Se garder des faux docteurs 1 Au reste, mes frères, réjouissez-vous dans le Seigneur. Je ne me lasse point de vous écrire les mêmes choses, et c’est votre sûreté. Chapitre 3
1 à 14 Se garder des faux docteurs
Paul a renoncé à tout pour gagner Christ et atteindre le but. Les premiers mots de ce chapitre qui ne se lient logiquement ni à ce qui précède ni à ce qui suit, et qui sont une salutation à la manière des anciens, semblent indiquer que l’apôtre voulait d’abord terminer ici sa lettre, ou du moins passer aux relations personnelles qui se trouvent à Philippiens 4 . Cependant une exhortation fort importante se presse encore dans son cœur, (verset 2 ) et il y donne cours.
Sur cette sainte joie du racheté de Christ, qui est une force dans les combats et dans l’épreuve, et à laquelle Paul exhorte fréquemment ses frères vers la fin de ses lettres, comparez Philippiens 4.4 ; 2 Corinthiens 13.11 ; 1 Thessaloniciens 5.16 . C’est la joie du Saint-Esprit en eux (Romains 14.17 ; 1 Thessaloniciens 1.6 ).
Ces paroles peuvent se rapporter à l’exhortation à la joie qui précède ; mais il est plus probable qu’il faut les rattacher aux avertissements qui suivent, et que Paul avait déjà fait entendre à ses lecteurs, soit de vive voix, soit autrement. Il ne se lasse point d’y revenir pour leur sûreté en présence du danger.
2 Prenez garde aux chiens ; prenez garde aux mauvais ouvriers ; prenez garde à la fausse circoncision. Ce sont les mêmes hommes que l’apôtre désigne par ces trois noms.
Le premier les marque comme impurs dans leur caractère et leurs motifs (en Orient, le chien est toujours le symbole de l’impureté : Matthieu 7.6 ; Apocalypse 22.15 ) ; le second montre en eux des hommes qui se donnaient à eux-mêmes la mission de travailler dans l’Église (comparez 2 Corinthiens 11.13 ; et ci-dessus Philippiens 1.14 ; Philippiens 1.15 ) ; le troisième les désigne comme appartenant au parti des judaïsants, qui faisaient de la circoncision une condition indispensable au salut.
L’apôtre, par un jeu de mots qui renferme une vive ironie, transforme cette circoncision en une simple incision ou mutilation (tel est le sens du mot traduit par fausse circoncision ), et il fait sentir ainsi que c’est à cela, en effet, que se réduit cette cérémonie religieuse, dès le moment qu’on attache tant d’importance à l’acte extérieur, matériel, en oubliant que la circoncision n’a de valeur que comme signe de la purification du cœur et de la vie (comparer Philippiens 3.3 ; Romains 2.28 ; Romains 2.29 ).
Combien un tel avertissement est encore applicable à tous les genres de formalisme !
3 Car c’est nous qui sommes la circoncision, nous qui rendons notre culte par l’Esprit de Dieu, qui nous glorifions en Jésus-Christ, et qui ne mettons point notre confiance en la chair. Les chrétiens sont les vrais circoncis , parce qu’ils le sont spirituellement, dans le cœur (Romains 2.28 ; Romains 2.29 ; Colossiens 2.11 ).
Dès lors leur culte est vivifié par l’Esprit de Dieu (vrai texte ; comparez Jean 4.23 ; Jean 4.24 ) ; et ils se glorifient en Christ Jésus seul, parce qu’ils ont en lui la rédemption et la justification, (1 Corinthiens 1.31 ; 2 Corinthiens 10.17 ) et non en la chair , comme les Juifs qui mettaient leur confiance dans la circoncision et en d’autres privilèges extérieurs (Galates 3.3 ; Galates 6.13 ).
4 Quoique j’aie moi aussi sujet de me confier en la chair : si quelque autre croit pouvoir se confier en la chair, je le puis davantage, Voir sur cette notion de la chair , par opposition à l’esprit , Romains 1.3 , note ; comparez Romains 4.1 , note, et surtout Romains 8.1-13 .
