Alliance de l’Éternel avec Abraham 1 Après ces choses, la parole de l’Éternel fut adressée à Abram en vision, disant : Ne crains point, Abram ; je suis ton bouclier ; ta récompense sera très grande. 1-6 Promesse solennelle d’un fils
Après ces choses . Cette formule, qui ne se trouve que trois fois dans l’histoire d’Abraham (Genèse 15.1 ; Genèse 22.1 ; Genèse 22.20 ) sert à établir un lien vague entre deux faits qui peuvent s’être passés à une grande distance l’un de l’autre.
En vision . Il y a eu en ce, moment une apparition de l’Éternel, pour l’aperception de laquelle un sens interne a dû être mis en activité chez Abraham, comme cela arrive dans tous les faits de ce genre. La cessation de cet état n’étant indiquée nulle part, plusieurs commentateurs ont été conduits par là à placer tous les faits qui vont être racontés dans le domaine de la vision. Mais nous verrons au cours du récit que cette supposition est impossible.
Ne crains point . Abraham avait sans doute des moments de défaillance où, se voyant toujours sans postérité dans ce pays étranger, il se demandait s’il ne s’était pas trompé en croyant obéir à un ordre de Dieu. Une fois ébranlé dans sa foi, il pouvait facilement être saisi de crainte à la vue des populations cananéennes au milieu desquelles il se sentait seul et comme perdu.
Ton bouclier : pour te protéger contre les peuples qui t’entourent.
Ta récompense : la récompense de tous les sacrifices que tu as faits par obéissance à ton Dieu.
2 Et Abram dit : Seigneur Éternel, que me donneras-tu ? Je passe ma vie sans enfants, et l’héritier de ma maison est Dammések Éliézer. La réponse d’Abraham exprime un certain découragement ; la seule récompense qui pourrait le réjouir serait la possession d’un fils. À quoi lui serviront gloire, richesses ou toute autre récompense, si ces biens doivent tomber à sa mort en des mains étrangères ?
Dans l’original, ce verset contient une sorte de jeu de mots, Le terme traduit par héritier (benméschek ) est très-semblable à Dammések ; et c’est probablement cette assonance qui a déterminé le choix de ce terme rarement employé.
Dammések Éliézer . Éliézer signifie Dieu de secours . Dammések est le nom hébreu de la ville de Damas. Les interprètes ne sont pas d’accord sur la relation grammaticale qui existe entre ce nom de ville et ce nom d’homme. Quelques-uns font de Dammések un adjectif et traduisent : Éliézer le Damascénien . D’autres en font une apposition : Damas Éliézer . Abraham voudrait dire : C’est Damas, la ville d’un peuple étranger, qui en la personne d’Éliézer héritera de moi. Ce sens est le plus conforme au texte hébreu. Mais plusieurs le trouvent peu naturel et supposent qu’une note marginale aura pénétré dans le texte, ce qui est encore plus improbable.
Depuis sa séparation d’avec Lot, Abraham avait sans doute désigné comme son héritier, dans le cas où il resterait sans enfant, celui de ses serviteurs auquel il était le plus attaché ; et c’était, parait-il, un serviteur qu’il s’était acquis à Damas, lorsqu’il était sur le point d’entrer dans le pays de Canaan.
Les traditions des Mahométans et celles de l’Église grecque établissent un rapport étroit entre Damas et Abraham. D’après les premières, c’est un serviteur d’Abraham appelé Damas qui aurait fondé cette ville. D’après les secondes, Abraham aurait été, un certain temps roi de Damas avant de passer en Canaan. Au temps, de Josèphe, on montrait dans les environs de cette ville un endroit appelé la demeure d’Abraham . Le souvenir d’Abraham est vivant à Damas encore aujourd’hui, et chaque printemps on y célèbre la fête des noces d’Abraham .
3 Et Abram dit : Vois, tu ne m’as pas donné de postérité, et voici un homme attaché à ma maison sera mon héritier. L’Éternel ne répondant, pas, Abraham répète sa plainte d’une manière plus précise et plus pressante.
Un homme attaché à ma maison . C’est le vrai sens du terme hébreu. On traduit d’ordinaire : né dans ma maison (comme Genèse 14.14 ), mais à tort, car le mot employé n’est pas le même.
