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Les Hébreux avaient plusieurs sortes d’animaux, dont ils ne mangeaient pas. Nous en avons parlé sous l’article d’animaux. Entre les animaux domestiques, ils ne mangeaient que de ce qui naît de la vache, de la brebis et de la chèvre ; ils avaient aussi l’usage de la peule et du pigeon, qui sont oiseaux domestiques, et de divers autres animaux sauvages. Il leur était défendu de manger la viande avec le sang, et à plus forte raison le sang pur et séparé de la viande. On peut juger de leur goût pour la viande et pour le manger, de ce que l’Écriture raconte de la table de Salomon (1 Rois 4.22-23). On y fournissait chaque jour trente mesures de fleur de farine, et le double de farine ordinaire, vingt bœufs engraissés, vingt bœufs de pâturages, cent moutons, outre la venaison de cerfs, de chevreuils, de daims et la volaille. L’agneau ou le chevreau passait pour une viande délicieuse. Rébecca en prépare à Isaac pour le disposer à donner sa bénédiction à Jacob. Moïse l’ordonne pour le repas pascal. Manué offre un chevreau bouilli à l’ange qui lui annonce la naissance de Samson. Samson en porte à sa femme pour se réconcilier avec elle.
La graisse des animaux qu’on offrait en sacrifice était réservée au Seigneur : on la brûlait sur le feu de son autel (Lévitique 3.16) ; on lui offrait la graisse qui couvre les reins et les intestins, et la queue des moutons qui, dans ce pays-là, était fort grosse et fort grasse (Lévitique 3.10). Dieu se plaint quelquefois par ses, prophètes que son peuple ne lui offrait que des victimes d’animaux maigres (Malachie 1.13-14).
Il ne paraît pas que les anciens Hébreux aient été fort délicats sur l’assaisonnement de leurs viandes. On remarque parmi eux du bouilli, du rôti et des ragoûts. On rôtissait l’agneau pascal, on faisait cuire au pot les viandes immolées ; puisque les enfants du grand prêtre Héli tiraient la chair du pot de ceux qui offraient les sacrifices, disant qu’ils la voulaient avoir crue (1 Samuel 2.15), pour la cuire à leur mode. Rébecca fit un ragoût à Isaac, et lui servit à manger comme elle savait qu’il l’aimait (Genèse 27.4-14). Le sel est le seul assaisonnement que je remarque dans les viandes qu’on Luisait au temple. La plupart de nos épiceries étaient alors inconnues aux Hébreux. On dit que l’on emploie aujourd’hui le miel dans plusieurs ragoûts dans la Palestine.
L’huile, et peut-être quelques herbes aromatiques y entraient aussi. L’agneau pascal se mangeait avec des herbes amères, ou peut-être avec de la moutarde. Voir Assaisonnement.
Moïse défend de cuire le chevreau dans le lait de sa mère (Exode 23.19 ; 34.26), ce que l’on peut expliquer, en disant qu’il est défendu de l’immoeler, tandis qu’il tette encore, ou tout simplement de le cuire dans le lait de sa mère. Les Hébreux l’expliquent dans ce dernier sens. Ils ne mêlent jamais de lait dans aucun ragoût de viandes, et ne mangent pas dans la même heure de la viande, puis du lait, du beurre ou du fromage, de peur qu’il ne reste de la viande entre leurs dents, et qu’elle ne se mêle au fromage ; mais ils peuvent manger du fromage quelque temps auparavant, et de la viande après. Ainsi, bien loin de préparer de la viande avec quelque chose fait de lait cuit ou crû, ils ne se servent pas même des mêmes ustensiles pour la viande et pour le beurre, le lait ou le fromage. Ils ont des plats, des écuelles et des couteaux différents pour chacune de ces choses. Et s’il arrivait que par mégarde on eût préparé ou dressé l’un de ces deux mets dans les ustensiles de l’autre, non-seulement ils n’en mangent point, mais si le vaisseau est de terre, on ne peut plus s’en servir.
Ils ne mangent point de fromage dont ils n’aient vu faire le caillé, de peur que l’on n’y ait mêlé du lait de quelque animal défendu, ou qu’il n’y ait quelque partie de la peau mêlée avec le caillé, qui puisse passer pour de la chair ou du fromage ; ou qu’on ne l’ait fait chauffer dans un chaudron qui ait servi à cuire quelque viande défendue ; ils mettent donc une marque au fromage dont ils ont vu faire le caillé. J’ai vu dans les montagnes des Vosges des juifs qui venaient eux-mêmes faire leurs fromages dans les maisons des chrétiens qui nourrissent des troupeaux de vaches.