5 moi circoncis le huitième jour, de la race d’Israël, de la tribu de Benjamin ; Hébreu, né d’Hébreux ; quant à la loi, pharisien ; 6 quant au zèle, persécutant l’Église ; quant à la justice qui est en la loi, étant sans reproche. Voilà autant de privilèges dont Paul aurait pu se glorifier s’il avait voulu s’appuyer sur la chair , c’est-à-dire sur ces choses extérieures, sans regarder aux dispositions du cœur qui seules leur donneraient de la valeur : lui aussi a été circoncis selon la loi dès l’entrée de sa vie, étant Israélite de naissance, et non seulement prosélyte comme plusieurs de ses adversaires.
Il appartenait à la tribu de ce Benjamin , le favori de son père, qui reçut de lui une bénédiction particulière (Genèse 49.27 ; Deutéronome 33.12 ) ; à cette tribu toujours restée fidèle et dans laquelle était Jérusalem avec son temple.
Hébreu, fils d’Hébreux , Paul descendait d’Abraham ; pour la doctrine et pour la stricte observance de la loi , il était de la secte austère et respectée des pharisiens (Actes 22.3 ; Actes 26.5 ).
Nul ne l’avait surpassé en zèle , puisqu’il avait persécuté l’Église chrétienne, et quant à la justice de la loi , à cette justice que lui opposaient ses adversaires, et qui consiste à suivre à la lettre chaque précepte, tandis que le cœur reste inconverti, Paul était sans reproche de la part des hommes.
7 Mais les choses qui m’étaient des gains, je les ai regardées, à cause de Christ, comme une perte. Ces privilèges, dans l’intention de Dieu, étaient certainement d’une grande valeur (un gain ) ; mais comme Paul en avait abusé par orgueil, il les considère maintenant comme une véritable perte : ce qui ne veut pas dire seulement qu’il les a perdus, qu’il y a renoncé, mais qu’ils lui étaient vraiment devenus nuisibles (comparer Jean 9.41 note).
C’est dans ce sens qu’un Père de l’Église a pu émettre l’idée paradoxale que « les bonnes œuvres sont nuisibles au salut », ce qui est vrai si ces œuvres empêchent l’homme de chercher son salut uniquement en Jésus-Christ.
8 Et même je regarde toutes choses comme une perte, à cause de l’excellence de la connaissance de Jésus-Christ, mon Seigneur, pour qui j’ai fait la perte de toutes choses ; et je les regarde comme des ordures, afin que je gagne Christ, Le verset verset 8 n’est pas une simple répétition du verset 7 .
Paul veut dire : « Ce n’est pas seulement alors dans le premier feu de la conversion, que j’ai considéré ces choses comme une perte ; mais encore plus maintenant , après une longue expérience de la vie chrétienne, je regarde toutes choses , tout ce que ce monde pourrait m’offrir, comme une perte. En comparaison de ce que j’ai trouvé dans l’excellence de la connaissance de Christ (Grec : « une connaissance qui surpasse tout »), je méprise tout le reste comme des ordures ».
Cette précieuse expérience de Paul est le principe universel de la vie chrétienne. Pour gagner Christ , se l’approprier tout entier, être trouvé en lui (verset 9 ) dans sa communion, au dernier jour, il faut faire la perte de tout ce en quoi l’homme naturel met sa confiance, être prêt à tout abandonner (Matthieu 10.38-39 ; Matthieu 16.24 ; Matthieu 16.25 ).
9 et que je sois trouvé en lui, ayant, non ma justice, celle qui vient de la loi, mais celle qui est par la foi en Christ, la justice qui vient de Dieu par la foi ; L’apôtre ayant employé ce terme : ma justice , l’explique par celuici : celle qui me vient de la loi , celle qu’il s’efforçait d’acquérir par l’observation de la loi .
Cette justice ne saurait être le fondement de son espérance pour l’avenir. Il connaît une autre justice dont il a été mis en possession par la foi en Christ, la justice qui vient de Dieu sur la base de la foi .
Telle est la traduction littérale de ces mots dont le sens est suffisamment expliqué par les autres épîtres de notre apôtre (voir en particulier Romains 3.21-28 , notes ; Romains 10.3 ).
Mais pour s’approprier cette justice, il faut être trouvé en Christ , dans une communion vivante avec lui par le lien intime de la foi, communion décrite en traits profonds dans les paroles qui suivent.
10 afin de le connaître, et la puissance de sa résurrection, et la communion de ses souffrances, étant rendu conforme à lui dans sa mort, Ces paroles, aussi bien que celles du verset 9 , se rattachent étroitement au verset 8 .
