11 et 12
Cependant l’ange lui indique, sinon les événements, du moins les dates principales qui jalonneront en quelque sorte l’époque finale sur laquelle l’interroge Daniel. Ces trois dates sont la croix des interprètes, et l’on n’en a pas encore donné, à aucun point de vue, une interprétation complètement satisfaisante. Outre la date de trois ans et demi ou 1260 jours indiquée au verset 11 , nous trouvons ici celle de 1290 jours qui ajoute un mois à la précédente, et au verset 12 celle de 1335 jours qui ajoute un mois et demi à celle du verset 11 , à supposer du moins, comme cela paraît naturel, qu’elles aient toutes trois le même point de départ. Les interprètes qui rapportent tous ces nombres uniquement à l’époque d’Antiochus en donnent les explications suivantes : Les 1260 jours du verset 7 sont le temps de la persécution violente que les Syriens ont fait subir au peuple juif. Le commissaire royal Apollonius, chargé par Antiochus de la mission d’extirper la religion juive et d’installer dans le temple le culte du Jupiter Olympien, arriva en Palestine au mois d’août de l’année 168 avant Jésus-Christ. On peut supposer que la persécution sévit dès ce moment, mais que ce ne fut qu’un peu plus tard, dans l’automne de cette année, que le sacrifice journalier offert sur l’autel des holocaustes fut définitivement supprimé. Les 1260 jours qui représentent le temps de la persécution commenceraient donc avec le mois d’août de cette année, et les 1150 jours qui représentent, d’après Daniel 8.14 , celui de l’abolition du sacrifice, dateraient de quelques mois plus tard, du mois d’octobre de la même année. Ces deux chiffres aboutissent au mois de décembre de l’année 165 avant Jésus-Christ, où les premières victoires des Maccabées remirent les Juifs en possession de Jérusalem et du temple. Ils rétablirent alors le sacrifice journalier, interrompu depuis un peu plus de trois ans, et la persécution qui avait commencé trois ans et demi auparavant, prit fin. Comme la mort d’Antiochus suivit de très près et eut même probablement pour cause la nouvelle qu’il reçut en Orient de ces premières victoires des Juifs et du renversement de son œuvre, il est probable que le chiffre de 1290 jours, qui dépasse d’un mois le précédent, se rapporte à cette mort du tyran. Quelques semaines après, cette bonne nouvelle parvint sans doute du fond de l’Orient, ou était mort Antiochus, aux habitants de Jérusalem, et nous arrivons ainsi à la dernière date, celle de 1335 jours, qui indiquerait l’ère du complet triomphe. D’autres rapportent la fin des 1290 jours à l’arrivée à Jérusalem de la nouvelle de la mort d’Antiochus, et celle des 1335 jours à l’arrivée dans cette ville de la lettre du successeur d’Antiochus, qui offrait enfin la paix aux Juifs (1 Maccabées 11). On peut se représenter, en effet, l’éclatante manifestation de joie qui eut lieu à cette occasion.
Mais ces trois dates prennent naturellement une toute autre signification pour ceux qui rapportent tout ce chapitre à la fin des temps et spécialement à la victoire sur l’Antéchrist, soit qu’ils voient ce personnage déjà réalisé dans le pouvoir papal (Gaussen, Henriquet, Guinness), soit qu’ils attendent une réalisation encore à venir de ce dernier adversaire de Dieu sur la terre (de Rougemont). Nous renvoyons les détails à l’appendice.
Enfin des troisièmes, tout en rapportant ces dates à la fin des temps, pensent qu’elles sont cependant empruntées aux phases principales de l’histoire de la persécution d’Antiochus. Car, en vertu de leur signification symbolique, ces nombres peuvent s’appliquer à des crises diverses dans l’histoire du peuple de Dieu ; le premier, 1260 ou 3,5 ans, indiquant le temps de la plus profonde obscurité jusqu’à la première réapparition de la lumière, le second, 1290, marquant déjà un degré plus avancé de la délivrance ; et le troisième, 1335, signalant l’heure du complet triomphe. Ces degrés dans la victoire du principe divin peuvent se reproduire à diverses époques. Empruntés primitivement à l’histoire des Maccabées, ils peuvent indiquer aussi les phases successives de la victoire divine sur le règne de l’Antéchrist.
