisi. Mais il n’avait pas à choisir. Nous avons rencontré dans le document jéhoviste une parole qui prouve que, d’après ce récit aussi, la perturbation causée par le déluge a dû porter sur une année tout entière ; c’est la parole Genèse 8.2 où Dieu promet que désormais l’alternance des étés et des hivers, des semailles et des moissons, des jours et des nuits ne sera plus troublée tant que la terre subsistera. Cette parole n’aurait aucun sens si le déluge n’avait duré d’après le jéhoviste, que les trois mois d’hiver, décembre, janvier et février. Nous avons donc le droit d’affirmer que cette troisième contradiction aussi n’existe pas, et qu’elle ne doit son origine qu’à la manière fausse dont un si grand nombre de nos critiques modernes apprécient l’usage que le rédacteur a fait de ses documents.
Voici le cours des choses tel que le rédacteur final l’a compris et reproduit :
Longtemps à l’avance, Dieu ordonne à Noé de bâtir l’arche (Genèse 6.9-22 ). Dans les sept jours qui précèdent le déluge, Noé, sur l’ordre de Dieu, entre dans l’arche (Genèse 7.1-9 ). Le dix-septième jour du second mois le déluge commence (Genèse 7.10-16 ). Quarante jours après, soit le vingt-septième jour du troisième mois, l’arche commence à flotter ; la pluie cesse, l’accroissement ultérieur de l’inondation est dû au soulèvement de la mer (Genèse 7.17-19 ). Cent cinquante jours (cinq mois) après le commencement du déluge, le dix-septième jour du septième mois, l’inondation atteint son apogée ; l’eau commence à baisser, l’arche s’arrête aux montagnes d’Ararat (les quarante premiers jours de pluie sont le commencement de ces cent cinquante) (Genèse 7.20 à Genèse 8.4 ). Le premier jour du dixième mois, les sommets des montagnes paraissent (Genèse 8.5 ). Quarante jours après, soit le dixième jour du onzième mois, Noé lâche le corbeau ; sept jours après, la colombe, qui revient ; sept jours après, la colombe, qui revient encore ; sept jours après enfin, soit le premier jour du douzième mois, la colombe, qui ne revient plus (Genèse 8.6-12 ). Le premier jour du premier mois de la seconde année, les eaux ont disparu (Genèse 8.13 ). Le vingt-septième jour du deuxième mois, Noé sort de l’arche (Genèse 8.14-19 ). 2. Le déluge d’après les traditions des autres peuples De tous les temps préhistoriques, le déluge est peut-être celui qui a laissé le plus de traces dans la mémoire des peuples ; toutes les races humaines, la noire exceptée, en ont gardé le souvenir. Il semble cependant que la tradition de ce fait manque chez les Égyptiens ; mais en réalité ils en ont l’équivalent dans un récit de leurs livres sacrés.
Irrité de l’impiété et des crimes des hommes qu’il a produits, le dieu Râ tient un conseil secret avec les autres dieux, et l’anéantissement de l’humanité est décrété. Une déesse, chargée de l’exécution, massacre, tous les hommes, à l’exception de quelques-uns. Un sacrifice expiatoire achève de calmer le courroux des dieux ; un pacte solennel est conclu entre eux et la race nouvelle, et le dieu Râ jure qu’il ne tuera plus les hommes. L’inondation bienfaisante du Nil est le signe que la colère des dieux est apaisée. Cette tradition présente assez de traits communs avec le récit biblique du déluge pour que nous puissions la rapporter au même événement. Seulement le moyen de la destruction diffère parce que pour l’Égypte les inondations sont une condition de prospérité et non un élément destructeur.
Parmi les peuples européens, c’est chez les Grecs qu’on rencontre les souvenirs les plus précis du déluge. Chaque peuplade de la Grèce le racontait à sa manière, et il est probable qu’à la légende primitive s’étaient mêlés des souvenirs de grandes inondations partielles. Le plus connu de ces récits est celui du déluge de Deucalion.
Deucalion, fils de Prométhée, construit, à l’instigation de ce dernier, un coffre dans lequel il se réfugie avec sa femme Pyrrha pour échapper à un déluge envoyé par Zeus à cause des crimes des hommes de l’âge de bronze. Après avoir flotté neuf jours au gré des flots, le coffre s’arrête sur le Parnasse ; Deucalion et Pyrrha en sortent, offrent un sacrifice et repeuplent le monde en jetant derrière eux les os de leur mère, la terre, c’est-à-dire des pierres, qui se changent les unes en hommes, les autres en femmes.