L’apôtre expose (versets 9-11 ) ce que c’est que « gagner Christ ». C’est d’abord posséder sa justice (verset 9 ) ; le connaître , lui ; connaîtrai la puissance de sa résurrection, la communion de ses souffrances et de sa mort (verset 10 ) ; c’est enfin parvenir par lui à la résurrection des morts : vérités profondes qu’on doit sonder par la méditation, et dont il faut faire l’expérience pour les comprendre.
Le connaître ce n’est point posséder une simple notion historique et intellectuelle de Christ, mais c’est l’avoir embrassé par une foi vivante, être entré dans une communion intime avec lui (comparer Jean 10.14 ; Jean 17.3 ).
La puissance de sa résurrection n’est pas seulement cette force divine qui a ramené le Sauveur d’entre les morts, l’a élevé à la droite de la majesté de Dieu, et qu’il déploie pour appliquer à tous ses rachetés les fruits de sa rédemption (Calvin et d’autres) ; ni seulement l’assurance de notre propre résurrection fondée sur la sienne, la victoire sur la mort ; mais encore cette efficace de vie divine par laquelle le Seigneur ressuscité, en s’unissant à ses membres qui sont sur la terre, fait mourir en eux le vieil homme, ressuscite lui-même en eux, y reproduit son image, sa vie, jusqu’au moment où ils seront consommés en lui et élevés dans sa gloire (comparer Romains 6.4-11 , notes ; et Romains 8.10-11 ; Romains 8.17 ; 1 Corinthiens 15.21 ; 2 Corinthiens 1.9 ; 2 Corinthiens 1.10 ; Galates 2.20 ; Éphésiens 1.18-20 ; Colossiens 3.1 ; Colossiens 3.4 , notes).
Les derniers mots de cette phrase expliquent les premiers. La communion des souffrances de Christ n’est point seulement une appropriation personnelle de ses souffrances par la foi en lui ; c’est une expérience réelle de ses souffrances, par laquelle chacun de ses membres ici-bas devient conforme à sa mort , c’est-à-dire meurt avec lui, condition indispensable pour avoir part à la « puissance de sa résurrection » ; ou plutôt c’est là une seule et même œuvre de la grâce en nous, envisagée par son côté négatif, la mort, et par son côté positif, la vie.
L’état du chrétien sur la terre est un état de souffrance, au dedans et au dehors. Il porte en tout lieu la douleur du péché ; il souffre de ses propres misères et de celles des autres ; il lutte, il succombe comme son Sauveur ; pour lui aussi la croix est l’unique moyen de la victoire. Ces souffrances sont celles de Christ même ; il les endure avec ses membres ; c’est le même combat, la même cause, la même force, le même but, la même couronne acquise par Christ et réservée aux siens (Romains 8.17 ; Romains 8.26-27 ; 2 Corinthiens 1.5 ; Colossiens 1.24 ; 1 Pierre 4.1 , notes).
11 pour parvenir, si je puis en quelque manière, à la résurrection des morts. Grec : « Si comment (en quelque manière) je parviendrai à la résurrection des morts ».
En un sens la résurrection des morts est universelle, tous y parviendront (Jean 5.29 ) ; mais Paul, dans les principaux passages qui traitent de ce sujet, n’envisage que la résurrection des justes, la consommation du chrétien tout entier, corps et âme, glorifié par la puissance de résurrection et de vie, qui est Christ en lui. Cette espérance de l’apôtre n’est donc que le dernier trait, le couronnement de tout ce qu’il a déjà exprimé au verset 10 .
Mais pourquoi cette tournure dubitative ? Certes, il faudrait être bien étranger aux épîtres de Paul pour penser qu’il doute de son salut final (comparer entre autres Romains 5.1 et suivants ; Romains 8.16 ; Romains 8.28-39 ; 1 Corinthiens 3.21-23 ; Philippiens 1.5 ; Philippiens 1.6 ; 2 Timothée 4.7-8 ; 2 Timothée 4.18 ).
Mais l’assurance de l’enfant de Dieu est une assurance morale, qui dépend des moyens de grâce, et non une assurance mathématique.
