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De même que nos versions rendent par ce terme général plusieurs mots hébreux différents : nekâsim = possessions, hôn = biens, fortune acquise, khaïl = opulence, tôb = bien-être, prospérité, etc., de même est-il bon de se rendre compte des idées différentes que recouvre ce terme si fréquent dans les saints livres.
À l’origine, au temps des patriarches et longtemps après, la richesse est constituée par l’importance des troupeaux, le nombre de têtes de bétail et de serviteurs possédés par le clan ou le chef de famille (voir Vie pastorale). Relisons, par exemple, l’énumération des richesses de Job avant son épreuve (Job 1.3), de Nabal (1 Samuel 25.2). Ce sont surtout des troupeaux qui font d’Abraham un homme riche ; il possède toutefois également de l’or et de l’argent (Genèse 13.2). Pendant son séjour en Égypte, l’Hébreu a bientôt appris que la terre cultivée et féconde peut aussi devenir une source de richesse ; en s’emparant du pays de Canaan, en s’installant en cette terre « découlant de lait et de miel » (Exode 3.8), le nomade, devenu sédentaire, attache toujours plus de prix à la possession du sol, qui devient la grande forme de la richesse. Posséder champs et vignes, figuiers et oliviers, voir ses greniers pleins (Psaumes 144.13), ses cuves débordantes (Proverbes 3.10; Joël 3.18), voilà l’opulence. Telle est la richesse d’un Booz (Ruth 2.1), d’un Barzillaï capable de ravitailler l’armée de David en blé, lentilles, fèves, etc. (2 Samuel 17.28 ; 2 Samuel 19.32).
Il ne semble pas que le sol ait fourni à ses habitants autre chose que les produits agricoles ; la bénédiction prophétique de Moïse promet bien à Zabulon les « trésors cachés dans le sable » Deutéronome 33.19), Job fait bien allusion aux mines d’argent et de fer (Job 28.1 ; Job 28.3), mais cela est bien vague. Tout ce que l’Hébreu a pu tirer de son sol serait, d’après Diodore de Sicile, le sel et le soufre abondants sur les confins de la mer Morte (Deutéronome 29.23). L’industrie ne semble pas davantage avoir été pour Israël une source de richesse ; il ne s’est guère développé en Palestine que les industries textiles, les teintures, les parfums et surtout la poterie, florissante dans la région d’Hébron. Nos livres saints tirent souvent des comparaisons de ces industries et y font allusion (Psaumes 139.15 ; Jérémie 18.2 ; Jérémie 18.6 ; Marc 9.3 etc.).
Si les Juifs ne tirèrent jamais grands profits de l’industrie, le commerce (voir ce mot) deviendra, par contre, à partir de l’époque des rois, une source de richesse ; les relations des Hébreux avec les villes phéniciennes, avec Tyr « dont les marchands sont des princes » (Ésaïe 23.8), la situation privilégiée du pays au carrefour des grandes voies commerciales entre l’Égypte et l’Asie en prépareront et en favoriseront l’essor. À relire des passages comme Ésaïe 60.6 et suivant, Osée 12.8 et suivant, on sent qu’une nouvelle conception de la richesse est entrée dans les mœurs, d’une richesse fondée non sur la production mais sur l’échange. C’est ainsi que le peuple juif va traverser des époques de grande prospérité, on verra affluer l’or des nations ! Alors se manifesteront les tares d’une pareille richesse, la soif du gain, la cupidité, l’avarice, le luxe désordonné ; les femmes étalent des toilettes somptueuses ; étoffes de luxe, pierres précieuses vont parer les coquettes et les parvenus, soulevant l’indignation des prophètes qui censurent ce pays rempli d’or et d’argent mais plein aussi d’iniquités et d’idolâtrie (Ésaïe 3.7 ; Ésaïe 3.16 ; Ésaïe 3.24)
Telle est la situation au temps de Jésus ; avec la domination romaine, grâce à la paix que les légions ont imposée au monde, le commerce a refleuri, la circulation de la monnaie d’or et d’argent est courante (parabole des mines, des talents). La soif du gain, l’esprit de lucre, le « mammon d’iniquité » pour parler comme Jésus (Luc 16.9), s’est partout répandu. Cependant, un certain mépris frappe ceux qui vivent de ces ressources, considérées comme impures par les pharisiens : péagers et marchands. La propriété terrienne seule est honorée comme légitime. Voir Propriété.
