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Ville située près de Béthel (Josué 7.2), à l’occident de cette ville (Genèse 12.8). Les Septante l’appellent Agai, et Josèphe Aina ; d’autres, Aiath. Josué ayant envoyé contre la ville d’Haï une troupe de trois mille hommes (Josué 7.3-4), Dieu permit qu’il fussent repoussés, à cause du péché d’Achan, qui avait violé l’anathème de la ville de Jéricho, en prenant pour lui quelque chose du butin. Mais, après l’expiation du crime d’Achan, le Seigneur commanda à Josué (Josué 8.1) de prendre toute l’armée d’Israël, de marcher contre Haï, et de traiter cette ville et son roi comme il avait fait Jéricho ; avec cette différence, qu’il abandonnait au peuple le pillage de cette ville.
Selon l’ordre du Seigneur, Josué envoya la nuit trente mille hommes pour s’aller mettre en embuscade derrière Haï, ayant bien instruit ceux qui les commandaient de ce qu’ils avaient à faire ; et le lendemain, de grand matin, il marcha contre cette ville avec tout le reste de l’armée. Le roi de Haï, les ayant aperçus, sortit de la ville en hâte avec toutes ses troupes et tout son peuple, et donna sur l’armée des Israélites : ceux-ci prirent d’abord la fuite, comme si la peur les eût saisis, mais c’était une feinte pour attirer l’ennemi en pleine campagne.
Lorsque Josué les vit tous sortis des portes de leur ville, il leva son bouclier au haut d’une pique, c’était le signal qu’il avait donné à son embuscade ; aussitôt elle entra dans la ville qu’elle trouva sans défense, et y mit le feu. Ceux de Haï, ayant aperçu la fumée qui s’élevait jusqu’au ciel, voulurent retourner ; mais ils se trouvèrent pris en queue par ceux qui venaient de mettre le feu dans la ville, pendant que Josué et les siens, ayant fait volte-face, tombèrent sur eux, et les taillèrent en pièces, sans qu’il s’en sauvât un seul. Le roi fut pris vif, et amené à Josué. Les Israélites entrèrent dans la ville, mirent tout à feu et à sang, tuèrent en cette journée douze mille ennemis tant hommes que femmes et enfants : le roi de Haï fut mis à mort, et attaché à une potence, où il demeura jusqu’au coucher du soleil, après quoi on le détacha : il fut jeté à l’entrée de la ville, et on amassa sur lui un grand monceau de pierres. Les Israélites ensuite partagèrent entre eux tout le butin qu’ils avaient fait dans la ville, ainsi que le Seigneur l’avait permis.
Observations sur la retraite simulée de Josué, et sur la surprise (par Folard).
L’entreprise de Josué sur Haï est assez semblable, à quelques manœuvres savantes près, à celle de Gabaa, qui n’en est guère que la copie. On en voit une infinité dans l’histoire ancienne et moderne : Polybe en rapporte une à-peu-près semblable ; mais on peut dire que l’original est dans Josué, car on ne peut recourir à des historiens plus reculés dans les temps antiques, pour voir s’il ne s’y trouve pas quelque stratagème pareil. Les livres sacrés ne sont pas les plus anciens ; il y avait sans doute des historiens avant Moïse, et peut-être qu’avant ce grand législateur du peuple juif toutes les ruses de guerre étaient épuisées ; j’en suis persuadé, et je crois la guerre presque aussi ancienne que le monde ; c’est-à-dire, dès que les hommes commencèrent à l’habiter, et que l’ambition leur fit disputer le mien d’avec le tien. Si l’on me demande quand ces deux passions y prirent naissance, je répondrai que ce fut lorsque, Adam ayant engendré Caïn et Abel, celui-ci, qui était agréable au Seigneur, fut tué par son aîné : c’en est l’origine et la première époque ; mais revenons à la surprise de la ville de Haï.
Il semble par l’Écriture que Josué n’était pas l’auteur du stratagème dont il se servit ; mais on sait bien que le Seigneur est le Dieu des armées, et qu’on lui doit tout rapporter. Quand il dit à Josué : Marchez contre Haï ; dressez une embuscade derrière la ville ; je vous en ai livré le roi et le peuple ; cela n’empêche pas qu’il ne lui laisse toute la gloire de l’invention et de l’exécution, comme à un grand capitaine ; autrement je ne compterais pas Josué au nombre des grands hommes, si Dieu eût toujours fait des miracles en faveur de son peuple, et qu’il ne lui eût rien laissé à exécuter ; mais il n’est pas obligé de faire continuellement des prodiges pour punir l’injustice et la malice des hommes, et souvent il se sert d’eux pour exécuter ses décrets.