Il marche par la foi et non par la vue . Sa vie est un combat perpétuel, et qui dit combat , dit danger (2 Timothée 2.5 ). Il doit faire preuve d’une active vigilance, d’une consciencieuse fidélité, d’une humble dépendance de la grâce de Dieu, qui seule le gardera et lui assurera la victoire (comparer 1 Corinthiens 10.12 ; 1 Corinthiens 9.27 et les belles paroles ci-dessous, versets 12-14 )
12 Non que j’aie déjà saisi le prix, ou que je sois déjà parvenu à la perfection ; mais je cours pour le saisir ; et c’est pour cela aussi que j’ai été saisi par Christ. 13 Frères, pour moi je ne me persuade pas d’avoir encore saisi le prix, 14 mais je fais une chose : oubliant les choses qui sont derrière, et tendant vers celles qui sont devant, je cours vers le but, vers le prix de la vocation céleste de Dieu en Jésus-Christ. Voici d’abord la version littérale de ces paroles : (versets 12-14 ) Non que j’aie déjà saisi , quoi ? ce verbe étant sans objet, les uns suppléent tout ce qui précède (versets 10, 11 ) ; les autres, le but (verset 14 ) ; les autres, le prix (verset 14 ) ; ou que je sois déjà perfectionné ; mais je poursuis, m’efforçant de saisir ; c’est pourquoi aussi j’ai été saisi par Christ (verset 12 ). Frères, je ne m’estime pas moi-même avoir saisi (verset 13 ) ; mais une seule chose : oubliant les choses , etc.
Ce mot énergique, absolu : une seule chose , (comparez Luc 10.42 ) est ordinairement complété par un verbe : je fais ; d’autres le relient au verset 13 : j’estime une chose ; d’autres le laissent isolé, dans son sens absolu.
Dans ces versets l’apôtre représente le combat de la foi sous l’image de la course telle qu’elle avait lieu chez les anciens (1 Corinthiens 9.24-27 , notes ; et ci-dessus Philippiens 2.16 ). Par opposition à toute perfection imaginaire, soit légale, soit spirituelle, Paul confesse humblement que pour lui la vie chrétienne est encore un combat, et le restera jusqu’au terme.
Ce terme est indiqué à la fin du verset 14 . Paul l’appelle le but et le prix , par où il entend la perfection (verset 12 ) Le point de départ de la course consiste à être saisi par Christ (verset 12 ) ; alors seulement le croyant peut songer lui-même à saisir le prix (Il est bon de remarquer cet emploi du même mot en deux sens différents). Il faut, en effet, que l’ordonnateur de la course appelle celui qui doit y prendre part, lui ouvre la carrière, lui assigne sa place, d’où il s’élancera vers le but. C’est ce que Christ fait pour tous les chrétiens ; mais cette expérience initiale être saisi par Christ avait été plus frappante chez l’apôtre Paul, à cause de sa conversion extraordinaire, à laquelle il fait allusion.
J’étais du nombre de ceux qui couraient vers la perdition ; déjà j’y touchais, j’allais périr…alors je fus saisi par Christ qui me poursuivait, tandis que je le fuyais de toutes mes forces
Cette image pleine de vérité explique tout le reste dans les paroles de l’apôtre :
Le coureur ne s’arrête pas à regarder en arrière pour voir quel espace il a déjà parcouru, mais il porte les yeux en avant sur l’espace qui le sépare du but (verset 14 ). À quoi bon contempler ce qu’il a fait, s’il oublie ce qui lui reste à faire ? Il tend donc vers le but , brûlant du désir de le saisir . Quelque vitesse qu’il imprime à ses pieds, il les devance encore du reste de son corps ; penché en avant (sens du mot grec), il tend les mains vers le but : c’est ainsi que nous devons courir
D’après cette image, ce qui est en arrière et que le chrétien doit oublier , ce n’est pas seulement le monde et le péché, mais ses propres vertus, ses progrès réels, qu’il pourrait être tenté de contempler avec complaisance en lui-même, tandis qu’il oublierait ses fautes et ses misères. Dieu tient devant lui, au terme de la carrière, le prix glorieux de sa vocation en Jésus-Christ . Y parvenir, le saisir, doit être sa seule pensée, son unique affaire.