L’ange du Seigneur prend congé de Daniel
Et te repose : dans le tombeau.
Tu seras debout . Daniel ressuscitera avec les justes, comme il a été promis versets 2 et 3, pour recevoir sa part d’héritage quand luira le jour du parfait salut annoncé versets 2 et 3.
Appendice sur les nombres 1260, 1290 et 1335
Nous nous bornerons à donner ici quelques échantillons des explications de ces nombres qui ont été proposées par ceux qui les appliquent au pape ou à un Antéchrist encore à venir.
M. Henriquet prend comme point de départ de son calcul l’an 552 après Jésus-Christ, où fut renversé le pouvoir des Goths en Italie, ce qui rendit possible l’établissement du pouvoir temporel des papes. Les 1260 années de la prophétie (de 360 jours chacune) ne forment en réalité que 1242 de nos années ordinaires (de 365 jours chacune) ; ajoutons donc 1242 à 551, nous arrivons ainsi à la grande date de la révolution française, 1793, si fatale au pouvoir papal. Ou bien, l’on peut partir de l’an 606, date de l’édit par lequel l’empereur Phocas reconnut le pontife romain comme chef de l’Église universelle, et l’on arrive, en ajoutant à cette date 1242 ans, à la révolution de 1848, qui porta le premier coup au pouvoir temporel des papes. Trente après (en 1878), ajoute un continuateur du même système, les Russes ébranlaient le colosse mahométan ; et il est à attendre que 45 ans plus tard (en 1923) aura lieu l’événement décisif du retour du Seigneur.
Un des plus savants interprètes qui appliquent ces nombres à l’époque de l’Antéchrist final, part de l’an 636, où par la construction de la mosquée d’Omar sur l’emplacement du temple de Jérusalem, le culte mahométan fut substitué au culte juif. La période de 1260 date de cet événement et indique la durée de la dispersion des Juifs, qui devra par conséquent prendre fin en 1896, par le retour des Juifs dans leur patrie. Trente ans plus tard, en 1926, les Juifs se convertiront, et 45 ans après, en 1974, aurait lieu le retour du Seigneur. Mais l’auteur prolonge cette phase jusqu’en 2000.
On discerne aisément le procédé qui est à la base de tous ces systèmes. On choisit, comme point de départ ou d’arrivée, un événement important quelconque en vue duquel il n’y a plus qu’à chercher, par un simple calcul d’addition ou de soustraction, un événement correspondant, antérieur ou subséquent, qui ne saurait manquer dans le vaste champ de l’histoire.
Conclusion
Daniel 1 Le personnage appelé Daniel
Des hommes dont le nom fait autorité ont contesté l’existence d’un prophète Daniel, prétendant qu’il s’agissait ici uniquement d’un personnage fictif imaginé pour lui attribuer l’écrit qui porte son nom. Cette supposition rencontre un obstacle invincible dans les deux passages d’Ézéchiel, Ézéchiel 14.14 ; Ézéchiel 14.20 , et Ézéchiel 28.3 , où Daniel est présenté par ce prophète comme un exemple de fidèle intercession et comme le type de la sagesse accomplie.
Daniel 2 Le livre de Daniel
Ce livre est un recueil de morceaux distincts dont les uns sont historiques, les autres prophétiques. S’ils portent le nom de Daniel, c’est que ce personnage en est le héros principal. Ce titre n’a pas plus l’intention d’indiquer que Daniel en est l’auteur que ce n’est le cas pour le livre de Job et pour ceux de Samuel. Les en-tête des chapitres 7 et 10 distinguent expressément le collecteur des fragments dont se compose le livre d’avec Daniel lui-même.