Je ne m’arrêterai point à discourir sur ces paroles : Dressez une embuscade derrière la ville. Dom Calmet a fait une si belle remarque sur cet endroit, que je me contenterai de la rapporter ici. « On s’étonne, dit-il, que Dieu, qui pouvait si aisément par sa puissance opprimer Haï et ses habitants, ait voulu employer l’artifice et le stratagème pour donner la victoire aux Hébreux ; moyens qui paraissent au-dessous de la grandeur du Tout-Puissant, et que certains peuples et quelques généraux ont rejetés, comme indignes de gens de cœur, et comme plus capables de ternir leur gloire que d’en augmenter l’éclat. Alexandre le Grand disait qu’il ne voulait pas dérober la victoire ; les anciens Grecs et les Tibaréniens avertissaient leurs ennemis du temps et du lieu du combat ; les anciens Romains ne savaient ce que c’était que les ruses et les détours dans la guerre. Ils ne cherchaient point de victoire qu’à force ouverte, et de bonne guerre ; ils voulaient que leurs ennemis fussent convaincus de leur valeur, et qu’ils se soumissent à eux sans regret, comme aux plus forts. »
Voilà bien de l’érudition. Le commentateur aurait pu encore ajouter les anciens Gaulois, les Suisses et d’autres peuples qui sont francs et ouverts sur ce point. On serait pourtant fort embarrassé de prouver que les anciens Romains n’aient point employé l’artifice et la ruse, puisque la guerre n’est autre chose que l’art de ruser avec une très-grande et très-profonde méthode. Si les Romains sont souvent tombés dans les pièges qu’on leur tendait, c’est qu’ils avaient des généraux malhabiles, qui faisaient la guerre sans génie et sans art, et qui, pour excuser leur ignorance, alléguaient qu’ils la faisaient en gens de bien, sans artifice et sans tromperie. On voit pourtant, dans l’histoire, que les Romains pour la plupart les ont mis en usage. Si Alexandre et tant d’autres grands capitaines n’ont pas voulu employer toute leur malice, c’est qu’ils savaient qu’ils vaincraient bien sans cela leurs ennemis. Alexandre connaissait parfaitement à qui il avait affaire. S’il eût attaqué d’autres peuples que des Perses efféminés, il n’eût eu garde de ne pas suivre le conseil que lui donnait Parménion, d’attaquer l’ennemi à la faveur de la nuit. C’est pourquoi il répondit qu’il voulait combattre en plein jour, et qu’il aimait mieux se plaindre de la fortune que de rougir de la victoire.
Ceux qui s’étonnent que Dieu, qui pouvait si aisément opprimer Haï et ses habitants, par un seul acte de sa volonté, ne l’ait pas fait, plutôt que d’employer la ruse et l’artifice, je leur demande s’il ne pouvait pas tout de même, en un instant, en un clin d’œil renverser les murailles de Jéricho, et dispenser son peuple de faire sept fois le tour de cette ville, pour la voir tomber au septième jour ? Ne pouvait-il pas aussi exterminer tant d’ennemis que son peuple eut à combattre, et le mettre d’abord, sans coup férir, en possession de la Terre promise ? Mais pourquoi vouloir pénétrer dans les secrets de Dieu ? S’il eût fait tout cela, il n’eût point tant fait éclater sa puissance par ce grand nombre de prodiges qu’il faisait à la vue de tout l’univers, et son peuple n’aurait aucunement mérité.
Josué se leva donc, dit l’auteur sacré (Josué 8.3), et toute l’armée avec lui, pour marcher contre Haï, et il envoya la nuit trente mille hommes choisis des plus vaillants. Il y a une contradiction manifeste entre ce verset et le douzième, où il est dit que Josué n’avait choisi que cinq mille hommes, qu’il avait envoyés en embuscade entre Béthel et Haï (Il n’y a point de contradiction. Tout ce dont on peut convenir, c’est qu’il y a un peu de confusion dans le récit. Au verset 3, il s’agit de trente mille hommes ; on peut supposer que les cinq mille du verset 12 faisaient partie ou ne faisaient pas partie de ce nombre. Dans l’une ou l’autre hypothèse, où est la contradiction ?). Comment accorder cela ? Dom Calmet dit a que Masius n’admet que cinq mille hommes en embuscade et vingt-cinq mille pour prendre la ville, persuadé qu’une armée de six cent mille hommes n’aurait pu que causer de l’embarras dans cette occasion, sans aucune nécessité ni aucun avantage. Masius semble raisonner juste, et penser en homme de guerre. Mais la plupart des interprètes, continue dom Calmet, reconnaissent deux corps placés en embuscade, tous deux entre Béthel et Haï, l’un de vingt-cinq et l’autre de cinq mille hommes.