Que nous enseigne la Bible au sujet de la richesse ? Elle la tient généralement pour une preuve de protection divine ; des troupeaux prospères, des terres fécondes sont une bénédiction de Dieu, un don de Dieu, récompense accordée à qui obéit à sa loi (1 Chroniques 29.12 ; Psaumes 1.3 ; Psaumes 112.1-3 ; Ecclésiaste 5.18). Le premier péril à éviter c’est de se trop aisément glorifier de ses richesses, d’en tirer vanité, d’oublier d’où elles viennent, et de se montrer ingrat envers Dieu lorsque, par sa grâce, on est devenu gros, gras et replet (Deutéronome 32.15, cf. encore Deutéronome 8.18 ; Psaumes 49.7 ; Jérémie 9.23). Cependant le spectacle de certaines infortunes, la ruine inexplicable qui atteint le juste, la misère qui l’accable, alors que la prospérité du méchant s’étale, vient poser devant la conscience juive un problème nouveau, angoissant. Le livre de Job essaie d’y apporter une solution. Relire en particulier Job 21 (cf. aussi Jérémie 12.1). On en vient à considérer la richesse comme chose secondaire et trompeuse, c’est un bien auquel il est dangereux de se fier (Psaumes 52.9 ; Proverbes 11.28) ; une chose éphémère qui tôt ou tard est enlevée à l’homme, qu’il ne peut se vanter de conserver toujours (Psaume 49 ; Proverbes 27.24). Heureux donc qui saura se contenter de peu (Proverbes 30.8) et qui préférera la justice aux biens de ce monde (Psaumes 37.16). Ce dédain, puis ce mépris de la richesse se développera d’autant plus que l’on verra la richesse commerciale remplacer la richesse agricole, lorsque la soif du gain répandra partout l’inégalité, l’oppression du pauvre par le riche, l’injustice et l’impiété (Jérémie 17.11 ; Habakuk 2.6 ; Habakuk 2.11). L’apocryphe Siracide revient souvent sur les dangers des richesses, la lamentable opposition entre riches et pauvres, etc. (Siracide 13 ; Siracide 31.3 ; Siracide 31.11 etc.).
Le Nouveau Testament ne cessera de mettre l’homme en garde contre cet amour de la richesse, source de tant de maux et de péchés (Marc 10.24 ; Matthieu 19.22). À ces biens périssables il oppose les biens spirituels que ne sauraient nous arracher les voleurs ou la rouille, les seuls vrais biens (Matthieu 6.19 et suivant, 1 Timothée 6.17 ; Jacques 5.2). Comme Amos parmi les prophètes, Luc parmi les évangélistes et Jacques parmi les apôtres sont les trois écrivains bibliques qui dénoncent le plus vigoureusement les mauvais riches. Dans plusieurs de ses paraboles (Luc 12.13-21 ; Luc 16.19-31), Jésus flétrit l’égoïsme et l’avarice, rançon de la richesse ; dans gon entretien avec le jeune homme riche (Matthieu 19.16-24), il dénonce l’amour de la richesse comme l’obstacle qui risque d’écarter l’homme du salut ; dans la réplique aux béatitudes (Luc 6.24), il tient la richesse égoïste pour une vraie malédiction. Tandis que, pour les pharisiens, la valeur de la richesse provenait de la façon dont elle était acquise, Jésus insiste sur la façon de l’employer : une richesse est injuste si elle ne sert qu’à un usage égoïste, personnel ; dépositaires de biens à eux confiés, les riches doivent les faire servir à la gloire de Dieu et au bonheur de leurs frères (cf. parabole de l’économe infidèle, Luc 16.1 ; Luc 16.9). Cette idée se retrouve dans l’Église primitive (Actes 4.34-37 ; Actes 5.1 ; Actes 5.11).
Voir Trésor, Pauvreté. P. B.-M.