Les hommes de la terre et les hommes du ciel 15 Nous tous donc qui sommes parfaits, ayons cette même pensée ; et si, en quelque chose, vous pensez autrement, cela aussi, Dieu vous le révélera. Plan
II. Tendre à l’unité. Les hommes de la terre et les hommes du ciel
Les chrétiens parvenus à la maturité doivent être unis dans la même pensée, et si en quelque chose ils diffèrent, attendre de Dieu la lumière ; en cela ils imiteront l’apôtre et tous ceux qui marchent comme lui (18-17).
Cela est nécessaire, car plusieurs marchent d’une telle manière, Paul le dit en versant des larmes, qu’ils se montrent ennemis de la croix de Christ ; ils marchent vers la perdition, car toutes leurs affections ont pour objet la chair et les choses de la terre (18, 19).
Les chrétiens au contraire ont leur patrie dans les cieux, d’où ils attendent leur Sauveur qui couronnera son-œuvre en eux en les rendant semblables à lui dans sa gloire (20, 21).
15 à 21 tendre à l’unité, les hommes de la terre et les hommes du ciel
Être parfait ne peut pas, d’après ce qui précède, s’entendre d’une perfection morale absolue. L’apôtre emploie souvent ce mot dans le sens de mûr, d’homme fait par opposition à l’état d’enfant (1 Corinthiens 2.6 ; 1 Corinthiens 14.20 ; comparez Hébreux 5.14 ).
Paul exhorte ceux qui ont atteint ce degré de perfection à avoir cette même pensée ou ce même sentiment.
Lequel ? Les uns répondent en rapportant ces mots aux grandes pensées exprimées versets 9-11 ; les autres, à celles des versets 12-14 , c’est-à-dire que, tout en retenant ferme son élection et sa vocation en Jésus-Christ, on ne se persuade pas légèrement d’avoir saisi le prix ; mais que l’on se pénètre, au contraire, avec humilité et tristesse, de la distance qui nous sépare encore de l’entière sanctification du cœur et de la vie, à laquelle nous devons tendre sans cesse.
L’une et l’autre interprétations ont du vrai. La pensée dont le chrétien doit être rempli, c’est celle qui ressort de l’expérience faite par Paul : être tout entier en Christ, mais reconnaître et sentir tout ce qui lui manque encore.
16 Seulement, au point où nous sommes parvenus, marchons d’accord. « La même pensée » (verset 15 ) dont tous les chrétiens doivent être animés, c’est le centre même, l’âme de la vie nouvelle en Christ.
Si un chrétien marche selon cette ligne de conduite, dans cet esprit, il se trouve sous la direction certaine de Dieu, sous la discipline de son Saint-Esprit.
Mais sur divers points secondaires de doctrine ou de conduite, il peut y avoir, entre ceux qui suivent cette voie, des différences ; à plus d’un égard ils peuvent penser autrement , tout en étant sur le même fondement ; cela est dans la nature des choses et inséparable de la liberté évangélique ; l’apôtre l’admet sans hésiter.
Mais il est tout aussi convaincu que, si des chrétiens sont réellement sur « le seul fondement que l’on puisse poser », conduits par le même Esprit de Dieu, ce qui manque à leur connaissance ou à leurs convictions leur sera révélé par cet Esprit, qui les rapprochera toujours plus de l’unité en toutes choses (verset 15 ).
En attendant, ils doivent user de support, de charité, respecter la liberté les uns des autres, et surtout conserver l’unité dans tout « ce à quoi ils sont parvenus » (traduction littérale). Paul en donne ici lui-même un mémorable exemple. Autant il se montre absolu lorsqu’il s’agit de la vérité qui constitue l’essence même de l’Évangile, autant il est large et éloigné de vouloir étouffer les convictions individuelles sous le poids de son autorité apostolique, quand il a affaire à des opinions secondaires et sincères, qui ne différent le plus souvent que par suite d’une connaissance imparfaite (comparer Romains 14.1 ; Éphésiens 1.17 ; 1 Jean 2.20 ; 1 Jean 2.27 ).
Le texte reçu donne ainsi ce verset : « cependant, ce à quoi nous sommes parvenus, marcher selon une même règle, penser la même chose ». Les mots soulignés ne sont pas authentiques ; ils ont été ajoutés dans l’intention de rendre plus claire la pensée de l’apôtre.
