Le nom de Sophonie (en hébreu Tsephania ou Tsephaniahou ; version des LXX et Vulgate : Sophonias) signifie « l’Éternel cache » ou « protège ». Le prophète fait peut-être allusion, 2.3, à cette signification de son nom. L’Ancien Testament mentionne d’autres Sophonies (voir 1 Chroniques 6.36 ; Jérémie 21.1, etc. ; Zacharie 6.10, 14). Le titre du livre ne nomme pas seulement le père de l’auteur, Cuschi, mais ses ancêtres jusqu’à la quatrième génération inclusivement ; ce fait est tout à fait propre à Sophonie, d’où l’on a conclu avec raison que l’Ézéchias auquel remonte cette généalogie n’est autre que le célèbre monarque de ce nom. Si ce dernier n’est pas désigné ici comme roi, c’est que, immédiatement après, Josias est nommé expressément roi de Juda ; et si l’on s’étonne de voir trois générations entre Sophonie et Ézéchias, tandis qu’il n’y en a que deux, représentées par Amon et Manassé, entre Josias et Ézéchias, il faut se rappeler que Manassé a eu un règne de 55 ans. Sophonie était donc de sang royal ; il était parent de Josias, de ses fils et des autres princes, auxquels il dut adresser de sévères paroles (1.8) ; cette circonstance déjà montre sa fidélité et son courage.
Nous sommes donc aussi renseignés par le titre sur l’époque du ministère prophétique de Sophonie. Il eut lieu sous Josias, qui régna en Juda de 641 à 610 avant J-C. Cette indication du titre est confirmée par 1.8, qui suppose un roi pieux (voir note), par 2.13, qui montre que Ninive n’était pas encore détruite (elle l’a été en 606), ainsi que par la place du livre dans le Canon. Mais la question est de savoir dans quelle période du règne de Josias il faut placer l’activité de notre prophète, d’après 2 Chroniques chapitres 34 et 35 (voir surtout 34.3, 8 et 35.19 ; comparez 2 Rois 22.3 et 23.23), il y eut dans la vie et la carrière de ce roi trois phases décisives dont chacune marqua un progrès sur la précédente : la huitième année de son règne, Josias se tourna vers Dieu ; la douzième il commença une œuvre de purification au sein de son royaume souillé par l’idolâtrie ; la dix-huitième enfin, il fit procéder à la réparation du temple, ce qui eut pour effet la découverte d’un exemplaire du livre de la loi, le renouvellement de l’alliance avec l’Éternel, la célébration de la Pâque et l’achèvement de la réforme.
C’est, selon nous, dans la deuxième de ces périodes qu’il convient de placer la composition du livre : car, d’une part, le culte de l’Éternel, supprimé sous le règne d’Amon, a recommencé (1.5 : « se prosternant, ils prêtent serment à l’Éternel » ; 3.4 : « ses sacrificateurs profanent les choses saintes »), ce qui suppose qu’une réforme a déjà été entreprise ; d’autre part, l’idolâtrie est encore vivace (1.4-5), il y a encore « un reste de Baal », ce qui fait clairement entendre que l’œuvre de purification n’est pas terminée et que le réveil religieux, inauguré au début de la troisième période du règne de Josias, n’a pas encore eu lieu. L’opinion que nous soutenons ici est celle de la plupart des interprètes ; l’un d’entre eux voudrait même que l’on fit descendre la date de la composition de notre écrit jusqu’après l’achèvement de la réparation du temple et la célébration solennelle de la Pâque. Mais, quand même on trouverait peut-être dans le passage 3.4-5 de quoi appuyer cette supposition, nous nous représentons difficilement comment, tôt après les événements si sérieux qui marquèrent la dix-huitième année du règne de Josias, le prophète aurait déjà eu lieu de reprocher aux sacrificateurs de « profaner les choses saintes » et de « faire violence à la loi » (3.4). Certains interprètes ont vu dans l’ennemi indiqué 3.15 les Scythes, qui ont ravagé l’Asie occidentale entre 628 et 606. S’il en était ainsi, cette supposition concorderait avec l’époque indiquée. Ainsi, tout nous conduit à placer Sophonie entre 630 et 624 avant J-C, mais plus près de la seconde de ces dates que de la première. Sophonie aurait donc été postérieur à Habakuk d’une vingtaine d’années et contemporain de la prophétesse Hulda (2 Chroniques 34.22-26) et en particulier de Jérémie (1.2), qui commença son ministère en 629 et dont la description de la corruption de Jérusalem a beaucoup de ressemblance avec celle de Sophonie.
Ce livre n’est pas, comme d’autres, un composé de plusieurs discours prophétiques, prononcés et rédigés à des époques différentes ; c’est un tout unique, qui a certainement été produit d’un jet à un moment donné. Peut-être cette rédaction a-t-elle eu lieu à la fin de la carrière du prophète, comme résumé de toute sa prédication. Cet écrit est en même temps comme la quintessence, le sommaire de toute la prophétie hébraïque. Ce qui caractérise en effet Sophonie, c’est sa vue d’ensemble ; d’un coup d’œil il embrasse toutes les nations et tous les siècles. Aussi son livre a-t-il quelque chose de vague, parfois même d’obscur : les détails positifs manquent, les peintures sont très sobres. Il y a chez Sophonie moins d’imagination que d’intelligence ; il n’est pas poète, et c’est avec calme et sérieux qu’il examine l’état moral et religieux de son peuple. On sent néanmoins l’indignation dont son âme est remplie en présence du mal et qui se traduit dans un style plein de vie et d’énergie ; on admire la courageuse franchise avec laquelle il blâme le péché partout où il le rencontre. Sophonie s’est approprié d’une manière heureuse des passages d’Amos, d’Ésaïe, de Michée et d’Habakuk, qui donnent du relief à son langage.
La prédication de Sophonie n’eut pas, pensons-nous, pour but direct d’aider Josias dans son œuvre de réforme ; le mal était déjà trop grand pour qu’il pût y être remédié d’une manière profonde et complète. Ce livre fait l’effet d’avoir été composé sous l’impression claire que Juda était mûr pour la ruine et que cette ruine pouvait être retardée peut-être, mais non empêchée. Le service que Sophonie put rendre à Josias fut de concourir avec lui à former et à augmenter un peuple de gens humbles et craignant Dieu (2.3), un saint reste, qui échappât au jugement (3.12). La masse de la nation était perdue, en effet, et la réforme de Josias, quelque généreuse et énergique qu’elle fût, ne réussit malheureusement qu’à couvrir d’un vernis extérieur la corruption qui était dans le fond des cœurs. C’était pour Juda un vrai temps de répit ; mais cette heure décisive de son histoire était comme le calme avant l’orage qui allait bientôt éclater.
On peut distinguer dans le livre de Sophonie trois discours principaux :