Daniel 3 La langue du livre
Cet écrit présente un phénomène étrange et qui n’a pas encore trouvé d’explication suffisante, celui des deux langues (hébraïque et araméenne) qui ont servi à sa rédaction. On a supposé que l’auteur avait employé l’araméen pour les chapitres 2 à 7, parce que ces morceaux concernent les destinées des Gentils, et qu’il se serait servi de l’hébreu dans les chapitres 1 et 8 à 12, parce qu’ils se rapportent plus particulièrement au peuple juif. Cette explication ingénieuse ne peut rendre compte de l’emploi de l’hébreu pour les quatre premiers versets du chapitre 2.
On pourrait supposer que l’original était araméen et que le commencement et la fin du manuscrit ayant péri par quelque accident, comme cela se rencontre parfois dans les anciens documents, on se servit d’une traduction hébraïque déjà existante pour combler cette lacune.
Daniel 4 Les morceaux historiques
Nous avons été amenés à reconnaître dans l’auteur un homme parfaitement au fait des circonstances de l’histoire de Babylone ainsi que des mœurs et des usages des Chaldéens et des Persans. Les nouvelles découvertes faites dans ce champ de l’histoire ont résolu à peu près toutes les objections dont ces récits avaient été l’objet. Il n’est pas possible non plus de mettre les faits racontés au sujet de Nébucadnetsar, de Belsatsar et de Darius le Mède en relation avec les circonstances du temps d’Antiochus Épiphane. Il n’y a pas le moindre rapport entre le fanatisme farouche et cruel de ce dernier et les élans de présomption du premier, la légèreté du second et la bienveillante sollicitude du troisième. Le vrai but de ces récits ne peut être que celui que se proposait Dieu lui-même dans les faits ici racontés : revendiquer sa gloire, sérieusement compromise aux yeux des païens par le châtiment ignominieux de la captivité, que l’on attribuait à son impuissance de défendre son peuple. Jérémie et Ézéchiel font souvent allusion à cette opinion répandue chez les peuples témoins de la catastrophe.
Daniel 5 Les morceaux prophétiques
Il y en a quatre, réunis dans les chapitres 7 à 12, sans compter le chapitre 2 qui est parallèle au chapitre 7. Ces morceaux sont loin d’avoir les mêmes caractères. Le premier, la vision des quatre monarchies (chapitre 7, et le troisième, la prophétie des soixante-et-dix semaines d’année (chapitre 9), nous ont paru, en les étudiant de très près, ne pouvoir se prêter à aucune des interprétations qui les rapportent à la persécution des Juifs par Antiochus Épiphane. Sans méconnaître certaines difficultés encore attachées à notre explication, nous croyons avoir constaté que l’horizon embrassé par ces visions dépasse infiniment le cercle étroit dans lequel on a essayé de les renfermer. Nous nous trouvons en face d’un ensemble d’intuitions prophétiques qui doivent être rangées au nombre des plus remarquables de l’Ancien Testament et qui, au point de vue christologique, ont leur place à côté des tableaux renfermés dans le Psaume 110, dans Ésaïe chapitre 53 et dans Zacharie 6.10-13 . Il n’en est pas tout à fait ainsi des chapitres 8 et 10 à 12. La portée du premier est évidemment épuisée par le rapport à l’époque d’Épiphane. Et l’application de tout le morceau composé des trois derniers chapitres, à la lutte terrible soulevée par ce tyran, se présente à l’exégèse avec de nombreux caractères de vraisemblance. Cette dernière remarque s’applique surtout au chapitre 11. Avec ces indications si précises d’une longue série d’événements particuliers dont la plupart n’ont pour le règne de Dieu aucune importance et dont on peut suivre le fil l’histoire à la main, ce chapitre constitue un cas unique dans les pages