Colosses était une ville de la Phrygie, dans l’Asie Mineure, située sur le Lycus, affluent du Méandre, non loin de Laodicée et de Hiérapolis, où l’Évangile avait aussi pénétré (Colossiens 2.1 ; 4.13-15). On trouve les ruines de l’ancienne Colosses près d’un bourg nommé Choné.
Bien que l’apôtre Paul eût été deux fois dans la Phrygie (Actes 16.6 ; Actes 18.23), il ne paraît pas qu’il se soit arrêté à Colosses, ou du moins qu’il ait été le fondateur de l’Église à laquelle il adresse cette lettre (Colossiens 2.1). Il est plus probable que ce titre appartient à Epaphras qui y avait fait l’œuvre d’un fidèle évangéliste (1.7). Ce fut par lui aussi que Paul, prisonnier, reçut, sur les Églises d’Asie, sur celle de Colosses en particulier, des nouvelles qui nécessitèrent les sérieux avertissements renfermés dans cette lettre (2.8-11). Ce disciple était encore auprès de l’apôtre (4.12 et suivants), lorsque celui-ci écrivit notre épître, en même temps que celles aux Éphésiens et à Philémon. Ces trois épîtres furent portées en Asie par Tychique et par Onésime, que Paul renvoyait à son maître (4.7-9 ; Philémon 1.10-12). Ces lettres furent écrites soit pendant la captivité de Paul à Césarée, soit pendant sa première captivité à Rome (Voir l’Introduction à l’épître aux Éphésiens, paragraphe 3).
L’authenticité de l’épître aux Colossiens ne saurait être contestée. Elle a pour elle tous les témoignages de l’antiquité. Seule l’école de Tubingue la plaçait au second siècle, comme l’épître aux Éphésiens. Les critiques qui ne peuvent admettre que Paul ait écrit deux épîtres aussi semblables que celles aux Colossiens et aux Éphésiens pensent en général que les Colossiens sont l’original authentique. Un seul a soutenu que l’épître aux Colossiens était un extrait de l’épître aux Éphésiens. Enfin on a prétendu que notre épître était une amplification d’une épître primitive de Paul aux Colossiens. Il s’est même trouvé un savant pour reconstituer cette épître primitive. Ces hypothèses ne reposent sur aucun fondement et, malgré toute l’habileté de leurs auteurs, n’ont pas le moindre caractère de vraisemblance.
Une question qui importerait beaucoup à l’intelligence complète de cette épître, mais sur laquelle nous ne possédons d’autres données certaines que celles que l’on peut déduire de l’épître même, serait celle-ci : Quelles étaient les erreurs que combat l’apôtre, et contre lesquelles il met en garde les chrétiens restés fidèles au pur Évangile ? Laissant de côté toutes les hypothèses qu’on a hasardées sur cette question, nous nous en tiendrons aux indications suivantes, qui ressortent assez naturellement des paroles mêmes de l’apôtre. L’Église de Colosses, composée en grande partie de païens convertis (1.25-27 ; 2.11), était dans un état spirituel dont l’apôtre pouvait se réjouir (1.3-8 ; 2.5). Mais elle se trouvait menacée, comme les autres Églises d’Asie, par l’intrusion de fausses doctrines (2.4, 8-18). Ceux qui propageaient ces erreurs n’étaient pas des philosophes juifs restés étrangers au christianisme, ainsi que plusieurs l’ont admis ; car, dans ce cas, ils auraient été peu dangereux pour les Églises, et l’apôtre se serait à peine occupé d’eux. C’étaient plutôt des chrétiens judaïsants, encore attachés à leurs traditions et aux rudiments du monde (2.8), à l’observation des préceptes concernant les aliments, les sabbats, les fêtes (2.16), la circoncision (2.11) ; l’apôtre leur oppose l’affranchissement de ces préceptes par la mort de Christ (2.14). Mais il ne faudrait pas confondre ces faux docteurs avec ceux dont l’apôtre combat les tendances pharisaïques et légales