4 Et voici, la parole de l’Éternel lui fut adressée en ces termes : Celui-ci ne sera pas ton héritier, mais celui qui sortira de tes entrailles sera ton héritier. L’Éternel répond enfin et affirme à Abraham ce qu’il semble ne plus espérer. Dans les révélations précédentes (chapitres 12 et 13), la promesse d’une postérité issue d’Abraham n’avait jamais été aussi nettement formulée.
5 Et il le mena dehors et dit : Regarde vers le ciel et compte les étoiles, si tu peux les compter. Et il lui dit : Ainsi sera ta postérité. La sortie d’Abraham de sa tente et la contemplation du ciel étoilé sont certainement des faits réels ; ce qui n’empêche pas qu’il ne continue à être en relation directe avec Dieu par le sens interne ; ainsi Zacharie, Luc 1.11 , voit à la fois l’ange et le Lieu saint avec l’autel.
À la forme de la promesse Genèse 13.16 est substituée ici la comparaison plus glorieuse avec les étoiles du ciel.
6 Et Abram eut foi en l’Éternel, et l’Éternel le lui imputa à justice. Les craintes d’Abraham se dissipent à l’ouïe de cette parole. Il saisit la promesse, si incroyable qu’elle paraisse en raison de sa grandeur même, avec une foi entière ; et cet acte de foi, par lequel il s’abandonne complètement entre les mains de Dieu, est estimé par Dieu à la valeur d’une vie d’obéissance parfaite. C’est le moment décisif où Abraham entre vis-à-vis de Dieu dans la position d’un juste, d’un homme sans péché.
À quelle source l’auteur a-t-il puisé la connaissance d’un fait qui porte sur ce qu’il y a de plus intime dans la relation entre Dieu et Abraham, bien plus, entre Dieu et l’homme en général ? Car cette parole est devenue la formule permanente de l’acte d’entrée dans l’état de salut, de la justification, non seulement dans l’ancienne, mais dans la nouvelle alliance (Romains 4.3 ; Galates 3.6 ). Y a-t-il ici une révélation de Dieu à l’auteur de ce récit, ou bien ce fait intime, dont l’Esprit de Dieu a rendu témoignage à l’esprit d’Abraham, a-t-il été transmis par ce dernier à ses descendants ? En tout cas aucun historien n’eût introduit de son chef dans le récit une pareille remarque.
7 Et il lui dit : Je suis l’Éternel qui t’ai fait sortir d’Ur des Chaldéens afin de te donner ce pays pour le posséder. 7-21 Promesse solennelle de l’héritage
Le rapport des temps, dans le texte original, indique que cette nouvelle déclaration de Dieu est une conséquence du fait mentionné au verset 6 : la foi et la justification d’Abraham. Sa foi sur le premier point doit être complétée par sa foi relativement au second.
Qui t’ai fait sortir : par une direction providentielle, car l’ordre précis n’est intervenu qu’à Charan (Genèse 12.1-3 ).
8 Et il dit : Seigneur Éternel, à quoi connaîtrai-je que je le posséderai ? La demande d’un signe est accordée, comme dans les cas de Gédéon (Juges 6.17 ), d’Ézéchias (2 Rois 20.8 ) et de Marie (Luc 1.34 ). Le cas de Zacharie (Luc 1.18 et suivants ) fait exception, par des raisons tirées de sa position et du milieu où il se trouvait.
9 Et il lui dit : Va me prendre une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et un jeune pigeon. Versets 9 à 10
L’alliance est traitée conformément à un usage humain. Chez les Chaldéens, les Grecs et les Macédoniens, aussi bien que chez les Israélites, les deux personnes qui contractaient un traité d’alliance très solennel, passaient entre les deux moitiés d’un animal ou de plusieurs animaux ; ce qui indiquait deux choses :
la première, que de même que ces deux moitiés appartenaient au même corps, les deux parties contractantes étaient désormais comme unies en un seul être.
la seconde, que si l’une violait son engagement, elle serait traitée comme cet animal partagé en deux. Comparez Jérémie 34.18-19
Cet usage a donné lieu au terme couper, frapper l’alliance , qui se trouve en hébreu, en grec et en latin.