prophétiques de l’Ancien Testament. Nous n’avons pas le droit, sans doute, de contester la possibilité d’un pareil genre de prophétie, ni non plus l’intérêt qu’une semblable prédiction pouvait avoir pour le peuple d’Israël, contemporain d’Antiochus ; cependant on ne peut s’étonner qu’en étudiant ce chapitre avec le commentaire de l’histoire, plusieurs interprètes dont la foi à la révélation n’est pas douteuse, n’aient pu l’envisager que comme une intercalation postérieure. De là à mettre en doute la composition par le prophète Daniel des chapitres 10 et 12 qui sont si étroitement liés au 11, l’un comme préambule, l’autre comme clôture, il n’y avait qu’un pas ; plusieurs l’ont franchi et ont été conduits à porter le même jugement sur le chapitre 8, qui se rapporte aussi tout entier à l’époque d’Antiochus Épiphane. Enfin, un grand nombre des critiques actuels en sont venus à mettre en suspicion le livre entier de Daniel. En présence de cette divergence d’appréciations, nous constatons que personne n’a réussi jusqu’ici à résoudre d’une manière pleinement satisfaisante les énigmes que soulève la composition de ce livre. Ceux-là même qui en ont rejeté le plus décidément l’authenticité, se retrouvent pourtant en face de problèmes non résolus. Si les parties qui se rapportent le plus certainement ou avec le plus de vraisemblance à la lutte des Juifs contre Antiochus, ont été composées à l’occasion de cette persécution, elles doivent l’avoir été dans le but d’encourager les Israélites à résister hardiment au tyran, en comptant sur le secours de Dieu. Mais à quel moment ces morceaux ont-ils pu être écrits ? Avant les victoires des Juifs sur les Syriens ? Mais comment l’auteur aurait-il pu indiquer à l’avance, et même par des chiffres précis, les phases et le terme de la lutte non terminée, et particulièrement un événement comme la mort du persécuteur ? Ou, s’il a écrit après cette mort et les grandes victoires qui l’ont suivie, à quoi pouvaient servir encore ces encouragements donnés au peuple en vue de la lutte ? Et lorsqu’il voyait la crise terminée et la marche naturelle des choses reprendre son cours, comment pouvait-il placer la résurrection des morts et le jugement dernier immédiatement après cette grande victoire ? On voit qu’il ne suffit pas de parler d’inauthenticité pour écarter toutes les difficultés.
Mais, laissant la question si contestée des parties applicables à l’époque d’Antiochus, nous nous trouvons en face des deux chapitres étonnants qui se rapportent aux quatre monarchies (chapitre 7 ; comparez avec le chapitre 2) et aux septante semaines d’années (chapitre 9). Nous croyons avoir constaté positivement l’impossibilité d’en donner une explication satisfaisante en les appliquant aux circonstances de l’époque des Maccabées, et y avoir trouvé les preuves d’une vue prophétique qui dépasse de beaucoup cette lutte. S’il en est réellement ainsi ne fût-ce que de ces parties, le livre de Daniel est bien un écrit prophétique et un écrit de la plus haute importance. Ce résultat doit nous suffire ; les autres questions ne sont que secondaires, et nous devons nous borner à les remettre à l’appréciation des lecteurs, après avoir cherché à leur fournir, par une exégèse consciencieuse, les éléments d’une solution propre à répondre à leurs besoins. Nous croyons, en nous arrêtant là, rester fidèles au programme par lequel nous avions défini notre tâche en entreprenant ce travail.
Daniel 6 Les principales intuitions propres au livre de Daniel
On l’a dit avec raison : Daniel n’a pas été le pasteur de son peuple, comme Ésaïe, Jérémie ou Ézéchiel, mais un homme d’État qui a embrassé du regard les choses du dehors.