dans l’épître aux Galates. Il a en vue des hommes qui, trouvant l’Évangile trop simple et trop humiliant pour leurs orgueilleuses spéculations, bâtissaient sur leurs traditions un système de théosophie mystique et ascétique qu’ils décoraient du nom de philosophie (2.8). Ils portaient leurs spéculations sur le monde des esprits, ainsi que toutes les sectes postérieures qui formèrent le gnosticisme. Ils concevaient Dieu comme absolument séparé du monde, ne pouvant entrer en rapport avec lui que par des êtres intermédiaires, et ils en avaient déduit, comme conséquence pratique, une sorte de culte rendu aux anges (2.18), auxquels ils attribuaient une grande puissance, peut-être même la création du monde (1.16, note), tandis que Christ n’était à leurs yeux que la première de ces créatures. De là, le soin que prend l’apôtre d’établir la vraie doctrine relative à Christ, le Fils de Dieu, par qui ont été créées toutes choses, dans lequel habite toute la plénitude de la divinité, et en qui tout a été réconcilié avec Dieu (1.15-20 ; 2.9). Enfin, voyant dans la matière, dans le corps, la source du péché, ils s’exerçaient, par des privations et des macérations, à atteindre une fausse spiritualité, qui, à leurs yeux, était la sanctification (2.21-23). Paul oppose à tout cela l’œuvre parfaite de Christ, sa mort (1.13, 14, 20-22), sa résurrection (1.18 ; 2.12), par lesquelles il a assuré à tout notre être une entière victoire sur le péché et la mort. L’apôtre estimait que ces erreurs exposaient les fidèles au danger d’être ébranlés dans leur foi (1.23), de ne pas marcher simplement en Christ, tel qu’ils l’avaient appris (2.6), d’être séduits enfin par ceux qui, tout en faisant profession de christianisme, ne retenaient pas le Chef (2.19) :
Aussi l’épître aux Colossiens est-elle principalement dirigée contre ces erreurs, qui ont depuis longtemps disparu, tandis que la Parole de vérité qui les dissipa nous est restée intacte. Cette Parole exerce encore sa puissance pour démolir et pour rebâtir. Car, si les formes de l’erreur changent, l’essence en reste la même dans tous les âges de l’Église, parce qu’elle renaît sans cesse du cœur où règne le péché. Elle a donc toujours besoin de la réfutation par la Parole de Dieu. Le point central de l’erreur qui menaçait de séduire les Colossiens consistait à chercher la sagesse et la sainteté hors de Christ, dans les spéculations et les imaginations de son propre esprit, dans des œuvres légales, des mortifications. Avec ces tendances, de quelques formes qu’elles se revêtent, grandit toujours la plante vénéneuse de la présomption dans des cœurs enflés d’orgueil. Cette parole de l’apôtre sera donc de tous les temps, et particulièrement du nôtre, où abonde la propre sagesse : En Christ sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science (2.3). Quiconque se pénètre de cette profonde vérité, y gagnera en même temps le plus précieux trésor, l’humilité, qui ne se rencontre jamais avec la prétendue sagesse des hommes.
(Consulter sur les erreurs que Paul a en vue dans l’épître aux Colossiens : Néander, Siècle apostolique, traduction de M. Pontanès ; Sabatier, l’Apôtre Paul, seconde édition, page 193 ; et les introductions aux commentaires).
Le but qu’avait l’apôtre en écrivant cette lettre se trouve naturellement indiqué par les données qui précèdent. Selon sa coutume, il procède en exposant d’abord la doctrine qui, ici, devait servir à détruire l’erreur ; puis il adresse à ses lecteurs des exhortations relatives à la vie chrétienne. Il y a donc dans cet écrit deux parties assez distinctes, l’une dogmatique, l’autre morale.