17 Devenez ensemble mes imitateurs, frères, et regardez à ceux qui marchent suivant le modèle que vous avez en nous. Nous n’avons tous qu’un seul Maître, qu’un seul modèle, Christ (Matthieu 23.8 ; 1 Pierre 2.21 ). Aussi, quand l’apôtre en appelle à l’exemple de sa propre vie pour que ses frères s’y conforment, ce n’est jamais d’une manière générale et absolue, mais, comme ici, relativement à quelque direction spéciale et pratique qu’il vient de donner à ses lecteurs (1 Thessaloniciens 1.6 ; 1 Corinthiens 11.1 ).
Il était indispensable que les membres les moins éclairés et les plus faibles de ces jeunes Églises, sortant des ténèbres du paganisme, eussent dans les apôtres de Jésus-Christ, de même que dans les chrétiens les plus avancés, un exemple vivant de la doctrine et de la vie nouvelles qu’ils prêchaient.
Aussi les apôtres n’hésitent-ils pas à rappeler aux ministres de la Parole qu’ils doivent se montrer les modèles des troupeaux, (1 Timothée 4.12 ; 1 Timothée 2.7 ; 1 Pierre 5.3 ) ce qui implique, pour les fidèles, le devoir, non d’imiter aveuglément des hommes, mais de considérer avec respect ces serviteurs de Dieu dont les lumières, l’expérience, la sagesse, la sainte vie sont évidemment des fruits de l’Esprit de Dieu en eux.
Au-dessous du seul Modèle parfait, il est utile de recevoir le témoignage vivant de ceux qu’il a le plus enrichis de ses dons. Les paroles qui suivent montrent assez combien l’apôtre était fondé à faire un tel rapprochement.
18 Car il en est plusieurs qui ont une telle conduite, je vous l’ai dit souvent, et je vous le dis maintenant encore en pleurant, qu’ils sont ennemis de la croix de Christ ; Soit que l’apôtre reporte sa pensée sur les faux docteurs qu’il a désignés auparavant, (verset 2 ) soit qu’il ait en vue d’autres membres indignes de l’Église, qu’il avait eu souvent occasion de reprendre, de vive voix ou par ses lettres, il revient à eux maintenant avec une profonde douleur, afin de mettre en garde les fidèles contre un si pernicieux exemple. Ces hommes faisaient profession de christianisme, et pourtant ils étaient ennemis de la croix de Christ .
Il n’y a rien là de contradictoire, rien qui ne se voie chaque jour encore. Tant qu’il s’agit d’embrasser la doctrine de Jésus-Christ comme un système, ou de professer l’Évangile comme une religion de pures formes, les hommes dont parle l’apôtre sont des amis . Mais dès qu’il faut admettre dans toute sa signification et toute sa puissance ; dès qu’il faut consentir à n’être sauvé que par le mystérieux sacrifice du Calvaire, qui froisse et brise l’orgueil de la sagesse humaine et de toute propre justice ; dès qu’il faut prendre cette croix humiliante, la porter à la suite de Jésus, accepter d’y être crucifié avec lui, d’y mourir à soi-même, au monde, au péché, alors ces faux amis deviennent aussitôt des ennemis . Or c’est bien là ce que l’apôtre entend par ce seul mot, la croix (comparer 1 Corinthiens 1.17 ; 1 Corinthiens 1.18 ; Galates 2.20 ; Galates 5.11-24 ; Galates 6.12-14 ).
L’inimitié de ces hommes, dont il va caractériser la vie, lui arrache des larmes de douleur.
Et ces larmes, quel argument nous devons y voir, non de jalousie ou de haine pour de tels hommes, non du désir de les maudire, non d’un esprit poussé par la passion, mais d’un zèle plein de piété. Paul pleure, parce qu’il voit l’Église en danger de se perdre sous de telles influences 19 eux dont la fin sera la perdition, qui ont leur ventre pour Dieu, qui mettent leur gloire dans leur honte, et qui ne pensent qu’aux choses de la terre. Quiconque n’a pas été affranchi du monde et du péché par la croix de Jésus-Christ, quiconque est ennemi de cette croix, a encore ses pensées et ses affections sur la terre et dans l’esclavage de ses intérêts périssables.