Jusqu’à lui, les prophètes s’étaient préoccupés sans doute des relations d’Israël avec les grandes puissances qui existaient de leur temps. Mais aux regards de Daniel la puissance terrestre se présente dans son unité , comme un tout opposé à un autre tout, le règne de Dieu. C’est surtout dans la vision de la statue, au chapitre 2, qu’apparaît cette vue nouvelle. Nous la retrouvons au chapitre 7, où les quatre bêtes qui sortent de la mer forment en quelque sorte ensemble un même organisme. Seulement, dans ce second tableau ressort un autre trait, également particulier au prophète : il contemple toute la série des empires divers dans lesquels doit se concentrer successivement le pouvoir terrestre jusqu’à sa chute finale. Ces formes sont au nombre de quatre ; la première, appartenant déjà au passé, pour Daniel ; la seconde, faisant son apparition sous ses yeux ; la troisième, représentant l’avenir prochain ; la quatrième, enfin, destinée à consommer ce vaste développement et à y mettre fin par sa chute. Quand celle-ci tombera, ce ne sera pas une puissance opposée à Dieu qui tombera, comme lorsque succombèrent les Assyriens ou les Chaldéens ; ce sera la puissance elle-même qui disparaîtra pour faire place au règne de Dieu.
Enfin, un troisième trait propre à Daniel, dans cette vaste conception, c’est la concentration finale du pouvoir terrestre dans la personne d’un souverain hostile à Dieu plus qu’aucun autre et dans lequel le péché inhérent à l’humanité fera sa plus terrible explosion. Ce roi est présenté sous l’image d’une petite corne, s’élevant du quatrième empire et attirant à elle, en quelque sorte, tout le venin maladif de l’humanité déchue.
À ce grand tout hostile au règne de Dieu est opposé le règne de Dieu lui-même.
Celui-ci est représenté par un peuple petit et dénué de toute force charnelle, le peuple des saints ; mais par sa sainteté même il est une force et il agit comme un élément de dissolution au sein de la domination terrestre qui travaille en vain à se l’assimiler. Tandis que les autres peuples, comme États constitués, sont représentés sous la figure de bêtes féroces, ayant chacune son caractère de bestialité particulier, ce peuple unique a pour représentant un personnage revêtu de la figure humaine , ce qui indique clairement le caractère tout différent de son pouvoir. La force brutale, qui est l’arme des pouvoirs terrestres, fait place sous sa domination au respect de l’homme et à la charité.
Mais si ce souverain est homme par son mode d’être et par son caractère, il est en même temps un être céleste par son origine ; il apparaît venant sur les nuées du ciel. Le dernier empire, qui avait absorbé les trois autres, croule à son apparition, et en sa personne le peuple des saints reçoit la domination éternelle. Le règne de Dieu a désormais pris la place de la puissance terrestre.
Sans doute, beaucoup de traits de ces deux tableaux se trouvaient déjà chez les prophètes antérieurs ; mais cette lutte grandiose entre le pouvoir terrestre et le pouvoir divin, qui est l’âme de l’histoire, n’avait été contemplée aussi clairement par aucun regard humain avant Daniel.
Un trait plus particulier de sa prophétie, c’est que, dans ce drame, il fait, beaucoup plus que les prophètes antérieurs, intervenir comme acteurs les esprits célestes . Les anges prennent, comme patrons, une part active à la conduite des différents peuples qui s’agitent sur la scène du monde. Mais, chose étonnante et qui prouve l’indépendance du prophète relativement aux idées religieuses des peuples de l’Orient au milieu desquels il écrivait, les mauvais esprits, qui occupent une si grande place dans la religion babylonienne, et le personnage de Satan, que tant de savants font dériver de la religion persane, ne paraissent pas dans notre livre et ne jouent aucun rôle dans ce drame où il eût été si facile de leur faire une place.