On retrouve des souvenirs lointains du déluge jusque chez les Celtes du pays de Galles, chez les Scandinaves et les Lithuaniens.
Ce qui est plus étonnant encore, c’est la présence de cette tradition chez les peuples de l’Amérique. La légende mexicaine en particulier, fixée par l’écriture et par la peinture avant l’arrivée des Européens dans le Nouveau Monde, présente des rapports frappants avec le récit biblique.
D’après l’une des nombreuses formes de cette légende, un homme nommé Coxcox ou Tezpi s’embarque en prévision du déluge dans un navire spacieux avec sa femme, ses enfants, plusieurs animaux et des graines dont la conservation était nécessaire à la subsistance du genre humain. Lorsque le grand dieu Tescatlipoca ordonna que les eaux se retirassent, Tezpi lâcha un vautour qui ne revint pas, parce qu’il trouva à se nourrir de cadavres. Il lâcha d’autres oiseaux, parmi lesquels le colibri seul revint, tenant une feuille dans son bec et donnant ainsi le signal de la sortie.
Des souvenirs analogues, mais moins précis, se retrouvent chez la plupart des tribus du Nouveau Monde, ainsi que dans quelques-unes des îles de la Polynésie.
Les traditions du déluge sont plus répandues encore en Asie. On a cité longtemps les Chinois parmi les peuples qui ont gardé le souvenir de ce cataclysme ; mais de nos jours plusieurs savants pensent que ces prétendus souvenirs du déluge se rapportent tout simplement à une grande inondation du Hoang-Ho inférieur, qui aurait en lieu dans un temps postérieur à la fondation des grands empires d’Égypte et de Babylone. Cependant les traditions concernant les temps qui ont précédé cette inondation présentent tant de traits communs avec l’histoire biblique des temps antérieurs que ces doutes nous semblent peu fondés. Mais il serait fort possible que, comme en Grèce, le souvenir d’une grande inondation locale se fût confondu avec celui du déluge.
Les traditions hindoues existent sous quatre formes différentes. D’après la plus ancienne, Manou, averti par un poisson, qui n’est autre qu’une incarnation de Brahma, construit un vaisseau dans lequel il se réfugie ; au moment où le déluge commence, le poisson conduit le vaisseau sur la montagne du nord, d’où Manou redescend dans la plaine quand les eaux se sont retirées. Comme le poisson est étranger à la mythologie hindoue, plusieurs savants pensent qu’il faut rechercher l’origine de cette tradition en Babylonie, où le dieu Ea, celui qui joue le rôle de sauveur dans le récit du déluge, est souvent représenté sous cette forme.
Les livres sacrés de la religion de Zoroastre présentent aussi une variante de l’histoire du déluge. Ahura-Mazda, le dieu bon, au moment de dévaster la terre par une inondation, ordonne à Yima, le père de l’humanité, de se construire comme refuge un jardin de forme carrée, défendu par une enceinte, et d’y faire entrer les germes des hommes, des animaux et des plantes pour les préserver de l’anéantissement. Quand l’inondation arrive, ce jardin est seul épargné. Il semble que dans cette tradition, comme du reste dans la précédente, le patriarche du déluge soit confondu avec le père de l’humanité.