Josué envoya donc d’abord les trente mille hommes qui marchèrent pendant la nuit, et, pour n’être pas découverts, passèrent sans doute par derrière les hauteurs de Béthel, et vinrent se poster vers l’occident, entre ces deux villes, au lieu marqué pour l’embuscade. Celui qui était à la tête détacha alors cinq mille hommes, qui s’embusquèrent dans les endroits couverts, vis-à-vis et le plus près qu’ils purent de la ville, pour se jeter dedans tout aussitôt qu’il en serait temps.
Dom Calmet dit (comment. Sur Josué 8.13) qu’il y a des interprètes qui nient que le terme hébreu akeb signifie une embuscade, et qu’à la lettre, il marque le talon. S’il marque le talon, je dis que par métaphore il doit signifier une embuscade, puisque le propre de l’embuscade est de tomber sur les derrières de l’ennemi. Ne disons-nous pas tous les jours que l’ennemi nous talonne, qu’il est sans cesse à nos trousses ; et n’est-ce pas ordinairement par derrière, du côté des talons, que l’embuscade se découvre ?
Josué passa la nuit dans son camp, à Galgal, et le lendemain, s’étant levé avant le jour, il fit la revue de ses troupes, se mit à leur tête avec les anciens, et fit marcher le gros de l’armée vers Haï. Lorsqu’ils furent arrivés à la vue de la ville, Josué rangea son armée en bataille sur la colline, et descendit ensuite dans la vallée ; ce que le roi de Haï ayant vu, il sortit à grande hâte dès le point du jour avec toute l’armée, et il conduisit ses troupes en bataille, du côté du désert (Josué 8.14), où Josué, comme s’il eût été saisi de frayeur, feignait de s’enfuir pour donner amorce à son ennemi, et l’éloigner davantage de la ville. Ceux de Haï crurent devoir profiter d’une si belle occasion, dans l’espérance d’en tirer d’autant plus d’avantage, que les Hébreux s’étaient engagés dans un défilé, où, ne pouvant combattre sur un grand front, le grand nombre n’est d’aucune considération, et le petit ne peut être débordé à ses flancs, et par conséquent enveloppé ; mais ils ne se doutaient point qu’il y eût des gens en embuscade derrière eux, et qu’on dût faire volte-face sur eux pendant que ceux de l’embuscade se lèveraient au premier signal, et s’empareraient de la ville abandonnée et dégarnie de gens de guerre pour la défendre.
Le général des Hébreux, voyant que son dessein réussissait, et que ceux de Haï étaient assez éloignés de leur ville, fit faire volte-face à son armée, et donna le signal concerté pour avertir ceux de l’embuscade qu’il était temps de surprendre la ville. Le savant commentateur fait sur cet endroit une remarque pleine d’érudition, où il rapporte les différents sentiments des interprètes touchant la nature de ce signal ; mais il ne nous tire pas encore d’embarras : les uns prétendent, dit-il, que le terme hébreu cidon signifie un bouclier. Les Septante et Aquila l’expliquent d’un dard tout de fer, que l’on appelait goesos ; mais un dard est trop petit pour servir de signal et pour être vu de si loin ; un bouclier n’est guère plus aisé à distinguer. Pour moi, j’adopte volontiers le sentiment des rabbins, qui, pour être de vieux rêveurs, ont pourtant quelquefois de bons intervalles ; ils croient que c’était la hampe d’un drapeau que Josué éleva pour donner le signal à ses gens. Je conclus de là que c’était le drapeau tout entier, et qu’en style asiatique, qui approche fort du poétique, on doit prendre ici la partie pour le tout. C’était donc un drapeau que Josué éleva, et qui fut aperçu par ceux de l’embuscade, qui se levèrent aussitôt et marchèrent vers la ville, la prirent et la brûlèrent, non d’abord entièrement, mais en quelques endroits, pour répondre au signal, et avertir Josué que l’on en était maître ; car elle ne fut détruite et réduite en cendres qu’après le pillage.
Les gens de la ville, qui poursuivirent Josué, regardant derrière eux, et voyant la fumée de la ville qui s’élevait jusqu’au ciel, ne purent plus fuir ni d’un côté ni d’un autre, surtout après que les Israélites, qui avaient fait semblant de fuir, et qui marchaient du côté du désert, tournèrent visage contre eux, et attaquèrent vivement ceux qui les poursuivaient auparavant ; car ceux de l’embuscade, qui composaient une petite armée, n’eurent garde de rester dans la ville ; ils en sortirent, et tombèrent sur les derrières de ceux de Haï, que les Hébreux commençaient à tailler en pièces ; de sorte qu’ils se trouvèrent entre deux armées, attaqués de toutes parts, et tellement pressés devant et derrière, qu’il ne s’en sauva pas un seul d’un si grand nombre, c’est-à-dire qu’aucun ne put prendre la fuite, et que ceux qui ne furent point tués dans la mêlée furent pris vifs avec leur roi, et mis à mort après le combat.