Ils ne peuvent égorger en un même jour la vache et son veau, ni une brebis et une chèvre, et leurs petits en un même temps. Ils ne peuvent couper une partie d’un animal vivant, ni la manger ni cuite ni crue. Si quelque bête ou quelques oiseaux, de ceux qu’il est permis de manger, venaient à mourir de soi-même, ou qu’il fût étouffé sans qu’on eût fait écouler son sang, il ne serait pas permis d’en goûter. Si l’on trouvait aussi dans les oiseaux quelque épine ou aiguille qui les eût entamés, ou quelque abcès dans les bêtes à quatre pieds, ou qu’ils eussent les poumons affectés, ou qu’ils aient été mordus par quelques bêtes, on n’en mange pas, selon ces paroles de la loi : (Exode 22.31 ; Lévitique 22.8). Voyez aussi (Lévitique 5.2 ; 7.24 ; 17.15). Celui qui aurait mangé par mégarde d’un animal mort de soi-même, ou d’un animal tué et pris par une bête,était souillé jusqu’au soir et n’était purifié qu’en lavant ses habits.
Si un animal étant en vie a eu un os rompu dans un des membres déclarés par les rabbins, ou qu’il soit blessé et en danger d’en mourir, on n’en peut manger, de peur de manger sans le savoir de la viande de quelque animal impur. Ils ne mangent rien de cuit par d’autres que des Juifs, et n’apprêtent point à manger avec des ustensiles de cuisine appartenant à d’autres qui ne soient pas de leur nation ; ils ne se servent pas même des couteaux d’autrui.
Les rabbins avaient établi qu’on ne mangeât point de chair et de poisson dans un même repas, sous prétexte que cela est malsain ; mais on ne l’observe pas aujourd’hui. Et, à l’égard des poissons, ils mangent indifféremment tous ceux dont il leur est permis de manger selon la loi, sans y rien observer, ni pour le sang, ni pour la graisse, ni pour les rejeter quand ils sont morts et défectueux, parce que la loi n’a rien d’exprès pour cela.
La défense de manger du sang, ou d’un animal étouffé, a toujours été exactement observée par les Juifs. Il ne mangent pas même un œuf où il paraît le moindre filet de sang. Quand il est question d’égorger un animal, ii faut que cela s’exécute par une personne qui l’entende, à cause des circonstances qu’il fautobserver ; car il faut prendre le temps propre à l’action, avoir un couteau qui coupe bien et qui soit sans dents, afin que le sang coule vite et sans interruption. On le laisse couler sur la terre ou sur la cendre, dont on le recouvre ensuite ; et, pour mieux exécuter cela, ils laissent pendant une heure les viandes dans le sel, avant de les mettre au pot, afin que le sang en sorte tout à fait ; autrement ils ne peuvent manger de la viande, à moins qu’ils ne la rôtissent. Et comme le foie est plein de sang, ils le font bien griller sur les charbons avant que de le faire bouillir.
Ils ont grand soin d’ôter le nerf de la cuisse des animaux dont ils veulent manger, conformément à ce qui est dit dans la Genèse (Genèse 32.32) ; et même, en plusieurs endroits d’Allemagne et d’Italie, ils ne mangent point du tout des quartiers de derrière, parce qu’il faut beaucoup d’exactitude pour en bien ôter le nerf, et que peu de personnes savent s’en acquitter comme il faut.
Quant à la graisse, ils s’abstiennent de toute graisse de bœufs d’agneaux, de chèvres, et des animaux de cette espèce, suivant le texte exprès de Moïse (Lévitique 7.23) : Adipein ovis, et bovis, et caproe non comedetis. Mais pour toute sorte de graisse, ils se la croient permise, même celle des animaux morts d’eux-mêmes : Adipem cadaveris morticini habebitis in varios usus, etc. ; mais il ne leur était pas permis de la manger ; c’est-à-dire, la graisse, ou plutôt l’aniniai ainsi mort de lui-même. Voyez l’Hébreu de tout ce passage (Lévitique 7.23-24). Ils croient donc qu’il ne leur est pas permis de manger de la graisse des animaux dont on vient de parler, mais qu’il leur est permis d’user de la graisse des autres animaux purs. Quant à la graisse des animaux morts par eux-mêmes, ils n’en peuvent pas manger, mais ils peuvent l’employer à toute autre sorte d’usage.
Il y a toutefois de fort bons commentateurs qui soutiennent que la graisse des animaux purs n’était défendue aux Juifs que dans le cas qu’ils les offrissent én sacrifice, et que la graisse qui est répandue dans les chairs n’était interdite en aucun cas, si ce n’est de ceux où la chair même était défendue. Voyez les commentateurs sur le Lévitique, chapitre 7.23-24., et Levit., 3.26-27.