Sans nous arrêter aux nombreuses traditions de l’Asie occidentale, qui sont probablement influencées par le récit biblique, nous passons en Babylonie, le berceau de l’humanité primitive, où nous trouvons le parallèle le plus intéressant de notre récit. Conservées déjà en partie par l’historien Bérose, ces traditions ont été remises en lumière de nos jours par le déchiffrement des inscriptions du palais d’Assurbanipal. Les tablettes qui contiennent ce récit sont, comme celles du récit de la création, la copie d’un original plus ancien, que l’on a des raisons de faire remonter jusqu’au temps d’Abraham. Le héros Izdhubar, atteint de la lèpre, s’en va consulter Hasisatra (Xisuthros, d’après Bérose), le patriarche échappé au déluge, qui lui raconte comment il a été sauvé et mis au nombre des dieux. Voici son récit à peu près complet :
Je veux te révéler, ô Izdhubar, l’histoire de ma conservation et te dire la décision des dieux. La ville de Schourippak, une ville que tu connais, est située sur l’Euphrate ; elle était antique, et en elle on n’honorait pas les dieux. Moi seul j’étais leur serviteur, aux grands dieux. Les dieux tinrent conseil sur l’appel d’Anou. Un déluge fut proposé par Bel et approuvé par Nabou, Nergal et Adar. Et le dieu Ea, le seigneur immuable, [me] répéta leur commandement dans un songe. J’écoutais l’arrêt du destin qu’il annonçait, et il me dit : Homme de Schourippak, fils d’Oubaratoutou, fais-toi un vaisseau et achève-le vite. Par un déluge, je détruirai la semence et la vie. Fais donc monter dans le vaisseau la semence de tout ce qui a vie. Le vaisseau que tu construiras, six cents coudées seront la mesure de sa longueur et soixante coudées le montant de sa largeur et de sa hauteur. Lance-le aussi sur l’océan et couvre-le d’un toit. Je compris et je dis à Ea, mon seigneur : Le vaisseau que tu me commandes de construire ainsi, quand je le ferai, jeunes et vieux se riront de moi. Ea ouvrit sa bouche et parla ; il dit à moi, son serviteur : S’ils se rient de toi, tu leur diras : Sera puni celui qui m’a injurié, car la protection des dieux existe sur moi… comme des cavernes… j’exercerai mon jugement sur ce qui est en haut et ce qui est en bas… Ferme le vaisseau… Au moment venu que je te ferai connaître, entre dedans et amène à toi la porte du navire. À l’intérieur, ton grain, tes meubles, tes provisions, tes richesses, tes serviteurs mâles et femelles, et les jeunes gens, le bétail des champs et les animaux sauvages des campagnes que je rassemblerai et que je t’enverrai, seront gardés derrière ta porte. Au cinquième jour, ses deux flancs étaient élevés… Je plaçai son toit et je le couvris. Je naviguai dedans au sixième jour ; je divisai ses étages au septième ; je divisai les compartiments intérieurs au huitième. Je bouchai les fentes par où l’eau entrait dedans ; je visitai les fissures et j’ajoutai ce qui manquait. Je versai sur l’extérieur trois fois 3600 mesures de bitume, et trois fois 3600 mesures de bitume à l’intérieur. Trois fois 3600 hommes porte-faix apportèrent sur leur tête les caisses de provisions. Je gardai 3600 caisses pour la nourriture de ma famille et les mariniers se partagèrent deux fois 3600 caisses. Pour l’approvisionnement, je fis tuer des bœufs ; j’instituai des distributions pour chaque jour. En prévision des besoins de boisson, je rassemblai des tonneaux et du vin en quantité comme les eaux d’un fleuve, et des provisions en quantité pareille à la poussière de la terre. Ce chargement remplit les deux tiers [du navire]. Tout ce que je possédais, je le réunis ; tout ce que je possédais d’argent, je le réunis ; tout ce que je possédais d’or, je le réunis ; tout ce que je possédais de semence de vie de toute nature, je le réunis. Je fis tout monter dans le vaisseau : mes serviteurs mâles et femelles, le bétail des champs, les animaux sauvages des campagnes et les fils du peuple, je les fis tous monter. Schamasch (le soleil) fit le moment déterminé et il l’annonça en ces termes : Au soir je ferai pleuvoir abondamment du ciel ; entre dans le vaisseau et ferme ta porte. Le moment fixé était arrivé qu’il annonçait en ces termes : Au soir je ferai pleuvoir abondamment du ciel. Quand j’arrivai au soir de ce jour, du jour où je devais me tenir sur mes gardes, j’eus peur ; j’entrai dans le vaisseau et je fermai ma porte. En fermant le vaisseau, à Bouzour-schadirabi, le pilote, je confiai cette demeure avec tout ce qu’elle comportait. Mou-scheri-ina-namari s’éleva des fondements du ciel en un nuage noir ; Ramman tonnait au milieu