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Catholiques syriens, habitant le mont Liban. Ce sujet n’appartient pas à l’Écriture sainte, mais comme, à l’occasion de quelques articles, il est parlé des Maronites, j’ai pensé qu’il ne serait pas plus que plusieurs autres déplacé dans cet ouvrage. L’origine des Maronites est une question encore non résolue parmi les savants. Cependant, « tous sont convenus, écrivait M. Poujoulat, au mont Liban, en 1831, de faire dériver le nom de maronite d’un solitaire appelé Maron ; or, il y a eu, continue-t-il, deux solitaires de ce nom : qui vécut dans les déserts de la Syrie, à la fin du quatrième siècle et au commencement du cinquième, et qui mourut en 433 : celui-ci était catholique ; l’autre, entaché de nestorianisme et d’eutychianisine, vivait, au septième siècle, dans le pays de Hamah, l’ancienne Epiphanie. Les Maronites éclairés prétendent que leur nation a toujours été fidèle à l’Église romaine, et ne reconnaissent pour père et pour fondateur que le pieux Maron, mort en 433. Les savants d’Europe donnent aux Maronites uneoriginehéréditaire, et leur assignent pour père le solitaire de Hamah. Ils ajoutent que les Maronites sont revenus à la communion latine sous le pape Grégoire XIII dans le seizième siècle ; quelques-uns disent sous le pape Calixte III dans le quinzième siècle. Mes propres recherches m’ont amené à reconnaître que les Maronites éclairés, ni les savants d’Europe, n’ont pas trouvé toute la vérité. » Correspond d’Orient, lettr. 180, tome 7. pap. 312 et suivants
M. Poujoulat ajoute : « Il paraîtrait, d’après nos chroniques, que les Maronites appartenaient à la foi latine dès l’époque de la première croisade, c’est-à-dire à la fin du onzième siècle. » Il cite ensuite Guillaume de Tyr et Jacques de Vitry. Ce dernier dit que les chrétiens du Liban « sont nommés Maronites, du nom d’un certain homme, leur maitre, hérétique… » Il dit encore qu’ils restèrent séparés de l’Église romaine pendant près de cinq cents ans ; qu’enfin « ils firent profession de la foi catholique en présence du vénérable père À mauri, patriarche d’Antioche,… » et que a leur patriarche assista au concile général de Latran, tenu solennellement dans la ville de Rome, sous le pontificat du vénérable Innocent III.
M. Poujoulat trouve concluant ce passage de Jacques de Vitry. « Il en résulte, dit-il, 1° que les Maronites se trompent quand ils disent qu’ils ont toujours appartenu à la foi romaine ; 2° que les savants se sont trompés en plaçant dans le quinzième ou le seizième siècle la réunion des Maronites à l’Église latine. Jacques de Vitry ne donne point la date précisé de l’abjuration des Maronites en présence d’Arnaud ; mais nous trouvons cette date dans l’Histoire ecclésiastique de Nicéphore ; l’abjuration eut lieu dans l’année 1167… » c’est-à-dire, dans la seconde moitié du douzième siècle. Jacques de Vitry, évêque de Saint-Jean-d’Acre, vivait dans la première moitié du siècle suivant. Le concile de Latran eut lieu en 1215.
Cette opinion, qui consiste à dire que « les Maronites renoncèrent, au douzième siècle, à l’hérésie d’Eutychès, et embrassèrent la foi catholique apportée par les croisés français, » fut exprimée par M. de Montalembert, à la chambre des pairs (janvier 1846). À cette occasion il parut, dans l’Univers (11 février suivant), des observations fournies par un Maronite, et même par un Maronite éclairé, pour me servir de l’expression de M. Poujoulat, et que nous allons rapporter.
L’auteur appelle erreur grave l’opinion dont il s’agit : et « cette erreur dit-il, n’est malheureusement que trop accréditée en Europe, et particulièrement en France, par des rapports de voyageurs mal renseignés ou malveillants. » Il ajoute :
« Saint Maron, dont la nation maronite tire, comme ou le voit, son origine, vivait au quatrième siècle ; ainsi donc, avant la naissance des hérésies qui ont divisé l’Église orientale en des sectes différentes, le nom de Syrien était celui de tous les chrétiens qui habitent cette vaste contrée. Mais depuis que la plupart de ces chrétiens se furent séparés du corps de l’Église grecque, on leur donna différents noms qui désignent leur créance particulière ou le chef de la secte qu’ils ont embrassée ; c’est ainsi qu’au nom originaire de leur patrie on a substitué les noms odieux de Nestoriens, de Monothélites, de Jacobites ; il faut cependant excepter les Maronites de cette règle générale. Car enfin, bien que nos ancêtres fissent constamment partie des anciens noms syriens, soumis aux empereurs d’Orient et attachés à l’Église grecque leur changement de nom a un principe tout opposé à celui que nous venons d’établir. C’est donc à saint Maron lui-même que remonte notre nationalité ; mais notre foi catholique a toujours été la même depuis cette époque jusqu’à nos jours ; nous n’avons jamais rejeté nos principes religieux pour en embrasser d’autres, hérétiques ou faux, comme cela arrive encore aux Syriens, aux Arméniens et aux Grecs-unis.
Témoin ces paroles de Grégoire XIII en 1581, dans sa bulle d’érection du collège des Maronites à Rome : « Les Maronites descendent et sont les restes de ces premiers chrétiens de Syrie qui n’ont jamais dégénéré de la foi que leurs ancêtres avaient reçue des apétres, et qu’ils professent encore constamment au milieu des nations infidèles et schismatiques ; ils ressemblent à l’Horeb et au mont Sinaï ; ils sont inébranlables dans leur foi contre toutes les attaques de leurs ennemis. Qu’il nous suffise de rappeler ici que, vers le milieu du cinquième siècle, 300 religieux maronites, 300 disciples de saint Maron, ont été martyrisés par les infidèles monophysiteset jacobites pour avoir persévéré dans leurs croyances catholiques et rejeté courageusement le poison des hérésies. »
Si la plupart des anciens auteurs ou historiens de sectes dissidentes nous ont gratifiés si généreusement de la qualification d’hérétiques, ce n’était, à coup sûr, que par inimitié nationale, et que notre attachement et notre soumission au saint-siège ont toujours excité leur jalousie contre nous au plus haut point. Ils ont tâché, par conséquent, dans leurs écrits, de nous représenter dogmatiquement comme des hérétiques, comme des descendants d’Eutychès et de Dioscore.
Ce que nous venons d’exposer au sujet de l’origine des Maronites et de leurs doctrines orthodoxes est tellement précis, incontestable, qu’il se trouve confirmé dans le recueil des conciles et par les bulles qu’Innocent 3.Grégoire 13.Clément 8.Honorius, Alexandre IV et Léon 10 ont envoyées successivement et à diverses époques aux patriarches maronites. Au reste, ces actes décisifs, ces décrets authentiques dont il s’agit, se trouvent consignés dans les archives patriarcales de Canoubin, au mont Liban, où, en rno environ, un synode mémorable a eu lieu pour constater péremotoirement ces points d’orthodoxie orientale.
Il suit evidemment de ce que nous venons de rapporter que la religion catholique, à laquelle les Maronites ont le bonheur d’appartenir, remonte incontestablement au commencement du quatrième siècle, et non pas au douzième, comme l’a dit, par une méprise bien innocente d’ailleurs, l’honorable et généreux M. de Montalembert. S. D.