Que les convoitises soient alors élevées, spirituelles, et servent d’aliment à l’orgueil, ou qu’elles rampent sur les objets grossiers des passions charnelles (avoir son ventre pour Dieu désigne d’une manière énergique les plaisirs de la table), le résultat est le même, la perdition (comparer Galates 5.21 ; Galates 6.8 ; notes).
20 Car pour nous, notre bourgeoisie existe dans les cieux, d’où nous attendons aussi comme Sauveur le Seigneur Jésus-Christ ; L’apôtre rattache la description de la vie chrétienne à ce qui précède, par cette particule car, comme motivant la profonde douleur que lui inspire la conduite de ceux qui n’ont d’affections que pour les choses de la terre.
Le mot traduit littéralement par bourgeoisie signifiait aussi chez les Grecs, en un sens dérivé, le genre de vie, la conduite, surtout dans les affaires publiques ; de la, dans nos vieilles versions, le mot de conversation (conduite).
Le sens littéral est celui qui convient le mieux à la pensée de l’apôtre : tandis que les hommes dont il vient de parler ne pensent qu’aux « choses de la terre », le chrétien a ses pensées et ses affections dans les cieux , qui sont sa patrie, sa bourgeoisie.
Étranger et voyageur ici-bas, dépris du monde et de ses avantages, tous ses désirs et toutes ses espérances tendent vers la possession pleine et entière de ces biens éternels dont il jouit déjà en partie par sa communion avec son Sauveur et son Dieu. Tout ce qui, sur la terre, est incompatible avec cette vie céleste vers laquelle il aspire, lui devient de plus en plus étranger. Aussi sa position actuelle est-elle un état d’attente , en vue du moment qui réalisera tous ses vœux (comparer 1 Corinthiens 1.7 ; 1 Corinthiens 2.13 ).
Celui qu’il attend , c’est le Seigneur Jésus-Christ , à sa seconde venue, et il l’attend comme Sauveur (ou libérateur) de tout mal (verset 21 ). Nos anciennes versions effacent cette nuance de la pensée (Romains 8.19 ).
21 qui transformera le corps de notre humiliation, le rendant conforme au corps de sa gloire, selon l’efficace du pouvoir qu’il a même de s’assujettir toutes choses. Telle est la rédemption complète du racheté de Christ. Aucun chrétien ne peut jouir d’une paix parfaite tant que la dernière trace du péché n’aura pas été anéantie en lui, et que tout son être, l’esprit, l’âme et le corps, n’aura pas été rendu à sa destination éternelle, la perfection. De là, son état d’attente ; il attend le Sauveur , qui achèvera son œuvre en lui.
Paul ne nomme ici que la transformation du corps , parce que ce sera là, par la résurrection et la glorification, le dernier acte de l’œuvre de Christ. Mais il laisse entrevoir un contraste immense entre le corps actuel et celui de la gloire. Il nomme l’un le corps de notre humiliation , ce que nos versions rendent par « ce corps vil » ; corps humilié en effet, puisqu’il sert d’instrument au péché, qu’il est l’esclave de mille besoins matériels, des infirmités, de la mort, et qu’il doit enfin tomber en poudre et servir de pâture aux vers.
Paul désigne l’autre par ce seul mot qui dit plus que toutes les descriptions : être rendu conforme au corps de la gloire de Christ, ou à son corps glorifié (Comparer, sur ce contraste du corps humilié et du corps glorifié, 1 Corinthiens 15.42-44 ).
Ainsi, « nous lui serons semblables » en toutes choses, (1 Jean 3.2 ) pourvu que nous lui soyons devenus semblables spirituellement par notre communion avec lui. Quelle destination !
Ici, comme partout, l’Écriture nous fait voir dans la résurrection un acte de la puissance divine de Christ lui-même (Grec : « selon l’énergie de pouvoir même s’assujettir toutes choses », y compris la mort). Nous avons appliqué ce passage à la résurrection proprement dite, parce que telle est évidemment la pensée générale. D’autres, prenant ce mot de transformation dans un sens limité, pensent que Paul veut parler, ici comme ailleurs, (1 Corinthiens 15.52 ; 1 Corinthiens 15.53 ; 1 Thessaloniciens 4.15-17 ) de ceux qui vivront lors de la venue du Seigneur, et qui, au lieu de ressusciter, seront changés . Si cette interprétation ne doit pas être exclue, elle est loin d’exprimer toute la pensée de l’apôtre.