de ce nuage, et Nabou et Scharrou marchaient devant ; ils marchaient dévastant la montagne et la plaine ; Nergal le puissant traîna après lui les châtiments ; Adar s’avança en renversant devant lui ; les archanges de l’abîme apportèrent la destruction ; dans leurs épouvantements ils agitèrent la terre. L’inondation de Ramman se gonfla jusqu’au ciel, et la terre, devenue sans éclat, fut changée en désert. … Ils détruisirent les êtres vivants de la surface de la terre. Le terrible déluge sur les hommes se gonfla jusqu’au ciel. Le frère ne vit plus son frère ; les hommes ne se reconnurent plus. Dans le ciel les dieux prirent peur de la trombe et cherchèrent un refuge ; ils montèrent. jusqu’au ciel d’Anou. Les dieux étaient étendus immobiles, serrés les uns contre les autres comme des chiens. Ischtar parla comme un petit enfant, la grande déesse prononça son discours : Voici que l’humanité est retournée en limon, et c’est le malheur que j’ai annoncé en présence des dieux… Je suis la mère qui a enfanté les hommes, et comme la race des poissons les voilà qui remplissent la mer ; et les dieux à cause de ce que font les archanges de l’abîme sont pleurant avec moi. Les dieux sur leurs sièges étaient assis en larmes, et ils tenaient les lèvres fermées méditant les choses futures. Six jours et autant de nuits se passèrent le vent, la trombe et la pluie diluvienne étaient dans toute leur force. À l’approche du septième jour, la pluie diluvienne s’affaiblit ; la trombe terrible, qui avait assailli à la façon d’un tremblement de terre, se calma. La mer tendit à se dessécher, et le vent et la trombe prirent fin. Je regardai la mer en observant attentivement. Et toute l’humanité était retournée en limon ; comme des algues, les cadavres flottaient. J’ouvris la fenêtre, et la lumière vint frapper ma face. Je fus saisi de tristesse, je m’assis et je pleurai ; et mes larmes vinrent sur ma face. Je regardai les régions qui bornaient la mer ; vers les douze points de l’horizon, pas de continent. Le vaisseau fut porté au-dessus du pays de Nizir. La montagne de Nizir arrêta le vaisseau et ne lui permit pas de passer par-dessus. Un jour et un second jour la montagne de Nizir arrêta le vaisseau et ne lui permit pas de passer par-dessus ; le troisième et le quatrième jour, la montagne de Nizir arrêta le vaisseau et ne lui permit pas de passer par-dessus ; le cinquième et le sixième jour, la montagne de Nizir arrêta le vaisseau et ne lui permit pas de passer par-dessus. À l’approche du septième jour, je fis sortir et lâchai une colombe. La colombe alla, tourna et ne trouva pas d’endroit où se poser, et elle revint. Je fis sortir et je lâchai une hirondelle. L’hirondelle alla, tourna et ne trouva pas d’endroit où se poser, et elle revint. Je fis sortir et je lâchai un corbeau. Le corbeau alla et vit les charognes sur les eaux, il mangea, se posa, tourna et ne revint pas. Je fis sortir alors [ce qui était dans le vaisseau] vers les quatre vents, et j’offris un sacrifice. J’élevai le bûcher de l’holocauste sur le pic de la montagne ; sept par sept je disposai les vases mesurés, et en-dessous j’étendis des roseaux, du bois de cèdre et de genévrier. Les dieux sentirent l’odeur ; les dieux sentirent une bonne odeur, et les dieux se rassemblèrent comme des mouches au-dessus du maître du sacrifice. De loin, en s’approchant, la grande déesse éleva les grandes zones qu’Anou a faites comme leur gloire (ces expressions paraissent bien désigner l’arc-en-ciel). Ces dieux, cristal lumineux devant moi, je ne les quitterai jamais ; en ce jour je priai pour qu’à toujours je pusse ne jamais les quitter : Que les dieux viennent à mon bûcher d’holocauste ! Mais que jamais Bel ne vienne à mon bûcher d’holocauste ! Car il ne s’est pas maîtrisé et il a fait la trombe du déluge, et il a compté mes hommes pour le gouffre. De loin, en s’approchant, Bel vit le vaisseau, et Bel s’arrêta ; il fut rempli de colère contre les dieux et les archanges célestes : Personne ne doit sortir vivant ! Aucun homme ne sera préservé de l’abîme ! Adar ouvrit sa bouche et parla ; il dit au guerrier Bel : Quel autre que Ea en aurait formé la résolution ? Car Ea possède la science et il prévoit tout. Ea ouvrit sa bouche et parla ; il dit au guerrier Bel : Ô toi, héraut des dieux, guerrier, comme tu ne t’es pas maîtrisé, tu as fait la trombe du déluge. Laisse le pécheur porter le poids de son péché, le blasphémateur le poids de son blasphème. Complais-toi dans ce bon plaisir et jamais il ne sera enfreint ; la foi jamais n’en sera