Dans l’Église chrétienne, l’usage de s’abstenir des viandes suffoquées et du sang a subsisté longtemps. Dans le concile des apôtres (Actes 15.20-29 ; 21.25), tenu à Jérusalem quelques années après l’ascension du Sauveur, il fut ordonné que les fidèles nouvellement cotivertis du paganisme ne seraient point asservis aux cérémonies légales, mais qu’on se contenterait d’exiger d’eux qu’ils s’abstinssent de l’idolâtrie, de la fornication, de l’usage du sang, et des animaux étouffés et dont le sang n’a pas été exprimé. Cette ordonnance a été observée pendant plusieurs siècles dans l’Église. Tertullien Athénagore, Minutius Félix, saint Justin le Martyr, dans leurs Apologies pour la religion chrétienne, la sainte martyre Biblide, qui souffrit vers l’an soixante-dix-neuf, pour répondre aux païens qui accusaient les chrétiens de tuer des enfants et d’en boire le sang dans leurs assemblées, leur disent que la religion chrétienne défend même d’user du sang d’aucun animal.
Le concile de Gangre, tenu en l’an 324, le concile in Trullo de l’an 692, le second d’Arles de l’an 533, celui de Vormes de l’an 868, la constitution 58 de l’empereur Léon, le pape Zacharie écrivant à saint Boniface en 715, marquent unanimement la défense du sang et des animaux suffoqués, comme subsistant de leur temps. Saint Jérôme remarque que de son temps on observait religieusement la coutume de s’abstenir des viandes suffoquées et du sang, dans les Églises orientales et dans la Romaine. Sous le pape Léon IX dans le onzième siècle, le cardinal Humbert, légat dn saint siège à Constantinople, répondant aux Grecs, montre que dans l’Église on s’abstient de viandes étouffées par la négligence des hommes, mortes d’elles-mêmes, ou noyées, et qu’on impose une, sévère pénitence à ceux qui, sans une pressante nécessité, violent quelqu’une de ces règles.
Mais en même temps il avoue qu’on ne se fait aucun scrupule de manger des oiseaux pris à la chasse, et le gibier pris avec les chiens ; que dans tout cela on suivait le précepte de l’Apôtre, qui veut que l’on mange indifféremment de tout ce qui se vend à la boucherie et de tout ce qui se peut manger, sans s’informer d’autre chose (1 Corinthiens 10.27). Saint Augustin, beaucoup plus ancien que le cardinal Humbert, dit qu’on a observé dans l’Église la distinction de certaines viandes, tandis que le mur de séparation qui était entre le juifet le gentil converti n’a pas entièrement été rompu, et que l’Église chrétienne, formée de ces deux peuples, n’a pas été bien formée. Mais depuis que l’un ne voit plus d’Israélites selon la chair, on ne voit plus personne se faire un scrupule de manger un animal tué sans répandre son sang, et ceux qui ont encore quelque faiblesse sur cela sont exposés à la raillerie des autres.
Cela prouve le sentiment de ce Père et la pratique de l’Église d’Afrique de son temps : on n’a pas laissé dans plusieurs autres lieux d’observer le canon des apôtres, jusqu’au dixième et onzième siècle. Les Grecs observent encore aujourd’hui de ne pas manger du sang pur et séparé de la chair ; et plus d’un savant, dans le dernier siècle, voulait que cette défense subsistât encore à présent. On nomme pour ce sentiment Saumaise, Blondel, de Courcelles, Gérard, Vossius et Grotius.
Plusieurs anciens, en parlant de la défense faite par les apôtres au concile de Jérusalem, ne marquent que la défense de manger du sang, sans parler de celle des animaux suffoqués. Saint Augustin et saint Gaudence de Bresse regardent ces termes a suffocato, comme une glose ajoutée au texte, pour expliquer ce que veut dire la défense de manger du sang. Mais les manuscrits et les imprimés grecs et latins presque tous, de même que les Pères, prennent comme deux défenses différentes, celle de manger des animaux étouffés, et celle de manger du sang. Quelques anciens, sous ce terme a sanguine, ont entendu la défense du meurtre, ou de l’effusion du sang ; mais il était inutile de faire cette défense dans le concile de Jérusalem. Il y a plusieurs manuscrits grecs et quelques latins l’In ajoutent après ces mots a sulrocato et sanguine ; et ne faites à autrui ce que vous ne voudriez pas vous être fait ; qui est une glose ajoutée sans aucune nécessité.