Relevons enfin une notion qui apparaît pour la première fois dans ce livre, Ésaïe avait parlé de la résurrection des Israélites, victimes de la cruauté des païens, afin qu’ils pussent prendre part au règne de Dieu. Daniel contemple en esprit, non seulement la résurrection des Israélites fidèles qui doivent entrer dans la gloire, mais aussi celle des Israélites apostats qui ont mérité d’être livrés à un opprobre éternel. Ce n’est cependant pas encore la résurrection universelle des justes et des injustes qu’enseigne le Nouveau Testament. La prophétie de Daniel ne s’applique qu’au peuple qui avait reçu la révélation divine, au peuple juif ; mais le principe est posé, et dès que la révélation se sera étendue à l’humanité tout entière, la notion de la résurrection universelle, tant des justes que des injustes, remplacera la notion plus restreinte proclamée pour la première fois par le livre de Daniel.
Au moment où finissait l’époque durant laquelle Dieu avait accordé des prophètes à Israël, et quand le peuple allait se trouver livré à lui-même dans le labyrinthe de l’histoire, Dieu mit en ses mains, comme un fil conducteur, la prophétie de Daniel. En ce point comme en tant d’autres, ce livre ressemble à l’Apocalypse de Jean, qui fut accordée à l’Église au moment où le dernier des apôtres allait lui être retiré et où elle devait s’avancer sans appui humain au travers des grandes luttes qui se préparaient pour elle. Ces deux livres rappellent d’une manière ineffaçable à Israël et à l’Église que l’œil d’un guide invisible veille sur leur marche.
Daniel 7 L’influence du livre de Daniel
En méditant sur ces vues si vastes et si imposantes du livre que nous avons étudié, on comprendra l’impression profonde qu’a produite cet écrit sur l’imagination populaire, et l’on s’expliquera aisément les interpolations que l’on a cherché de fort bonne heure à y introduire. Déjà dans la traduction grecque de l’Ancien Testament qui fut publiée à Alexandrie et que l’on appelle la Version des Septante , nous trouvons un grand nombre de morceaux qui ne se lisent pas dans le texte hébreu et araméen, et qui sont évidemment des additions postérieures : ainsi l’histoire de Susanne et celle de Bel et du Dragon, placées, l’une au commencement, l’autre à la fin du livre, puis la prière d’Azarias et le cantique des trois jeunes gens dans la fournaise, insérés dans le chapitre 3.
Il est facile de reconnaître dans les idées populaires des Juifs, au moment de la venue de Jésus, l’influence profonde exercée par le livre de Daniel. L’idée qu’ils se faisaient du Messie et de son règne glorieux empruntait ses plus vives couleurs aux tableaux de ce prophète.
Jésus et les apôtres eux-mêmes citent souvent son livre, soit expressément, soit tacitement. Le nom de Fils de l’homme par lequel Jésus s’est le plus volontiers désigné, est sans doute sorti des profondeurs de sa propre conscience, mais non sans allusion à Daniel 7.13 : Et voilà, venant sur les nuées, comme un fils d’homme . Ce n’est pas non plus sans l’intention de rappeler ces mots du prophète que Jésus a répondu au grand sacrificateur devant le Sanhédrin : Dès maintenant vous verrez le Fils de l’homme assis à la droite de la puissance, et venant sur les nuées du ciel (Matthieu 26.64 ). La citation expresse Matthieu 24.15 nous reporte à Daniel 9.27 (Daniel 11.31 ). Le tableau de l’Homme de péché (2 Thessaloniciens 2.1-10 ) et de la Bête (Apocalypse chapitre 13), c’est-à-dire de l’Antéchrist, repose sur celui de la petite corne, Daniel 7.8 ; Daniel 7.24 ; Daniel 7.25 ; Daniel 8.9 . Mais il est à remarquer que les morceaux qui sont directement cités dans le Nouveau Testament, sont précisément tirés des chapitres 7 et 9 dont la composition par Daniel lui-même nous a paru le moins contestable.