violée. Au lieu que tu fasses un nouveau déluge, que les lions surviennent et qu’ils réduisent le nombre des hommes ; au lieu que tu fasses un nouveau déluge, que les hyènes surviennent et qu’elles réduisent le nombre des hommes ; au lieu que tu fasses un nouveau déluge, qu’il y ait famine et que la terre soit dévastée ; au lieu que tu fasses un nouveau déluge, que Dibbara (le dieu des épidémies) survienne et que les hommes soient moissonnés. Je n’ai pas révélé la décision des grands dieux ; c’est Hasisatra qui a interprété un songe et compris ce que les dieux avaient décidé. Alors, quand sa résolution fut arrêtée, Bel entra dans le vaisseau ; il prit ma main et me fit lever. Il fit lever aussi ma femme et la fit se placer à mon côté. Il tourna autour de nous et s’arrêta fixe ; il s’approcha de notre groupe : Jusqu’à présent Hasisatra a fait partie de l’humanité périssable ; mais voici que Hasisatra et sa femme vont être enlevés pour vivre comme les dieux, et Hasisatra résidera au loin, à l’embouchure des fleuves. Ils m’emportèrent. et m’établirent dans un lieu reculé, à l’embouchure des fleuves.— Ce morceau est reproduit textuellement d’après la traduction de Lenormant Les nombreux traits de ressemblance entre ces traditions et le récit biblique nous permettent d’affirmer que tous ces souvenirs doivent provenir d’un cataclysme qui a anéanti l’humanité au moment où elle était encore réunie dans les plaines de la Babylonie. Les peuples divers, en se dispersant, ont emporté avec eux la tradition de ce fait, et, oubliant leur patrie primitive, ils l’ont placé dans le pays où ils se sont fixés et ont donné peu à peu au récit primitif une couleur locale (caractère bienfaisant de l’inondation en Égypte, pierres en Thessalie, vautour au Mexique, etc.).
Mais des modifications plus considérables encore proviennent de l’oubli de Dieu et de la loi morale. C’est ce que nous constatons en particulier dans le récit babylonien, le plus rapproché de la narration biblique au point de vue des circonstances extérieures, mais qui en diffère complètement au point de vue religieux et moral. Tandis que le récit biblique est tout imprégné du sentiment de la grandeur et de la justice du Dieu unique, le polythéisme le plus complet domine le récit babylonien, et les dieux y sont traités avec fort peu de respect.
Avant d’agir ils doivent commencer par s’entendre ; puis il y a parmi eux un traître qui divulgue leurs desseins et sauve Hasisatra à leur insu. Après avoir déchaîné les éléments, ils sont impuissants à les réprimer et fuient devant eux de ciel en ciel, pour se blottir enfin tremblants de peur et serrés les uns contre les autres comme des chiens dans l’espace le plus élevé.
Quand Hasisatra offre un sacrifice aux dieux, il en exclut Bel. Ce dernier s’irrite quand il voit que tous les hommes ne sont pas morts, et c’est à grand peine qu’Ea l’apaise. Trait caractéristique, Bel et Ea se partagent les attributs de la justice et de la bonté qui, dans le récit biblique, appartiennent au Dieu unique.
La supériorité du récit biblique apparaît aussi dans son caractère unique de sainteté et d’objectivité. Tandis que dans la tradition babylonienne tout est raconté au point de vue de l’homme, dans le récit biblique tout est raconté et jugé du point de vue de Dieu. De là, dans cette dernière narration, l’absence d’une quantité de détails extérieurs, tandis que tout ce qui concerne le caractère moral du fait est rapporté avec le plus grand soin.
Dans ces circonstances, le rapport entre les deux récits n’est pas douteux. Si, comme nous croyons l’avoir démontré plus haut, le monothéisme est antérieur au polythéisme et si la loi morale fait partie de la dotation primitive de l’humanité, la tradition qui est à la base du récit biblique est la tradition authentique et primitive du fait.
Emportée de Chaldée par Abraham avant d’avoir subi des déformations y elle s’est conservée intacte dans le milieu où Dieu a continué à se révéler, tandis que partout ailleurs elle s’est défigurée sous l’influence du polythéisme et de la dégradation morale.
3. La réalité du déluge Les souvenirs des peuples païens que nous venons de retracer sommairement doivent remonter à une source commune ; cette source ne peut être que le grand fait que l’Écriture vient de nous retracer d’après la tradition israélite avec une supériorité incontestable. Cette narration scripturaire porte d’ailleurs en elle une empreinte de grandeur et de sainteté qui ne permet pas de n’y voir qu’une fiction ou une légende due à l’imagination humaine.