Pour fortifier la foi d’Abraham, Dieu consent à se soumettre lui-même à cette manière tout humaine de traiter alliance. Les animaux choisis dans cette circonstance sont ceux-là mêmes que la loi désignera plus tard comme pouvant, être offerts en sacrifice ; il parait, que, de toute antiquité, ils avaient servi aux actes sacrés.
De trois ans , c’est-à-dire dans la plénitude de leur force ; il est peu probable qu’il faille penser ici au symbolisme du chiffre trois comme nombre sacré.
Il ne partagea pas les oiseaux . Comme ils étaient très petits, il en mit sans doute un de chaque côté.
10 Et il lui amena tous ces animaux et les partagea par le milieu, et il mit chaque moitié vis-à-vis de l’autre ; et il ne partagea pas les oiseaux. 11 Et les oiseaux de proie fondirent sur les bêtes mortes, et Abram les chassa. Les oiseaux de proie sont peut-être l’image des difficultés que rencontrera l’accomplissement de la promesse de la part des peuples voisins (Égyptiens, Cananéens), mais ces difficultés seront vaincues (Abraham les chassa ).
12 Et comme le soleil allait se coucher, un profond sommeil tomba sur Abram, et voici une terreur, une obscurité profonde, tomba sur lui. Comme le soleil allait se coucher . On a vu ici l’indice d’un document différent ; car c’était de nuit, et non de jour, que Dieu était apparu à Abraham. Mais la seconde révélation n’avait pas suivi immédiatement la première, et Abraham avait consacré un certain temps aux préparatifs ordonnés au verset 9 . Au soir tout est prêt, et la communication divine recommence.
Un profond sommeil : thardéma , le mot employé pour désigner le sommeil surnaturel d’Adam (Genèse 2.21 ).
Une terreur, une obscurité profonde . Abraham s’est endormi sous l’impression sinistre que lui a laissée le présage les oiseaux de proie. C’est par l’explication de cet incident, que Dieu commence.
13 Et il dit à Abram : Sache bien que ta postérité sera étrangère dans un pays qui ne sera pas à eux ; ils y seront en servitude et on les opprimera pendant quatre cents ans. Un exil et une captivité quatre fois séculaires attendent sa postérité, avant que la terre promise puisse lui être accordée. Le mot sache bien fait pressentir la gravité menaçante de cette révélation.
Quatre cents ans , chiffre rond. En réalité les Israélites ont séjourné en Égypte 430 ans (Exode 12.40 ).
14 Et je jugerai à son tour la nation à laquelle ils auront été asservis, et ensuite ils sortiront avec de grands biens. 15 Et toi, tu t’en iras en paix vers tes pères ; tu seras enseveli dans une heureuse vieillesse. Abraham lui-même n’aura pas à subir cette captivité.
Tu t’en iras en paix vers tes pères . D’après ce verset même, l’expression s’en aller vers ses pères désigne un fait qui diffère de celui d’être enseveli et qui le précède. Elle signifie entrer dans le schéol , le séjour des morts, où l’on retrouve ses ancêtres. Ce terme implique l’idée de l’immortalité personnelle.
16 Et à la quatrième génération ils reviendront ici, car jusqu’à présent l’iniquité de l’Amorrhéen n’est pas à son comble. À la quatrième génération . Plusieurs prennent ici le mot de génération dans le sens de siècle ; le sens naturel convient mieux, puisque cent ans était alors la durée moyenne de la vie humaine.
La seconde moitié du verset jette un trait de lumière sur la justice des dispensations divines dans l’histoire des peuples. Pour que l’Éternel fasse tomber une nation et donne sa place à une autre, il faut qu’elle soit arrivée au point où le mal est devenu chez elle tout à fait incurable. Cette parole nous aide à comprendre le fait si révoltant en apparence de la destruction des Cananéens. C’est cette loi que Jésus, dans son grand discours sur la fin des temps, applique à l’histoire du peuple juif lui-même et à celle du monde entier : Où sera le corps mort, les aigles s’y assembleront (Matthieu 24.28 ).
L’annonce des jugements de Dieu sur l’Égypte (verset 14) et sur les Amorrhéens (verset 16) a dû faire sur Abraham une profonde impression. On comprend que peu après il ait pu appeler Dieu : Le juge de toute la terre (Genèse 18.25 ).
L’Amorrhéen : au sens large ; la population de tout le pays. Comparez Genèse 10.16 , note.