Viandes immolées aux idoles, nommées en grec idolothyta. Il y eut au commencement de l’Église d’assez grosses disputes sur l’usage de ces viandes immolées aux idoles. Quelques chrétiens nouveau-convertis, persuadés que l’idole n’est rien, et que la distinction des viandes pures et impures ne subsiste plus, depuis que le Sauveur nous a prouvé [procuré] la liberté des enfants de Dieu, mangeaient indifféremment tout ce qui leur était servi, même chez des païens, sans se mettre en peine si ces viandes avaient été offertes aux idoles ou non ; et qui usaient de la même liberté dans l’achat des viandes qùi se vendaient au marché, ne s’informant point si elles étaient pures ou impures, selon l’idée des Juifs, ou si elles avaient été offertes aux idoles ; car il Savait chez les païens, comme chez les Hébreux, plusieurs sacrifices dans lesquels on n’offrait qu’une partie de la victime sur l’autel, tout le reste était à celui qui fournissait l’hostie, il en faisait son profit, et en mangeait avec ses amis.
D’autres chrétiens plus faibles ou moins instruits, étaient offensés de cette liberté, et croyaient que manger de la viande im-, molée aux idoles était en quelque sorte participer à un sacrifice impie et sacrilège. Cette diversité de sentiments et de pratiques, produisit quelque scandale et quelque altération de la charité à laquelle saint Paul crut devoir apporter du reinède. Il décide donc que tout est pur à celui qui est pur (Romains 4.20 Tite 1.15) ; que l’idole n’est rien (1 Corinthiens 8.4) ; que l’on peut manger de tout ce qui se vend à la boucherie (1 Corinthiens 10.25-27), sans s’enquérir d’où il vient par un scrupule de conscience. Que si un infidèle prie un fidèle à manger chez lui, que le fidèle mange de tort ce qui lui sera servi, sans se mettre en peine d’où il vient par un scrupule de conscience.
Mais en même temps il veut que l’on observe les lois de la charité et de la prudence, que l’on évite de scandaliser et d’offenser les âmes faibles ; que tout est permis, mais que tout n’est pas expédient (1 Corinthiens 10.23-24) ; que personne ne doit chercher sa propre satisfaction, mais celle de son prochain ; que si quelqu’un nous dit : Cela est immolé aux idoles, nous n’en devons pas manger, à cause de celui qui nous a donné cet avis, de peur de blesser non notre conscience, mais la sienne ; en un mot, que celui qui est faible et qui ne croit pas pouvoir user indifféremment de toutes sortes de viandes, mange des légumes (Romains 14.1-2).
Il est pourtant vrai qu’en général les chrétiens s’abstenaient des viandes immolées aux idoles. Voyez l’Apocalypse (Apocalypse 2.20), où le Saint-Esprit reprend l’évêque de Thiatire de ce qu’il souffre dans son Église une Jézabel qui se dit prophétesse, qui séduit les serviteurs de Dieu et qui leur enseigne à commettre l’impureté et à manger des viandes immolées aux idoles. Tertullien dit que saint Paul nous a mis en main la clef de la boucherie eti nous permettant d’user de toutes sortes de viandes, a l’exception de celles qui sont immolées aux idoles. On sait que dans les persécutions des empereurs romains on a souvent souillé les viandes de la boucherie en les offrant aux idoles, afin d’empêcher les chrétiens d’en acheter.
Quant aux Juifs, il est inutile de parler de leur éloignement des viandes immolées aux idoles. On sait avec quelle constance le vieillard Eléazar souffrit le martyre pour ne vouloir pas même faire semblant de toucher à des viandes qui avaient été offertes en sacrifice aux faux dieux (2 Machabées 6.23).
Les Israélites qui offraient au temple des sacrifices pacifiques, c’est-à-dire pour rendre gâces à Dieu ou pour obtenir de lui quelques bienfaits, pouvaient manger une partie de leurs chairs, après avoir donné aux prêtres ce qui leur était dû et brûlé sur l’autel ce qui était ordonné par la loi. Ils pouvaient, dis-je, manger de la chair de ces victimes le premier et le second jour, mais le troisième jour, s’il en restait quelque chose, on le jetait au feu ; et si on en avait mangé étant impur, cette faute était punie du dernier supplice (Lévitique 7.18-20).
Dans les holocaustes, il n’y avait rien pour celui qui offrait la victime ; elle était entièrement consumée sur le feu de l’autel. À l’égard des sacrifices pour l’expiation du péché, la chair de la victime était pour le prêtre qui l’avait immolée. Il n’y avait que les mâles de la race d’Aaron qui eussent droit d’en manger, et encore ne le pouvaient-ils faire hors de l’enceinte du temple (Lévitique 7.1-7,8,10).