Si l’on examine les chiffres mentionnés dans ce récit, on n’y trouve pas la moindre trace d’une intention systématique. Le seul trait qui pourrait faire exception est la durée à peu près exacte d’une année attribuée au déluge. Or cette durée est peut-être en relation avec le bouleversement qui a produit ce cataclysme et qui a pu être de nature cosmique. Il est évident que des deux causes auxquelles il est attribué, la plus puissante a dû être le soulèvement des eaux de la mer.
Or ne peut-on pas envisager comme probable que ce soulèvement extraordinaire a été dû à une cause infiniment plus considérable, mais pourtant analogue à celle qui, toutes les vingt-quatre heures, déplace une si grande partie des eaux de l’Océan ? Tous les géologues admettent aujourd’hui que la terre a été, une fois, peut-être plusieurs, recouverte en partie d’un linceul de glace. Comment expliquer ce phénomène ? C’est encore une énigme pour les savants, et cependant ils n’hésitent pas à admettre le fait. Pourquoi ne pas en agir de même à l’égard de celui du déluge, qu’attestent un si grand nombre de traditions chez les peuples les plus divers ?
4. Extension du déluge La pensée du rédacteur de notre récit ne paraît pas douteuse ; il se représente la terre entière couverte d’eau, à une hauteur qui dépasse celle des plus hautes montagnes du globe, et la totalité des êtres vivants, hommes et animaux, exterminés.
Il était difficile que la tradition qui lui était parvenue, et qui datait de Noé et de ses fils pût avoir un autre sens ; car que savaient-ils du déluge ? Ce qu’ils avaient vu de leurs yeux : le pays tout entier, avec ses montagnes les plus élevées couvert d’eau ; puis ce qu’ils avaient entendu de la bouche de Dieu : que l’humanité tout entière devait périr avec l’animalité qui l’entourait. Noé et ses fils devaient naturellement conclure de deux faits réunis à l’universalité du déluge. Mais il nous est impossible de ne pas nous demander si les animaux qui vivent aux extrémités d’autres continents et dont on trouve des restes fossiles antérieurs à l’homme lui-même, sont venus de si loin : les ours blancs des contrées du pôle, les kangourous de l’Australie, les zèbres du midi de l’Afrique, une paire de chaque espèce, pour entrer dans l’arche au jour marqué. Nous serions donc disposés à admettre que le déluge n’a envahi que la portion de la terre déjà occupée par l’humanité. Cela suffisait pleinement au but que Dieu se proposait dans ce châtiment. On peut donc supposer que le théâtre de la catastrophe a été la Mésopotamie avec les pays environnants, et l’on comprend ainsi que le soulèvement des eaux de l’océan Indien ait poussé l’arche vers le nord jusque sur les plateaux de l’Arménie.
On pourrait dire sans doute que la cause cosmique que nous réclamons pour ce cataclysme implique un effet plus général, mais nous ne croyons pas pouvoir raisonner sur des quantités totalement inconnues, et nous rappelons seulement que l’époque glaciaire, qui doit avoir eu une cause générale non moins considérable, ne s’est étendue qu’à certaines parties de notre globe.
Quoi qu’il en soit, nous rappelons encore que le fait essentiel n’est pas l’universalité de l’inondation, mais la destruction totale du genre humain. C’est ce second fait que Dieu avait annoncé à Noé, et qui est par conséquent l’objet de la révélation. L’idée d’une inondation universelle, qui a passé dans la tradition des descendants de Noé, est un corollaire que ce dernier, ignorant comme il l’était de l’étendue du globe, a pu tirer tout naturellement de la communication divine d’une part, et de l’autre du spectacle qui s’est présenté à ses regards lorsque l’arche s’est arrêtée.
IV) 9.18 à 11.32 Développement de l’humanité depuis le déluge à Abraham Cette partie comprend quatre morceaux :
Une prophétie de Noé sur ses descendants (Genèse 9.18-29 ) La liste des peuples descendus de Noé (Chapitre 10 ) L’histoire de la tour de Babel et de la dispersion des peuples (Genèse 11.1-9 ) La généalogie des Sémites, faisant transition à l’histoire d’Abraham (Genèse 11.10-32 ) verset suivant (verset 18)
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