17 Et lorsque le soleil fut couché et que la nuit fut venue, voici une fournaise fumante et un brandon de feu passaient entre ces animaux partagés. Le moment de l’accomplissement de la promesse est ainsi précisé. Et maintenant Abraham se réveille et voit de ses yeux le signe qu’il avait demandé.
Une fournaise fumante et un brandon de feu . La fournaise désigne un vase cylindrique dans lequel on faisait du feu, ou peut-être simplement ici un brasier, d’où s’élevait une flamme, le brandon de feu. Cette flamme et cette fumée font penser à la colonne de nuée dans laquelle l’Éternel se manifestait aux Israélites dans le désert. C’est sous la même forme qu’il rend ici sa présence sensible.
Remarquons que l’Éternel seul passe entre les animaux partagés. C’est que lui seul prend un engagement, parce qu’il a seul quelque chose à donner. De là l’expression précédente : Va me prendre , prendre pour moi (verset 9).
18 En ce jour-là, l’Éternel traita alliance avec Abram en ces termes : Je donne à ta postérité ce pays, depuis le fleuve d’Égypte jusqu’au grand fleuve, au fleuve d’Euphrate : Avec Abram . Dans une alliance comme celle-là, l’homme se borne à recevoir.
Je donne à ta postérité ; comparez Genèse 12.7 ; Genèse 13.15 . Là il était dit : Je donnerai ; ici : Je donne .
Le fleuve d’Égypte : c’est le bras oriental du Nil. Il ne faut pas le confondre avec le torrent d’Égypte, indiqué ailleurs comme frontière (Nombres 34.5 ; Josué 15.4 etc.). Sans doute jamais, même à l’époque de sa plus grande gloire, le royaume d’Israël ne s’est étendu jusqu’au Nil. Mais les deux fleuves indiqués représentent ici les deux grands empires qu’ils arrosaient. Entre les deux s’étendra, comme troisième puissance, le royaume de David et de Salomon. C’est un nouveau trait ajouté aux promesses précédentes.
19 le pays du Kénien, du Kénizien, du Kadmonien, Des dix peuples mentionnés ici, cinq seulement appartiennent à la population cananéenne : les Héthiens, les Amorrhéens, les Cananéens, les Guirgasiens et les Jébusiens. Voir les notes sur ces noms dans Genèse 10.6 et Genèse 10.16 . Les Cananéens sont pris ici au sens restreint du mot. Les cinq autres peuples appartenaient probablement à la population primitive du pays, encore mêlée aux Cananéens à l’époque d’Abraham.
Sur les Phéréziens, voir Genèse 13.7 et sur les Réphaïm, Genèse 14.5 .
Les Kéniens étaient une tribu du désert méridional. mêlée plus tard aux Amalékites (1 Samuel 15.6 ) et aux Madianites, car le beau-père de Moïse est nommé tantôt le Madianite (Nombres 10.29 ), tantôt le Kénien (Juges 1.16 ; Juges 4.11 ). Au temps de la conquête, une partie de la peuplade se joignit aux Israélites et alla s’établir tout au nord du pays (Juges 4.11-17 ), tandis que les autres restèrent dans le désert, au sud du pays de Juda, où David fut en relation avec eux (1 Samuel 27.10, 1 Samuel 30.29 ).
Les Kéniziens . La position géographique de ce peuple est inconnue. Genèse 36.11 mentionne un Kénaz parmi les descendants d’Ésaü, et d’autres passages font de Caleb et d’Othniel des Kéniziens ou des fils de Kénaz (Nombres 32.12 ; Juges 3.9 , etc.). Ces coïncidences de noms sont peut-être accidentelles ; mais il se peut aussi que de bonne heure les Kéniziens se soient réunis les uns aux Édomites, les autres aux Israélites.
Les Kadmoniens : inconnus ; leur nom signifiant Orientaux ; ils peuvent faire partie du peuple nommé ailleurs les Fils de l’Orient , c’est-à-dire les Arabes de la partie du désert qui touche la Palestine à l’orient.
20 du Héthien, du Phérézien, des Réphaïm, de l’Amorrhéen, du Cananéen, du Guirgasien et du Jébusien. 21 de l’Amorrhéen, du Cananéen, du Guirgasien et du Jébusien